L’imprégnation toxique sur le fœtus
La principale préoccupation concerne l’exposition pendant la période périnatale, soit les 1 000 premiers jours du fœtus après la conception. Un « volet périnatal » est compris dans le programme national de biosurveillance en France. En 2018, une nouvelle évaluation de l’imprégnation des femmes enceintes par le plomb est ainsi publiée. Celle-ci inclut également l’étude pour quelques polluants organiques ainsi que pour douze autres métaux ou métalloïdes.
Dans cette étude, 1 968 échantillons de sang du cordon ombilical ont été prélevés sur des femmes qui venaient d’accoucher. Elles faisaient partie de la « Cohorte Elfe ». Ce groupe était exclusivement composé de femmes ayant accouché en France en 2011, à l’exception des territoires d’outre-mer et de la Corse.
D’après les résultats, la moyenne géométrique du plomb dans le sang de cordon était de 8,30 µg/l. Une légère diminution par rapport aux précédentes études menées en France et à l’étranger est ainsi constatée. Dans les années quatre-vingt-dix, l’essence plombée a été interdite, ce qui explique cette évolution positive dans les résultats. Néanmoins, dans 1 % des cas, la concentration dépassait les 50 µg/l. Une corrélation a été établie entre une plombémie élevée du cordon et certains facteurs comme la consommation importante de coquillages et crustacés, de légumes, de pain, d’eau du robinet, d’alcool et de tabac. Le pays de naissance de la mère a également été identifié comme ayant une influence aggravante dans certains cas. En revanche, les mères ayant consommé davantage de produits laitiers pendant la grossesse présentaient des niveaux de plombémie plus bas dans le cordon.
Un danger accru pour les enfants, les femmes et les personnes âgées
L’eau, l’air et les aliments constituent les principales voies de transport du plomb dans l’environnement. L’inhalation, que ce soit sous forme de poussière ou de vapeur, ainsi que l’ingestion de cet élément ou de certains de ses composés suivis de leur assimilation par l’organisme présente un risque d’intoxication. De plus, une exposition à ce métal peut se produire par passage percutané. Les groupes les plus vulnérables face à l’intoxication à cet élément sont les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées.
Les enfants
Les enfants sont particulièrement vulnérables à l’intoxication au Pb. En effet, leur organisme a une capacité d’absorption comparativement plus élevée que celle des adultes. En effet, leur squelette ainsi que leur système nerveux sont encore en formation et en constant développement. De plus, leur absorption digestive est trois fois supérieure à celle des adultes.
Il est à relever que l’intoxication chez l’enfant n’est accompagnée d’aucune manifestation extérieure. Les effets indésirables se révèlent pendant la scolarisation : l’anémie, la perte auditive, la diminution du quotient intellectuel, les problèmes rénaux, les troubles du comportement… Les enfants qui jouent au sol et qui sont en contact fréquent avec des poussières, des écailles de peinture ou des objets contenant du Pb courent un risque accru d’intoxication au plomb. Leur habitude à porter leurs doigts ou des objets à la bouche les expose à la contamination par des microparticules de l’élément 82. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’ils avalent, sucent ou manipulent des objets créés ou peints à partir de ce métal. Par ailleurs, les enfants se font parfois les dents sur les rebords de châssis de fenêtre, lesquels peuvent avoir été peints au plomb.
Les femmes enceintes et les personnes âgées
L’embryon et le fœtus sont vulnérables aux effets nocifs du plomb, le placenta ne représente pas une protection suffisante. Même de faibles doses d’exposition pendant la période fœtale peuvent avoir des conséquences graves à long terme telles que des retards mentaux significatifs.
L’efficacité de l’organisme à éliminer l’élément 82 diminue au fur et à mesure que les individus vieillissent. Ce cas est particulièrement notable chez les personnes âgées. De plus, chez celles souffrant d’ostéoporose, le plomb précédemment stocké quitte les os et pénètre dans le sang. Par conséquent, il recontamine l’organisme via la circulation sanguine.
Reprotoxicité
Diverses campagnes d’observation de la population dans sa globalité ont démontré un autre effet de l’exposition au plomb sur la fertilité masculine. En effet, elle provoque une dégradation générale de la production moyenne de spermatozoïdes et a un impact sur la motilité du sperme.
En 2003, une étude européenne conclut qu’une contamination au Pb inférieure à environ 450 µg par litre de sang ne devrait pas entraîner de difficulté inhabituelle à concevoir un enfant. Au-delà de ce seuil, il existe une corrélation linéaire entre l’exposition au plomb et le délai nécessaire pour parvenir à une conception.
Concrètement, l’élément 82 altère la forme du spermatozoïde. Il affecte de même la condensation de la chromatine de son noyau, ce qui peut être dû à une compétition avec le zinc. Ce dernier est en effet essentiel pour la compaction de l’ADN qui est assurée par les protamines riches en cystéine. Cela entraîne alors une diminution de la fertilité du sperme et une possible détérioration de son ADN.
En outre, l’exposition au plomb peut induire une peroxydation lipidique, un processus qui affecte la libération de malondialdéhyde dans le liquide séminal. Cette substance est capable à son tour d’altérer la motilité des spermatozoïdes. Toutefois, cette problématique n’est pas prise en compte dans les tableaux de maladies professionnelles en France.
Une enquête SUMER (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) révèle qu’une exposition continue à cet élément chimique a toujours lieu chez de nombreux travailleurs, notamment dans le secteur de la construction. La proportion d’employés qui y sont exposés est de 2 %, ce qui équivaut à environ 25 000 individus, avec une prédominance de 85 % d’hommes. Bien que 82 % des cas présentent des intoxications mineures, il convient de souligner que le Pb reste toxique pour les spermatozoïdes, même à faible dose.
Les mesures sur la tolérance au plomb
Autrefois, des valeurs de tolérance au Pb ont été fixées. Toutefois, elles n’ont plus lieu d’être, car cet élément est effectivement toxique, quelles que soient les quantités. Il n’existe dès lors aucune valeur particulière, surtout pour les trois catégories de personnes précédemment mentionnées. Malgré cela, les toxicologues font encore référence à différentes mesures telles que :
- la « Dose limite annuelle » (DLA),
- la « Dose hebdomadaire tolérable provisoire » (DHTP),
- la « Dose hebdomadaire tolérable » (DHT),
- la « Dose journalière tolérable » (DJT),
- la « Dose journalière admissible » (DJA).
La norme dans l’alimentation
Auparavant, en France (avant 2006), la DHT pour l’élément 82 dans l’alimentation était temporairement fixée à 1 500 µg par semaine. Dans le cadre de l’Union européenne, des limites maximales de plomb (exprimées en mg/kg) ont été établies sur les poids frais de viandes. Celles-ci sont de 1,5 pour les mollusques bivalves, 1 pour les céphalopodes, 0,5 pour les crustacés et 0,3 pour la chair de poisson.
Depuis 2006, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a réduit la DHT pour le Pb à 25 µg/kg de poids, ce qui équivaut à une DJT de 3,6 µg/kg pc/j. Cela implique que même le plus minuscule plomb de pêche disponible sur le marché renferme une quantité considérable de métal toxique. Cette présence est constatée lorsque ce métal est ingéré sous une forme bioassimilable.
La norme dans l’eau potable
En France, la limite réglementaire pour la concentration de Pb dans l’eau potable était de 50 µg/l jusqu’en décembre 2003. Elle a ensuite été réduite à 25 µg/l, puis à 10 µg/l en décembre 2013.
Au Canada, cette limite est de 10 µg/l depuis 2001. La concentration maximale acceptable (CMA) pour le plomb total dans l’eau potable est de 5 µg/l. Elle est calculée dans un échantillon d’eau recueilli au robinet suivant un protocole spécifique au type de bâtiment. Afin de maintenir les concentrations dans l’eau potable aussi basse que possible, toutes les mesures nécessaires doivent être prises dans la limite de ce qui est raisonnablement atteignable. Il s’agit là du principe ALARA, qui signifie en anglais « As Low As Reasonably Achievable ».
La norme dans le domaine de la santé
Aux États-Unis, la Consumer Product Safety Commission (CPSC) a établi une norme pour l’assimilation de plomb. Une visite de contrôle est ainsi requise à partir de 175 mg/j.
Révision de la DHTP pour l’élément 82 : constatations et recommandations de l’OMS
En 2011, le Comité de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé) chargé de la révision de la DHTP de 25 μg/kg de poids corporel précédemment établie par lui-même constate que ce seuil est devenu caduc. Cette conclusion a été tirée suite à l’analyse des effets dose-réponse du plomb dans l’alimentation.
En effet, ce seuil était clairement associé à une augmentation de la pression artérielle systolique d’environ 3 mmHg (0,4 kPa) chez les adultes. De plus, il était lié à une diminution d’au moins trois points de QI chez les enfants. Ces changements sont significatifs lorsqu’on les considère comme des variations de la pression artérielle ou dans la distribution du QI au sein d’une population. Par conséquent, le Comité a conclu que la DHTP ne fournissait plus une protection adéquate pour la santé et a été retirée. Il recommande aussi une évaluation plus approfondie de l’exposition à d’autres sources de Pb en dehors de l’alimentation.
En 2010, selon les conclusions du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), il est établi qu’il existe des preuves solides indiquant que les composés de plomb inorganiques ont la capacité de causer le cancer. Celles-ci sont basées sur des recherches menées sur des animaux de laboratoire qui ont montré une augmentation significative des tumeurs cérébrales et rénales.
En revanche, les preuves de la cancérogénicité des composés organochlorés sont jugées insuffisantes. D’après les études sur l’inhibition de la réparation de l’ADN ou acide désoxyribonucléique ainsi que la génotoxicité, il semble que le mode d’action responsable de la cancérogénicité de cette substance ne soit pas directement lié à une réactivité avec l’ADN.
L’élément 82 dans les jouets : une tragédie révélatrice en 2006
La problématique de ce métal dans les jouets a été mise en lumière en 2006. Elle fait suite au tragique décès d’un enfant de quatre ans aux États-Unis causé par une intoxication à cet élément. L’autopsie a révélé la présence d’un pendentif en forme de cœur dans l’abdomen de l’enfant et que celui-ci contenait une concentration de plomb de 99,1 %.
Depuis lors, une prise de conscience s’est manifestée dans les pays développés. Des initiatives telles que l’association « Kids in Danger » aux États-Unis ont émergé. Des révisions législatives ont été entreprises au Québec et en France, entre autres. De nombreuses études et analyses ont été réalisées. Elles ont révélé la présence de nouveaux composés nocifs dans les jouets (tels que l’arsenic et les phtalates), bien que les cas demeurent moins fréquents.
Depuis 2007, les cas de rappels massifs de jouets rapportés par les médias ont augmenté. Des géants de l’industrie tels que Mattel, dont plusieurs jouets ont été rappelés cette année-là, ont été confrontés à de graves problèmes liés à des jouets contaminés par du plomb. En conséquence, l’industrie du jouet a été particulièrement touchée en 2007, avec des pertes estimées à 22 000 000 $. Sur 81 jouets rappelés, la moitié concernait 6 000 000 de jouets comportant de la peinture à base de plomb dépassant les limites autorisées.
Par ailleurs, le problème est en partie dû au fait que de grandes entreprises comme Mattel externalisent leur production en Thaïlande et en Chine. La réglementation et le contrôle des produits finis y sont moins rigoureux. Le personnel et le budget manquent au sein de ces sociétés de production, sans parler du faible nombre de mesures de dépistage mises en place.
À noter que les enfants des pays en développement sont particulièrement touchés par un niveau élevé de Pb.
Dépistage du saturnisme
Le dépistage constitue la première étape pour prévenir l’intoxication au plomb. La plombémie est généralement évaluée à l’aide d’une méthode relativement simple et peu invasive. Chez un enfant, une seule petite piqûre au niveau du doigt est nécessaire afin de prélever un échantillon de sang. Le résultat est ensuite exprimé en microgrammes par litre (µg/L). Les plombémies observées chez les enfants se situent dans une fourchette allant de 5 à 1 400 parties par million (ppm).
Pour un adulte, une concentration sanguine de plomb est considérée comme étant dans les limites de la normale lorsqu’elle est inférieure à 0,4 ppm. Toutefois, la plomburie ou l’indice de la quantité de l’élément 82 excrétée dans l’urine doit être en dessous de 0,08 ppm.
Méthodes de mesure alternatives
D’autres méthodes de mesure sont disponibles, en particulier dans les pays en développement qui sont fortement touchés par le saturnisme. Une approche courante consiste à utiliser d’autres indicateurs biologiques humains différents du sang, ce dernier ne reflète en effet que l’intoxication récente.
Les ongles, les dents de lait et les cheveux accumulent l’élément sur une période plus longue. Les cheveux peuvent présenter une concentration de plomb jusqu’à 10 fois plus élevée que celle observée dans l’urine ou le sang. En outre, il est plus pratique d’échantillonner, de conserver et de transporter des phanères tels que les cheveux et les ongles, par rapport à des échantillons liquides susceptibles de se dégrader.
La procédure de l’analyse nécessite une transformation d’un solide en un liquide, généralement par dissolution dans un acide fort sous chauffage. Le but est de permettre la destruction de toute matière organique. Dans le cas des dents, l’émail est traité avec un mélange de HCL et de glycérol. L’analyse est habituellement réalisée par absorption atomique de flamme. L’usage d’échantillons certifiés (CRM) est l’un des éléments essentiels pour valider les méthodes employées.
Un sondage est préalablement réalisé pour identifier la source de l’exposition. Par exemple, au Kenya, il a été constaté qu’un enfant vivant dans une maison avec de la peinture présentait en moyenne une concentration sanguine de Pb de 30,2 ± 2,9 µg/g. Celle d’un enfant vivant dans une maison sans peinture est de 19,8 ± 0,9 µg/g.
La nécessité d’évaluer la teneur en plomb dans diverses matrices
D’autres types de matrices nécessitent également une évaluation précise de leur teneur en plomb. Parmi ces matrices, peuvent être cités :
- l’eau ;
- les bières ;
- le vin ;
- les fromages ;
- les fruits ;
- les légumes ;
- les jus de fruits ;
- les poissons ;
- les crustacés ;
- les viandes ;
- les champignons ;
- le lait ;
- etc.
En pratique, les analyses peuvent parfois être complexes. Elles impliquent des réactions de coprécipitation ou de dérivation afin de pouvoir travailler avec ce type de matrices.
Possibles innovations dans les méthodes d’analyse
Des innovations dans les méthodes d’analyse pourraient voir le jour, grâce à l’application de la spectrométrie de fluorescence des rayons X par exemple. Des dispositifs portables tels que des pistolets de fluorescence à rayons X offrent l’occasion d’effectuer un diagnostic initial sur le terrain. En pointant simplement le pistolet vers un jouet, il est possible d’obtenir une mesure instantanée de la présence de plomb à sa surface ou sous cette dernière. Toutefois, ces dispositifs restent coûteux, environ 30 000 $ pour un analyseur portable.
Par ailleurs, la recherche sur les animaux tels que les rats et les souris se poursuit afin d’approfondir notamment la compréhension de l’impact de la présence du Pb dans les jouets. L’objectif est d’évaluer de manière plus précise les conséquences sur le développement psychologique, le comportement et la physiologie des enfants.
Méthodes de traitement des eaux contaminées avec du plomb
Diverses méthodes ont été mises au point ou sont en cours de développement pour traiter les eaux contaminées. L’une d’entre elles est l’utilisation de membranes composées de matériaux spécifiques. Ces membranes, après une série de réactions avec le Pb en solution, sont capables de capturer entièrement cet élément en environ une heure.
Prévention et traitement
Désormais, les hôpitaux proposent aux parents des brochures informatives. Ces établissements encouragent ainsi les familles à effectuer des visites de dépistage du Pb. Ils mettent l’accent sur les résidents des zones présentant un risque élevé tels que les vieux bâtiments ou les zones à proximité d’usines.
Ces brochures fournissent également des explications sur les sources d’intoxication et les dangers associés, ainsi que des conseils pour y remédier. Elles recommandent une alimentation comprenant des aliments riches en fer (comme les haricots et les épinards) et en calcium (comme le fromage et le lait).
Si un enfant est intoxiqué, il est possible de réduire son taux de plomb dans le sang. Des méthodes telles que l’utilisation d’agents complexes comme l’EDTA ou les lavages gastriques peuvent être employées à cette fin. Cependant, ces techniques ne permettent pas d’éliminer tous les effets négatifs de cet élément dans l’organisme, mais seulement de diminuer sa présence.