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Thallium

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Caractéristiques du Thallium

  • Symbole : Tl
  • Masse atomique : 204,383 3 ± 0,000 2 u
  • NumĂ©ro CAS : 7440-28-0
  • Configuration Ă©lectronique : [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p1
  • NumĂ©ro atomique : 81
  • Groupe : 13
  • Bloc : Bloc p
  • Famille d’Ă©lĂ©ments : MĂ©tal pauvre
  • ÉlectronĂ©gativitĂ© : 1,62
  • Point de fusion : 304 °C

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Le thallium, élément atomique n°81 de symbole Tl : son histoire, ses caractéristiques, sa production, ses utilisations, sa toxicité et sa réglementation.

Le thallium est un Ă©lĂ©ment chimique du groupe 13 du tableau pĂ©riodique reprĂ©sentĂ© par le symbole Tl et le numĂ©ro atomique 81. Il s’agit d’un mĂ©tal mou, gris-blanc, appartenant Ă  la famille des mĂ©taux pauvres. Il est considĂ©rĂ© comme « non essentiel », car il n’a pas de rĂŽle biologique connu. Cependant, il possĂšde une toxicitĂ© Ă©levĂ©e, dĂ©passant mĂȘme celle du mercure (Hg), du plomb (Pb) et du cadmium (Cd). Dans la nature, le thallium se trouve principalement sous forme de sulfures et de silicates, prĂ©sents dans certaines roches volcaniques. Lorsque les roches-mĂšres subissent une altĂ©ration, l’élĂ©ment chimique 81 devient assez mobile. De mĂȘme, son taux de biodisponibilitĂ© dans diffĂ©rents milieux, tels que l’eau, les sols, les sĂ©diments et les argiles souterraines, augmente considĂ©rablement. Par ailleurs, il convient de noter que les minerais sulfurĂ©s d’autres mĂ©taux comme le fer, le zinc ou le plomb peuvent Ă©galement contenir du thallium.

Généralités

Comme l’élĂ©ment chimique 81 Ă©tait autrefois essentiellement emprisonnĂ© dans les roches profondes, il Ă©tait rare dans la biosphĂšre. Cependant, depuis le dĂ©but de l’ùre industrielle (aux alentours du XVIIIe siĂšcle), il s’est rĂ©pandu de maniĂšre significative dans l’environnement Ă  cause de l’activitĂ© humaine. Ses principales caractĂ©ristiques rĂ©sident dans sa gĂ©odisponibilitĂ©, sa mobilitĂ©, sa capacitĂ© Ă  se disperser et sa bioaccessibilitĂ©. De mĂȘme, le thallium est connu pour sa grande biodisponibilitĂ© ainsi que sa toxicitĂ© pour les plantes et les animaux. Depuis quelques dĂ©cennies, il est considĂ©rĂ© comme un polluant Ă©mergent persistant, suscitant la prĂ©occupation de nombreux chercheurs du monde entier. Il se trouve dans l’eau, l’air, les sols, les Ă©cosystĂšmes et les aliments incluant les fruits, les lĂ©gumes ainsi que les produits d’origine animale.

En ce qui concerne le nombre d’oxydation du thallium, ils est de I et de III. Plusieurs de ses sels tels que les acĂ©tates et les nitrates sont extrĂȘmement solubles dans l’eau. Ils ont Ă©galement la capacitĂ© de s’accumuler dans les organismes vivants. De plus, ils se montrent particuliĂšrement rĂ©actifs lorsqu’ils sont exposĂ©s Ă  l’humiditĂ© de l’air ou du sol. Dans des conditions ambiantes, ils sont en mesure de libĂ©rer deux types d’ions Tl. Le premier est l’ion thalleux monovalent prĂ©sentant une toxicitĂ© Ă©levĂ©e, et le second est l’ion thallique trivalent, moins nocif.

Aujourd’hui, de plus en plus de pays classent l’élĂ©ment chimique 81 comme « polluant prioritaire ». DiffĂ©rents organismes tels que l’Environmental Protection Agency aux États-Unis et la directive-cadre europĂ©enne sur l’eau le considĂšrent aussi comme tel. De nombreux scientifiques rĂ©clament un renforcement de la surveillance de ce mĂ©tal hautement toxique tant dans l’environnement que dans la chaĂźne alimentaire. Comme sa prĂ©sence dans la biosphĂšre ne cesse de croĂźtre, il est essentiel pour les gouvernements de prendre rapidement des mesures appropriĂ©es.

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Histoire du thallium

Le chimiste et physicien William Crookes dĂ©couvrit le thallium en mars 1861 en Angleterre. Il cherchait du tellure dans des dĂ©pĂŽts prĂ©levĂ©s dans les conduits d’évacuation des fumĂ©es d’un four oĂč du minerai de sĂ©lĂ©nium avait Ă©tĂ© grillĂ©. En se servant d’un spectroscope, il observa une ligne verte jusqu’alors inconnue, ayant une longueur d’onde de 535 nm. Il l’attribua Ă  un nouvel Ă©lĂ©ment qu’il dĂ©cida d’appeler « thallium » en raison de sa similitude avec la couleur d’une jeune vĂ©gĂ©tation. En effet, ce terme est dĂ©rivĂ© du grec ancien « thallos » qui signifie « bourgeon » ou « brindille en herbe ».

Initialement, Crookes a classĂ© le Tl dans le groupe du soufre 3. En 1862 et 1863, il a entrepris des Ă©tudes approfondies sur ses propriĂ©tĂ©s physicochimiques. Un autre chimiste dĂ©nommĂ© Claude-Auguste Lamy a Ă©galement rĂ©alisĂ© des recherches similaires et a Ă©tĂ© le premier Ă  l’isoler en 1862 Ă  Lille. Il a procĂ©dĂ© Ă  l’isolation Ă  partir de boues provenant des chambres de plomb d’une usine belge spĂ©cialisĂ©e dans la production d’acide sulfurique. Ses travaux ont aussi permis de confirmer la nature mĂ©tallique du thallium.

Controverses sur la toxicité du thallium

Pendant qu’il Ă©tudiait ce nouvel Ă©lĂ©ment, Claude-Auguste Lamy avait ressenti des douleurs au niveau de ses jambes. Ces sensations l’ont amenĂ© Ă  tester la toxicitĂ© du sulfate de Tl. Pour ce faire, il l’a administrĂ© Ă  des chiens, des canards et des poules qui ont tous succombĂ© en quelques jours. Avant leur mort, ceux-ci prĂ©sentaient des troubles intestinaux et respiratoires, une paralysie pĂ©riphĂ©rique ainsi qu’une faiblesse gĂ©nĂ©rale.

De son cĂŽtĂ©, William Crookes remettait en question la toxicitĂ© du nouvel Ă©lĂ©ment. Il affirmait avoir consommĂ© plusieurs grains d’un composĂ© de thallium sans en souffrir. Cependant, en France, deux autres chercheurs, Paulet en 1863, puis Louis Grandeau l’annĂ©e suivante, ont confirmĂ© l’extrĂȘme toxicitĂ© du mĂ©tal. Leurs expĂ©riences ont dĂ©montrĂ© que celle-ci Ă©tait mĂȘme supĂ©rieure Ă  celle du plomb.

L’élĂ©ment chimique 81 n’a acquis de valeur qu’au cours du XXe siĂšcle, plus prĂ©cisĂ©ment dans les annĂ©es 1920. Pendant cette pĂ©riode, il servait Ă  fabriquer des poisons et des pesticides qui avaient connu une importante commercialisation. Par la suite, ces produits avaient progressivement Ă©tĂ© abandonnĂ©s. Toutefois, l’élĂ©ment chimique a rapidement trouvĂ© de nouvelles applications dans le domaine de la technologie de pointe.

NĂ©gligence de l’impact environnemental du thallium

Le thallium Ă©tait dĂ©jĂ  reconnu comme Ă©tant le mĂ©tal lourd le plus toxique. NĂ©anmoins, pendant plusieurs dĂ©cennies, son impact environnemental a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ© par les chercheurs. L’élĂ©ment n’a suscitĂ© que peu d’intĂ©rĂȘt vis-Ă -vis des prĂ©occupations relatives Ă  l’eau potable, Ă  l’agriculture et Ă  l’alimentation. Par exemple, en France, il a fallu attendre le PNSE III (2018-2019) et les inquiĂ©tudes soulevĂ©es par un rapport pour que des analyses soient effectuĂ©es. Celles-ci ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es via des prĂ©lĂšvements d’eau des dĂ©partements de l’Orne, de la Manche et du Calvados. Elles ont rĂ©vĂ©lĂ© que prĂšs de vingt captages d’eau potable de l’Orne et du Calvados prĂ©sentaient une teneur en Tl supĂ©rieure Ă  0,5 ÎŒg par litre.

Ces nappes phrĂ©atiques se trouvent dans une rĂ©gion oĂč les couches gĂ©ologiques du Bajocien-bathonien et le socle dans les dĂ©partements concernĂ©s se rencontrent. Il s’agit d’une zone naturellement riche en thallium. Pour se conformer aux normes rĂ©glementaires, les opĂ©rateurs de captage doivent souvent diluer l’eau contaminĂ©e avec de l’eau propre selon des proportions appropriĂ©es. À titre de prĂ©cision, les seuils appliquĂ©s Ă©taient de 0,5 ÎŒg/L pour l’eau potable.

Dans les systĂšmes de distribution d’eau, le Tl peut subir une oxydation et se fixer aux parois des rĂ©servoirs et/ou des conduites d’eau. Il est notamment susceptible de prendre une forme colloĂŻdale et de biofilm bactĂ©rien. De mĂȘme, il est possible qu’il se dĂ©pose sous forme de particules ou qu’il interagisse avec le chlore utilisĂ© pour le traitement de l’eau potable. En outre, plusieurs phĂ©nomĂšnes peuvent entraĂźner une augmentation de la concentration de thallium dans les rĂ©seaux pendant plusieurs semaines, voire des mois. Ils incluent notamment des variations de dĂ©bits d’exhaure, des incidents ou des travaux sur le rĂ©seau, des opĂ©rations de purge des systĂšmes d’extinction d’incendie, etc.

Caractéristiques notables

L’élĂ©ment chimique 81 est un mĂ©tal de couleur grise, mallĂ©able et extrĂȘmement doux au point qu’il peut ĂȘtre coupĂ© avec un couteau. Il prĂ©sente des similitudes avec l’Ă©tain et le plomb, et perd de son Ă©clat lorsqu’il est exposĂ© Ă  l’air.

Classification

Suite Ă  sa dĂ©couverte, la classification du thallium s’est avĂ©rĂ©e difficile en raison de ses propriĂ©tĂ©s divergentes dĂ©pendant de son Ă©tat d’oxydation. Dans le tableau pĂ©riodique des Ă©lĂ©ments, le Tl Ă  l’état pur possĂšde des caractĂ©ristiques physiques similaires au plomb. Celles-ci concernent notamment son apparence, son poids volumique, sa duretĂ©, son point de fusion et sa conductivitĂ© Ă©lectrique. Toutefois, bien que les sels de Tl(I) possĂšdent des propriĂ©tĂ©s chimiques qui rappellent celles du plomb, leur valence ainsi que d’autres spĂ©cificitĂ©s les distinguent clairement.

Par ailleurs, le Tl(I) dispose de quelques points de ressemblance avec les mĂ©taux alcalins. En effet, tel est le cas au niveau des spectres de flamme en matiĂšre de solubilitĂ© de l’hydroxyde, du sulfate et du carbonate dans l’eau. De plus, cet Ă©lĂ©ment est sujet Ă  une oxydation facile lorsqu’il est exposĂ© Ă  l’air. Il peut Ă©galement former des composĂ©s appelĂ©s « aluns de thallium ». En outre, certains de ses sels prĂ©sentent un isomorphisme avec ceux du potassium, du cĂ©sium et du rubidium. En raison de l’absence d’isomorphisme et des propriĂ©tĂ©s divergentes dans plusieurs de ses sels courants, le Tl est exclu de la famille des mĂ©taux alcalins.

Caractéristiques physiques

Le Tl(I) a un potentiel d’oxydation extrĂȘmement faible (-1,28 V) lorsqu’il se transforme en Tl(III). Quant aux halogĂ©nures de Tl(I), ils possĂšdent une Ă©nergie de rĂ©seau considĂ©rablement supĂ©rieure Ă  celle des halogĂ©nures de Tl(III).

En raison de son grand rayon ionique et de son nombre de coordinations élevé, le thallium est considéré comme un élément incompatible. Cette affirmation est basée sur les résultats de recherches du géologue Alfred A. Levinson.

En ce qui concerne sa solubilitĂ©, elle change en fonction de ses sels. L’acĂ©tate de Tl (de couleur jaune clair Ă  blanc), par exemple, se dissout facilement dans l’eau, mĂȘme Ă  basse tempĂ©rature. En revanche, le chlorure, l’iodure et l’hydroxyde de thallium sont peu ou pas du tout solubles.

Isotopes

Il existe actuellement 37 isotopes connus du thallium avec des nombres de masse allant de 176 Ă  212 et 42 isomĂšres nuclĂ©aires. Seuls deux d’entre eux sont stables : le 203Tl et le 205Tl. Ils reprĂ©sentent la totalitĂ© du thallium naturel dans un ratio de 30/70. Les autres isotopes de ce mĂ©tal sont soit radioactifs, soit prĂ©sents en traces nĂ©gligeables. La masse atomique standard attribuĂ©e Ă  cet Ă©lĂ©ment chimique est de 204,383 3(2) u.

Dérivés organométalliques

Il existe de nombreux dĂ©rivĂ©s organomĂ©talliques de l’élĂ©ment chimique 81. Dans des conditions spĂ©cifiques d’absence d’oxygĂšne (gĂ©nĂ©ralement dans les sĂ©diments), par exemple, certaines bactĂ©ries sont capables de le convertir en dimĂ©thylthallium. Avec la multiplication des zones marines mortes et l’augmentation des embĂącles de vase dans les estuaires, l’anaĂ©robiose semble devenir plus courante sur les plateaux continentaux.

Selon l’encyclopĂ©die scientifique intitulĂ©e « Van Nostrand’s Scientific Encyclopedia », le thallium ne figure pas parmi les 65 produits chimiques trouvĂ©s dans l’eau de mer. Il s’agit d’une encyclopĂ©die dont la premiĂšre Ă©dition a Ă©tĂ© publiĂ©e en 1938. Cependant, des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es en l’an 2000 ont rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de dimĂ©thylthallium dans des Ă©chantillons d’eau de mer. Les concentrations mesurĂ©es variaient de 0,5 Ă  3,2 ng/L avec une limite de dĂ©tection de 0,4 ng/L. Ces analyses ont montrĂ© que le dimĂ©thylthallium reprĂ©sentait entre 3 % et 48 % du thallium total prĂ©sent dans les Ă©chantillons.

En surface, la prĂ©sence de dimĂ©thylthallium Ă©tait Ă©troitement liĂ©e Ă  des niveaux relativement Ă©levĂ©s de chlorophylle a, un indicateur de l’activitĂ© des organismes photosynthĂ©tiques. Elle Ă©tait Ă©galement souvent associĂ©e Ă  des pics d’autres composĂ©s biomĂ©thylĂ©s tels que le sulfure de dimĂ©thyle, le monomĂ©thylcadmium et le trimĂ©thyl-plomb. Entre 40 et 200 m de profondeur, une zone de forte activitĂ© biologique, une concentration plus importante de dimĂ©thylthallium Ă©tait observĂ©e. Enfin, des quantitĂ©s significatives de celui-ci Ă©taient encore dĂ©tectĂ©es entre 1 000 et 4 000 m de fond.

La capacitĂ© d’absorption du dimĂ©thylthallium par le tractus gastro-intestinal chez le rat est infĂ©rieure Ă  celle du Tl(I) et du Tl(III). NĂ©anmoins, une fois absorbĂ©, ce composĂ© organomĂ©tallique contenant du thallium montre une rĂ©partition similaire au niveau subcellulaire, rĂ©nale et hĂ©patique.

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Abondance (en fraction atomique)

Lorsque l’abondance des Ă©lĂ©ments chimiques est reprĂ©sentĂ©e graphiquement en fonction de leur numĂ©ro atomique, le thallium se situe entre le plomb et le mercure.

Le thallium dans le fond géochimique naturel

Le thallium d’origine naturelle est prĂ©sent dans la croĂ»te terrestre. Cependant, il s’y trouve en quantitĂ©s relativement limitĂ©es. D’aprĂšs une estimation, il se situe en 60e position dans le classement des Ă©lĂ©ments les plus abondants. Pourtant, il est moins rare que le bismuth ou le plomb selon d’autres Ă©tudes.

Sa concentration moyenne dans le sous-sol varierait gĂ©nĂ©ralement entre 0,1 et 3 mg/kg. Elle serait mĂȘme de 0,71 Ă  1 mg/kg selon Wedepohl (1995). Les roches ignĂ©es prĂ©sentent une accumulation plus importante allant de 0,05 Ă  1,8 mg/kg. Quant aux roches siliciclastiques, elles affichent des valeurs encore plus Ă©levĂ©es allant de 0,4 Ă  2,0 mg/kg selon Kabata-Pendias et Pendias (2011). En ce qui concerne les roches sĂ©dimentaires argileuses, elles contiennent davantage de thallium par rapport aux roches sĂ©dimentaires sablonneuses. Les schistes argileux riches en matiĂšre organique peuvent mĂȘme atteindre une concentration de 1 000 mg/kg. En revanche, les calcaires et dolomies renferment des quantitĂ©s relativement faibles de l’élĂ©ment chimique 81 variant de 0,01 Ă  0,15 mg/kg.

La proportion du thallium d’origine naturelle semble ĂȘtre stable dans l’environnement terrestre depuis la derniĂšre grande crise d’extinction. Son cycle gĂ©ochimique naturel est principalement influencĂ© par l’érosion naturelle, le volcanisme et son absorption dans les fonds marins. En solution, une grande partie de l’élĂ©ment chimique 81 se fixe sur les minuscules feuillets d’argile. NĂ©anmoins, dans des environnements fortement oxydants, celui-ci a tendance Ă  s’accumuler dans les dĂ©pĂŽts manganifĂšres. Ces derniers pourraient contenir des rĂ©serves de minerai cumulĂ©es dĂ©passant les 30 milliards de tonnes. Dans des environnements fortement rĂ©ducteurs, une lĂ©gĂšre concentration de thallium peut ĂȘtre observĂ©e dans les schistes carbonĂ©s.

Le thallium d’origine anthropique

Depuis le dĂ©but de la rĂ©volution industrielle, une quantitĂ© croissante de thallium d’origine humaine a Ă©tĂ© introduite dans la biosphĂšre. Elle provient de diverses sources majeures telles que l’industrie mĂ©tallurgique, la production d’acide sulfurique et l’utilisation d’engrais potassique ou de dĂ©rivĂ©s de la potasse. Elle peut aussi Ă©maner de la combustion d’hydrocarbures fossiles, de bois et de charbon de bois, ainsi que de l’incinĂ©ration de dĂ©chets contenant du thallium. De plus, l’usage des cendres et des mĂąchefers comme amendement du sol, matĂ©riau de terrassement ou comblement entraĂźne la libĂ©ration de thallium dans l’environnement.

Par ailleurs, les activitĂ©s d’extraction Ă  grande Ă©chelle sont responsables de la dispersion de cet Ă©lĂ©ment chimique. Tel est notamment le cas de l’exploitation des combustibles fossiles comme le charbon, le pĂ©trole, le gaz ou les sables bitumineux et de divers minerais. Des concentrations importantes de thallium sont souvent observĂ©es dans les dĂ©charges, les rĂ©sidus miniers, les bassins de dĂ©cantation et les zones de drainage acide. Elles dĂ©passent largement les niveaux naturels. Des Ă©tudes menĂ©es par Zitko (1975), Xiao et al. (2003), Campanella et al. (2016) ainsi que Liu et al. (2019) ont confirmĂ© cette situation. Cette prĂ©sence accrue de thallium constitue une rĂ©elle menace pour les Ă©cosystĂšmes et la santĂ© humaine.

Enfin, l’érosion des sols et leur acidification sont des processus qui contribuent Ă  la dispersion de l’élĂ©ment chimique 81 dans l’environnement. Celui-ci est ensuite solubilisĂ© sous forme de cation univalent dans l’eau.

La rĂ©partition respective des sources anthropiques et naturelles de thallium dans le rĂ©seau trophique reste encore mal comprise. Elle varie gĂ©nĂ©ralement en fonction des rĂ©gions. Cependant, les scientifiques s’accordent sur le fait que les apports anthropiques diffus et chroniques sont significatifs. Ceux-ci dĂ©passent largement les niveaux de production industrielle et sont en constante augmentation. Les principales sources de cet Ă©lĂ©ment chimique sont :

  • le secteur minier et les mines abandonnĂ©es ;
  • les procĂ©dĂ©s mĂ©tallurgiques incluant la fusion de pyrites, la fusion et l’affinage des mĂ©taux ;
  • les cimenteries ;
  • les briqueteries ;
  • les tuileries ;
  • autres installations utilisant des combustibles fossiles ou produisant des cendres volantes.

Dans les sols des régions industrielles, les concentrations de thallium peuvent atteindre 73 ppm. En revanche, dans les zones non polluées, les niveaux varient généralement de 0,08 à 1,5 ppm.

Production

La production intentionnelle de thallium par l’industrie mĂ©tallurgique est relativement faible. Elle atteint environ 15 tonnes par an. La plus grande part des Ă©missions de ce mĂ©tal dans l’environnement provient d’autres activitĂ©s humaines. Elle est nettement plus Ă©levĂ©e et a Ă©tĂ© estimĂ©e entre 2 000 et 5 000 tonnes Ă  la fin du XXe siĂšcle selon Kazantzis (2000). Ces rejets involontaires reprĂ©sentent en moyenne 130 Ă  330 fois la quantitĂ© de thallium produite industriellement et mise sur le marchĂ©. Cette part ne cesse d’augmenter.

Production volontaire

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation principale de l’élĂ©ment chimique 81 Ă©tait essentiellement axĂ©e sur la production de pesticides commercialisĂ©s sous forme d’appĂąts empoisonnĂ©s.

En se basant uniquement sur cet usage spĂ©cifique qui connaissait une forte expansion Ă  l’époque, l’United States Fish and Wildlife Service a fourni une estimation. Selon cette agence fĂ©dĂ©rale, l’industrie amĂ©ricaine aurait besoin de 3 500 livres de thallium en 1942 et de 7 500 livres en 1946. Pour rĂ©pondre Ă  cette demande, une partie du mĂ©tal Ă©tait importĂ©e d’Europe, notamment de Belgique, de France, d’Allemagne et de Pologne. Le reste Ă©tait produit localement (aux États-Unis), principalement par l’American Smelting and Refining Company. Cette sociĂ©tĂ© rĂ©cupĂ©rait le thallium Ă  partir des poussiĂšres de carneau contenant du cadmium provenant de son usine Globe/ASARCO situĂ©e Ă  Denver, dans le Colorado. Celle-ci est aujourd’hui rĂ©pertoriĂ©e comme l’un des sites gravement polluĂ©s figurant dans le classement des prioritĂ©s nationales de la loi fĂ©dĂ©rale Superfund de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis.

La production de thallium a connu une augmentation significative, le rendant disponible pour d’autres utilisations. D’aprĂšs les informations fournies par Breuer (1981), les principaux pays producteurs dans les annĂ©es 1970 Ă©taient :

  • la Russie ;
  • la Belgique ;
  • la RĂ©publique fĂ©dĂ©rale d’Allemagne ;
  • les États-Unis.

La production industrielle fut relativement faible Ă  l’époque. MĂȘme dans les annĂ©es 1980, elle ne dĂ©passait pas 20 tonnes par an, selon les donnĂ©es de Zartner-Nyilas et al. D’aprĂšs les dĂ©clarations des industriels aux autoritĂ©s, elle aurait diminuĂ© pour atteindre 9 tonnes par an dans le monde en 2017. Ces donnĂ©es ont Ă©tĂ© dĂ©voilĂ©es dans un rapport publiĂ© en 2020 par les ministĂšres du gouvernement canadien « Environnement et Changement climatique Canada » et « SantĂ© Canada ».

Il convient de noter que le thallium, son minerai et ses produits sont classĂ©s comme des ressources stratĂ©giques pour la dĂ©fense et l’économie. Ils sont Ă©galement considĂ©rĂ©s comme des « produits Ă  offre limitĂ©e » d’importance stratĂ©gique. Au Canada, par exemple, vers 1980, le pays n’importait que du thallium en provenance des États-Unis. L’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH) de ce mĂ©tal est Ă©levĂ©.

Production comme dĂ©chet fatal dispersĂ© les sols, l’eau et l’air

Chaque annĂ©e, une dose croissante de thallium est libĂ©rĂ©e dans l’environnement, oĂč il s’accumule comme dĂ©chets toxiques en quantitĂ©s dispersĂ©es (DTQD) et dĂ©chet fatal.

Au début du XXe siÚcle, la production annuelle de thallium était estimée entre 2 000 et 5 000 tonnes. Cependant, elle a certainement connu une hausse considérable depuis. Nombreuses sont les raisons qui expliquent cette augmentation.

L’exploitation des carburants fossiles associĂ©e Ă  l’exposition croissante au thallium et Ă  d’autres polluants toxiques

MalgrĂ© les efforts dĂ©ployĂ©s par l’ONU et diverses collectivitĂ©s, la consommation croissante de carburants fossiles n’a cessĂ© d’augmenter. Cette situation ne concerne pas seulement le charbon. Dans les forages de gaz de schiste, par exemple, d’énormes quantitĂ©s d’eau pour la fracturation hydraulique sont rĂ©guliĂšrement injectĂ©es dans les schistes de Marcellus. Ceux-ci se situent Ă  des profondeurs allant de 4 000 Ă  8 500 pieds, sous une pression extrĂȘmement Ă©levĂ©e. Toutefois, il a Ă©tĂ© constatĂ© que l’eau de reflux qui remonte Ă  la surface est anormalement chargĂ©e de 58 composants considĂ©rĂ©s comme problĂ©matiques. Ceux-ci incluent notamment des mĂ©taux toxiques dissous et des radionuclĂ©ides.

Depuis 2014, il est Ă©tabli que le thallium en fait partie, avec des niveaux dĂ©passant au moins 10 fois les normes existantes pour l’eau potable. Dans ce contexte, la toxicitĂ© intrinsĂšque de cet Ă©lĂ©ment chimique peut ĂȘtre exacerbĂ©e par d’autres polluants comme le baryum, le benzĂšne ou le dibromochloromĂ©thane, entre autres. Ceux-ci ont Ă©galement augmentĂ© en quantitĂ©s, de l’ordre de 10 fois supĂ©rieures par rapport aux seuils pour l’eau potable. Les analyses rĂ©alisĂ©es dans cette vaste zone souterraine dĂ©montrent que les concentrations de ces produits chimiques d’origine anthropique sont Ă©troitement liĂ©es entre eux. NĂ©anmoins, elles ne reprĂ©sentent aucune corrĂ©lation avec les taux de chlorure ni avec les substances inorganiques, y compris les radionuclĂ©ides d’origine naturelle.

L’évolution de la demande en minerais contaminĂ©s par le thallium et les efforts pour gĂ©rer les dĂ©chets associĂ©s

Force est de constater que la demande de minerais contenant du thallium connaĂźt une croissance exponentielle. Cette situation est particuliĂšrement observable avec le dĂ©veloppement des vĂ©hicules Ă©lectriques et d’autres appareils nĂ©cessitant des batteries lithium-ion de qualitĂ© supĂ©rieure. Pour rĂ©pondre Ă  ce besoin, il est nĂ©cessaire d’exploiter des ressources non conventionnelles de carbonate de lithium (Li2CO3). Ce composĂ© chimique est principalement extrait du lĂ©pidolite, un type de mica qui contient une petite quantitĂ© de thallium. Or, cette opĂ©ration gĂ©nĂšre des dĂ©chets riches en gypse qui pourraient ĂȘtre utilisĂ©s pour produire du plĂątre synthĂ©tique de haute qualitĂ©. Malheureusement, ceux-ci sont fortement contaminĂ©s par des sels de thallium solubles dans l’eau (24,7 ± 0,9 mg/kg), dĂ©passant de plus de 20 fois la concentration moyenne dans le sol.

Afin de remĂ©dier Ă  la situation, des universitaires ont rĂ©cemment expĂ©rimentĂ© l’ajout de tourbe, d’argile, de biochar et de terre vĂ©gĂ©tale Ă  ces dĂ©chets. Leur but Ă©tait de neutraliser la prĂ©sence de thallium dans ces derniers. Ainsi, il sera possible de les enfouir dans d’anciennes galeries de mine ou de les utiliser comme matĂ©riau de remblai pour la rĂ©habilitation des mines.

Une mĂ©thode de traçage isotopique basĂ©e sur le rapport 87Sr/86Sr peut ĂȘtre employĂ©e pour Ă©tudier la lixiviation des dĂ©chets et des Ă©coulements associĂ©s. Les travaux de recherche ont montrĂ© que parmi les quatre matĂ©riaux ajoutĂ©s, aucun ne parvient Ă  immobiliser complĂštement et de maniĂšre durable le thallium. Cependant, l’argile et la terre vĂ©gĂ©tale semblent ĂȘtre les fixateurs les plus efficaces dans les environnements bien drainĂ©s. Quant au biochar, il prĂ©sente de bons rĂ©sultats dans les milieux peu drainĂ©s. Il peut mĂȘme immobiliser jusqu’à 95 % du thallium soluble aprĂšs une pĂ©riode de 7 jours.

La libĂ©ration de thallium lors de l’incinĂ©ration des dĂ©chets

Lors de l’incinĂ©ration des dĂ©chets mĂ©nagers et industriels, de l’élĂ©ment chimique 81 est libĂ©rĂ© dans l’atmosphĂšre. Il peut se trouver Ă  l’état gazeux ou ĂȘtre adsorbĂ© dans les rĂ©sidus de filtration des fumĂ©es, des cendres et des mĂąchefers.

Utilisations du thallium

Il est possible d’utiliser le thallium pour fabriquer des supraconducteurs, des pigments, des colorants, des Ă©lĂ©ments de feux d’artifice ainsi que de fusĂ©es de dĂ©tresse. De mĂȘme, ce mĂ©tal a de nombreux usages en biochimie et dans certains produits radiopharmaceutiques. Il agit aussi comme un traceur isotopique permettant de suivre des pollutions. Par ailleurs, il aide Ă  crĂ©er des antidĂ©tonants de carburant pour moteur Ă  explosion.

Industrie verriĂšre

Certains composĂ©s de thallium ont Ă©tĂ© employĂ©s pour augmenter l’indice de rĂ©fraction du verre utilisĂ© dans la fabrication de lentilles et de pierres prĂ©cieuses synthĂ©tiques. En association avec le soufre et l’arsenic, cet Ă©lĂ©ment chimique peut Ă©galement jouer le rĂŽle d’un agent fondant rĂ©duisant la tempĂ©rature de fusion du verre d’environ 150 °C. De plus, il trouve des applications dans la production de fibre de verre.

Métallurgie

L’incorporation de thallium Ă  certains mĂ©taux permet d’amĂ©liorer leur rĂ©sistance tant Ă  la dĂ©formation qu’à la corrosion. En outre, cet Ă©lĂ©ment chimique a Ă©tĂ© utilisĂ© pour prolonger la durĂ©e de vie des filaments de tungstĂšne dans les lampes.

Chimie et chimie de synthĂšse

Le thallium joue un rÎle important en tant que catalyseur ou « intermédiaire » dans la fabrication de produits chimiques. Il sert aussi de « sonde » nécessaire pour imiter les fonctions biologiques des ions de métaux alcalino-terreux.

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Diagnostic médical

La mĂ©thode de dosage du flux de thallium par fluorescence est appliquĂ©e afin d’évaluer l’activitĂ© de certains canaux ioniques. Elle peut, par exemple, aider Ă  Ă©tudier les fonctions et les particularitĂ©s des canaux potassiques. Le but est de dĂ©couvrir et de caractĂ©riser des modulateurs de canaux ioniques d’intĂ©rĂȘt pharmacologique.

Usage médical et dans les thermomÚtres

Dans le passĂ©, l’acĂ©tate de thallium Ă©tait utilisĂ© pour soulager les symptĂŽmes de sudation excessive chez les personnes atteintes de tuberculose. De 1918 aux annĂ©es 1950, des sels de cet Ă©lĂ©ment chimique ont Ă©galement Ă©tĂ© mis Ă  profit afin de traiter divers troubles. Ils ont notamment aidĂ© Ă  combattre les maladies sexuellement transmissibles et les infections fongiques de la peau. Par ailleurs, le mĂ©lange de mercure et de thallium forme un eutectique qui reste liquide jusqu’à une tempĂ©rature de -60 °C. Celui-ci sert de composant dans les thermomĂštres destinĂ©s aux rĂ©gions extrĂȘmement froides.

Semi-conducteurs

La General Electric Company a exploitĂ© les propriĂ©tĂ©s semi-conductrices du T12S qui voit sa rĂ©sistance Ă©lectrique diminuer en fonction de l’augmentation du rayonnement qu’il reçoit. Ainsi, le thallium joue un rĂŽle essentiel dans les cellules photoĂ©lectriques et agit comme activateur dans certains cristaux photosensibles.

Technologies de l’infrarouge

Les halogĂ©nures de thallium tels que le chlorure, le bromure et l’iodure trouvent de nombreuses applications dans les technologies de l’infrarouge. Leur transparence au rayonnement infrarouge leur permet de servir de fenĂȘtres d’entrĂ©e pour les dĂ©tecteurs infrarouges.

Éclairage et lasers

À leurs dĂ©buts, les luminophores Ă  Ă©mission ultraviolette Ă©taient des halogĂ©nures alcalins activĂ©s par le thallium. Depuis lors, ce dernier est employĂ© dans certaines lampes Ă  halogĂ©nures mĂ©talliques, oĂč il se prĂ©sente sous forme d’iodure de thallium produisant une lumiĂšre verte. Il trouve Ă©galement sa place dans les lampes Ă  arc au mercure et dans certains lasers.

Gammadétection

Le thallium jour un rĂŽle clĂ© en tant qu’élĂ©ment « activateur » dans les dispositifs de dĂ©tection de rayonnement gamma tels que les scintillomĂštres.

Scintigraphie cardiaque

L’isotope radioactif 201Tl possĂšde une affinitĂ© particuliĂšre pour le muscle cardiaque. De ce fait, il reprĂ©sente un outil prĂ©cieux en scintigraphie cardiaque permettant d’évaluer la perfusion et la viabilitĂ© myocardique.

Caméras de télévision

Les capteurs de type vidicon et plumbicon utilisés dans les caméras de télévision contiennent des sels de thallium.

Minéralogie

Les professionnels en matiĂšre de minĂ©ralogie se servent de l’élĂ©ment chimique 81 comme composant de la liqueur de ClĂ©rici. Il s’agit d’une solution nĂ©cessaire Ă  la sĂ©paration de diffĂ©rents minĂ©raux.

Géologie et étude des paléoenvironnements

Le thallium joue un rĂŽle important en tant que marqueur isotopique dans les domaines de la gĂ©ologie et de l’étude des palĂ©oenvironnements. Ses isotopes sables authigĂšne et euxinique prĂ©servĂ©s dans les roches sĂ©dimentaires riches en matiĂšre organique permettent notamment de retracer les processus d’oxydorĂ©duction des anciens ocĂ©ans. Ainsi, l’élĂ©ment chimique 81 sert de « proxy palĂ©orĂ©dox » fournissant des informations sur des Ă©vĂ©nements gĂ©ologiques passĂ©s tels que l’extinction de masse du Permien. Celle-ci est considĂ©rĂ©e comme la plus grande crise biologique de l’histoire du Vivant. Elle est probablement due Ă  une anoxie ocĂ©anique associĂ©e Ă  une phase d’enfouissement d’oxyde de manganĂšse.

Des pĂ©riodes de rĂ©-oxygĂ©nation transitoire ont Ă©galement Ă©tĂ© identifiĂ©es. Elles ont Ă©tĂ© suivies par des conditions anoxiques plus graves qui ont entraĂźnĂ© la disparition de nombreuses espĂšces marines et terrestres. Des Ă©tudes sur les schistes noirs marins ont aussi confirmĂ© l’existence d’un systĂšme ocĂ©an-atmosphĂšre Ă  faible teneur en oxygĂšne pendant la crise d’extinction du MĂ©soprotĂ©rozoĂŻque. Cette utilisation du thallium a permis de mieux comprendre la rĂ©ponse du systĂšme-Terre aux forces volcaniques et aux variations des volatiles durant ces pĂ©riodes.

Produits mĂ©dicaux et matĂ©riaux d’emballage

En 2020, une Ă©valuation canadienne a rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de l’élĂ©ment chimique 81 dans des produits commercialisĂ©s destinĂ©s aux patients. De plus, celui-ci a Ă©tĂ© identifiĂ© comme ingrĂ©dient mĂ©dicinal dans certains produits de santĂ© autorisĂ©s et comme composant de certains matĂ©riaux d’emballage alimentaire.

Parmi les composés les plus utilisés du thallium se trouvent :

  • l’alkoxyde thalleux ;
  • la suflate de thallium ;
  • l’acĂ©tate de thallium ;
  • le thallure de sodium ;
  • le chlorure de thallium.

Selon une évaluation menée au Canada, la production annuelle de chlorure de thallium dans le pays en 2011 était estimée entre 100 et 1 000 kg. Or, la limite de déclaration était fixée à 100 kg par an.

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Concentration croissante et prĂ©occupante dans l’environnement

La concentration moyenne du thallium dans la croĂ»te terrestre est d’environ 0,7 mg/kg, soit 10−4 % de sa composition totale. Ce mĂ©tal se classe Ă  la 61e position dans la liste des Ă©lĂ©ments par ordre d’importance. Il est gĂ©nĂ©ralement trouvĂ© Ă  faible dose allant de quelques ng/L Ă  ”g/L ou ng/kg Ă  ”g/kg. Les minĂ©raux qui en contiennent tels que la crokĂ©site, la lorandite, la hutchinsonite ou l’urbaĂŻte sont extrĂȘmement rares. Des sels de soufre comme la jordanite, la sphalĂ©rite, la dufrenoisite et la gratonite peuvent Ă©galement ĂȘtre citĂ©s.

Dans les zones industrialisées et les écosystÚmes terrestres

Les zones industrialisĂ©es, y compris les Ă©cosystĂšmes terrestres comme les milieux humides, sont affectĂ©es par la prĂ©sence de thallium. Des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur des tĂȘtards et des crapauds capturĂ©s Ă  proximitĂ© d’une fonderie de zinc en Pologne ont confirmĂ© cette contamination. Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, il a Ă©tĂ© estimĂ© que prĂšs de 5 000 tonnes de ce mĂ©tal Ă©taient rejetĂ©es dans l’environnement Ă  l’échelle mondiale. Une grande partie de cette quantitĂ© (environ 1 000 tonnes) provient de la combustion du charbon. Les travaux de GalvĂĄn-Arzate et Santamaria en 1998 et de Querol et al. en 1995 l’ont expressĂ©ment soulignĂ©e. Les sulfures reprĂ©sentent la forme prĂ©dominante du thallium dans le sous-sol (environ 70 %). Le reste se trouve liĂ© Ă  des aluminosilicates acides ou Ă  des composĂ©s organiques.

Dans les scories et les cendres de charbon

Il est courant de trouver des concentrations Ă©levĂ©es de l’élĂ©ment chimique 81 dans les scories et les cendres de charbon. Lorsque ce dernier est brĂ»lĂ© pour la fusion des mĂ©taux ou la production de ciment, le thallium s’oxyde Ă  haute tempĂ©rature. Ensuite, il se condense et se fixe Ă  la surface des particules de cendres refroidies. De ce fait, les cendres volantes prĂ©sentent des niveaux de thallium deux Ă  dix fois supĂ©rieurs Ă  ceux du charbon avec combustion. Par exemple, des analyses ont montrĂ© que les cendres volantes d’une cimenterie polonaise contenaient entre 18 et 40 mg/kg−1 de cet Ă©lĂ©ment chimique. Quant aux Ă©missions gazeuses provenant de quatre cimenteries autrichiennes, elles variaient de 0,1 Ă  4,5 ÎŒg/Nm3. Les filtres des cheminĂ©es d’une usine miniĂšre-mĂ©tallurgique dĂ©nommĂ©e « BolesƂaw » ont Ă©galement prĂ©sentĂ© des teneurs moyennes de 882 mg/kg en thallium.

De mĂȘme, des Ă©tudes brĂ©siliennes ont indiquĂ© des quantitĂ©s oscillant entre 2 100 ”g/kg et 64 500 ”g/kg dans les centres de centrales au charbon. Il convient de noter que de nombreuses familles utilisent encore ce dernier pour le chauffage et la cuisson. Elles se servent aussi de ses cendres comme engrais dans les potagers et les cultures avoisinantes. Pourtant, celles-ci peuvent contenir des taux prĂ©occupants de thallium. ConcrĂštement, la concentration de ce mĂ©tal dans un milieu ou dans des organismes vivants varie en fonction de divers facteurs. Ces derniers peuvent ĂȘtre d’origine environnementale, naturelle ou humaine, et leur impact est encore en cours d’analyse.

Dans l’industrie miniùre et les raffineries

Dans l’industrie miniĂšre, le thallium est retrouvĂ© Ă  des teneurs plus Ă©levĂ©es dans les minerais sulfurĂ©s extraits en grande quantitĂ©. Tel est notamment le cas du zinc, du cuivre, du fer et du plomb. L’élĂ©ment chimique 81 est Ă©galement prĂ©sent dans les hydrocarbures fossiles et les Ă©missions polluantes des raffineries. Par ailleurs, il est souvent associĂ© Ă  des Ă©lĂ©ments toxiques comme l’arsenic et l’antimoine.

À titre d’illustration, des concentrations moyennes de 1 299 ppm de thallium ont Ă©tĂ© trouvĂ©es dans les pyrites de Sennari. Elles Ă©taient de 1 967 ppm Ă  Canale della Radice et de 2 623 Ă  Fornovolasco en Italie. Ce mĂ©tal y est prĂ©sent sous forme de Tl+, Sb3+, As3+ et As− dissous dans la matrice de la pyrite. Sa libĂ©ration lors de la recristallisation mĂ©tamorphique de cette derniĂšre a des implications significatives sur le plan Ă©conomique et environnemental. Sa redistribution dans les corps minĂ©ralisĂ©s et les roches encaissantes produit aussi le mĂȘme impact. Par ailleurs, les cimenteries peuvent utiliser des cendres de pyrite susceptibles de contenir des quantitĂ©s importantes de thallium. Elles sont une source majeure de pollution par l’élĂ©ment chimique 81 Ă  travers les Ă©missions de vapeurs et de fumĂ©es, ainsi que les envols de poussiĂšre.

Adsorption du thallium par les microplastiques

Les microplastiques et les nanoplastiques prĂ©sents dans l’eau sont en mesure d’absorber, de transporter et de relocaliser de nombreux Ă©lĂ©ments traces mĂ©talliques toxiques. Le thallium en fait justement partie. Il peut se lier aux particules de polyĂ©thylĂšne (PE), de polystyrĂšne (PS) et de polypropylĂšne (PP) aussi bien dans les eaux douces que dans les mers. Sa capacitĂ© Ă  s’y fixer varie en fonction du pH et des cations compĂ©titifs dans le milieu. Elle est plus Ă©levĂ©e pour le polystyrĂšne en raison d’un certain processus de complexation de surface.

Toutefois, une prĂ©publication chinoise de 2022 souligne que l’augmentation du potentiel hydrogĂšne amĂ©liore la dĂ©pronotation des groupes fonctionnels carboxyle prĂ©sents sur les microplastiques. Selon ce rapport, la capacitĂ© d’adsorption de ces derniers pour le thallium est infĂ©rieure Ă  celle des minĂ©raux naturels comme les oxydes de manganĂšse. De ce fait, les microplastiques pourraient ne pas ĂȘtre les principaux facteurs influençant le comportement environnemental de cet Ă©lĂ©ment chimique. Dans les annĂ©es 2010, l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a affirmĂ© que ses caractĂ©ristiques spĂ©cifiques restent encore mal connues. Tel est notamment le cas de sa spĂ©ciation, de sa mobilitĂ© et de sa cinĂ©tique environnementale. Cette situation concerne aussi ses interactions avec la matiĂšre organique naturelle et les minĂ©raux argileux. NĂ©anmoins, ces propriĂ©tĂ©s particuliĂšres de l’élĂ©ment chimique 81 font actuellement l’objet de recherches approfondies.

Dans les milieux aquatiques

Dans l’eau, il existe deux principaux Ă©tats d’oxydation du thallium ionique : le thalleux monovalent Tl(I) ou Tl+ et le thallique trivalent Tl(III) ou Tl3+. Le premier inclut le TlOH et le Tl2O qui sont hautement solubles dans l’eau. Il entraĂźne la formation de complexes solubles, mobiles et peu rĂ©actifs avec des ions tels que le chlorure, le carbonate, le nitrate ou le sulfate. De ce fait, il reprĂ©sente la forme ionique la plus frĂ©quente en eau douce et la plus biodisponible dans l’environnement (Ă©cosystĂšmes aquatiques et terrestres). La prĂ©cipitation de Tl(OH)3 inerte peut ĂȘtre un mĂ©canisme efficace pour Ă©liminer le thallium de l’eau. Pourtant, en conditions anoxiques, cet Ă©lĂ©ment chimique peut ĂȘtre remobilisĂ© Ă  partir des sĂ©diments et pĂ©nĂ©trer dans la colonne d’eau, oĂč le Tl(III) sera rĂ©duit en Tl(I).

Quant au thallique trivalent, il agit comme un puissant agent oxydant et se transforme facilement en Tl+. Normalement, le Tl(III) aqueux est relativement rare, car il se forme uniquement dans des conditions particuliĂšrement oxydantes. Il prĂ©cipite rapidement sous forme d’hydroxyde thallique peu soluble, le Tl(OH)3. Cependant, il existe des exceptions Ă  cette rĂšgle, comme le soulignent les Ă©tudes de :

  • Lin et Nriagu (1999) ;
  • Peacock et Moon (2012) ;
  • Voegelin et al. (2015) ;
  • Campanella et al. (2017).

Dans certains environnements marins, 80 % du thallium se prĂ©sente sous forme de Tl(III) liĂ© Ă  des complexes anioniques stables. Ceux-ci sont formĂ©s avec des ions chlorure (Cl-) ou hydroxyde (OH-). De mĂȘme, il est possible de trouver cette forme dans les Grands Lacs d’AmĂ©rique du Nord. Dans ces endroits, le Tl(III) serait le rĂ©sultat d’une oxydation microbienne du Tl(I) en Tl(III). Il est ensuite complexĂ© avec des substances inorganiques, organiques ou mĂ©thylĂ©es en vue de former le dimĂ©thylthallium.

Bioconcentration et pollution

Le thallium, qu’il soit prĂ©sent sous forme de mĂ©tal dissous ou d’organomĂ©tallique, peut ĂȘtre captĂ© et bioconcentrĂ© par le plancton. D’aprĂšs certaines thĂ©ories, les organismes vivants absorberaient moins de Tl(I) dans un environnement riche en potassium. Cependant, des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es en 2004 ont montrĂ© que cette hypothĂšse ne s’applique pas au dimĂ©thylthallium. De plus, contrairement aux diatomĂ©es, les Chlorella ont la capacitĂ© de concentrer l’ion Tl(I) et le Tl(III). Par consĂ©quent, les lignes directrices visant Ă  protĂ©ger l’eau et les Ă©cosystĂšmes du thallium devraient prendre en compte le rĂŽle du potassium.

En 2022, la Chine se classe parmi les pays les plus gravement touchĂ©s par la pollution Ă  l’élĂ©ment chimique 81. Cette situation est principalement due aux accidents industriels locaux tels que ceux survenus dans le delta de la riviĂšre des Perles. Toutefois, elle s’est aggravĂ©e suite au dĂ©veloppement massif des activitĂ©s extractives et Ă  l’utilisation intensive du charbon. De mĂȘme, elle s’est dĂ©gradĂ©e en raison de l’étendue des zones agricoles et rizicoles facilement contaminĂ©es par le thallium.

Traçage isotopique

Les scientifiques affirment que le contrĂŽle de la pollution par l’élĂ©ment chimique 81 a Ă©tĂ© largement nĂ©gligĂ© Ă  l’échelle mondiale. Ils ont basĂ© leurs analyses sur des traçages isotopiques. Aussi, ils prĂ©cisent que cette insouciance a entraĂźnĂ© le rejet de nombreux polluants contenant ce mĂ©tal dans l’environnement. La sĂ©curitĂ© de l’eau potable, la qualitĂ© des sols agricoles et l’intĂ©gritĂ© de la chaĂźne alimentaire sont ainsi menacĂ©es. Il en va de mĂȘme pour la santĂ© humaine.

Les Ă©tudes consacrĂ©es au traçage isotopique du thallium environnemental rĂ©vĂšlent que celui-ci provient principalement de couches gĂ©ologiques plus ou moins profondes. Il rĂ©sulte des activitĂ©s extractives humaines comme l’exploitation pĂ©troliĂšre, l’industrie du charbon et d’autres processus industriels Ă  haute tempĂ©rature. Certaines eaux hydrothermales contribuent Ă©galement Ă  la libĂ©ration de l’élĂ©ment chimique 81 dans la biosphĂšre. Dans ce contexte, les scientifiques recommandent vivement la mise en place d’un programme de surveillance basĂ© sur le traçage isotopique du thallium dans l’environnement. Cette approche permettrait de cartographier, de contrĂŽler et de mieux comprendre les causes de cette pollution dans divers scĂ©narios de contamination Ă©levĂ©e par ce mĂ©tal. Les systĂšmes agricoles et forestiers, les rĂ©serves d’eau, les sĂ©diments ainsi que l’air sont concernĂ©s par ce suivi.

Résidus miniers et drainage minier acide

Les eaux de surface et les eaux souterraines sont exposĂ©es Ă  deux sources anthropiques majeures et persistantes de contamination par le thallium. Il s’agit du lessivage des dĂ©chets miniers et du drainage minier acide (qui favorise la libĂ©ration ainsi que la disponibilitĂ© de ce mĂ©tal toxique). Dans la rĂ©gion de Yunfu, une Ă©tude a Ă©tĂ© menĂ©e sur des Ă©chantillons de sĂ©diments prĂ©levĂ©s dans la riviĂšre Gaofeng. Cette derniĂšre se situe en aval d’une zone miniĂšre active du sud de la Chine. Les analyses ont montrĂ© une forte concentration en thallium variant de 1,80 Ă  16,70 mg/kg.

Par ailleurs, une proportion significative de cet Ă©lĂ©ment chimique (de 0,28 Ă  2,34 mg/kg) se trouvait sous des formes gĂ©ochimiquement labiles, biodisponibles et facilement remobilisables. Des analyses isotopiques ont confirmĂ© qu’une proportion allant de 47 Ă  76 % de ce mĂ©tal provenait de l’exploitation miniĂšre situĂ©e en amont, principalement Ă  partir de pyrites. Les auteurs de l’étude soulignent l’importance d’un meilleur contrĂŽle de cette pollution. Ils recommandent la mise en place de mesures de remĂ©diation ciblant Ă©galement les sĂ©diments des cours d’eau contaminĂ©s.

Apports anthropiques de thallium dans les lacs et conséquences écologiques

L’analyse du profil sĂ©dimentaire de deux lacs isolĂ©s au Canada rĂ©vĂšle une augmentation significative des apports atmosphĂ©riques de thallium d’origine anthropique Ă  partir des annĂ©es 1880. Cette tendance a atteint son apogĂ©e en 1960 pour le lac TanaĂ© et en 1980 pour le lac Rose. Les taux Ă©taient prĂšs de dix fois supĂ©rieurs aux niveaux prĂ©cĂ©dents. Des informations prĂ©cieuses ont notamment Ă©tĂ© fournies par SantĂ© Canada en 2020. Elles confirment que les concentrations chroniques estimĂ©es sans effet (CESE) du thallium dans le milieu aquatique ont Ă©tĂ© dĂ©terminĂ©es Ă  partir d’études d’écotoxicitĂ© fiables. Une recommandation du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME) de 1999 est identique Ă  une CESE destinĂ©e Ă  protĂ©ger les organismes endogĂ©s et les plantes prĂ©sents dans l’environnement. Cependant, en raison de son rejet par divers secteurs Ă  travers le Canada, l’élĂ©ment chimique 81 peut causer des dommages Ă©cologiques dans les Ă©cosystĂšmes aquatiques.

En Europe, les rĂ©gions miniĂšres subissent Ă©galement des impacts, en particulier en Pologne oĂč la combustion du charbon entraĂźne une contamination locale importante. Dans les annĂ©es 1990 et au dĂ©but des annĂ©es 2000, les eaux fluviales prĂ©sentaient des teneurs de 5 Ă  17 ng L−1. Quant aux eaux marines, elles enregistraient des niveaux de 10 Ă  15 ng L−1. Par ailleurs, le lac d’Ohrid affichait un taux moyen de 0,5 ÎŒg L−1, contre 0,3 ÎŒg L−1 pour les Ă©chantillons prĂ©levĂ©s prĂšs de Ljubanista. L’eau du robinet de la capitale macĂ©donienne (Skopje) contenait environ 0,8 ÎŒg L−1 de thallium. En ce qui concerne celle de SilĂ©sie-Cracovie, elle prĂ©sentait des variations allant de 0,16 Ă  3,24 ÎŒg L−1. De l’autre cĂŽtĂ© de l’Atlantique, dans le Michigan, les riviĂšres Huron et Raisin avaient des concentrations de 21 Ă  2 621 ng L−1 (Ă©chelle en nanogramme et non en microgramme).

Évaluation de la toxicitĂ© du thallium dans les eaux

Une fois dans l’eau, le thallium(III) issu des dĂ©chets miniers a tendance Ă  se convertir en une forme plus toxique, le thallium(I). En 2015, Rickwood et Huntsman-Mapila de CanmetMINING ont menĂ© une Ă©tude sur l’« IC25 » de ce dernier. Il s’agit d’une dose de thallium qui rĂ©duit de 25 % une mesure biologique non lĂ©tale chez les organismes utilisĂ©s pour les tests Ă©cotoxicologiques. Ceux-ci incluent l’algue Pseudokirchneriella subcapitata, l’invertĂ©brĂ© Ceriodaphnia dubia et le vertĂ©brĂ© Pimephales promelas. Les valeurs d’IC25 les plus faibles Ă©taient plus de dix fois supĂ©rieures au taux maximal dĂ©tectĂ© dans l’environnement (8 ÎŒg/L). Elles Ă©taient mĂȘme plus de 100 fois supĂ©rieures Ă  la recommandation actuelle (0,8 ÎŒg/L).

La prĂ©sence d’oligoĂ©lĂ©ments dans l’eau peut accentuer ou attĂ©nuer la toxicitĂ© du thallium. Par exemple, des tests effectuĂ©s sur Ceriodaphnia dubia et Pseudokirchneriella subcapitata ont montrĂ© que le manque de potassium dans l’eau entraĂźne son augmentation significative. L’IC25 se situe alors dans la plage des concentrations observĂ©es dans les milieux rĂ©cepteurs pour le thallium (I) et (III). L’absence d’une mĂ©thode prĂ©cise et reproductible permettant d’évaluer la spĂ©ciation du thallium Ă  de faibles quantitĂ©s pose problĂšme. Elle empĂȘche de parvenir Ă  des conclusions dĂ©finitives concernant la pertinence des IC25 pour le Tl (III) aux concentrations prĂ©sentes dans les environnements rĂ©cepteurs. Une rĂ©cente Ă©tude a recommandĂ© que tout test de toxicitĂ© du thallium(III) soit rĂ©alisĂ© avec des solutions fraĂźches et prĂ©parĂ©es quotidiennement. L’objectif est d’obtenir une bonne rĂ©cupĂ©ration et des rĂ©sultats prĂ©cis. En se basant sur les effets observĂ©s et l’exposition, les auteurs ont estimĂ© que la recommandation actuelle de 0,8 ÎŒg/L semble offrir une certaine protection. Toutefois, ils soulignent l’importance d’accorder une attention particuliĂšre Ă  la quantitĂ© de potassium dans le milieu rĂ©cepteur lors de l’évaluation de la toxicitĂ© du thallium.

Dans l’air

L’élĂ©ment chimique 81 se trouve Ă  faible dose (en ng/m3) dans les aĂ©rosols et les particules atmosphĂ©riques. Cependant, il peut ĂȘtre prĂ©sent Ă  des niveaux plus Ă©levĂ©s dans les zones urbaines et industrialisĂ©es, en particulier dans les rĂ©gions mĂ©tallurgiques et miniĂšres. Dans celles-ci, le thallium est Ă©mis dans l’air sous forme de poussiĂšres, de vapeurs ou de liquides et finit par s’accumuler dans l’atmosphĂšre. Ainsi, dans les annĂ©es 1980, les aĂ©rosols du centre-ville de Katowice en contenaient en moyenne 66 ÎŒg m−3. Les concentrations Ă©taient encore plus Ă©levĂ©es Ă  proximitĂ© des fonderies de mĂ©taux. Il est important de noter que la norme de qualitĂ© de l’air Ă©tablie par l’OSHA en 2015 est de 0,1 mg m−3. Il s’agit d’un seuil Ă  ne pas dĂ©passer.

Causes de la concentration dans l’air

Depuis l’avĂšnement de l’ùre industrielle, une augmentation de la prĂ©sence de thallium dans les glaciers de haute montagne est observĂ©e. À titre de rappel, ceux-ci agissent comme des indicateurs de la pollution atmosphĂ©rique diffuse. NĂ©anmoins, une rĂ©cente Ă©tude isotopique menĂ©e sur les sommets alpins rĂ©vĂšle que cet accroissement ne rĂ©sulte pas des cimenteries. Par ailleurs, les niveaux de thallium dans l’urine et le sang connaissent une hausse chez les travailleurs de l’industrie ainsi que dans la population gĂ©nĂ©rale.

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Utilisation du charbon

En Chine et dans certains pays en dĂ©veloppement, l’utilisation du charbon continue d’augmenter. Pourtant, elle reste courante et stable dans de nombreux autres pays. En 2018, la Pologne a consommĂ© 74,2 millions de tonnes de charbon, dont 13,5 % (soit 10 millions de tonnes) provenaient uniquement des mĂ©nages individuels. Selon Eurostat, 226 millions de tonnes de charbon et 370 millions de tonnes de lignite ont Ă©tĂ© brĂ»lĂ©es dans l’Union europĂ©enne en 2018.

Tabagisme

Outre par les poĂȘles et les cuisiniĂšres Ă  charbon, l’air intĂ©rieur peut ĂȘtre polluĂ© par la fumĂ©e de tabac. Au cours des annĂ©es 2010, l’urine des fumeurs prĂ©sentait en moyenne une concentration de thallium de 10,16 ± 1,82 ÎŒg/L. Chez les membres de leur famille ou leurs amis non-fumeurs-tĂ©moins, les niveaux Ă©taient de 2,39 ± 0,63 ÎŒg/L. En outre, la durĂ©e du tabagisme est associĂ©e Ă  l’augmentation de la quantitĂ© de thallium dans l’urine. Les fumeurs dĂ©pendants d’opiacĂ©s et d’opioĂŻdes ont les taux urinaires les plus Ă©levĂ©s, atteignant en moyenne 37,5 ± 13,09 ÎŒg/L. Chez cette catĂ©gorie de personne, l’insomnie et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sont des prĂ©dicteurs puissants des niveaux de thallium dans l’urine. Tel est Ă©galement le cas chez les fumeurs de narguilĂ©.

Les fumeurs passifs dans les espaces enfumĂ©s sont aussi touchĂ©s en raison des taux Ă©levĂ©s de mĂ©taux lourds dans l’air intĂ©rieur des cafĂ©s fumeurs. Ces mĂ©taux sont prĂ©sents en quantitĂ©s encore plus importantes dans l’urine des employĂ©s de ces derniers exposĂ©s Ă  la fumĂ©e. De plus, une corrĂ©lation positive et significative a Ă©tĂ© observĂ©e entre les mĂ©taux urinaires et les doses de 8-OHdG. À titre de prĂ©cision, il s’agit d’un marqueur de la dĂ©gradation de l’ADN due au stress oxydatif. Par consĂ©quent, certains travailleurs peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme prĂ©sentant un haut risque de subir des dommages oxydatifs Ă  l’ADN. Ils incluent notamment les employĂ©s des cafĂ©s oĂč sont fumĂ©es des pipes Ă  eau ou des cigarettes.

Contrefaçons de cigarettes

Une Ă©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en 2007 par les CDC amĂ©ricains. Elle s’est basĂ©e sur l’analyse de 21 Ă©chantillons de cigarettes issues du trafic de contrefaçons. Elle a dĂ©montrĂ© que ces copies contenaient davantage de thallium que les produits authentiques. La prĂ©sence de cet Ă©lĂ©ment chimique dans la fumĂ©e de cigarettes peut ĂȘtre prĂ©dite en fonction de la quantitĂ© de goudron libĂ©rĂ©e par la cigarette. Effectivement, elle n’est pas estimĂ©e selon le taux de nicotine du tabac. Cependant, si un fumeur compense les faibles niveaux de nicotine en fumant plus, il demeure exposĂ© au thallium et Ă  d’autres mĂ©taux lourds toxiques. Tel est notamment le cas du plomb et du cadmium. Ainsi, les cigarettes ultra-lĂ©gĂšres, lĂ©gĂšres ou Ă  saveur complĂšte prĂ©sentent des similitudes toxiques entre elles. Cette conclusion est contraire Ă  ce que suggĂšre la mĂ©thode de la Federal Trade Commission amĂ©ricaine.

Dans les roches mÚres (et les nodules polymétalliques)

Le thallium se trouve naturellement dans les minĂ©raux et les roches ignĂ©es oĂč il peut remplacer le potassium. Ses concentrations varient de 0,05 Ă  1,7 mg/kg selon Lin et Nriagu (1998). D’aprĂšs Tremel et al. (1997), elles sont susceptibles d’atteindre de 1,7 Ă  55 mg/kg dans certains types de calcaire, de marne ou de granite. Dans du charbon jurassique et des formations d’ardoises organiques, elles peuvent mĂȘme arriver jusqu’à environ 1 000 mg/kg, selon Yang et al. (2005).

Dans les minéraux à base de potassium

Le thallium est considĂ©rĂ© comme un Ă©lĂ©ment hautement incompatible du point de vue gĂ©ologique. Cette caractĂ©ristique implique qu’il ne s’intĂšgre dans les roches qu’à des stades avancĂ©s de la diffĂ©renciation magmatique, lors de la formation des roches felsiques. Ces derniĂšres incluent entre autres les granites et les pegmatites. Telle est la raison pour laquelle les roches ignĂ©es alcalines et acides contiennent gĂ©nĂ©ralement beaucoup plus de thallium que les roches mafiques et ultramafiques. Par exemple, le granite renferme environ 0,75 mg/kg de thallium, tandis que le basalte n’en contient en moyenne que 0,1 mg/kg. L’élĂ©ment chimique 81 se trouve principalement dans les minĂ©raux Ă  base de potassium comme le K-feldspath, la biotite, la muscovite ou la sylvite. Les rĂ©sultats d’une analyse publiĂ©s en 2018 ont rĂ©vĂ©lĂ© des concentrations de plus de 20 mg/kg dans des Ă©chantillons de feldspath et de mica.

Cependant, le thallium ne peut pas remplacer le magnĂ©sium (Mg2+) et le fer (Fe2+) dans les rĂ©seaux cristallins des minĂ©raux mafiques dominants du manteau terrestre. Ainsi, l’olivine (Mg,Fe)2SiO4 et le pyroxĂšne (Mg,Fe)2Si2O6 sont relativement pauvres en cet Ă©lĂ©ment chimique avec des concentrations allant de 3 Ă  45 ”g/kg. MalgrĂ© son incompatibilitĂ©, ce mĂ©tal peut ĂȘtre redistribuĂ© lors de certains Ă©vĂ©nements ignĂ©s et/ou hydrothermaux. La dĂ©shydratation minĂ©rale et l’altĂ©ration hydrothermale Ă  basse tempĂ©rature sont notamment susceptibles de conduire Ă  des teneurs Ă©levĂ©es en thallium.

Dans les zones de subduction

Dans les zones de subduction, l’élĂ©ment chimique 81 subit des interactions intenses entre les fluides et les roches. Cette situation se produit Ă  des tempĂ©ratures et des pressions extrĂȘmement Ă©levĂ©es (de 300 Ă  550 °C et de 1,5 Ă  3,0 GPa). Elle explique l’intĂ©gration de ce mĂ©tal dans certaines roches mĂ©tamorphiques comme celles observĂ©es dans les Alpes.

Le thallium peut ĂȘtre piĂ©gĂ© dans les roches profondes qui sont proches de celles impliquĂ©es dans la gĂ©nĂ©ration de magmas d’arc. Cependant, les minĂ©raux qui servent d’hĂŽtes Ă  ce mĂ©tal changent au cours de la dĂ©volatilisation prograde lors de sĂ©parations fluide-minĂ©ral. Lorsque le mĂ©tamorphisme progressif se produit, les chlorites Ă  base de magnĂ©sium ainsi que d’autres constituants minĂ©ralogiques mineurs se dĂ©composent et libĂšrent du thallium. Une partie de ce dernier peut ensuite ĂȘtre incorporĂ©e dans la phengite, tandis que le reste est transportĂ© vers d’autres zones par les fluides. Ainsi, connaĂźtre l’historique des rĂ©actions minĂ©rales progrades est essentiel pour comprendre la rĂ©tention ou la redistribution d’élĂ©ments rares comme celui portant le numĂ©ro atomique 81.

Sur le plan géochimique, le comportement du thallium est presque similaire à celui du rubidium. Il a tendance à se concentrer dans les magmas résiduels. Ensuite, il est retrouvé en quantités significatives dans les minéraux potassiques des pegmatites.

Dans les sulfures

Certains sulfures ont la capacité de concentrer du thallium avec des niveaux atteignant localement :

  • 0,77 % dans la pyrite (FeS2) ;
  • 5 % dans la chalcopyrite (CuFeS2) ;
  • 20 mg/kg dans la galĂšne (PbS) ;
  • 1 000 mg/kg dans la sphalĂ©rite (ZnS).

Ces taux sont associĂ©s Ă  une mĂ©talogenĂšse se produisant Ă  des tempĂ©ratures infĂ©rieures Ă  200 °C. À titre d’illustration, dans la pyrite, l’élĂ©ment chimique 81 peut ĂȘtre incorporĂ© dans sa structure cristalline en remplacement du fer. Il est Ă©galement susceptible d’y former des inclusions minĂ©rales nanomĂ©triques ou micromĂ©triques. Il convient de noter que la teneur en thallium peut considĂ©rablement varier au sein d’un mĂȘme minĂ©ral et d’un mĂȘme gisement. Par exemple, Ă  El Losar del Barco (Ávila, Espagne), elle peut varier de 0,064 % Ă  0,266 % en poids dans les grains de sphalĂ©rite. Pourtant, la galĂšne du gisement de Fe-Zn-Pb-Cu de Bleikvassli en NorvĂšge peut prĂ©senter des concentrations allant de 26,3 mg/kg Ă  289 mg/kg.

Dans les minerais de thallium exploités

Les minéraux convoités comme sources de thallium comprennent :

  • la lorandite qui prĂ©sente une teneur moyenne de 4 400 mg/kg (allant de 100 Ă  35 000 mg/kg) et est exploitĂ©e Ă  Lanmuchang, en Chine ;
  • l’avicennite (Tl2O3) qui est exploitĂ©e Ă  Luolong, au Tibet ;
  • la crookesite (Cu,Tl,Ag)2Se, l’ellisite Tl3AsS3 et la hutchinsonite (Pb,Tl)2As2S9 qui sont trop rares pour ĂȘtre exploitĂ©es.

Dans certains cas, le thallium peut ĂȘtre extrait en tant que sous-produit comme dans le gisement d’antimoine de Krstov Dol en MacĂ©doine du Nord. Il y est prĂ©sent notamment dans la stibine (Sb2S3) et dans la berthiĂ©rite (FeSb2S4) Ă  des concentrations pouvant atteindre 0,3 %.

La Chine est le pays qui possĂšde les plus grandes rĂ©serves prouvĂ©es de l’élĂ©ment chimique 81. Celles-ci sont estimĂ©es Ă  environ 16 000 tonnes et rĂ©parties dans diffĂ©rentes provinces. NĂ©anmoins, le gisement le plus notable en termes de richesse en minerais de sulfure Sb-As-Tl semble ĂȘtre celui d’Allchar. Il est Ă©galement connu sous les noms d’Alsar ou AlĆĄar et se situe en MacĂ©doine du Nord. Il a dĂ©jĂ  rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de 45 minĂ©raux rares contenant du thallium, dont la lorandite, la jankovicite, la picotpaulite, la rĂ©bulite et la simonite.

Dans les sols

Le thallium est responsable de la pollution des sols et des eaux souterraines dans de nombreux contextes. Ces derniers incluent notamment ceux qui sont liĂ©s Ă  l’exploitation miniĂšre, Ă  l’industrie et Ă  l’utilisation intensive des combustibles fossiles. Par exemple, en Pologne, des quantitĂ©s parfois Ă©levĂ©es de l’élĂ©ment chimique 81 sont prĂ©sentes dans la terre vĂ©gĂ©tale Ă©chantillonnĂ©e sur les terrils. Leur valeur mĂ©diane est de 22,9 mg kg-1. En CorĂ©e du Sud, une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2015 a indiquĂ© que les sols Ă  proximitĂ© des cimenteries contenaient de 1,20 Ă  12,91 mg kg-1. Cette teneur est supĂ©rieure Ă  celle dans les sols Ă  proximitĂ© des mines et des fonderies qui renfermaient de 0,18 Ă  1,09 mg kg-1. PrĂšs d’Olkusz, sous un tas de dĂ©chets miniers vieux de 100 ans, le sol prĂ©sentait en 2004 une concentration moyenne de 43 mg kg-1. Les valeurs atteignaient localement 78 mg kg-1.

En Chine

En Chine, la situation est encore plus prĂ©occupante. Par exemple, dans le district de Lanmuchang, les calcaires et les argilites peuvent contenir jusqu’à 330 mg/kg de thallium. Cette rĂ©gion abrite Ă©galement un important gisement de minerai de mercure-thallium-arsenic. Les taux vont de 100 Ă  35 000 mg/kg dans les minerais sulfurĂ©s. De plus, les charbons qui sont trouvĂ©s dans cette zone prĂ©sentent des niveaux compris entre 12 et 46 mg kg-1. Ceux-ci sont 15 fois plus Ă©levĂ©s que la teneur moyenne en thallium du charbon estimĂ©e Ă  3 mg/kg par Koljonen en 1992.

Les minĂ©raux secondaires provenant du lessivage des sols polluĂ©s peuvent aussi renfermer de 25 Ă  1 100 mg kg-1 de cet Ă©lĂ©ment chimique. Quant aux stĂ©riles des mines, ils prĂ©sentent des concentrations variant de 32 Ă  2 600 mg kg-1. De mĂȘme, les roches altĂ©rĂ©es peuvent contenir de 39 Ă  490 mg kg-1 de thallium. Pour les roches en surface, les taux vont de 6 Ă  330 mg kg-1.

Dans la zone miniÚre, les sols sont susceptibles de receler de 40 à 124 mg kg-1 de cet élément chimique. En ce qui concerne les matériaux de lessivage des pentes naturelles, ils en contiennent généralement de 20 à 28 mg kg-1. Les niveaux sont compris entre 14 et 62 mg kg-1 dans les dépÎts alluviaux en aval et à distance. En guise de comparaison, les sols naturels non perturbés de la région présentent des concentrations de 1,5 à 6,9 mg kg-1 (Xiao et al., 2004).

En outre, les pyrites d’origine hydrothermale peuvent renfermer une grande quantitĂ© de thallium. Jusqu’à 188 mg kg-1 de ce mĂ©tal ont notamment Ă©tĂ© trouvĂ©s dans la pyrite des roches dolomitiques. Ces derniĂšres sont situĂ©es le long des sources thermales fossiles de la rĂ©gion de Lodares, au centre de l’Espagne. Enfin, il est important de mentionner que certaines plantes rares, appelĂ©es « dolomitiques », peuvent bioaccumuler le thallium ainsi que d’autres mĂ©taux.

En région calcaire

En rĂ©gion calcaire, la minĂ©ralisation dans le substrat gĂ©ologique carbonatĂ© constitue une importante source de thallium dans la couche arable (0-20 cm). Elle est favorisĂ©e par l’augmentation de la tempĂ©rature ainsi que par l’acidification des sols et des pluies. Celles-ci sont actuellement en hausse en raison du rĂ©chauffement climatique.

Par exemple, dans les zones les plus touchĂ©es, des concentrations de l’élĂ©ment chimique 81 allant de 100 Ă  1 000 mg/kg ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es. Dans le sous-sol, les niveaux peuvent mĂȘme monter jusqu’à 6 000 mg de thallium par kg de roche carbonatĂ©e minĂ©ralisĂ©e. Par ailleurs, des formes minĂ©rales secondaires de ce mĂ©tal ont Ă©tĂ© identifiĂ©es dans les horizons de sol contenant de la roche altĂ©rĂ©e. Elles rĂ©sultent d’une altĂ©ration par minĂ©ralisation sulfurĂ©e Tl–As–Fe encaissĂ©e dans la roche carbonatĂ©e Ă  partir de laquelle le sol s’est dĂ©veloppĂ©. Elles incluent notamment la jarosite et l’avicennite partiellement substituĂ©es par Tl(I) (Tl2O3). En outre, certains minĂ©raux carbonatĂ©s reprĂ©sentent une source de thallium longtemps sous-estimĂ©e. À titre d’illustration, une Ă©tude de 2022 menĂ©e en Chine a indiquĂ© qu’un minerai carbonatĂ© de PbZn contenait gĂ©nĂ©ralement plus de 65,7 % de thallium. Les sols environnants cette zone miniĂšre se sont aussi rĂ©vĂ©lĂ©s fortement contaminĂ©s par cet Ă©lĂ©ment chimique ainsi que par d’autres mĂ©taux lourds et mĂ©talloĂŻdes toxiques. Ils prĂ©sentaient des taux moyens de 3 655 mg/kg de plomb et de 7 820 mg/kg de zinc. De mĂȘme, ils renfermaient 100,1 mg/kg d’arsenic, 27,3 mg/kg de cadmium et 29,9 mg/kg d’antimoine. Ainsi, ces sols sont devenus dangereux pour les adultes et les enfants. Il convient de noter que ces Ă©lĂ©ments, y compris le thallium, le manganĂšse et le cobalt, sont principalement prĂ©sents sous des formes mobiles et biodisponibles. De ce fait, le risque d’exposition est plus accru.

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Cinétique environnementale et cycle géochimique du thallium

La compréhension de la cinétique environnementale et du cycle géochimique du thallium est encore incomplÚte. Cependant, il est connu que sur les terres émergées, les minéraux argileux jouent un rÎle crucial dans le cycle environnemental de cet élément chimique.

Interaction du thallium avec les phases minérales et son comportement selon sa spéciation chimique

Dans les annĂ©es 2010, plusieurs Ă©tudes ont dĂ©montrĂ© le peu d’affinitĂ© des oxydes de fer pour le thallium. NĂ©anmoins, il a Ă©tĂ© observĂ© que sous forme de thallium(I), ce dernier peut ĂȘtre capturĂ© par certaines phases minĂ©rales. D’aprĂšs Martin et ses collĂšgues en 2018, l’ordre est le suivant : MnO2 > illite > smectite ~ ferrihydrite ~> Al2O3 ~ goethite > SiO2.

La sorption par des argiles, en particulier l’illite, semble ĂȘtre le mĂ©canisme prĂ©dominant pour la fixation du thallium dans les matĂ©riaux de la couche arable. Il est probable que cette situation soit due au dĂ©passement de la capacitĂ© d’absorption de ces minĂ©raux par les charges de thallium du sol. Par rapport aux autres phases minĂ©rales contenant du thallium, les argiles se classent comme suit : MnO2 > illite > smectiteâ€ŻâˆŒâ€Żferrihydrite ≄ Al2O3â€ŻâˆŒâ€Żgoethite > SiO2.

Toutefois, les interactions Ă©changeables et rĂ©versibles entre Tl+ et les sites rĂ©actifs des argiles suggĂšrent que l’élĂ©ment chimique 81 pourrait ĂȘtre libĂ©rĂ© en solution. Ce mĂ©canisme est susceptible de se produire dans des conditions changeantes.

Par ailleurs, il a aussi Ă©tĂ© observĂ© que sous forme de Tl(III), le thallium est principalement immobilisĂ© dans les oxydes de manganĂšse. Les niveaux de concentration de ce mĂ©tal dans les Ă©chantillons de CaCl2 10 mM augmentent avec l’accroissement de son taux dans le sol. Ils s’élĂšvent Ă©galement avec l’acidification de ce dernier (diminution du pH). Cependant, ils ne connaissent pas de variations drastiques selon la SpĂ©ciation chimique du thallium.

Impact des catastrophes naturelles sur la contamination des sols par des métaux toxiques

Certaines catastrophes naturelles peuvent entraĂźner une contamination supplĂ©mentaire de la surface terrestre par des mĂ©taux toxiques. Tel est notamment le cas des Ă©ruptions, des sĂ©ismes, des ouragans, des raz de marĂ©e et des inondations. Ainsi, Ă  La Nouvelle-OrlĂ©ans en Louisiane, 43 % (9/21) des sols des cours d’Ă©cole Ă©chantillonnĂ©s contenaient plus de 400 mg/kg de plomb avant l’ouragan Katrina. Pourtant, aprĂšs l’ouragan Rita, deux de ceux-ci prĂ©sentaient des niveaux supĂ©rieurs Ă  1 700 mg/kg. De plus, les seuils rĂ©glementaires de l’USEPA-RSL pour le thallium Ă©taient dĂ©passĂ©s dans tous les Ă©chantillons prĂ©levĂ©s dans cinq cours d’Ă©cole aprĂšs cette catastrophe naturelle. Par ailleurs, les sols des forĂȘts et des prairies ne sont pas Ă©pargnĂ©s. En RĂ©publique tchĂšque, par exemple, Vanek et ses collĂšgues ont trouvĂ© des concentrations de 0,56 Ă  1,65 mg kg-1 en forĂȘt en 2009. Les taux Ă©taient de 1,1 Ă  2,06 mg kg-1 en prairie.

Effets de l’agriculture intensive et de la perte de matiĂšre organique sur la libĂ©ration du thallium dans les sols

L’agriculture industrielle intensive et les pratiques de labour associĂ©es ont engendrĂ© une dĂ©gradation considĂ©rable de la matiĂšre organique (M.O) des sols Ă  travers le monde. Elles provoquent mĂȘme parfois des phĂ©nomĂšnes de salinisation et de dĂ©sertification. Une Ă©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en Chine en 2012 afin d’analyser les effets de cette perte de M.O. Dans les sols rouges et surtout dans les lƓss, notamment, celle-ci entraĂźne la dĂ©sorption du Tl+ prĂ©cĂ©demment piĂ©gĂ© dans la matiĂšre.

Le relargage de l’élĂ©ment chimique 81 est plus prononcĂ© dans les sols ayant une concentration initiale plus Ă©levĂ©e. Lorsque la M.O d’un sol rouge est artificiellement dĂ©truite, environ 24,7 % du thallium qu’il contenait est relarguĂ© (et 28,2 % pour un lƓss). En consĂ©quence, la capacitĂ© du lƓss Ă  fixer ce mĂ©tal diminue de 20 % en moyenne. ConcrĂštement, la matiĂšre organique contribue Ă  hauteur de 39,2 % Ă  l’adsorption du Tl+ par le lƓss et de 32,8 % dans le cas du sol rouge. Quand la quantitĂ© initiale de Tl+ est de 20 mg/L, le taux de dĂ©sorption augmente jusqu’Ă  60,8 % pour le sol rouge. Il atteint mĂȘme les 65,5 % pour le lƓss. De plus, les phĂ©nomĂšnes d’acidification des pluies et des sols favorisent la libĂ©ration de cet Ă©lĂ©ment chimique. Ainsi, ils le rendent plus biodisponible comme pour les autres mĂ©taux et mĂ©talloĂŻdes.

Toxicité et écotoxicité

Le thallium possĂšde une toxicitĂ© accrue lorsqu’il se trouve sous forme de sulfate, d’acĂ©tate, de carbonate ou de nitrate/nitrite. Toutefois, sa nocivitĂ© est moindre lorsqu’il se prĂ©sente sous forme de sulfite ou d’iodine (faible solubilitĂ©, donc moins facilement biodisponibles).

Un toxique longtemps ignoré

Dans les annĂ©es 1920, le groupe Bayer dĂ©veloppe un puissant rodenticide connu sous le nom de « pĂąte Zelio » ou « granulĂ©s Zelio ». Celui-ci contenait environ 2 % de sulfate de thallium. Cette formule a inspirĂ© la crĂ©ation d’un autre rodenticide aux États-Unis. Celui-ci Ă©tait appelĂ© « Thalgrain » et prĂ©sentait une concentration de l’élĂ©ment chimique 81 rĂ©duite de moitiĂ© (1 % de sulfate de thallium). Pourtant, il Ă©tait tout aussi efficace et distribuĂ© par des agences officielles dans dix comtĂ©s de Californie. Sa production Ă©tait lancĂ©e dans le cadre d’un programme visant Ă  Ă©radiquer les spermophiles de cet État de l’ouest des États-Unis. L’otospermophilus beecheyi est notamment une espĂšce d’écureuil considĂ©rĂ©e comme nuisible dans les champs oĂč elle montrait une rĂ©sistance surprenante Ă  la strychnine. De mĂȘme, le Thalgrain a trouvĂ© une application dans la lutte contre le Chien de prairie.

Cependant, cette campagne a entraĂźnĂ© une Ă©pidĂ©mie d’empoisonnements humains par ce rodenticide. Par ailleurs, les patients qui se sont servis des produits pharmaceutiques ou cosmĂ©tiques contenant du thallium ont prĂ©sentĂ© tout ou une partie des symptĂŽmes associĂ©s. Tel a Ă©galement Ă©tĂ© le cas des personnes ayant Ă©tĂ© en contact avec le Thalgrain. La production de ce dernier a connu une lĂ©gĂšre croissance jusqu’en 1928. Ensuite, elle a diminuĂ© aprĂšs l’introduction sur le marchĂ© d’une alternative plus sĂ»re, le coumaphĂšne (warfarine, C19H16O4). De mĂȘme, cette baisse s’est expliquĂ©e par la constatation que ce poison tuait de nombreuses espĂšces non ciblĂ©es. En effet, celui-ci Ă©tait aussi responsable de la mort de certains animaux d’Ă©levage, d’oiseaux sauvages et d’espĂšces de gibier.

De plus, les animaux nĂ©crophages et les dĂ©composeurs pouvaient ĂȘtre gravement empoisonnĂ©s par le thallium, qui n’est pas biodĂ©gradable. Les pesticides contenant de ce mĂ©tal ont progressivement Ă©tĂ© associĂ©s Ă  des cas de suicides et d’homicides, qu’ils soient intentionnels ou non.

Une premiÚre étude pharmacologique poussée en 1924

Une Ă©tude pharmacologique approfondie sur l’élĂ©ment chimique 81 a Ă©tĂ© entreprise en 1924 par le Bureau of Biological Survey. Elle visait Ă  comprendre son mĂ©canisme toxique Ă  travers des expĂ©riences sur des animaux. GrĂące Ă  elle, les effets nĂ©fastes du thallium ont Ă©tĂ© identifiĂ©s et un antidote a Ă©tĂ© dĂ©couvert. Au cours des annĂ©es 1930, plusieurs recherches sur la thallotoxicose ont Ă©tĂ© publiĂ©es dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Pourtant, au XIXe siĂšcle, Marme, ainsi que Swain et Bateman avaient dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© que l’élĂ©ment chimique 81 Ă©tait un poison cumulatif.

En outre, il convient de prĂ©ciser que l’utilisation mĂ©dicale et cosmĂ©tique du thallium a causĂ© la mort d’au moins 600 personnes (cas scientifiquement documentĂ©s). Elle a aussi empoisonnĂ© de nombreux autres individus, dont certains ayant subi de graves sĂ©quelles physiques et/ou mentales. Dans les annĂ©es 1920, l’épilation gĂ©nĂ©rale des enfants prĂ©-pubĂšres en bonne santĂ© Ă©tait une pratique mĂ©dicale courante pour traiter les teignes et autres affections dermatophytiques. Pendant quelque temps, les docteurs estimaient qu’une dose de 8 mg/kg Ă©tait justifiĂ©e et bien tolĂ©rĂ©e par cette catĂ©gorie de personnes. Celle-ci devait ĂȘtre administrĂ©e sous forme de comprimĂ©s Ă  ingĂ©rer, contenant de l’acĂ©tate ou du nitrate de thallium dont les quantitĂ©s sont soigneusement mesurĂ©es. Toutefois, une Ă©tude publiĂ©e en 1947 a remis en question cette approche.

Un danger passĂ© inaperçu jusqu’en 2018

L’élĂ©ment chimique 81 se trouve dans le charbon (y compris ses cendres), dans de nombreux effluents industriels et dans les dĂ©chets miniers. Il est souvent associĂ© Ă  d’autres mĂ©taux extrĂȘmement toxiques tels que le plomb, l’arsenic, le mercure et le cadmium. Or, des millions de familles et d’individus Ă  travers le monde utilisent encore du charbon comme source de chauffage dans des logements mal ventilĂ©s. Certains s’en servent mĂȘme pour cuisiner leurs aliments. De plus, les cendres de cette matiĂšre combustible solide sont frĂ©quemment employĂ©es comme amendement pour les potagers.

Ces pratiques exposent les habitants Ă  un mĂ©lange nocif de plomb, de cadmium, d’arsenic et de thallium. Celui-ci est Ă©galement connu sous le nom d’« effet cocktail ». Il est restĂ© largement mĂ©connu pendant plus d’un siĂšcle. Cependant, deux Ă©tudes polonaises publiĂ©es en 2018 et en 2021 ont attirĂ© l’attention sur ce danger. La premiĂšre a notamment rĂ©vĂ©lĂ© une concentration moyenne de 500 ”g de thallium par kilogramme de cendre.

Quant Ă  la seconde, elle a montrĂ© des niveaux Ă©levĂ©s d’arsenic, de cadmium, de plomb et de thallium. Elle a aussi indiquĂ© des corrĂ©lations entre les taux de ces Ă©lĂ©ments toxiques, le pH et la qualitĂ© du charbon. En fait, elle s’est basĂ©e sur 52 Ă©chantillons de cendres provenant de diffĂ©rents types de charbon utilisĂ©s par les mĂ©nages individuels. Les teneurs atteignaient 50 900 ”g/kg de cendre pour l’arsenic et 43 500 ”g/kg pour le cadmium. Elles s’élevaient Ă  128 900 ”g/kg pour le plomb et Ă  6 660 ”g/kg pour le thallium. Ces niveaux sont comparables Ă  ceux des dĂ©chets industriels dangereux. En outre, ils doivent ĂȘtre mis en relation avec la quantitĂ© de charbon consommĂ©e par les cuisiniĂšres et les chaudiĂšres individuelles en Pologne en 2018. Celle-ci Ă©quivaut Ă  environ 10 millions de tonnes par an.

Effets toxiques et symptÎmes de la « thallotoxicose »

Chez l’Homme, administrĂ© Ă  faible dose, le thallium provoque un ensemble de symptĂŽmes variĂ©s qui caractĂ©risent la thallotoxicose. Une alopĂ©cie (perte de cheveux) se manifeste gĂ©nĂ©ralement Ă  deux ou trois semaines aprĂšs une intoxication aiguĂ«. Des troubles digestifs comme une stomatite et une gastro-entĂ©rite peuvent survenir. Ils s’accompagnent de vomissements, de diarrhĂ©es et de constipation, doublĂ©s d’une perte d’appĂ©tit et de poids (anorexie). De mĂȘme, il est possible que d’autres manifestations se constatent :

  • douleurs et crampes dans les jambes ;
  • nĂ©vrite pĂ©riphĂ©rique et rĂ©trobulbaire ;
  • paresthĂ©sies des mains et des pieds souvent associĂ©es Ă  une faiblesse musculaire ainsi qu’à une diminution du rĂ©flexe du tendon d’Achille ;
  • problĂšmes de sommeil, fatigue et dĂ©pression ;
  • perturbations endocriniennes ;
  • Ă©pisodes de rires hystĂ©riques et parfois de dĂ©lires.

Les symptĂŽmes de la « thallotoxicose » peuvent Ă©galement inclure la cyanose, l’hypertension avec tachycardie et bradycardie ainsi que des convulsions. Dans certains cas graves, l’intoxication Ă  l’élĂ©ment chimique 81 provoque un coma et la mort peut survenir.

Il a Ă©galement Ă©tĂ© rapportĂ© une augmentation anormale de la salivation, et aprĂšs quelques jours, une « pigmentation cutanĂ©e » peut apparaĂźtre. Par ailleurs, des Ă©tudes ont Ă©tabli un lien entre le thallium et certains types de diabĂšte. Des recherches menĂ©es en 2020 s’orientent vers une corrĂ©lation entre le thallium et le TDAH. Ce dernier est gĂ©nĂ©ralement causĂ© par une carence en dopamine.

Un cas publiĂ© en 2020 dans la littĂ©rature mĂ©dico-lĂ©gale relate l’histoire d’un couple hospitalisĂ© Ă  Milan qui a Ă©tĂ© dĂ©couvert affectĂ© par du thallium. L’enquĂȘte judiciaire a prouvĂ© que seule la semelle des chaussures du mari rĂ©vĂ©lait des traces de poudre de Tl. Son fils a employĂ© de maniĂšre illĂ©gale cet Ă©lĂ©ment dans une parcelle cultivĂ©e oĂč il se rendait chaque jour pour l’aider. Ainsi, il aurait involontairement polluĂ© son foyer, entraĂźnant son auto-intoxication ainsi que celle de sa femme.

Le thallium, rĂ©duit en poudre, s’est prĂ©sentĂ© comme un poison. Ses sels sont dĂ©pourvus de couleur et d’odeur et prĂ©sentent une dose lĂ©tale infiniment basse. Moins de 5 mmol, soit lĂ©gĂšrement supĂ©rieur Ă  1,5 mg/kg de poids corporel suffit pour causer la mort d’un individu. Les utilisations du Tl en tant que formicide, insecticide et raticide diminuent, notamment depuis que son effet nĂ©faste sur l’Homme a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence. Cependant, Ă  des Ă©chelles locales, son usage perdure. Par consĂ©quent, il persiste dans l’environnement sans se biodĂ©grader ni s’altĂ©rer.

Les os, le systĂšme nerveux, le foie et les reins de l’organisme humain sont les organes les plus affectĂ©s par le thallium. Il bouleverse les fonctions de plusieurs enzymes vitales et le mĂ©tabolisme des acides gras. Parmi les troubles, on peut constater des polyneuropathies ainsi que divers troubles tels des hĂ©morragies internes et des lĂ©sions myocardiques potentiellement mortelles. Chez les femmes enceintes, une augmentation des niveaux de thallium est associĂ©e Ă  un risque accru de faible poids du bĂ©bĂ© Ă  la naissance. Elle peut Ă©galement s’accompagner de dommages irrĂ©versibles au niveau des fonctions intellectuelles, en particulier sur la mĂ©moire et l’intelligence cognitive.

Chez l’animal

Les effets de l’élĂ©ment chimique 81 sur les mammifĂšres sont similaires Ă  ceux observĂ©s chez l’Homme (stress oxydatif, apoptose, inflammation, etc.). Une expĂ©rience menĂ©e en 2022 sur la perche du Nil semble confirmer qu’il est capable de provoquer une agressivitĂ©. Pendant deux mois, les poissons ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  une concentration sublĂ©tale de thallium (41,9 ÎŒg/L, soit un dixiĂšme de la CL50 Ă  96 heures). Les rĂ©sultats ont rĂ©vĂ©lĂ© une augmentation du comportement agressif des poissons. Elle Ă©tait associĂ©e Ă  une diminution des niveaux de sĂ©rotonine, de GABA et de neurotransmetteurs dans le cerveau. De mĂȘme, une rĂ©duction de l’activitĂ© de la Na+/K+-ATPase et des acĂ©tylcholinestĂ©rases (AchE) a Ă©tĂ© signalĂ©e. Par ailleurs, les marqueurs de stress oxydatif (protĂ©ine carbonyle, MDA, PC et malondialdĂ©hyde) se sont multipliĂ©s chez les perches. Il en est de mĂȘme pour l’expression des gĂšnes liĂ©s au stress dans leur cerveau (P53, Caspase-3 et HSP70). ParallĂšlement, l’activitĂ© de la catalase (CAT) a diminuĂ©. Toutefois, il a Ă©tĂ© constatĂ© que l’administration simultanĂ©e d’extraits d’astragale a rĂ©duit notablement les effets toxiques de l’élĂ©ment chimique 81. Il s’agit d’une plante utilisĂ©e en mĂ©decine traditionnelle chinoise qui a Ă©tĂ© introduite dans l’alimentation des poissons Ă  hauteur de 0,30 % durant l’expĂ©rience.

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Cas particulier de l’intoxication chronique

Dans les annĂ©es 2010, les consĂ©quences de l’intoxication chronique par de faibles doses de thallium sur l’organisme humain ont Ă©tĂ© insuffisamment documentĂ©es et mal comprises. NĂ©anmoins, tout comme pour le plomb, il semble que les enfants soient plus vulnĂ©rables Ă  ces effets. Leurs fonctions rĂ©nales, hĂ©patiques et cardiaques prĂ©sentent un risque plus Ă©levĂ© de subir des dommages graves, mĂȘme Ă  des niveaux signalĂ©s considĂ©rĂ©s comme « subcliniques ».

Des enfants ont Ă©tĂ© suivis pendant quatre ans aprĂšs un traitement ayant rĂ©duit leur taux d’excrĂ©tion urinaire de thallium en dessous de 5 ÎŒg/L. L’analyse a montrĂ© une attĂ©nuation des rĂ©percussions indĂ©sirables sur le foie et les reins, bien que ces organes ne s’étaient pas encore complĂštement rĂ©tablis. En revanche, les effets nĂ©gatifs sur le cƓur ont persistĂ©, voire se sont accentuĂ©s avec le temps.

Jusqu’en 2020, l’OMS a rĂ©vĂ©lĂ© ne pas disposer de donnĂ©es suffisantes pour apprĂ©cier de maniĂšre certaine les risques pour les enfants ayant 5 Ă  500 ÎŒg/L de thallium dans l’urine. Cependant, les auteurs de l’étude prĂ©cĂ©dente affirment que mĂȘme un seuil de 5 ÎŒg/L prĂ©sente un danger pour la santĂ© des plus jeunes. Ils soulignent que : « il est urgent d’Ă©tablir des limites de sĂ©curitĂ© plus strictes pour ce mĂ©tal ». De plus, compte tenu de l’augmentation de l’exposition de la population mondiale au thallium, ils exhortent l’OMS Ă  « accorder plus d’attention aux effets nĂ©fastes du thallium sur la santĂ© des enfants »

Séquelles

Chez des adultes ayant survĂ©cu Ă  une intoxication tardivement traitĂ©e Ă  l’hĂŽpital, certains ont prĂ©sentĂ© un engourdissement chronique des membres infĂ©rieurs. Dans un cas unique, on a assistĂ© au dĂ©veloppement d’une thrombose veineuse profonde de la jambe. Quelques cas de sĂ©quelles mentales, comme la schizophrĂ©nie, ont Ă©galement Ă©tĂ© mentionnĂ©s.

En cas d’intoxication chez l’enfant, les sĂ©quelles peuvent affecter le foie et les reins, mais principalement le cƓur. Une Ă©tude in vitro datant de 1978 a dĂ©montrĂ© la toxicitĂ© de l’ion Tl+ sur les muscles squelettiques. Il provoque un blocage sĂ©lectif du nerf phrĂ©nique ou de la jonction neuromusculaire sur la fibre musculaire. Selon son auteur, les dommages causĂ©s au cƓur peuvent ĂȘtre potentiellement irrĂ©versibles.

Enjeu de santé environnementale

Les relevĂ©s environnementaux rĂ©vĂšlent une prĂ©sence croissante de l’élĂ©ment chimique 81 dans l’air et la biosphĂšre, avec des pics locaux alarmants. Des concentrations Ă©levĂ©es sont notamment constatĂ©es dans les aliments cultivĂ©s Ă  proximitĂ© des cimenteries allemandes. Celles des zones industrielles atteignent ou dĂ©passent dĂ©jĂ  des niveaux critiques en termes de toxicitĂ©. Par exemple, dans le lac Michigan, des niveaux de thallium allant de 5,9 Ă  70 ppm ont Ă©tĂ© dĂ©tectĂ©s en 2001. Les truites grises (Salvelinus namaycush) avaient des teneurs (~0,6 nmol g-l de poids humide) potentiellement dangereuses pour les consommateurs rĂ©guliers.

La combustion de charbon et des carburants fossiles constitue l’une des principales sources de la libĂ©ration de ce mĂ©tal dans l’environnement.

En plus d’ĂȘtre un Ă©lĂ©ment-non essentiel, le Tl est encore plus nocif pour l’homme que le cadmium, le mercure ou le plomb. Sa dose lĂ©tale mĂ©diane (DL50) orale varie considĂ©rablement selon les espĂšces, allant de 5 Ă  150 mg/kg. Elle est estimĂ©e Ă  8 mg/kg pour les humains. Les normes rĂ©glementaires ont Ă©tabli une concentration maximale admissible de 0,1 mg/ml pour le thallium.

L’élĂ©ment chimique 81 prĂ©sente une affinitĂ© pour les groupes sulfhydryle des protĂ©ines. De ce fait, il entraĂźne des perturbations dans la production de l’adĂ©nosine triphosphate (ATP). Il s’agit d’une molĂ©cule vitale pour toutes les espĂšces animales connues. Depuis sa dĂ©couverte en 1861, ce mĂ©tal lourd est associĂ© Ă  de nombreux cas d’intoxications professionnelles, thĂ©rapeutiques, accidentelles ou criminelles. À l’instar du mercure et du plomb, il agit comme un neurotoxique cumulatif sur le systĂšme nerveux central des mammifĂšres. À faible dose (sub-toxique), il peut causer un dysfonctionnement musculaire chez les animaux. De plus, il a Ă©tĂ© identifiĂ© comme reprotoxique (affectant la spermatogenĂšse), cardiotoxique et hĂ©patotoxique chez l’homme.

In vitro

En laboratoire, le thallium montre une interaction nĂ©gative avec les phospholipides membranaires des liposomes. Cette caractĂ©ristique suggĂšre qu’il peut altĂ©rer les propriĂ©tĂ©s physiques des membranes cellulaires. Elle est Ă©galement susceptible de contribuer Ă  ses effets neurotoxiques.

Sur le plan chimique, cet Ă©lĂ©ment prĂ©sente des similitudes avec l’argent, le plomb, et certains mĂ©taux alcalins comme le potassium, le rubidium et le cĂ©sium. Au sein des organismes, l’ion thallium(I) (Tl+) a une affinitĂ© avec l’ion potassium K+ et le remplace aisĂ©ment. La similaritĂ© des rayons ioniques entre le Tl+ et le K+ est apparemment le principal responsable de la toxicitĂ© du Tl et de ses composĂ©s. Cela perturbe ou entrave les processus mĂ©taboliques essentiels qui dĂ©pendent du potassium. Il peut engendrer une peroxydation des lipides et un dysfonctionnement mitochondrial. Par ailleurs, le thallium gĂ©nĂšre un stress oxydatif significatif.

Dans les eaux naturelles

Dans les milieux aquatiques naturels, l’élĂ©ment chimique 81 se prĂ©sente essentiellement sous forme de cation monovalent hautement soluble. Les poissons sont particuliĂšrement sensibles Ă  sa prĂ©sence. En effet, sa solubilitĂ© dans l’eau est supĂ©rieure Ă  celle des autres mĂ©taux lourds. Ces cations sont aisĂ©ment transportĂ©s Ă  travers les diffĂ©rents compartiments de l’environnement et de la chaĂźne alimentaire. Les rejets provenant des mines de mĂ©taux de base contribuent Ă  cette contamination. Cependant, les mĂ©thodes traditionnelles de traitement des mĂ©taux lourds dans les eaux usĂ©es sont peu efficaces pour l’Ă©limination du thallium. De nouvelles techniques d’épuration de l’élĂ©ment chimique 81 sont actuellement dĂ©veloppĂ©es et expĂ©rimentĂ©es. Certains experts estiment que le Tl reprĂ©sente l’un des dangers potentiels, latents mais inquiĂ©tants pour l’environnement et la santĂ©.

Seuils de teneurs environnementales à ne pas dépasser pour le thallium (en 2004)

La dĂ©tection de seulement 0,5 mg de thallium pour 100 g de tissus doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un signe d’intoxication au thallium. Cette estimation de F.F Heyroth (1947) s’est basĂ©e sur le fait qu’en temps normal, l’élĂ©ment chimique 81 ne se trouve pas dans les tissus sains. Bien que minime, une quantitĂ© comprise entre 0,5 et 10,0 mg pour 100 g de tissus indique une intoxication subaiguĂ« Ă  mortelle..

Le seuil de sécurité pour le thallium environnemental est fixé à :

  • 2 ÎŒg par L pour l’eau potable ;
  • 1 kg−1 pour le sol arable ;
  • 0.008–1.0 kg−1 pour le vĂ©gĂ©tal ;
  • 0.03–0.3 mg kg−1 pour les plantes alimentaires ;
  • 2 ÎŒg jour−1 pour l’ADI (apport quotidien moyen) ;
  • 0.056 mg jour−1 pour le seuil oral (dose orale de rĂ©fĂ©rence).
Perturbateur endocrinien, reprotoxique

L’élĂ©ment chimique 81 a un impact sur le systĂšme endocrinien et la santĂ© reproductive.

Des constatations ont eu lieu chez les femmes chinoises de la province de Zhejiang. Le risque de mĂ©nopause prĂ©maturĂ©e a Ă©tĂ© reliĂ© Ă  une teneur Ă©levĂ©e en thallium dans les urines. Les taux sĂ©riques de l’hormone folliculo-stimulante et de l’hormone lutĂ©inisante sont Ă©galement Ă©levĂ©s. En revanche, l’hormone anti-mullĂ©rienne et l’estradiol ont significativement baissĂ©.

Dans les annĂ©es 1980, des Ă©tudes chez le rat mĂąle ont mis en Ă©vidence l’effet reprotoxique du thallium. Une atrophie et une toxicitĂ© testiculaire suivies de l’altĂ©ration de la spermatogenĂšse ont Ă©tĂ© remarquĂ©es, comme l’a rapportĂ© A. Buschke en 1922.

ÉlĂ©ment mutagĂšne, gĂ©notoxique, cancĂ©rogĂšne ?

En 1990, les donnĂ©es sur les aspects spĂ©cifiques des composĂ©s du thallium et du thallium-mĂ©tal Ă©taient trĂšs insuffisantes. Elles n’ont pas pu permettre l’évaluation des risques pour ces trois dangers potentiels. Les Ă©tudes se sont plus portĂ©es sur la toxicitĂ© Ă©levĂ©e du thallium et de ses sels.

Mutagénicité

La mutagĂ©nicitĂ© du thallium et de ses composĂ©s est sujette Ă  controverse. Toutefois, ce mĂ©tal prĂ©sente des propriĂ©tĂ©s tĂ©ratogĂšnes bien dĂ©finies, notamment en ce qui concerne la formation du cartilage et de l’os. Des embryons de poulet ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  des doses de sulfate de thallium de 0,4 Ă  1,2 mg pendant les 4 Ă  11 jours de leur incubation. Les rĂ©sultats ont montrĂ© des cas d’achondroplasies chez les poussins. Ces anomalies sont apparemment associĂ©es Ă  une inhibition de la synthĂšse des mucopolysaccharides. Toutefois, l’incidence est moindre chez les mammifĂšres.

En 2022, les Ă©tudes in vivo et in vitro rĂ©alisĂ©es attestent un effet mutagĂšne, bien que de faible intensitĂ©. Les composĂ©s du thallium ont modifiĂ© la progression du cycle cellulaire. NĂ©anmoins, Ă  ce stade, aucune preuve solide ne permet d’affirmer l’existence de dommages primaires et irrĂ©versibles Ă  l’ADN ni de dommages chromosomiques. De plus, aucun effet mutagĂšne n’a Ă©tĂ© rapportĂ© dans les lymphocytes des patients exposĂ©s au 201Tl par la mĂ©decine nuclĂ©aire.

Génotoxicité

En 2012, RodrĂ­guez-Mercado et AgustĂ­n ont dĂ©montrĂ© que les diffĂ©rentes formes de thallium ont des rĂ©actions sur le gĂ©nome des cellules eucaryotes et procaryotes. Cependant, ces rĂ©sultats nĂ©cessitent d’ĂȘtre plus approfondis.

En 2017, ces mĂȘmes chercheurs ont exposĂ© des lymphocytes humains (in vitro) Ă  diffĂ©rents taux de thallium I et III. Les tests d’anomalie chromosomique ont rĂ©vĂ©lĂ© que le sulfate de thallium(I) rĂ©duisait l’indice mitotique Ă  toutes les teneurs expĂ©rimentĂ©es : 0,5, 1, 5, 50 et 100 ÎŒg/mL. Quant au chlorure de thallium(III), il s’est relevĂ© toxique Ă  des taux supĂ©rieurs ou Ă©gaux Ă  1 ÎŒg/mL. Le traitement sous ces deux formes a significativement augmentĂ© les erreurs chromosomiques structurelles (avec ou sans lacunes) et le pourcentage de cellules aberrantes sans lacunes.

Ces observations indiquent que les deux formes d’oxydation de l’élĂ©ment chimique 81 ont des effets cyto/gĂ©notoxiques : clastogĂšnes et aneuploĂŻdogĂšnes. Respectivement, ils gĂ©nĂšrent des cassures de l’ADN et un nombre anormal de chromosomes dans la cellule. Cela pourrait suggĂ©rer un potentiel effet cancĂ©rigĂšne.

En 2021, des tests rĂ©alisĂ©s sur le modĂšle animal Drosophila melanogaster ont rĂ©vĂ©lĂ© une gĂ©notoxicitĂ© de l’acĂ©tate de thallium et du sulfate de thallium. Toutefois, ce caractĂšre ne s’est manifestĂ© qu’à des doses Ă©levĂ©es [600 ÎŒM] de Tl2SO4, avec une recombinaison somatique de 87,6 %. Ces deux sels ont bouleversĂ© la division cellulaire, ce qui atteste les effets cytotoxiques escomptĂ©s. NĂ©anmoins, les chercheurs prĂ©cisent que « Les risques gĂ©notoxiques dus Ă  des niveaux Ă©levĂ©s de mĂ©taux par bioaccumulation de Tl+1 ou de ses composĂ©s nĂ©cessitent une Ă©valuation plus approfondie avec d’autres tests in vivo et in vitro ».

Cancérogénicité

Actuellement, les Ă©tudes pertinentes sur les effets de l’élĂ©ment chimique 81 sur les humains et les animaux de laboratoire sont encore insuffisantes. De ce fait, il est difficile de dĂ©terminer sa cancĂ©rogĂ©nicitĂ©. Cependant, quelques expĂ©riences ont suggĂ©rĂ© que le trichlorure de thallium, qui est le seul sel trivalent stable de ce mĂ©tal, pourrait avoir une activitĂ© antitumorale.

Quelques statistiques

Les niveaux couramment observĂ©s de thallium dans l’air inhalĂ© se situent gĂ©nĂ©ralement entre 5 et 10 ng/g. En 2015, Ghaderi et ses collĂšgues ont constatĂ© une augmentation significative de la prĂ©sence de cet Ă©lĂ©ment chimique dans le corps des consommateurs d’opioĂŻdes. La concentration moyenne Ă©tait de 21 ÎŒg/l chez ces individus et de 1 ÎŒg/l chez le groupe tĂ©moin.

Ingestion et teneur corporelle

Au XXIe siĂšcle, selon Wallace (2015), un adulte moyen ingĂšre environ 2 ppb de thallium par jour. Pour R. Blain (2022) la consommation est infĂ©rieure Ă  5 ÎŒg/j, Ă  partir des aliments.

Selon Lansdown (2013), la teneur corporelle moyenne en Tl chez un amĂ©ricain est d’environ 0,1 milligramme, soit 0,051 mg/kg de masse corporelle.

Les taux de ce métal dans certains organes sont les suivants :

  • 0,6 ÎŒg/g (microgramme par gramme) dans le squelette ;
  • 0,42 Ă  1,5 ng/g dans le cerveau ;
  • 1,2 ÎŒg/g dans les ongles ;
  • moins de 1,5 ng/g dans le foie ;
  • 6,1 ng/g dans les reins ;
  • entre 7 et 650 ng/g dans les cheveux.

L’élĂ©ment chimique 81 a tendance Ă  emmagasiner principalement dans les organes pĂ©riphĂ©riques, notamment dans les phanĂšres. Ces derniers peuvent poursuivre l’élimination d’une partie du thallium ingĂ©rĂ©, comme ils le font pour le plomb et le mercure.

Excrétion et taux urinaire

La majeure partie du thallium non liĂ© dans le corps est excrĂ©tĂ©e par l’urine et parfois par les selles, en moindre quantitĂ©.

L’analyse de l’urine est une mĂ©thode utile et courante pour connaĂźtre le degrĂ© de contamination d’une personne, rĂ©cente ou chronique. En gĂ©nĂ©ral, la concentration de thallium urinaire est infĂ©rieure Ă  1 ÎŒg/g de crĂ©atinine. Il est dĂ©tectĂ© dans l’urine une heure aprĂšs l’exposition et peut y persister jusqu’Ă  deux mois.

Il est recommandĂ© de collecter l’urine sur une pĂ©riode de 24 heures. En effet, il faut tenir compte des variations diurnes et des habitudes d’hydratation et de consommation qui influent sur l’excrĂ©tion. Un niveau supĂ©rieur Ă  20 ÎŒg/l indique une exposition excessive. Au-delĂ  de 200 ÎŒg/l, on parle d’empoisonnement.

L’urine d’un EuropĂ©en moyen contient environ 0,066 ÎŒg/l de thallium.

Chez les Canadiens, les taux moyens et ceux du 95Ăšme centile de thallium dans l’urine sont respectivement de 0,21 ÎŒg/g et 0,55 ÎŒg/g de crĂ©atinine.

Chez le rat de laboratoire en bonne santĂ©, la demi-vie biologique du 204Tl a Ă©tĂ© estimĂ©e entre 3 et 4 jours. Chez l’Homme, sa prĂ©sence dans l’urine et les selles peut persister plusieurs semaines aprĂšs son absorption.

En 1994, Sabbioni et ses collĂšgues ont proposĂ© une plage de rĂ©fĂ©rence provisoire pour le thallium urinaire : 0,019 Ă  0,170 ÎŒg.

Taux sanguin de thallium

Le taux sanguin de thallium Ă©value gĂ©nĂ©ralement l’exposition rĂ©cente ou chronique Ă  cette substance.

En 1994, Sabbioni et ses collĂšgues ont suggĂ©rĂ© une fourchette de rĂ©fĂ©rence provisoire pour le thallium sanguin : 0,014 Ă  0,190 ÎŒg/l. Selon Lansdown (2013), la toxicitĂ© est Ă©tablie Ă  partir de 100 ÎŒg/l. Les valeurs de rĂ©fĂ©rence calculĂ©es pour le Tl se situent gĂ©nĂ©ralement entre 0,15 et 0,63 ÎŒg/l dans le sang et entre 0,02 et 0,34 ÎŒg/l dans le sĂ©rum. Le taux sanguin moyen d’un EuropĂ©en est d’environ 0,063 ÎŒg/l.

PhanĂšres (ongles, griffes, cornes, poils et cheveux)

Chez une personne non exposĂ©e, les ongles contiennent trois fois plus de thallium que les cheveux. Ces derniers sont considĂ©rĂ©s comme un indicateur moins fiable d’une contamination en cours que l’urine. Le taux de thallium dans les phanĂšres reproduit l’environnement et/ou l’alimentation de la personne. Toutefois, la mesure du thallium dans les cheveux peut ĂȘtre difficile en cas d’exposition trĂšs faible de l’organisme.

Selon le manuel de toxicologie de Robyn Blain (Ă©dition 2022), les cheveux prĂ©sentent la plus forte concentration de thallium parmi tous les tissus chez les sujets non exposĂ©s. Chez le rat, jusqu’Ă  60 % de la charge corporelle restante a Ă©tĂ© retrouvĂ©e dans les poils. Ce constat a Ă©tĂ© fait 21 jours aprĂšs l’administration de thallium par voie parentĂ©rale ou orale.

Absorption, distribution et excrétion

Absorption

La solubilitĂ© du phosphate de thallium est 50 fois plus Ă©levĂ©e que celle du phosphate de calcium. Toutefois, contrairement au plomb, l’élĂ©ment 81 ne s’accumule pas de maniĂšre significative dans l’os.

Les sels de ce mĂ©tal sont capables de pĂ©nĂ©trer facilement dans la peau ainsi que dans les muqueuses digestives et respiratoires. Des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es sur des lapins et des chiens ont dĂ©montrĂ© que le sulfate de thallium commence Ă  ĂȘtre absorbĂ© au niveau de l’Ɠsophage. Deux heures aprĂšs ingestion, il est dĂ©celĂ© dans l’urine. À peine quelques minutes aprĂšs son administration par voie intraveineuse, les poumons des lapins le retracent.

D’autres Ă©tudes font Ă©tat que les reins, le pancrĂ©as, les muscles et la rate peuvent renfermer des quantitĂ©s plus Ă©levĂ©es de Tl par unitĂ© de poids que les autres organes.

Distribution

Le processus d’Ă©limination du thallium est relativement lent chez l’homme et les animaux. Pendant une Ă©pidĂ©mie d’intoxication en Californie, par exemple, les patients prĂ©sentaient encore de ce mĂ©tal dans leur urine mĂȘme trois semaines aprĂšs l’exposition. Chez deux d’entre eux, les niveaux ont atteint 2,39 mg/L.

La prĂ©sence du Tl chez les personnes intoxiquĂ©es chroniques perdure environ deux mois. Dans les empoisonnements mortels chez l’homme, les concentrations vont de 3 Ă  11 parties par million dans certains organes : reins, foie, cƓur, intestins, poumons, os et rate. Un homme a prĂ©sentĂ© 3,3 mg pour 100 g de foie, 5 mg pour 100 g d’urine et 1,6 mg pour 98 g de rein.

En outre, des analyses spectroscopiques rĂ©alisĂ©es par Olmer et Tian ont rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence d’une partie de thallium pour 50 millions dans le liquide cĂ©phalorachidien d’un homme gravement intoxiquĂ©. AprĂšs avoir Ă©liminĂ© les cellules de l’échantillon par centrifugation, la concentration du Tl a Ă©tĂ© rĂ©duite Ă  un dixiĂšme de sa valeur initiale. Celui-ci se concentre aussi en petites quantitĂ©s dans la peau et les cheveux.

Excrétion

Selon les travaux de Shaw et Lansbury, les rats exposĂ©s Ă  des doses sublĂ©tales rĂ©pĂ©tĂ©es Ă©liminent chaque jour environ 0,4 mg de thallium par kilogramme de poids corporel. De plus, les femelles allaitantes intoxiquĂ©es par une dose lĂ©tale produisent du lait contenant suffisamment de Tl. Le taux est suffisant pour perturber la croissance des poils et inhiber la croissance et le dĂ©veloppement des petits, sans toutefois les tuer. Des oies empoisonnĂ©es par l’élĂ©ment chimique 81 Ă  raison de 20 mg/kg de poids corporel sont mortes 15 jours aprĂšs. Leurs tissus renfermaient encore 35 Ă  70 % de la quantitĂ© ingĂ©rĂ©e. Chez le chien, l’élimination d’environ 60 % du thallium par l’urine prend en moyenne 36 jours.

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Teneurs dans l’environnement, cinĂ©tiques environnementales et tendances

En principe, le thallium pur est rare Ă  la surface de la Terre en raison de sa forte propension Ă  s’oxyder et Ă  se dissoudre dans l’eau. Quisefit et ses collĂšgues ont signalĂ© sa prĂ©sence pour la premiĂšre fois en 1989 dans des sublimĂ©s d’Ă©missions gazeuses volcaniques. Il le trouve sous diverses formes de composĂ©s inorganiques tels que :

  • des sels contenant des oxoanions ;
  • des chalcogĂ©nures ;
  • des oxy halogĂ©nures ;
  • des oxydes ;
  • des bromures ;
  • des hydroxydes ;
  • fluorures ;
  • des hydrures ;
  • iodure ou des halogĂ©nures mixtes comme le dichlorure de fluorure de thallium (III) (TlFCl2‱3H2O) ;
  • des chlorures.

Parmi les nombreux composĂ©s organo thalliens, les dĂ©rivĂ©s disubstituĂ©s (R2TlX) sont considĂ©rĂ©s comme les plus stables. Dans les mines de charbon et les mĂ©tĂ©orites, l’élĂ©ment chimique 81 peut ĂȘtre trouvĂ© Ă  des concentrations Ă©levĂ©es. Certaines formations gĂ©ologiques, tels les granites, les roches volcaniques et l’argile dĂ©tritique sont susceptibles d’en contenir.

Cycle biogéochimique et source-puits de thallium

Dans les profondeurs de l’ocĂ©an, les sĂ©diments et les nodules de manganĂšse sous-marins constituent des « puits naturels » de thallium. Toutefois, son comportement dans les zones cĂŽtiĂšres et les eaux ocĂ©aniques ouvertes reste encore mĂ©connu. Des recherches rĂ©centes ont rĂ©vĂ©lĂ© que les bactĂ©ries contenues dans les sĂ©diments jouent un rĂŽle important dans le cycle marin de l’élĂ©ment chimique 81.

Cycle biogéochimique étroitement lié au pH

En milieu trĂšs acide (pH < 3), le thallium reste principalement sous forme libre dans l’eau. Toutefois, il a tendance Ă  s’adsorber rapidement lorsque le pH atteint environ 6,5, en fonction de son Ă©tat d’oxydation. Environ 1 Ă  5 % du Tl total dans les milieux marins se trouve sous forme de Tl3+. Dans une plage de pH allant de 2 Ă  12, en prĂ©sence de conditions de potentiel redox Ă©levĂ©, le Tl3+ peut former un prĂ©cipitĂ© insoluble de Tl(OH)3.

En 2004, RehkĂ€mper et Nielsen ont dĂ©montrĂ© que le Tl+ subit une oxydation rĂ©versible en Tl3+ sous l’influence de la lumiĂšre. En 2006, les travaux de Karlsson et de ses collĂšgues ont indiquĂ© que le Fe3+ pouvait Ă©galement ĂȘtre Ă©galement photo rĂ©duit en Fe2+. Ainsi, l’état redox du thallium dans les systĂšmes d’eau douce paraĂźt ĂȘtre rĂ©gulĂ© par le cycle du fer qui est souvent associĂ© Ă  des bactĂ©ries.

Variations des taux de thallium dissous

L’élĂ©ment chimique 81 considĂ©rĂ© comme non essentiel et extrĂȘmement toxique dans le milieu marin, Ă©tait autrefois jugĂ© comme stable dans cet environnement. Une idĂ©e que des chercheurs allemands ont remise en question dans les annĂ©es 2010. Ils ont dĂ©montrĂ© que les taux de thallium dissous (Tldiss) varient considĂ©rablement (environ 25-60pM) dans la colonne d’eau. N’ayant aucun rapport avec la salinitĂ©, ils sont en corrĂ©lation avec le manganĂšse et le molybdĂšne prĂ©sents. Les fluctuations varient en fonction des zones, des marĂ©es et des saisons. Elles ont Ă©tĂ© observĂ©es le long des cĂŽtes allemandes prĂšs de Spiekeroog, telles que la baie de Jade, l’estuaire et les rĂ©gions offshores adjacentes. En termes de bilan massique, le thallium dissous diminue jusqu’à -50 % quand la marĂ©e est basse. Cette rĂ©duction est inversement proportionnelle au manganĂšse dissous (Mndiss), sauf en Ă©tĂ©.

Causes des fluctuations

Ces variations sont dĂ©tectĂ©es jusqu’Ă  plus de 40 km de la cĂŽte, jusqu’Ă  Heligoland. Elles rĂ©sultent d’un phĂ©nomĂšne d’absorption/dĂ©sorption rythmique du Tl des eaux interstitielles du sĂ©diment. Ce dernier est liĂ© Ă  la chimie redox du thallium qui demeure mal comprise. Les sĂ©diments anoxiques pourraient agir comme un puits pour le Tldiss, oĂč il se combinerait avec le sulfure de fer. Initialement, les scientifiques pensaient que la rĂ©duction du thallium dans les eaux interstitielles se produisait uniquement dans des conditions anoxiques et sulfuriques. Toutefois, des Ă©tudes plus rĂ©centes suggĂšrent que le cycle du Tl est Ă©galement influencĂ© par des conditions lĂ©gĂšrement rĂ©ductrices (suboxiques). Il est probablement en relation avec des phases de rĂ©duction microbienne du manganĂšse dans les sĂ©diments.

En 2021, une expĂ©rience en mĂ©socosme a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour analyser la saisonnalitĂ© du phĂ©nomĂšne de diminution significative du thallium dissous. Elle a dĂ©montrĂ© que celle-ci pourrait ĂȘtre causĂ©e par une complexation temporaire de l’élĂ©ment chimique 81 par la matiĂšre organique issue des blooms planctoniques saisonniers. PrĂ©levĂ© de la colonne d’eau, le mĂ©tal est momentanĂ©ment maintenu par des phases porteuses organiques (ligands, algues en dĂ©composition, bactĂ©ries, etc.) et inorganiques. Ensuite, il est dĂ©posĂ© et Ă©ventuellement fixĂ© dans les sĂ©diments sulfurĂ©s. Entre 4 et 20 % du thallium total dissous de la colonne d’eau seraient ainsi Ă©liminĂ©s de façon rĂ©guliĂšre, mais provisoire. En mĂ©socosme, il a Ă©tĂ© constatĂ© que les diatomĂ©es ne semblent pas jouer un rĂŽle significatif dans ce processus. NĂ©anmoins, les blooms de Phaeocystis sp., surtout au stade colonial de formation d’hydrogel, entraĂźnent des dĂ©perditions notables du thallium dissous, Ă  raison de 27 % par jour.

Répartition spatiale du thallium dans les zones intertidales

En 2021, lors d’une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par des chercheurs allemands, des concentrations Ă©levĂ©es de thallium dans l’eau interstitielle de divers sĂ©diments ont Ă©tĂ© constatĂ©es. Elles ont Ă©tĂ© six fois supĂ©rieures Ă  la normale et ont Ă©tĂ© Ă©troitement liĂ©es Ă  la dĂ©gradation aĂ©robie de la matiĂšre organique. En revanche, le mĂ©tal s’est estompĂ© de ce milieu lorsque ce dernier est devenu trĂšs peu rĂ©ducteur (avec une quantitĂ© de manganĂšse ou de fer supĂ©rieure Ă  1 ”M).

Les variations saisonniĂšres et spatiales du fer dissous ainsi que les taux de Mg influent sur la rĂ©partition du thallium dans les zones intertidales. Les chercheurs pensent que cette libĂ©ration rapide et cyclique de l’élĂ©ment chimique 81 dans l’eau est le rĂ©sultat d’une combinaison de phĂ©nomĂšnes. Elle inclut la dĂ©gradation de la MO, la dĂ©sorption du thallium adsorbĂ© temporairement sur les particules sĂ©dimentaires et/ou la rĂ©oxydation. De maniĂšre inverse, la disparition cyclique du Tl de l’eau serait apparemment reliĂ©e Ă  la prĂ©sence de traces de sulfure dissous.

Compréhension des mécanismes de puits et de sources de thallium

Les sĂ©diments intertidaux sont gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©s comme un puits pour le thallium, l’uranium et le rhĂ©nium, surtout dans les conditions essentiellement anoxiques pendant l’étĂ©. Cependant, en hiver, leur oxygĂ©nation Ă©tant optimale, ils peuvent devenir une source nette de l’élĂ©ment chimique 81. Les auteurs de cette Ă©tude allemande de 2021 ont indiquĂ© l’ordre d’Ă©limination de ces mĂ©taux dans l’eau interstitielle suivant : Tl > Re > U > Mo.

La comprĂ©hension des mĂ©canismes de puits et de sources de thallium dans le milieu marin reste encore incomplĂšte. De plus, les estimations de flux de Tl peuvent ne pas s’appliquer aux sĂ©diments permĂ©ables des plages de sable. D’autres types de sĂ©diments prĂ©sentant des conditions lĂ©gĂšrement sulfurĂ©es sont aussi susceptibles de les remettre en question. Par ailleurs, des expĂ©riences ex-situ ont prouvĂ© que la rĂ©action mĂ©canique du thallium dans les eaux interstitielles des grains de sable des plages est rapide.

Dans le cadre du changement climatique qui impacte la tempĂ©rature, l’Ă©rosion et l’oxygĂ©nation de l’eau, il est essentiel de considĂ©rer ces nouvelles dĂ©couvertes. Elles ne doivent pas ĂȘtre nĂ©gligĂ©es dans les modĂšles ocĂ©anographiques, en particulier dans les estuaires qui sont sujets aux embĂącles vaseux.

Les principales sources naturelles de thallium sur les terres Ă©mergĂ©es sont essentiellement les geysers, le volcanisme et certains systĂšmes hydrothermaux. De mĂȘme, elles sont associĂ©es Ă  l’érosion des roches contenant du Tl et Ă  la proximitĂ© d’affleurements gĂ©ologiques riches en mĂ©taux lourds.

Au cours des annĂ©es 2020, les scientifiques s’efforcent de modĂ©liser et de prĂ©voir le comportement de l’élĂ©ment chimique 81 dans l’environnement. Ils cherchent notamment Ă  comprendre les interactions dynamiques de ce mĂ©tal avec les interfaces solide-eau. Pour ce faire, ils ont pris en compte divers paramĂštres tels que la tempĂ©rature, le pH, la duretĂ© de l’eau, l’oxygĂ©nation et les facteurs biotiques/abiotiques.

Dans les eaux

En 2011, une Ă©tude rĂ©alisĂ©e dans le sud-ouest de l’Angleterre a Ă©valuĂ© le niveau du thallium dans diffĂ©rents Ă©chantillons d’eau. Les concentrations en Tl dissous les plus basses (<20 ng L−1) ont Ă©tĂ© observĂ©es dans :

  • l’eau du robinet ;
  • l’eau de pluie ;
  • les eaux usĂ©es traitĂ©es ;
  • les effluents de dĂ©charges ;
  • les eaux estuariennes et des riviĂšres drainant des bassins versants constituĂ©s de grĂšs et de schistes.

En revanche, des niveaux pouvant atteindre environ 450 ng L−1 ont Ă©tĂ© mesurĂ©s dans les eaux de bassins versants partiellement minĂ©ralisĂ©s. Dans les zones oĂč des activitĂ©s miniĂšres ont eu lieu, la constatation a Ă©tĂ© la mĂȘme (jusqu’Ă  1 400 ng L−1 d’ans l’une d’elles). Contrairement aux autres Ă©lĂ©ments mĂ©talliques Ă  l’état de trace Ă©tudiĂ©s, le Tl ne se combine pas facilement aux particules en suspension. L’étude a Ă©galement rĂ©vĂ©lĂ© que les traitements classiques des eaux miniĂšres (prĂ©cipitation d’hydroxydes) n’ont pas pu prendre en compte ce mĂ©tal.

En 2010, dans une rĂ©gion houillĂšre de Trzebinia en Pologne, des Ă©chantillons d’eau prĂ©sentaient des niveaux de thallium extrĂȘmement Ă©levĂ©s. Ils Ă©taient Ă©valuĂ©s Ă  20 Ă  30 fois supĂ©rieurs Ă  ceux des eaux de surface typiques du pays. Cette forte concentration a Ă©tĂ© observĂ©e dans les sĂ©diments de fond et de sol provenant des plaines inondables des ruisseaux Wodna et Luszowka.

En surface, l’élĂ©ment chimique 81 est principalement retenu dans les matiĂšres en suspension. Cette situation conduit Ă  des teneurs alarmantes (environ dix fois plus Ă©levĂ©es que celles des minerais de zinc-plomb). Les eaux colorĂ©es du MiocĂšne ont notamment montrĂ© une mĂ©diane de thallium soluble dix fois supĂ©rieure Ă  celle des eaux de surface de la riviĂšre Warta. Il s’agit d’une source de prĂ©occupation majeure. En effet, une faible proportion de Tl soluble entraĂźne une forte concentration de cet Ă©lĂ©ment dans l’eau (mĂ©diane de 0,11 ÎŒg L−1).

Dans les eaux souterraines

La quantité de thallium dissous dans les eaux souterraines augmente progressivement avec la profondeur.

Elle est Ă©galement influencĂ©e par le contexte gĂ©ologique. Habituellement, elle se situe entre 20 et 24 ÎŒg L−1, mais peut atteindre au moins 1 100 ÎŒg L−1 en plus grande profondeur. Ces eaux souterraines constituent donc une source significative de contamination par l’élĂ©ment chimique 81. Il est possible que les teneurs y soient de 2 Ă  3 fois supĂ©rieures Ă  celles des eaux de surface.

PrĂšs de Pietrasanta, en Toscane (Italie), la nappe naturellement acide du quartier de Valdicastello Carducci, a Ă©tĂ© contaminĂ©e par d’anciennes mines de pyrite. Dans les galeries miniĂšres, l’eau contenait jusqu’Ă  9 000 ÎŒg/L de thallium. En 2014, les taux dans l’eau du robinet variaient de 2 Ă  10 ÎŒg/L.

En 2016, dans la mĂȘme rĂ©gion, des centaines d’Ă©chantillons de cheveux et d’urine ont Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s chez les habitants. Les rĂ©sultats d’analyse ont fait Ă©tat de valeurs de 1 Ă  498 ng/g. Pour les personnes non exposĂ©es (groupe tĂ©moin), les concentrations de Tl variaient entre 0,1 et 6 ng/g. L’étude s’est basĂ©e sur les niveaux prĂ©sents dans l’eau du robinet de la zone de rĂ©sidence des personnes ainsi que sur leur mode de vie. Le seuil de rĂ©fĂ©rence europĂ©en pour l’urine est de 0,006 ÎŒg/L, alors que les taux prĂ©levĂ©s montraient 0,046 Ă  5,44 ÎŒg/L. Les habitants ont reçu l’ordre de ne plus boire cette eau.

Dans les sédiments

Les sédiments des ruisseaux qui se forment à partir des sols naturellement lessivés renferment des doses trÚs limitées de thallium. Par exemple, ceux des dépÎts de sable et de graviers fluvio glaciaires en Pologne contiennent entre 0,02 et 0,17 mg/kg de Tl.

Les sĂ©diments des rĂ©gions industrielles renferment des quantitĂ©s alarmantes de Tl, comme en tĂ©moigne une Ă©tude rĂ©cente menĂ©e dans le sud de la Chine en 2022. Elle a examinĂ© la nature et la quantitĂ© des isotopes Δ205Tl prĂ©sents dans les sĂ©diments d’une riviĂšre en aval d’une fonderie de plomb-zinc. Les rĂ©sultats ont constatĂ© une forte augmentation de cet isotope, sous forme dissoute et sous forme de particules ultrafines (~ÎŒm). Les valeurs reçues sont similaires Ă  celles constatĂ©es dans les dĂ©chets de la fonderie. Les chercheurs ont conclu que cette derniĂšre Ă©tait responsable d’environ 80 % de la contamination en thallium de la riviĂšre et de ses sĂ©diments.

Chez les microbes

L’environnement immĂ©diat des gisements gĂ©ologiques, tels que les mines de pyrites, renferment du thallium auquel les organismes vivants sont exposĂ©s en permanence. Certaines communautĂ©s bactĂ©riennes s’y sont plus ou moins acclimatĂ©es, dĂ©pendamment de la concentration en Tl et des paramĂštres gĂ©ochimiques : pH, S, Fe et TOM. Les chercheurs ont observĂ© que l’élĂ©ment chimique 81 façonne et influence leur rĂ©partition verticale. Les assemblages microbiens dans ces zones sont principalement dominĂ©s par des bactĂ©ries aux propriĂ©tĂ©s :

  • rĂ©ductrices Mn;
  • oxydantes du soufre (S) ;
  • rĂ©ductrices du fer (FeRB) ;
  • oxydantes du fer (FeOB).

Les cycles du fer, du manganĂšse et du soufre dans le sol jouent un rĂŽle Ă©troit dans le cycle biogĂ©ochimique du thallium. Cette caractĂ©ristique suggĂšre la possibilitĂ© d’utiliser des microbes indigĂšnes pour la bioremĂ©diation des sols contaminĂ©s par le Tl.

Chez les végétaux

Les vĂ©gĂ©taux ont la capacitĂ© d’absorber l’élĂ©ment chimique 81 du sol et de l’eau du sol. Ils l’assimilent aussi via les dĂ©pĂŽts humides comme les prĂ©cipitations, la rosĂ©e, la neige et le givre. Par ailleurs, le thallium peut ĂȘtre captĂ© Ă  travers les dĂ©pĂŽts secs, notamment les poussiĂšres, les nanoparticules, les particules et les microparticules prĂ©sentes dans l’atmosphĂšre.

Dans le phytoplancton

Les teneurs en Tl dans le phytoplancton d’eau douce, tels les macrophytes terrestres, fluctuent considĂ©rablement en fonction de plusieurs paramĂštres :

  • le pH ambiant ;
  • la durĂ©e d’exposition ;
  • le type d’organisme ;
  • le taux d’ions K+ dans la zone de contamination.

Le taux de l’élĂ©ment chimique 81 dans l’environnement est Ă©galement considĂ©rĂ©.

Dans les plantes (macrophytes terrestres, hors arbres)

En Pologne, au dĂ©but du XXIe siĂšcle, les plantes prĂ©sentaient gĂ©nĂ©ralement des concentrations de thallium de l’ordre de 0,05 mg/kg, avec des variations significatives. Ainsi, les trĂšfles des rĂ©gions soi-disant non contaminĂ©es en contenaient entre 0,008 et 0,01 mg/kg. Les graminĂ©es affichaient des taux allant de 0,02 Ă  0,6 mg/kg. Chez les champignons, les niveaux sont beaucoup supĂ©rieurs, atteignant jusqu’Ă  5,5 mg/kg, soit prĂšs de 20 fois plus que ceux des lĂ©gumes infectĂ©s. Par ailleurs, les champignons ont la capacitĂ© de bioaccumuler les mĂ©taux toxiques.

Teneurs de thallium dans quelques espÚces végétales

Les teneurs en Tl les plus consĂ©quentes ont Ă©tĂ© enregistrĂ©es dans la rĂ©gion de Bukowno-Olkusz, entre Katowice et Cracovie. Un complexe d’extraction et de fusion de zinc-plomb s’y trouvait. Les bourgeons de bouleau contenaient 9,4 Ă  12,6 mg/kg de Tl, et les feuilles en renfermaient en moyenne 18,5 mg/kg. Les graminĂ©es prĂ©sentaient des quantitĂ©s encore plus importantes, avec 25,5 mg/kg. La sĂšve de bouleau consommĂ©e par l’homme en contenait de 89 Ă  145 ÎŒg/L. Les plantes du genre Brassica, en particulier le chou, le chou frisĂ© et le colza, sont connues pour accumuler ce mĂ©tal. Asami et al. l’ont expressĂ©ment soulignĂ© en 1966.

D’autres Ă©tudes ont montrĂ© que, comme pour d’autres mĂ©taux toxiques, l’absorption de Tl par les plantes accroĂźt avec l’aciditĂ© du sol. De nombreuses rĂ©gions industrielles ont Ă©tĂ© exposĂ©es Ă  des pluies acides, et les zones miniĂšres sont souvent confrontĂ©es au drainage minier acide

Facteurs influençant la biodisponibilité du thallium dans les sols cultivés

D’aprĂšs des chercheurs chinoix, la disponibilitĂ© rapide du potassium et le potassium total du sol impactent beaucoup sur la biodisponibilitĂ© du thallium dans les sols cultivĂ©s. Cependant, la dĂ©gradation du sol accentue l’accumulation du Tl dans les lĂ©gumes. Étonnamment, le taux de MO ne semble pas avoir une consĂ©quence significative sur la mobilitĂ© du Tl dans la majoritĂ© des sols de laitues. Dans ce mĂȘme cas, les oxydes de fer et de manganĂšse ont eu peu d’effet sur cette disposition caractĂ©ristique du thallium. Selon cette Ă©tude, la consommation de chou-fleur ou de laitue ne constituerait pas une source de contamination au thallium.

Dans les arbres (surtout résineux)

Certains vĂ©gĂ©taux, en particulier les arbres rĂ©sineux, ont la capacitĂ© de bioconcentrer et de bioaccumuler l’élĂ©ment chimique 81.

Certains vĂ©gĂ©taux, en particulier les arbres rĂ©sineux, ont la capacitĂ© de bioconcentrer et de bioaccumuler l’élĂ©ment chimique 81.

Dans le sud de la Pologne, une Ă©tude a Ă©tĂ© faite sur les cernes du pin sylvestre (Pinus sylvestris L.). Il Ă©tait plantĂ© Ă  proximitĂ© d’une usine de fusion du zinc Ă  Olkusz. L’analyse s’est portĂ©e sur la rĂ©partition et la composition isotopique du thallium, du zinc, du cadmium, du plomb et du potassium. Elle s’est Ă©galement basĂ©e sur celles du calcium, du magnĂ©sium et du manganĂšse. Les cernes du pin renfermaient 0,8 mg/kg de Tl, corroborant ainsi la capacitĂ© des conifĂšres Ă  bioaccumuler ce mĂ©tal. Bien qu’ils puissent servir d’indicateur alternatif de pollution chronique au thallium, ils ne permettent pas un suivi temporel prĂ©cis de cette contamination. En effet, le comportement du thallium dans le bois de pin est atypique par rapport aux autres Ă©lĂ©ments trace mĂ©talliques.

Pertinence relative du suivi dendrométrique du Tl dans les cernes des arbres

Alors que la prĂ©sence du zinc et du cadmium dans les cernes est Ă©troitement liĂ©e aux dĂ©pĂŽts au sol, cette corrĂ©lation semble moins prononcĂ©e pour le Tl. Cette divergence pourrait s’expliquer par des apports provenant des feuilles ou de l’écorce plutĂŽt que des racines. Elle suggĂšre aussi l’implication des variations de l’absorption racinaire au fil du temps, en fonction de la mĂ©tĂ©o, de l’activitĂ© mycorhizienne, etc. De plus, les effets de la translocation latĂ©rale du thallium de l’aubier vers le bois peuvent ĂȘtre inĂ©gaux. Par consĂ©quent, l’utilisation des cernes comme indicateur de la contamination par ce mĂ©tal est limitĂ©e.

Des phĂ©nomĂšnes similaires ont Ă©tĂ© observĂ©s dans plusieurs espĂšces d’arbres, avec l’arsenic qui ressemble chimiquement au phosphore. Dans ce cas, l’analyse de la composition isotopique du plomb dans les arbres et le sol environnant a confirmĂ© que l’usine de fusion Ă©tait la principale source de pollution. L’étude des taux de nutriments (Mg, Mn, Mg) dans le bois a rĂ©vĂ©lĂ© des variations environnementales relatives aux dĂ©pĂŽts acides. Par consĂ©quent, le suivi dendromĂ©trique du Tl dans les cernes des arbres semble ne pas ĂȘtre appropriĂ©, tout comme pour l’arsenic. En effet, il ne donne pas d’informations prĂ©cises sur la chronologie des dĂ©pĂŽts de thallium dans l’environnement de l’arbre.

Conséquences de la forte affinité du thallium pour les bois résineux

Lors des incendies touchant les bois rĂ©sineux, le thallium piĂ©gĂ© dans les arbres est libĂ©rĂ© dans l’environnement par l’émission de fumĂ©es. De plus, la dĂ©composition du bois dĂ©gage le Tl accumulĂ© durant sa croissance dans le rĂ©seau trophique. Cela explique la forte contamination qu’on observe dans les champignons. Également, l’air devient polluĂ© quand le bois rĂ©sineux est utilisĂ© comme source d’énergie en tant que combustible.

Les usines de fabrication de pĂąte Ă  papier et de papier/carton Ă  base de fibres cellulosiques de pins et d’autres rĂ©sineux sont concernĂ©es. Elles produisent des effluents gazeux, solides et liquides probablement contaminĂ©s par l’élĂ©ment chimique 81. En Ontario, 27 fabriques de papeterie ont Ă©tĂ© suivies de prĂšs pendant un an en 1990. Les teneurs en Tl dans leurs effluents variaient de 890 Ă  70 000 ng/L, au cours des six premiers mois. Le semestre suivant, elles Ă©taient comprises entre 6 920 et 230 000 ng/L.

Dans une usine de fabrication de carton ondulĂ©, les quantitĂ©s de thallium dans les effluents Ă©taient de 52 780 ng/L Ă  230 000 ng/L. La limite de 200 ng/L fixĂ©e pour l’eau potable Ă©tait largement dĂ©passĂ©e. En comparaison, dans le mĂȘme Ă©tablissement, on a enregistrĂ© les niveaux moyens du mercure, du cadmium et du plomb. Respectivement, ils Ă©taient Ă  400 ng/l, 20 800 ng/L et 130 000 ng/L.

Négligence du thallium en tant que polluant environnemental majeur

Jusqu’à la fin des annĂ©es 1980, le Tl a Ă©tĂ© dĂ©daignĂ© dans la surveillance des effluents gazeux, liquides et solides provenant des secteurs de l’aciĂ©rie et de la papeterie. Cependant, une Ă©tude comparative entre les concentrations de ce mĂ©tal et celles du plomb, du cadmium ainsi que du mercure a rĂ©vĂ©lĂ© une tendance rĂ©guliĂšre. En effet, les niveaux de thallium Ă©taient systĂ©matiquement supĂ©rieurs ou Ă©quivalents Ă  ceux des autres polluants considĂ©rĂ©s comme prioritaires depuis des dĂ©cennies : Tl ≄ Pb > Cd > Hg.

Les effluents aqueux provenant de sept usines du secteur de la sidĂ©rurgie en Ontario, ont Ă©tĂ© analysĂ©s. Ils prĂ©sentaient des teneurs en Tl allant de 10,1 Ă  23,6 kg/jour (soit une moyenne de 18,7 kg/jour). Ces valeurs dĂ©passent largement celles du mercure (0,05 kg/jour), du cadmium (4,0 kg/jour) et du plomb (21 kg/jour). La plupart des fabriques affichaient des taux de thallium de 0,0 Ă  60 000 ng/L dans leurs eaux usĂ©es. Toutefois, dans une usine spĂ©cialisĂ©e, les concentrations Ă©taient de 10 000 Ă  220 000 ng/L. Elles excĂšdaient largement et rĂ©guliĂšrement le seuil fixĂ© Ă  200 ng/L pour la qualitĂ© de l’eau en Ontario. Ainsi, on peut affirmer qu’au dĂ©but du XXIe, l’élĂ©ment chimique 81 Ă©tait un polluant environnemental majeur largement sous-estimĂ©.

Chez les animaux

Le thallium est extrĂȘmement bioassimilable et hautement toxique pour les animaux Ă  sang chaud (dont l’Homme) et les animaux Ă  sang froid. Une quantitĂ© minime ou un simple contact avec sa forme mĂ©tallique peut ĂȘtre nĂ©faste. De ce fait, certains insecticides renfermaient ou contiennent encore des sels du Tl. Il a Ă©galement Ă©tĂ© utilisĂ© dans des produits pour empoisonner les rats.

Poissons

Certains poissons migrateurs ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s avec des niveaux de thallium allant de 0,2 Ă  12 nmol g−1. Tel est notamment le cas des salmonidĂ©s (Salvelinus namaycush) qui se dĂ©placent entre le lac Michigan et le centre de l’ocĂ©an Pacifique. Dans le lac Hazen (Ăźle d’Ellesmere, Nunavut, Canada), les truites alpines (Salvelinus alpinus) affichaient des concentrations de 0,07 Ă  0,61 nmol g−1. Dans des lacs recevant des eaux usĂ©es de traitement de l’uranium, les grands brochets (Esox lucius) prĂ©sentaient des hauts niveaux de Tl. Ils Ă©taient quatre Ă  cinq fois plus Ă©levĂ©s que ceux des poissons vivant dans des lacs non contaminĂ©s de la mĂȘme rĂ©gion.

Dans les zones polluĂ©es par le thallium Ă©tudiĂ©es, les muscles des poissons en renfermaient environ 470 nmol g−1 dans les annĂ©es 1950. Pourtant, les taux Ă©taient de 575 nmol g−1 dans les annĂ©es 1970. Des effets toxiques ont Ă©tĂ© signalĂ©s chez les jeunes saumons atlantique exposĂ©s Ă  0,15 ÎŒmol L−1 de Tl dissous. Il s’agit de la dose la plus faible. D’aprĂšs Pickard et al. (2001), 50 % des poissons pĂ©rissent quand les teneurs en thallium se situent entre 20,9 et 294 ÎŒmol L−1. Cette situation a notamment Ă©tĂ© constatĂ©e chez la truite arc-en-ciel, le gardon et la perche.

Amphibiens

La reproduction des amphibiens peut constituer une source de contamination majeure par le Tl pour les prĂ©dateurs. Cela a Ă©tĂ© constatĂ© dans la rĂ©gion de Bukowno-Olkusz en Pologne, entre les villes de Katowice et Cracovie. Les amphibiens eux-mĂȘmes sont Ă©galement concernĂ©s. Chez les crapauds adultes de Bukowno, une accumulation importante de thallium dans leur foie a Ă©tĂ© observĂ©e. Les quantitĂ©s moyennes variaient de 3,98 mg kg-1 (en poids sec) Ă  18,63 mg kg-1. Par ailleurs, plus de 96,5 % des foies contenaient plus de 1,0 mg kg−1 de thallium, ce qui constitue une intoxication sĂ©vĂšre.

Oiseaux

Mochizuki et al. ont menĂ© une Ă©tude au Japon en 2005. Ils ont mesurĂ© les niveaux de thallium dans le foie et les reins de cinq espĂšces de canards barboteurs. Une analyse a aussi Ă©tĂ© faite sur trois espĂšces de canards plongeurs. Les concentrations de Tl se situaient entre 0,0049 Ă  0,14 ÎŒmol g−1 en poids sec. Elles Ă©taient quatre fois plus Ă©levĂ©es chez les canards de surface que chez les canards plongeurs. Cette diffĂ©rence peut s’expliquer par les comportements alimentaires distinctifs des deux espĂšces dans un mĂȘme plan d’eau.

Animaux chassĂ©s, pĂȘchĂ©s ou Ă©levĂ©s et mangĂ©s, un risque pour les consommateurs

En 1906, W. Luck a utilisĂ© du thallium pour empoisonner une poule. Puis, il a nourri des rats par sa chair, entraĂźnant la mort de onze d’entre eux. À leur tour, certains prĂ©dateurs et espĂšces nĂ©crophages, comme le sanglier (tendance nĂ©crophage), peuvent ĂȘtre victimes d’empoisonnement. De plus, des gibiers qui ont consommĂ© des appĂąts raticides peuvent ĂȘtre contaminĂ©s par le thallium. Ils mettent alors en danger la santĂ© de ceux qui les mangent.

En 192, P.G Shaw a examinĂ© les quantitĂ©s d’élĂ©ment chimique 81 prĂ©sents dans les tissus. Il a conclu que l’ingestion de viande de gibier Ă  plumes ayant mangĂ© un appĂąt rodenticide au thallium pourrait entraĂźner une intoxication secondaire. De plus, des doses significatives de thallium peuvent ĂȘtre prĂ©sentes dans le fƓtus d’animaux gravides empoisonnĂ©s.

Fourchettes de teneurs typiques des tissus musculaires d’autres animaux

Des recherches plus rĂ©centes ont fourni des estimations sur les concentrations typiques de Tl dans les tissus musculaires d’autres animaux. Ces derniers sont Ă©levĂ©s, pĂȘchĂ©s ou chassĂ©s pour la consommation humaine. Les teneurs sont notamment de :

  • 0,84 ng/g chez les lapins ;
  • 0,74 ng/g chez les bovins ;
  • 1,7 ng/g-1 chez les porcs ;
  • 0,74 Ă  110,5 ng/g-1 chez les poissons.

En 2015, une Ă©tude de l’INRA a Ă©tĂ© publiĂ©e dans la revue Production animale. Elle a soulignĂ© le manque de donnĂ©es concernant le risque de contamination des animaux sauvages ou du gibier ainsi que de la chaĂźne alimentaire. La pollution peut avoir eu lieu suite Ă  l’Ă©pandage de matiĂšres fertilisantes d’origine rĂ©siduaire (MAFOR) renfermant du thallium.

Facteurs de concentration dans les tissus animaux

En 2015, une Ă©tude de surveillance a Ă©tĂ© menĂ©e dans deux rĂ©gions industrielles de Pologne prĂ©sentant diffĂ©rents niveaux de pollution par divers mĂ©taux toxiques. L’objectif Ă©tait d’Ă©valuer la contamination du rĂ©seau alimentaire par le plomb, le cadmium et le mercure. Pour ce faire, des indicateurs biologiques tels que le chevreuil (un herbivore) et le sanglier (un omnivore et nĂ©crophage) ont Ă©tĂ© utilisĂ©s. Les rĂ©sultats de l’analyse ont rĂ©vĂ©lĂ© des taux prĂ©occupants de Pb, Cd et Hg dans les Ă©chantillons de foie, de rein et, dans une moindre mesure, de muscle. Ces niveaux de contamination reprĂ©sentent un risque pour la santĂ© des consommateurs des animaux Ă©tudiĂ©s. Ils ont comparĂ© ces donnĂ©es avec celles du district des lacs de Mazurie, considĂ©rĂ© comme Ă©pargnĂ© par l’activitĂ© industrielle.

Les chercheurs ont Ă©galement Ă©valuĂ© les facteurs de concentration moyens des mĂ©taux dans les tissus animaux. Ils les ont comparĂ©s Ă  leur quantitĂ© dans le contenu gastrique ou ruminal. Les rĂ©sultats ont clairement indiquĂ© que la zone affectĂ©e par les activitĂ©s de fusion prĂ©sentait une contamination plus Ă©levĂ©e que la zone d’extraction de lignite. Des niveaux Ă©levĂ©s de plomb, de cadmium et de mercure dans les abats de gibier peuvent reprĂ©senter une menace pour les consommateurs de venaison.

Dans les agrosystĂšmes

Des recherches effectuĂ©es par l’INRA dans les annĂ©es 1990 en France ont mis en Ă©vidence la prĂ©sence de l’élĂ©ment chimique 81 dans les agroĂ©cosystĂšmes.

Toxicologie

L’empoisonnement au thallium, Ă©galement connu sous le nom de thallotoxicose, est restĂ© longtemps mĂ©connu. Ce phĂ©nomĂšne rĂ©sulte principalement de la toxicitĂ© (mĂȘme Ă  des doses extrĂȘmement faibles) de ce mĂ©tal et de sa difficultĂ© Ă  ĂȘtre dĂ©tectĂ©e. Les premiĂšres descriptions de cette intoxication ont commencĂ© Ă  Ă©merger dans les annĂ©es 1930.

Avec le rein, le foie constitue l’un des principaux organes qui Ă©liminent les toxines. Il rĂ©gule les taux d’acides gras et de lipides dans l’organisme. Pour assurer correctement son rĂŽle, il a besoin de plusieurs mitochondries fonctionnelles. Or, la fonction hĂ©patique peut ĂȘtre altĂ©rĂ©e par le Tl(I) et le Tl(III). Cette dĂ©gradation se manifeste gĂ©nĂ©ralement par des effets sur le foie. Des Ă©tudes sur des souris ont Ă©tĂ© menĂ©es sur des souris en 2022. Elles ont Ă©tĂ© exposĂ©es Ă  10 ppm de Tl(I) ou de Tl(III) pendant 15 jours. Les rĂ©sultats ont montrĂ© que cette intoxication n’a affectĂ© ni leur poids ni leur comportement alimentaire. Cependant, une partie du thallium s’est accumulĂ©e dans le foie, provoquant une congestion des sinus hĂ©patiques et une nĂ©crose des hĂ©patocytes. En se fixant dans cet organe, le thallium a entraĂźnĂ© des perturbations du mĂ©tabolisme ainsi que des changements au niveau du taux d’acides gras. Le Tl(I) surexprime les gĂšnes liĂ©s Ă  :

  • l’antioxydation (HO-1, GPX1 et GPX4) ;
  • la synthĂšse des acides gras (FADS2 et Elovl2) ;
  • la voie d’oxydation des acides gras (PPARα, ACADM, ACADVL, ACAA2 et CPT1A).

Le Tl(III) suractive plutĂŽt les gĂšnes liĂ©s Ă  la voie d’oxydation des acides gras (CYP4A10 et CPT1A). Ainsi, le thallium, en agissant sur la production d’acides gras, entraĂźne un Ă©puisement Ă©nergĂ©tique du foie.

thallium-09

Au stade fƓtal et embryonnaire humain

Les consĂ©quences d’une exposition prĂ©coce au thallium pendant la grossesse sont peu connues. Ce mĂ©tal est de plus en plus rĂ©pandu dans l’environnement, bien qu’à de trĂšs faibles concentrations. MĂȘme les glaciers et les neiges de l’Antarctique renferment du thallium. Cet Ă©lĂ©ment chimique Ă©tant facilement assimilĂ© par les organismes, sa prĂ©sence dans ces endroits suggĂšre une contamination des chaĂźnes alimentaires. Le thallium est trĂšs soluble dans le sang. Il franchit sans grandes difficultĂ©s les barriĂšres pulmonaires et intestinales. NĂ©anmoins, il pĂ©nĂštre un peu moins bien la barriĂšre placentaire.

Concentrations de thallium chez la mĂšre

L’exposition d’une femme enceinte au thallium est dĂ©tectable dans le sang du cordon ombilical et dans le liquide amniotique. Chez les mammifĂšres, les sels de cet Ă©lĂ©ment sont en mesure de traverser le placenta et d’atteindre le fƓtus. Cependant, les concentrations retrouvĂ©es dans ce dernier et dans l’embryon restent nettement infĂ©rieures Ă  celles du plasma maternel. En effet, le placenta limite le passage des ions de Tl. Une Ă©tude rĂ©cente portant sur 816 personnes a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en Chine en 2016. Elle a mis en exergue la corrĂ©lation entre l’augmentation du taux urinaire de thallium pendant la grossesse et le risque d’avoir un bĂ©bĂ© de faible poids Ă  la naissance.

Effets « genrĂ©s » de l’intoxication chez les enfants

Contrairement au mercure, l’élĂ©ment chimique 81 ne provoque pas de malformations congĂ©nitales. Toutefois, comme avec le plomb, une exposition in utero Ă  ce mĂ©tal a un impact sur l’intelligence de l’enfant Ă  naĂźtre. Une exposition de la mĂšre au cours du deuxiĂšme trimestre augmente le risque de troubles neurocomportementaux chez l’enfant, observables Ă  l’ñge de trois ans. Ces comportements sont plus prononcĂ©s chez les garçons. Ils semblent plus sensibles Ă  la neurotoxicitĂ© liĂ©e au Tl pendant la pĂ©riode fƓtale que les filles.

Une Ă©tude chinoise publiĂ©e en 2022 a modĂ©lisĂ© les fenĂȘtres critiques de la neurotoxicitĂ© du thallium. Ses rĂ©sultats ont indiquĂ© des niveaux plus Ă©levĂ©s au premier trimestre de la grossesse. Ces teneurs sont associĂ©es Ă  des scores plus faibles dans le domaine de l’indice spatial visuel (VSI). NĂ©anmoins, lorsque l’exposition survient pendant le troisiĂšme trimestre, les scores aux tests du WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) sont particuliĂšrement mauvais. Tel est notamment le cas pour les aspects FRI (indice de raisonnement fluide) et PSI (indice de traitement de l’information). Les auteurs de l’étude ont conclu que l’exposition in utero au thallium est trĂšs probablement liĂ©e Ă  un dĂ©veloppement cognitif moins favorable chez les garçons.

Exemples d’empoisonnements connus au thallium

William Bechtel, un rĂ©serviste du SDECE, se serait servi l’élĂ©ment chimique 81 pour empoisonner FĂ©lix MoumiĂ©, un combattant nationaliste camerounais, Ă  GenĂšve en 1960. ÂgĂ© d’une soixantaine d’annĂ©es, il se faisait passer pour un journaliste et aurait versĂ© une premiĂšre dose mortelle dans l’apĂ©ritif de MoumiĂ©. Ce dernier ne l’a pas consommĂ©, car il a trouvĂ© le goĂ»t dĂ©sagrĂ©able. Par la suite, Bechtel aurait ajoutĂ© une deuxiĂšme quantitĂ© de thallium dans un verre de vin que MoumiĂ© a bu Ă  la fin du repas. Le combattant camerounais a ensuite plaisantĂ© sur le fait de ne pas laisser l’apĂ©ritif non consommĂ© et l’a ingĂ©rĂ©. Il aurait rapidement compris qu’il avait Ă©tĂ© empoisonnĂ©.

Selon l’ancien ministre des Affaires Ă©trangĂšres irakien, Hamed Jabori, Houari BoumĂ©diĂšne aurait Ă©tĂ© intoxiquĂ© au Tl par les services irakiens.

Lors de l’empoisonnement prĂ©sumĂ© d’Alexandre Litvinenko en 2006, le thallium a d’abord Ă©tĂ© suspectĂ© en raison de la perte de cheveux observĂ©e. Cependant, des traces de polonium 210 ont ensuite Ă©tĂ© dĂ©couvertes dans les urines de la victime.

Traitement des intoxications au thallium

Une fois le diagnostic posĂ©, le mĂ©decin cherchera Ă  favoriser l’Ă©limination accĂ©lĂ©rĂ©e du mĂ©tal toxique. Dans ce cas, diffĂ©rents antidotes peuvent ĂȘtre utilisĂ©s comme l’hĂ©modialyse ou certains chĂ©lateurs, tels que le dimercaptosulfonate de sodium. Le bleu de Prusse pris par voie orale sera alors associĂ© au traitement. Il agit en absorbant le cĂ©sium et le Tl dans le tube digestif. Ces deux Ă©lĂ©ments deviennent insolubles et indisponibles pour l’organisme. Ils seront ensuite Ă©liminĂ©s dans les selles qui prendront une couleur bleu foncĂ©. MĂȘme dans les excrĂ©tions, le thallium reste non biodisponible pour les plantes et les autres organismes vivants.

Efficacité de la métallothionéine

La mĂ©tallothionĂ©ine est connue pour son rĂŽle dans la capture de mĂ©taux et de radicaux libres chez les animaux. Cette protĂ©ine soufrĂ©e de faible poids molĂ©culaire a Ă©tĂ© injectĂ©e Ă  des rats mĂąles de laboratoire au cours d’une expĂ©rimentation menĂ©e en 2010. Les rongeurs ont ensuite Ă©tĂ© empoisonnĂ©s avec de l’acĂ©tate de Tl par voie intrapĂ©ritonĂ©ale. Les rĂ©sultats ont montrĂ© une diminution de la quantitĂ© de thallium accumulĂ©e dans le foie proportionnellement Ă  la dose de mĂ©tallothionĂ©ine chez les animaux traitĂ©s. Les niveaux d’antioxydants ainsi que la teneur en H2O2 Ă©taient revenus Ă  la normale. De plus, les chercheurs ont constatĂ© une baisse de la peroxydation lipidique. L’intĂ©gritĂ© des hĂ©patocytes et des structures membraneuses Ă  l’intĂ©rieur des cellules Ă©tait prĂ©servĂ©e. D’autres Ă©tudes menĂ©es en 2020 et 2021 ont confirmĂ© l’efficacitĂ© de cette molĂ©cule, seule ou en combinaison avec le bleu de Prusse. La mĂ©tallothionĂ©ine agit positivement sur le stress oxydatif causĂ© par le thallium et diminue la toxicitĂ© systĂ©mique de ce mĂ©tal.

Importance d’un diagnostic rapide

Les sels du Tl n’ont gĂ©nĂ©ralement ni goĂ»t, ni couleur, ni odeur caractĂ©ristique. Par consĂ©quent, le diagnostic est souvent tardif. Il intervient habituellement au moment oĂč apparaĂźt l’alopĂ©cie, le symptĂŽme le plus typique d’une intoxication au thallium. Les traitements doivent donc ĂȘtre mis en Ɠuvre le plus tĂŽt possible pour optimiser leur efficacitĂ©.

Écotoxicologie

L’Ă©cotoxicitĂ© du thallium est associĂ©e Ă  sa toxicitĂ© intrinsĂšque. Elle rĂ©sulte aussi de son comportement gĂ©ochimique et de sa mobilitĂ© qui imitent ceux du potassium.

Nécessité de recherches approfondies sur les effets de la contamination au thallium

Au dĂ©but des annĂ©es 2020, les connaissances sur l’écotoxicologie concernant le thallium sont encore trĂšs fragmentaires. Cette lacune s’explique par le manque d’Ă©tudes portant spĂ©cifiquement sur les effets des expositions prolongĂ©es et Ă  de faibles doses de cet Ă©lĂ©ment. De mĂȘme, les recherches sur ses mĂ©canismes dynamiques de migration, de transformation, de bioaccumulation et de biomagnification dans divers habitats et Ă©cosystĂšmes sont quasi inexistantes. Sa prĂ©sence naturelle Ă  des quantitĂ©s extrĂȘmement limitĂ©es dans la biosphĂšre rend son dosage et son suivi assez difficiles. Des outils de microextraction efficaces et de mesure trĂšs sensibles sont nĂ©cessaires pour quantifier le thallium dans des matrices complexes. Une phase de prĂ©concentration doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en amont. Par ailleurs, en milieu aquatique, la sĂ©paration effective du Tl(III) et du Tl(I) demeure un dĂ©fi technologique, en particulier dans l’eau de mer.

Variations des niveaux de thallium dans les végétaux

Les teneurs en thallium dans le phytoplancton et les macrophytes varient en fonction de plusieurs paramĂštres. Elles dĂ©pendent du type d’organisme, de la durĂ©e d’exposition, des quantitĂ©s en Tl dans l’environnement ainsi que des taux de potassium de la zone de contamination. En outre, le pH joue un rĂŽle important dans cette fluctuation. En effet, l’élĂ©ment chimique 81 est mieux absorbĂ© lorsque le pH est compris entre 6 et 10. Sa biodisponibilitĂ© diminue en milieu acide.

L’accumulation de thallium dans les plantes rĂ©sulte rarement d’une diffusion passive. L’occurrence de ce phĂ©nomĂšne est peu significative. En fait, la fixation de cet Ă©lĂ©ment dans l’organisme des vĂ©gĂ©taux est Ă©troitement liĂ©e au mĂ©tabolisme de ceux-ci. D’aprĂšs les Ă©tudes de Kwan et Smith (1991), en exposant Lemna minor Ă  0,1 Ă  100 ÎŒmol L-1 de Tl, cette espĂšce atteint un seuil de saturation. En l’absence de lumiĂšre, l’absorption de l’élĂ©ment chimique 81 baisse de 91 %. Des manifestations similaires ont Ă©tĂ© observĂ©es en 1991 avec l’algue Chlorella et la diatomĂ©e Stephanodiscus hantzschii contaminĂ©es par du DimĂ©thylthallium (DMT). Le thallium se sert des systĂšmes de transport du potassium avec facilitĂ©, surtout lorsque le milieu prĂ©sente une carence en K+.

Impacts de l’exposition au thallium chez certaines larves

En 2007, Julie Dumas a tirĂ© la conclusion que le transfert trophique du Ni et du Tl se produit aisĂ©ment. Elle a estimĂ© que ces deux mĂ©taux peuvent sans difficultĂ© se retrouver au sommet de la chaĂźne alimentaire. Ses recherches sont basĂ©es sur le thallium stockĂ© dans les granules intracellulaires et les dĂ©bris cellulaires des tubifex ainsi que des larves de chironomes. Les rĂ©sultats obtenus ont indiquĂ© que le thallium peut Ă©galement ĂȘtre assimilĂ© par le Sialis.

En 2021, des Ă©tudes ont rĂ©vĂ©lĂ© que Caenorhabditis elegans est capable d’absorber facilement l’acĂ©tate de Tl. Cet invertĂ©brĂ© est frĂ©quemment manipulĂ© en Ă©cotoxicologie, car il est reprĂ©sentatif de nombreux nĂ©matodes et organismes qui vivent dans le sol. Le thallium entraĂźne la mort d’une partie des larves de ce ver, mĂȘme Ă  des doses relativement faibles (entre 100 et 1 000 ÎŒM). Par ailleurs, il inhibe le dĂ©veloppement des larves restants. MĂȘme une exposition de courte durĂ©e se rĂ©vĂšle reprotoxique pour ce nĂ©matode. Le thallium inhibe la formation d’Ɠufs dans l’utĂ©rus de C. elegans. De plus, il modifie le comportement de cette espĂšce. Il active les voies antioxydantes au niveau de l’organisme de ce ver.

Dépollution de milieux contaminés par le thallium

L’épuration d’effluents gazeux ou la potabilisation de l’eau permet la dĂ©pollution des milieux infectĂ©s par l’élĂ©ment chimique 81. Les autres options possibles sont l’assainissement des sols et la dĂ©contamination des dĂ©chets.

Épuration d’effluents gazeux

Ce projet nĂ©cessite des mĂ©thodes similaires Ă  celles employĂ©es pour d’autres mĂ©taux lourds toxiques tels que le plomb, le mercure ou le cadmium. Les scientifiques s’efforcent activement d’amĂ©liorer l’efficacitĂ© de ces techniques.

Potabilisation de l’eau

Le dĂ©veloppement de stratĂ©gies appropriĂ©es pour Ă©liminer les rĂ©sidus de thallium dans les usines de traitement de l’eau potable est devenu une prioritĂ©. Telles ont Ă©tĂ© les conclusions de Xiaoliu Huangfu et de ses collĂšgues du laboratoire d’État chinois chargĂ© des ressources en eau pour les villes. Les donnĂ©es disponibles jusqu’en 2020 suggĂšrent que l’adsorption est le mĂ©canisme le plus efficace pour capturer le thallium et pour le retirer des eaux contaminĂ©es. Par ailleurs, cette mĂ©thode est la plus utilisĂ©e Ă  l’échelle industrielle. Les scientifiques sont donc Ă  la recherche de nouveaux adsorbants. Ils se concentrent particuliĂšrement sur des analogues du bleu de Prusse, des biosorbants innovants et des oxydes mĂ©talliques ayant fait l’objet d’expĂ©rimentations.

Cependant, l’Ă©limination du Tl(I) en milieux solides ou aqueux pose toujours un problĂšme. En effet, celui-ci se trouve Ă  trĂšs faibles concentrations dans les eaux usĂ©es. En plus du danger qu’il reprĂ©sente, l’extraction du thallium est difficile en raison des multiples ions d’impuretĂ©s qui l’accompagnent. Plusieurs composĂ©s organiques macrocycliques ont un fort potentiel de rĂ©tention du Tl(I). Certains dĂ©chets liquides contenant des nanomatĂ©riaux non agglomĂ©rĂ©s et Ă  grande surface spĂ©cifique d’Ă©change prĂ©sentent aussi les mĂȘmes capacitĂ©s. Selon des tests expĂ©rimentaux de 2022, l’utilisation de pyrolusite de mauvaise qualitĂ© est efficace pour dĂ©polluer une eau contaminĂ©e par du thallium. De mĂȘme, les rĂ©sidus de pyrolyse provenant de boues huileuses servent Ă  la purifier.

En outre, d’autres pistes de potabilisation de l’eau ont Ă©tĂ© explorĂ©es.

Utilisation du dioxyde de manganÚse hydraté amorphe en 2014

Des Ă©tudes menĂ©es en Chine en 2014 ont prouvĂ© que quelques oxydes mĂ©talliques modifiĂ©s peuvent efficacement piĂ©ger et neutraliser le Tl(I) dissous. Pour ce faire, ils l’adsorbent et l’oxydent en Tl(III) dans certaines conditions de pH (acide). Parmi ces oxydes mĂ©talliques, le dioxyde de manganĂšse hydratĂ© amorphe (HMO) a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© reconnu pour son efficacitĂ© dans la rĂ©tention d’autres mĂ©taux toxiques. Il a montrĂ© une grande sĂ©lectivitĂ© de sorption pour le Tl(I) en laboratoire, mĂȘme en prĂ©sence de concentrations Ă©levĂ©es de calcium(II) concurrent.

Xiaoliu Huangfu et ses collĂšgues ont notamment ajoutĂ© du nanodioxyde de manganĂšse amorphe (nMnO2) dans une eau simulĂ©e. La teneur en thallium y est passĂ©e de 0,5 ÎŒg/L Ă  0,1 ÎŒg/L rĂ©siduel. Cependant, cette diminution n’a pas Ă©tĂ© observĂ©e au niveau des eaux de surface naturelles comme les riviĂšres et les rĂ©servoirs de barrages. La raison rĂ©side probablement dans la prĂ©sence de cations compĂ©titifs Ca2+. Ajuster le pH de l’eau Ă  des conditions alcalines et prĂ©oxyder le Tl(I) en Tl(III) peuvent amĂ©liorer l’extraction du thallium. De plus, la rĂ©gĂ©nĂ©ration des particules de HMO une fois qu’elles sont saturĂ©es est possible. Il suffit d’utiliser une solution binaire de NaOH – NaOCl contenant 7,8 % d’alcalinitĂ© et 5,0 % de chlore actif. Toutefois, la prĂ©sence naturelle d’acide humique dans de nombreux types d’eaux de surface peut compromettre l’efficacitĂ© de cette coagulation amĂ©liorĂ©e par le nMnO2.

Utilisation du Florisil imprégné de LI sous ultrasons et les nanomatériaux à base de titane en 2015 et en 2020

En 2015, des recherches ont indiquĂ© que le Florisil permet d’extraire le Tl(I) d’un milieu aqueux. Pour ce faire, ce silicate de magnĂ©sium synthĂ©tique est imprĂ©gnĂ© de liquides ioniques sous ultrasons. Les liquides ioniques fonctionnalisĂ©s semblent ĂȘtre des alternatives intĂ©ressantes pour l’adsorption des ions thallium Ă  faible concentration. Ils ont Ă©tĂ© efficaces dans la capture d’autres mĂ©taux lourds. Parmi ceux testĂ©s pour emprisonner l’élĂ©ment chimique 81, ceux Ă  base de phosphonium se rĂ©vĂšlent plus performants que ceux Ă  base d’imidazolium. L’utilisation des ultrasons augmente la rapiditĂ© de la prĂ©paration rapide de l’adsorbant. Avec cette technique, les atouts des liquides ioniques sont maintenus et sont combinĂ©s avec ceux du support solide. En plus, elle rĂ©duit la quantitĂ© de liquide ionique utilisĂ©e, sans diminuer celle de l’extractant dans la phase aqueuse.

De leur cÎté, Wang et ses collÚgues se sont servis de nanomatériaux à base de titane en 2020.

Le dĂ©veloppement d’un matĂ©riau composite adsorbant en 2021

LĂłpez et son Ă©quipe ont dĂ©veloppĂ© un matĂ©riau composite adsorbant considĂ©rĂ© comme respectueux de l’environnement en 2021. Celui-ci combine un dĂ©rivĂ© du bleu de Prusse et des nanoparticules de magnĂ©tite. Il possĂšde plusieurs avantages, tels qu’une prĂ©paration facile, un coĂ»t rĂ©duit et une rĂ©utilisabilitĂ©. De plus, il peut ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ© facilement Ă  l’aide d’un Ă©lectro-aimant. En laboratoire, ce matĂ©riau a dĂ©montrĂ© une capacitĂ© de rĂ©cupĂ©ration allant jusqu’Ă  117 mg de Tl(I) par gramme de composite aprĂšs 21 heures d’interaction. Il a rĂ©duit la concentration de thallium dans le milieu jusqu’Ă  28 fois en dessous du seuil autorisĂ© pour les eaux usĂ©es. Bien qu’il prĂ©sente de lĂ©gĂšres interfĂ©rences avec certains ions typiques, il n’a pas Ă©tĂ© affectĂ© par les variations de pH. En outre, sa facilitĂ© Ă  adsorber d’autres mĂ©taux indĂ©sirables comme le cuivre (Cu) ou hautement toxiques comme le plomb (Pb) a Ă©tĂ© prouvĂ©e.

Les approches explorées en 2022

Les essais pour capturer l’élĂ©ment chimique 81 dans les milieux aqueux en 2022 ont Ă©tĂ© nombreux :

  • un biochar dont les nanofeuilles en couches minces ont extrait le Tl(I) de maniĂšre trĂšs efficace ;
  • des oxydes de manganĂšse biogĂ©niques qui piĂšgent le Tl par chimisorption (via des interactions synergiques d’oxydation-prĂ©cipitation, d’attraction Ă©lectrostatique, d’Ă©change d’ions et de complexation en surface) ;
  • une technique d’oxydation avancĂ©e utilisant du fer Ă  valence nulle (Fe0) associĂ© au persulfate ayant permis d’Ă©liminer le Tl(I) des eaux contaminĂ©es en laboratoire ;
  • un composite associant du biochar Ă  des nanoparticules de manganĂšse-ferrite (MnFe2O4) ayant capturĂ© 98,33 % du thallium contenu dans une eau polluĂ©e.

La plupart, voire tous ces procédés, nécessitent des ressources technologiques, énergétiques et financiÚres qui ne sont pas accessibles à de nombreux pays et communautés.

Dépollution des sols

Certains microorganismes sont capables de dĂ©polluer les sols et les substrats de culture contaminĂ©s par le thallium. Quelques plantes mĂ©tallophytes peuvent aussi bioaccumuler et bioconcentrer des quantitĂ©s significatives de cet Ă©lĂ©ment chimique sans subir de dommages mortels. Tel est notamment le cas des genres Iberis et Biscutella. Iberis intermedia, par exemple, contient jusqu’à 0,4 % de Tl (soit 4 000 mg/kg) dans sa matiĂšre sĂšche. Biscutella laevigata (Brassicaceae) en renferme plus de 1,5 %, principalement dans les marges des limbes foliaires et dans les feuilles intermĂ©diaires. La teneur en thallium est cependant moins importante dans les tiges et les racines. D’aprĂšs une Ă©tude menĂ©e en 2022, les graines de cette plante tolĂšrent la prĂ©sence de l’élĂ©ment chimique 81. Son absorption par ces derniĂšres n’est ni inhibĂ©e ni stimulĂ©e par le potassium.

Décontamination des déchets

Les effluents industriels, en particulier ceux de type aqueux, sont frĂ©quemment contaminĂ©s par du thallium ainsi que par d’autres mĂ©taux et polluants. Afin de rendre ces dĂ©chets rĂ©utilisables ou de les Ă©liminer en toute sĂ©curitĂ© dans l’environnement, il est nĂ©cessaire de les dĂ©contaminer du Tl. Cependant, les technologies classiques d’épuration ne sont pas suffisamment efficaces pour rĂ©aliser cette opĂ©ration. DiffĂ©rentes approches de traitement sont en cours d’exploration, chacune prĂ©sentant ses propres avantages, limites et inconvĂ©nients. Ces mĂ©thodes se basent principalement sur l’utilisation de :

  • adsorbants multifonctionnels ;
  • processus d’oxydorĂ©duction ;
  • Ă©change d’ions avec des rĂ©sines Ă©changeuses d’ions permettant une rĂ©cupĂ©ration facile et Ă©cologique du thallium ;
  • extractants non toxiques ;
  • absorption/extraction par solvants ;
  • prĂ©cipitation/co-prĂ©cipitation chimique ;
  • bioremĂ©diation ;
  • coagulation-floculation ;
  • technologies de sĂ©paration membranaire ;
  • flottation.

Une seule de ces mĂ©thodes ne suffit pas Ă  Ă©liminer l’élĂ©ment chimique 81 Ă  des niveaux sĂ©curitaires (quelques microgrammes par litre). Ainsi, combiner plusieurs d’entre elles offre la possibilitĂ© d’obtenir une efficacitĂ© suffisante et un rendement soutenable Ă  grande Ă©chelle. Le thallium extrait et les matĂ©riaux d’adsorption Ă©puisĂ©s doivent donc ĂȘtre traitĂ©s et gĂ©rĂ©s de maniĂšre sĂ»re. Actuellement, des efforts sont dĂ©ployĂ©s pour rĂ©cupĂ©rer ce mĂ©tal sous des formes rĂ©utilisables et peu encombrantes. Cette approche vise Ă  amĂ©liorer la durabilitĂ© et la rentabilitĂ© des processus de dĂ©pollution.

Mesure des concentrations de thallium

DiffĂ©rentes techniques analytiques sont employĂ©es pour Ă©tudier diverses matrices comme l’eau, l’air, le sol et les sĂ©diments. Des Ă©chantillons provenant de minĂ©raux, de vĂ©gĂ©taux, de champignons et d’animaux ont Ă©tĂ© examinĂ©s grĂące Ă  diffĂ©rentes mĂ©thodes telles que :

  • la spectromĂ©trie de fluorescence atomique excitĂ©e par laser (LEAFS) ;
  • la voltampĂ©romĂ©trie Ă  impulsions diffĂ©rentielles par dĂ©capage anodique (DPASV ou FI-DP-ASV) dosant le Tl jusqu’Ă  la picomole par litre (pg/L) ;
  • la spectromĂ©trie d’absorption atomique Ă  flamme (FAAS) ou Ă  four graphite (GFAAS) ;
  • la spectromĂ©trie de masse Ă  plasma Ă  couplage inductif (ICP-MS) ;
  • la spectromĂ©trie de masse Ă  plasma Ă  couplage inductif haute rĂ©solution (HR-ICP-MS) ou par vaporisation Ă©lectrothermique (ETV-ICP-MS).

Un nouvel instrument portable de dĂ©termination rapide du thallium dans l’eau a Ă©galement Ă©tĂ© proposĂ© et testĂ© en 2017. Il a Ă©tĂ© conçu en associant un dĂ©chargeur luminescent Ă  cathode Ă  un spectromĂštre Ă  fibre optique. Dans des conditions optimisĂ©es, il prĂ©sente une limite de dĂ©tection (LOD) de 11,8 ng mL−1 pour le thallium (Ă©cart type : 3,2 %).

Sources d’exposition humaine

L’élĂ©ment chimique 81 est un poison cumulatif qui peut ĂȘtre absorbĂ© par le rĂ©seau trophique. Il pĂ©nĂštre dans l’organisme humain par inhalation ou par ingestion (eau et autres boissons facilement contaminĂ©es par ce mĂ©tal). La concentration atmosphĂ©rique en Tl est plus Ă©levĂ©e dans les rĂ©gions industrielles et dans les zones oĂč le charbon est couramment utilisĂ© par les mĂ©nages. Par ailleurs, dans les plantations situĂ©es Ă  proximitĂ© d’exploitations miniĂšres, il est possible de mesurer la teneur en thallium dans les raisins et le vin. NĂ©anmoins, peu de donnĂ©es sont actuellement disponibles sur ce sujet.

Géographie et cartographie de la pollution thalliée

La pollution diffuse est un problĂšme mondial. Toutefois, certains points spĂ©cifiques sont identifiĂ©s comme Ă©tant des zones trĂšs contaminĂ©es telles que les fonderies ainsi que certains incinĂ©rateurs et usines. Les rĂ©gions oĂč des fonderies de mĂ©taux non-ferreux sont associĂ©es Ă  d’importants bassins miniers sont aussi considĂ©rĂ©es comme des hot-spots de pollution thalliĂ©e. De mĂȘme, les sites actuels et historiques d’extraction de minerai de sulfure mĂ©tallique en font partie. Ceux-ci englobent notamment ceux situĂ©s en Suisse, en France, aux États-Unis (Iron Mountain) et au nord de la RĂ©publique de MacĂ©doine (Allchar). Une cartographie de la distribution du thallium peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e en recueillant des donnĂ©es sur le terrain suffisamment prĂ©cises et nombreuses. L’étude ESTEBAN menĂ©e en France mĂ©tropolitaine surveille de prĂšs l’exposition de la population locale Ă  ce mĂ©tal.

Réglementation

Les restrictions concernant l’usage d’appĂąts empoisonnĂ©s par les personnes luttant contre les nuisibles (chasseurs, agriculteurs, syndicats, etc.) ont Ă©tĂ© mises en place tardivement. Par exemple, en Suisse, il a fallu attendre jusqu’en 1973 pour interdire ce mode d’utilisation du thallium. Cependant, mĂȘme aprĂšs cette mesure, des cas d’intoxication humaine persistaient pendant des annĂ©es, surtout Ă  proximitĂ© des frontiĂšres. En effet, ces poisons Ă©taient encore disponibles sur le marchĂ© en Allemagne, en France ou en Italie. Tous les pays europĂ©ens employaient ces appĂąts dans les annĂ©es 1970. En 1980, ils Ă©taient commercialisĂ©s librement en AmĂ©rique du Sud, en Asie et mĂȘme dans certains États du sud des États-Unis. Pourtant, en Californie, la prise de conscience sur les dangers qu’ils reprĂ©sentaient pour les ĂȘtres humains et les animaux domestiques et d’Ă©levage avait Ă©mergĂ© bien plus tĂŽt.


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