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Thallium

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Caractéristiques du Thallium

  • Symbole : Tl
  • Masse atomique : 204,383 3 ± 0,000 2 u
  • Numéro CAS : 7440-28-0
  • Configuration électronique : [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p1
  • Numéro atomique : 81
  • Groupe : 13
  • Bloc : Bloc p
  • Famille d’éléments : Métal pauvre
  • Électronégativité : 1,62
  • Point de fusion : 304 °C

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Le thallium, élément atomique n°81 de symbole Tl : son histoire, ses caractéristiques, sa production, ses utilisations, sa toxicité et sa réglementation.

Le thallium est un élément chimique du groupe 13 du tableau périodique représenté par le symbole Tl et le numéro atomique 81. Il s’agit d’un métal mou, gris-blanc, appartenant à la famille des métaux pauvres. Il est considéré comme « non essentiel », car il n’a pas de rôle biologique connu. Cependant, il possède une toxicité élevée, dépassant même celle du mercure (Hg), du plomb (Pb) et du cadmium (Cd). Dans la nature, le thallium se trouve principalement sous forme de sulfures et de silicates, présents dans certaines roches volcaniques. Lorsque les roches-mères subissent une altération, l’élément chimique 81 devient assez mobile. De même, son taux de biodisponibilité dans différents milieux, tels que l’eau, les sols, les sédiments et les argiles souterraines, augmente considérablement. Par ailleurs, il convient de noter que les minerais sulfurés d’autres métaux comme le fer, le zinc ou le plomb peuvent également contenir du thallium.

Généralités

Comme l’élément chimique 81 était autrefois essentiellement emprisonné dans les roches profondes, il était rare dans la biosphère. Cependant, depuis le début de l’ère industrielle (aux alentours du XVIIIe siècle), il s’est répandu de manière significative dans l’environnement à cause de l’activité humaine. Ses principales caractéristiques résident dans sa géodisponibilité, sa mobilité, sa capacité à se disperser et sa bioaccessibilité. De même, le thallium est connu pour sa grande biodisponibilité ainsi que sa toxicité pour les plantes et les animaux. Depuis quelques décennies, il est considéré comme un polluant émergent persistant, suscitant la préoccupation de nombreux chercheurs du monde entier. Il se trouve dans l’eau, l’air, les sols, les écosystèmes et les aliments incluant les fruits, les légumes ainsi que les produits d’origine animale.

En ce qui concerne le nombre d’oxydation du thallium, ils est de I et de III. Plusieurs de ses sels tels que les acétates et les nitrates sont extrêmement solubles dans l’eau. Ils ont également la capacité de s’accumuler dans les organismes vivants. De plus, ils se montrent particulièrement réactifs lorsqu’ils sont exposés à l’humidité de l’air ou du sol. Dans des conditions ambiantes, ils sont en mesure de libérer deux types d’ions Tl. Le premier est l’ion thalleux monovalent présentant une toxicité élevée, et le second est l’ion thallique trivalent, moins nocif.

Aujourd’hui, de plus en plus de pays classent l’élément chimique 81 comme « polluant prioritaire ». Différents organismes tels que l’Environmental Protection Agency aux États-Unis et la directive-cadre européenne sur l’eau le considèrent aussi comme tel. De nombreux scientifiques réclament un renforcement de la surveillance de ce métal hautement toxique tant dans l’environnement que dans la chaîne alimentaire. Comme sa présence dans la biosphère ne cesse de croître, il est essentiel pour les gouvernements de prendre rapidement des mesures appropriées.

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Histoire du thallium

Le chimiste et physicien William Crookes découvrit le thallium en mars 1861 en Angleterre. Il cherchait du tellure dans des dépôts prélevés dans les conduits d’évacuation des fumées d’un four où du minerai de sélénium avait été grillé. En se servant d’un spectroscope, il observa une ligne verte jusqu’alors inconnue, ayant une longueur d’onde de 535 nm. Il l’attribua à un nouvel élément qu’il décida d’appeler « thallium » en raison de sa similitude avec la couleur d’une jeune végétation. En effet, ce terme est dérivé du grec ancien « thallos » qui signifie « bourgeon » ou « brindille en herbe ».

Initialement, Crookes a classé le Tl dans le groupe du soufre 3. En 1862 et 1863, il a entrepris des études approfondies sur ses propriétés physicochimiques. Un autre chimiste dénommé Claude-Auguste Lamy a également réalisé des recherches similaires et a été le premier à l’isoler en 1862 à Lille. Il a procédé à l’isolation à partir de boues provenant des chambres de plomb d’une usine belge spécialisée dans la production d’acide sulfurique. Ses travaux ont aussi permis de confirmer la nature métallique du thallium.

Controverses sur la toxicité du thallium

Pendant qu’il étudiait ce nouvel élément, Claude-Auguste Lamy avait ressenti des douleurs au niveau de ses jambes. Ces sensations l’ont amené à tester la toxicité du sulfate de Tl. Pour ce faire, il l’a administré à des chiens, des canards et des poules qui ont tous succombé en quelques jours. Avant leur mort, ceux-ci présentaient des troubles intestinaux et respiratoires, une paralysie périphérique ainsi qu’une faiblesse générale.

De son côté, William Crookes remettait en question la toxicité du nouvel élément. Il affirmait avoir consommé plusieurs grains d’un composé de thallium sans en souffrir. Cependant, en France, deux autres chercheurs, Paulet en 1863, puis Louis Grandeau l’année suivante, ont confirmé l’extrême toxicité du métal. Leurs expériences ont démontré que celle-ci était même supérieure à celle du plomb.

L’élément chimique 81 n’a acquis de valeur qu’au cours du XXe siècle, plus précisément dans les années 1920. Pendant cette période, il servait à fabriquer des poisons et des pesticides qui avaient connu une importante commercialisation. Par la suite, ces produits avaient progressivement été abandonnés. Toutefois, l’élément chimique a rapidement trouvé de nouvelles applications dans le domaine de la technologie de pointe.

Négligence de l’impact environnemental du thallium

Le thallium était déjà reconnu comme étant le métal lourd le plus toxique. Néanmoins, pendant plusieurs décennies, son impact environnemental a été négligé par les chercheurs. L’élément n’a suscité que peu d’intérêt vis-à-vis des préoccupations relatives à l’eau potable, à l’agriculture et à l’alimentation. Par exemple, en France, il a fallu attendre le PNSE III (2018-2019) et les inquiétudes soulevées par un rapport pour que des analyses soient effectuées. Celles-ci ont été réalisées via des prélèvements d’eau des départements de l’Orne, de la Manche et du Calvados. Elles ont révélé que près de vingt captages d’eau potable de l’Orne et du Calvados présentaient une teneur en Tl supérieure à 0,5 μg par litre.

Ces nappes phréatiques se trouvent dans une région où les couches géologiques du Bajocien-bathonien et le socle dans les départements concernés se rencontrent. Il s’agit d’une zone naturellement riche en thallium. Pour se conformer aux normes réglementaires, les opérateurs de captage doivent souvent diluer l’eau contaminée avec de l’eau propre selon des proportions appropriées. À titre de précision, les seuils appliqués étaient de 0,5 μg/L pour l’eau potable.

Dans les systèmes de distribution d’eau, le Tl peut subir une oxydation et se fixer aux parois des réservoirs et/ou des conduites d’eau. Il est notamment susceptible de prendre une forme colloïdale et de biofilm bactérien. De même, il est possible qu’il se dépose sous forme de particules ou qu’il interagisse avec le chlore utilisé pour le traitement de l’eau potable. En outre, plusieurs phénomènes peuvent entraîner une augmentation de la concentration de thallium dans les réseaux pendant plusieurs semaines, voire des mois. Ils incluent notamment des variations de débits d’exhaure, des incidents ou des travaux sur le réseau, des opérations de purge des systèmes d’extinction d’incendie, etc.

Caractéristiques notables

L’élément chimique 81 est un métal de couleur grise, malléable et extrêmement doux au point qu’il peut être coupé avec un couteau. Il présente des similitudes avec l’étain et le plomb, et perd de son éclat lorsqu’il est exposé à l’air.

Classification

Suite à sa découverte, la classification du thallium s’est avérée difficile en raison de ses propriétés divergentes dépendant de son état d’oxydation. Dans le tableau périodique des éléments, le Tl à l’état pur possède des caractéristiques physiques similaires au plomb. Celles-ci concernent notamment son apparence, son poids volumique, sa dureté, son point de fusion et sa conductivité électrique. Toutefois, bien que les sels de Tl(I) possèdent des propriétés chimiques qui rappellent celles du plomb, leur valence ainsi que d’autres spécificités les distinguent clairement.

Par ailleurs, le Tl(I) dispose de quelques points de ressemblance avec les métaux alcalins. En effet, tel est le cas au niveau des spectres de flamme en matière de solubilité de l’hydroxyde, du sulfate et du carbonate dans l’eau. De plus, cet élément est sujet à une oxydation facile lorsqu’il est exposé à l’air. Il peut également former des composés appelés « aluns de thallium ». En outre, certains de ses sels présentent un isomorphisme avec ceux du potassium, du césium et du rubidium. En raison de l’absence d’isomorphisme et des propriétés divergentes dans plusieurs de ses sels courants, le Tl est exclu de la famille des métaux alcalins.

Caractéristiques physiques

Le Tl(I) a un potentiel d’oxydation extrêmement faible (-1,28 V) lorsqu’il se transforme en Tl(III). Quant aux halogénures de Tl(I), ils possèdent une énergie de réseau considérablement supérieure à celle des halogénures de Tl(III).

En raison de son grand rayon ionique et de son nombre de coordinations élevé, le thallium est considéré comme un élément incompatible. Cette affirmation est basée sur les résultats de recherches du géologue Alfred A. Levinson.

En ce qui concerne sa solubilité, elle change en fonction de ses sels. L’acétate de Tl (de couleur jaune clair à blanc), par exemple, se dissout facilement dans l’eau, même à basse température. En revanche, le chlorure, l’iodure et l’hydroxyde de thallium sont peu ou pas du tout solubles.

Isotopes

Il existe actuellement 37 isotopes connus du thallium avec des nombres de masse allant de 176 à 212 et 42 isomères nucléaires. Seuls deux d’entre eux sont stables : le 203Tl et le 205Tl. Ils représentent la totalité du thallium naturel dans un ratio de 30/70. Les autres isotopes de ce métal sont soit radioactifs, soit présents en traces négligeables. La masse atomique standard attribuée à cet élément chimique est de 204,383 3(2) u.

Dérivés organométalliques

Il existe de nombreux dérivés organométalliques de l’élément chimique 81. Dans des conditions spécifiques d’absence d’oxygène (généralement dans les sédiments), par exemple, certaines bactéries sont capables de le convertir en diméthylthallium. Avec la multiplication des zones marines mortes et l’augmentation des embâcles de vase dans les estuaires, l’anaérobiose semble devenir plus courante sur les plateaux continentaux.

Selon l’encyclopédie scientifique intitulée « Van Nostrand’s Scientific Encyclopedia », le thallium ne figure pas parmi les 65 produits chimiques trouvés dans l’eau de mer. Il s’agit d’une encyclopédie dont la première édition a été publiée en 1938. Cependant, des études réalisées en l’an 2000 ont révélé la présence de diméthylthallium dans des échantillons d’eau de mer. Les concentrations mesurées variaient de 0,5 à 3,2 ng/L avec une limite de détection de 0,4 ng/L. Ces analyses ont montré que le diméthylthallium représentait entre 3 % et 48 % du thallium total présent dans les échantillons.

En surface, la présence de diméthylthallium était étroitement liée à des niveaux relativement élevés de chlorophylle a, un indicateur de l’activité des organismes photosynthétiques. Elle était également souvent associée à des pics d’autres composés biométhylés tels que le sulfure de diméthyle, le monométhylcadmium et le triméthyl-plomb. Entre 40 et 200 m de profondeur, une zone de forte activité biologique, une concentration plus importante de diméthylthallium était observée. Enfin, des quantités significatives de celui-ci étaient encore détectées entre 1 000 et 4 000 m de fond.

La capacité d’absorption du diméthylthallium par le tractus gastro-intestinal chez le rat est inférieure à celle du Tl(I) et du Tl(III). Néanmoins, une fois absorbé, ce composé organométallique contenant du thallium montre une répartition similaire au niveau subcellulaire, rénale et hépatique.

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Abondance (en fraction atomique)

Lorsque l’abondance des éléments chimiques est représentée graphiquement en fonction de leur numéro atomique, le thallium se situe entre le plomb et le mercure.

Le thallium dans le fond géochimique naturel

Le thallium d’origine naturelle est présent dans la croûte terrestre. Cependant, il s’y trouve en quantités relativement limitées. D’après une estimation, il se situe en 60e position dans le classement des éléments les plus abondants. Pourtant, il est moins rare que le bismuth ou le plomb selon d’autres études.

Sa concentration moyenne dans le sous-sol varierait généralement entre 0,1 et 3 mg/kg. Elle serait même de 0,71 à 1 mg/kg selon Wedepohl (1995). Les roches ignées présentent une accumulation plus importante allant de 0,05 à 1,8 mg/kg. Quant aux roches siliciclastiques, elles affichent des valeurs encore plus élevées allant de 0,4 à 2,0 mg/kg selon Kabata-Pendias et Pendias (2011). En ce qui concerne les roches sédimentaires argileuses, elles contiennent davantage de thallium par rapport aux roches sédimentaires sablonneuses. Les schistes argileux riches en matière organique peuvent même atteindre une concentration de 1 000 mg/kg. En revanche, les calcaires et dolomies renferment des quantités relativement faibles de l’élément chimique 81 variant de 0,01 à 0,15 mg/kg.

La proportion du thallium d’origine naturelle semble être stable dans l’environnement terrestre depuis la dernière grande crise d’extinction. Son cycle géochimique naturel est principalement influencé par l’érosion naturelle, le volcanisme et son absorption dans les fonds marins. En solution, une grande partie de l’élément chimique 81 se fixe sur les minuscules feuillets d’argile. Néanmoins, dans des environnements fortement oxydants, celui-ci a tendance à s’accumuler dans les dépôts manganifères. Ces derniers pourraient contenir des réserves de minerai cumulées dépassant les 30 milliards de tonnes. Dans des environnements fortement réducteurs, une légère concentration de thallium peut être observée dans les schistes carbonés.

Le thallium d’origine anthropique

Depuis le début de la révolution industrielle, une quantité croissante de thallium d’origine humaine a été introduite dans la biosphère. Elle provient de diverses sources majeures telles que l’industrie métallurgique, la production d’acide sulfurique et l’utilisation d’engrais potassique ou de dérivés de la potasse. Elle peut aussi émaner de la combustion d’hydrocarbures fossiles, de bois et de charbon de bois, ainsi que de l’incinération de déchets contenant du thallium. De plus, l’usage des cendres et des mâchefers comme amendement du sol, matériau de terrassement ou comblement entraîne la libération de thallium dans l’environnement.

Par ailleurs, les activités d’extraction à grande échelle sont responsables de la dispersion de cet élément chimique. Tel est notamment le cas de l’exploitation des combustibles fossiles comme le charbon, le pétrole, le gaz ou les sables bitumineux et de divers minerais. Des concentrations importantes de thallium sont souvent observées dans les décharges, les résidus miniers, les bassins de décantation et les zones de drainage acide. Elles dépassent largement les niveaux naturels. Des études menées par Zitko (1975), Xiao et al. (2003), Campanella et al. (2016) ainsi que Liu et al. (2019) ont confirmé cette situation. Cette présence accrue de thallium constitue une réelle menace pour les écosystèmes et la santé humaine.

Enfin, l’érosion des sols et leur acidification sont des processus qui contribuent à la dispersion de l’élément chimique 81 dans l’environnement. Celui-ci est ensuite solubilisé sous forme de cation univalent dans l’eau.

La répartition respective des sources anthropiques et naturelles de thallium dans le réseau trophique reste encore mal comprise. Elle varie généralement en fonction des régions. Cependant, les scientifiques s’accordent sur le fait que les apports anthropiques diffus et chroniques sont significatifs. Ceux-ci dépassent largement les niveaux de production industrielle et sont en constante augmentation. Les principales sources de cet élément chimique sont :

  • le secteur minier et les mines abandonnées ;
  • les procédés métallurgiques incluant la fusion de pyrites, la fusion et l’affinage des métaux ;
  • les cimenteries ;
  • les briqueteries ;
  • les tuileries ;
  • autres installations utilisant des combustibles fossiles ou produisant des cendres volantes.

Dans les sols des régions industrielles, les concentrations de thallium peuvent atteindre 73 ppm. En revanche, dans les zones non polluées, les niveaux varient généralement de 0,08 à 1,5 ppm.

Production

La production intentionnelle de thallium par l’industrie métallurgique est relativement faible. Elle atteint environ 15 tonnes par an. La plus grande part des émissions de ce métal dans l’environnement provient d’autres activités humaines. Elle est nettement plus élevée et a été estimée entre 2 000 et 5 000 tonnes à la fin du XXe siècle selon Kazantzis (2000). Ces rejets involontaires représentent en moyenne 130 à 330 fois la quantité de thallium produite industriellement et mise sur le marché. Cette part ne cesse d’augmenter.

Production volontaire

Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’utilisation principale de l’élément chimique 81 était essentiellement axée sur la production de pesticides commercialisés sous forme d’appâts empoisonnés.

En se basant uniquement sur cet usage spécifique qui connaissait une forte expansion à l’époque, l’United States Fish and Wildlife Service a fourni une estimation. Selon cette agence fédérale, l’industrie américaine aurait besoin de 3 500 livres de thallium en 1942 et de 7 500 livres en 1946. Pour répondre à cette demande, une partie du métal était importée d’Europe, notamment de Belgique, de France, d’Allemagne et de Pologne. Le reste était produit localement (aux États-Unis), principalement par l’American Smelting and Refining Company. Cette société récupérait le thallium à partir des poussières de carneau contenant du cadmium provenant de son usine Globe/ASARCO située à Denver, dans le Colorado. Celle-ci est aujourd’hui répertoriée comme l’un des sites gravement pollués figurant dans le classement des priorités nationales de la loi fédérale Superfund de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis.

La production de thallium a connu une augmentation significative, le rendant disponible pour d’autres utilisations. D’après les informations fournies par Breuer (1981), les principaux pays producteurs dans les années 1970 étaient :

  • la Russie ;
  • la Belgique ;
  • la République fédérale d’Allemagne ;
  • les États-Unis.

La production industrielle fut relativement faible à l’époque. Même dans les années 1980, elle ne dépassait pas 20 tonnes par an, selon les données de Zartner-Nyilas et al. D’après les déclarations des industriels aux autorités, elle aurait diminué pour atteindre 9 tonnes par an dans le monde en 2017. Ces données ont été dévoilées dans un rapport publié en 2020 par les ministères du gouvernement canadien « Environnement et Changement climatique Canada » et « Santé Canada ».

Il convient de noter que le thallium, son minerai et ses produits sont classés comme des ressources stratégiques pour la défense et l’économie. Ils sont également considérés comme des « produits à offre limitée » d’importance stratégique. Au Canada, par exemple, vers 1980, le pays n’importait que du thallium en provenance des États-Unis. L’indice de Herfindahl-Hirschman (IHH) de ce métal est élevé.

Production comme déchet fatal dispersé les sols, l’eau et l’air

Chaque année, une dose croissante de thallium est libérée dans l’environnement, où il s’accumule comme déchets toxiques en quantités dispersées (DTQD) et déchet fatal.

Au début du XXe siècle, la production annuelle de thallium était estimée entre 2 000 et 5 000 tonnes. Cependant, elle a certainement connu une hausse considérable depuis. Nombreuses sont les raisons qui expliquent cette augmentation.

L’exploitation des carburants fossiles associée à l’exposition croissante au thallium et à d’autres polluants toxiques

Malgré les efforts déployés par l’ONU et diverses collectivités, la consommation croissante de carburants fossiles n’a cessé d’augmenter. Cette situation ne concerne pas seulement le charbon. Dans les forages de gaz de schiste, par exemple, d’énormes quantités d’eau pour la fracturation hydraulique sont régulièrement injectées dans les schistes de Marcellus. Ceux-ci se situent à des profondeurs allant de 4 000 à 8 500 pieds, sous une pression extrêmement élevée. Toutefois, il a été constaté que l’eau de reflux qui remonte à la surface est anormalement chargée de 58 composants considérés comme problématiques. Ceux-ci incluent notamment des métaux toxiques dissous et des radionucléides.

Depuis 2014, il est établi que le thallium en fait partie, avec des niveaux dépassant au moins 10 fois les normes existantes pour l’eau potable. Dans ce contexte, la toxicité intrinsèque de cet élément chimique peut être exacerbée par d’autres polluants comme le baryum, le benzène ou le dibromochlorométhane, entre autres. Ceux-ci ont également augmenté en quantités, de l’ordre de 10 fois supérieures par rapport aux seuils pour l’eau potable. Les analyses réalisées dans cette vaste zone souterraine démontrent que les concentrations de ces produits chimiques d’origine anthropique sont étroitement liées entre eux. Néanmoins, elles ne représentent aucune corrélation avec les taux de chlorure ni avec les substances inorganiques, y compris les radionucléides d’origine naturelle.

L’évolution de la demande en minerais contaminés par le thallium et les efforts pour gérer les déchets associés

Force est de constater que la demande de minerais contenant du thallium connaît une croissance exponentielle. Cette situation est particulièrement observable avec le développement des véhicules électriques et d’autres appareils nécessitant des batteries lithium-ion de qualité supérieure. Pour répondre à ce besoin, il est nécessaire d’exploiter des ressources non conventionnelles de carbonate de lithium (Li2CO3). Ce composé chimique est principalement extrait du lépidolite, un type de mica qui contient une petite quantité de thallium. Or, cette opération génère des déchets riches en gypse qui pourraient être utilisés pour produire du plâtre synthétique de haute qualité. Malheureusement, ceux-ci sont fortement contaminés par des sels de thallium solubles dans l’eau (24,7 ± 0,9 mg/kg), dépassant de plus de 20 fois la concentration moyenne dans le sol.

Afin de remédier à la situation, des universitaires ont récemment expérimenté l’ajout de tourbe, d’argile, de biochar et de terre végétale à ces déchets. Leur but était de neutraliser la présence de thallium dans ces derniers. Ainsi, il sera possible de les enfouir dans d’anciennes galeries de mine ou de les utiliser comme matériau de remblai pour la réhabilitation des mines.

Une méthode de traçage isotopique basée sur le rapport 87Sr/86Sr peut être employée pour étudier la lixiviation des déchets et des écoulements associés. Les travaux de recherche ont montré que parmi les quatre matériaux ajoutés, aucun ne parvient à immobiliser complètement et de manière durable le thallium. Cependant, l’argile et la terre végétale semblent être les fixateurs les plus efficaces dans les environnements bien drainés. Quant au biochar, il présente de bons résultats dans les milieux peu drainés. Il peut même immobiliser jusqu’à 95 % du thallium soluble après une période de 7 jours.

La libération de thallium lors de l’incinération des déchets

Lors de l’incinération des déchets ménagers et industriels, de l’élément chimique 81 est libéré dans l’atmosphère. Il peut se trouver à l’état gazeux ou être adsorbé dans les résidus de filtration des fumées, des cendres et des mâchefers.

Utilisations du thallium

Il est possible d’utiliser le thallium pour fabriquer des supraconducteurs, des pigments, des colorants, des éléments de feux d’artifice ainsi que de fusées de détresse. De même, ce métal a de nombreux usages en biochimie et dans certains produits radiopharmaceutiques. Il agit aussi comme un traceur isotopique permettant de suivre des pollutions. Par ailleurs, il aide à créer des antidétonants de carburant pour moteur à explosion.

Industrie verrière

Certains composés de thallium ont été employés pour augmenter l’indice de réfraction du verre utilisé dans la fabrication de lentilles et de pierres précieuses synthétiques. En association avec le soufre et l’arsenic, cet élément chimique peut également jouer le rôle d’un agent fondant réduisant la température de fusion du verre d’environ 150 °C. De plus, il trouve des applications dans la production de fibre de verre.

Métallurgie

L’incorporation de thallium à certains métaux permet d’améliorer leur résistance tant à la déformation qu’à la corrosion. En outre, cet élément chimique a été utilisé pour prolonger la durée de vie des filaments de tungstène dans les lampes.

Chimie et chimie de synthèse

Le thallium joue un rôle important en tant que catalyseur ou « intermédiaire » dans la fabrication de produits chimiques. Il sert aussi de « sonde » nécessaire pour imiter les fonctions biologiques des ions de métaux alcalino-terreux.

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Diagnostic médical

La méthode de dosage du flux de thallium par fluorescence est appliquée afin d’évaluer l’activité de certains canaux ioniques. Elle peut, par exemple, aider à étudier les fonctions et les particularités des canaux potassiques. Le but est de découvrir et de caractériser des modulateurs de canaux ioniques d’intérêt pharmacologique.

Usage médical et dans les thermomètres

Dans le passé, l’acétate de thallium était utilisé pour soulager les symptômes de sudation excessive chez les personnes atteintes de tuberculose. De 1918 aux années 1950, des sels de cet élément chimique ont également été mis à profit afin de traiter divers troubles. Ils ont notamment aidé à combattre les maladies sexuellement transmissibles et les infections fongiques de la peau. Par ailleurs, le mélange de mercure et de thallium forme un eutectique qui reste liquide jusqu’à une température de -60 °C. Celui-ci sert de composant dans les thermomètres destinés aux régions extrêmement froides.

Semi-conducteurs

La General Electric Company a exploité les propriétés semi-conductrices du T12S qui voit sa résistance électrique diminuer en fonction de l’augmentation du rayonnement qu’il reçoit. Ainsi, le thallium joue un rôle essentiel dans les cellules photoélectriques et agit comme activateur dans certains cristaux photosensibles.

Technologies de l’infrarouge

Les halogénures de thallium tels que le chlorure, le bromure et l’iodure trouvent de nombreuses applications dans les technologies de l’infrarouge. Leur transparence au rayonnement infrarouge leur permet de servir de fenêtres d’entrée pour les détecteurs infrarouges.

Éclairage et lasers

À leurs débuts, les luminophores à émission ultraviolette étaient des halogénures alcalins activés par le thallium. Depuis lors, ce dernier est employé dans certaines lampes à halogénures métalliques, où il se présente sous forme d’iodure de thallium produisant une lumière verte. Il trouve également sa place dans les lampes à arc au mercure et dans certains lasers.

Gammadétection

Le thallium jour un rôle clé en tant qu’élément « activateur » dans les dispositifs de détection de rayonnement gamma tels que les scintillomètres.

Scintigraphie cardiaque

L’isotope radioactif 201Tl possède une affinité particulière pour le muscle cardiaque. De ce fait, il représente un outil précieux en scintigraphie cardiaque permettant d’évaluer la perfusion et la viabilité myocardique.

Caméras de télévision

Les capteurs de type vidicon et plumbicon utilisés dans les caméras de télévision contiennent des sels de thallium.

Minéralogie

Les professionnels en matière de minéralogie se servent de l’élément chimique 81 comme composant de la liqueur de Clérici. Il s’agit d’une solution nécessaire à la séparation de différents minéraux.

Géologie et étude des paléoenvironnements

Le thallium joue un rôle important en tant que marqueur isotopique dans les domaines de la géologie et de l’étude des paléoenvironnements. Ses isotopes sables authigène et euxinique préservés dans les roches sédimentaires riches en matière organique permettent notamment de retracer les processus d’oxydoréduction des anciens océans. Ainsi, l’élément chimique 81 sert de « proxy paléorédox » fournissant des informations sur des événements géologiques passés tels que l’extinction de masse du Permien. Celle-ci est considérée comme la plus grande crise biologique de l’histoire du Vivant. Elle est probablement due à une anoxie océanique associée à une phase d’enfouissement d’oxyde de manganèse.

Des périodes de ré-oxygénation transitoire ont également été identifiées. Elles ont été suivies par des conditions anoxiques plus graves qui ont entraîné la disparition de nombreuses espèces marines et terrestres. Des études sur les schistes noirs marins ont aussi confirmé l’existence d’un système océan-atmosphère à faible teneur en oxygène pendant la crise d’extinction du Mésoprotérozoïque. Cette utilisation du thallium a permis de mieux comprendre la réponse du système-Terre aux forces volcaniques et aux variations des volatiles durant ces périodes.

Produits médicaux et matériaux d’emballage

En 2020, une évaluation canadienne a révélé la présence de l’élément chimique 81 dans des produits commercialisés destinés aux patients. De plus, celui-ci a été identifié comme ingrédient médicinal dans certains produits de santé autorisés et comme composant de certains matériaux d’emballage alimentaire.

Parmi les composés les plus utilisés du thallium se trouvent :

  • l’alkoxyde thalleux ;
  • la suflate de thallium ;
  • l’acétate de thallium ;
  • le thallure de sodium ;
  • le chlorure de thallium.

Selon une évaluation menée au Canada, la production annuelle de chlorure de thallium dans le pays en 2011 était estimée entre 100 et 1 000 kg. Or, la limite de déclaration était fixée à 100 kg par an.

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Concentration croissante et préoccupante dans l’environnement

La concentration moyenne du thallium dans la croûte terrestre est d’environ 0,7 mg/kg, soit 10−4 % de sa composition totale. Ce métal se classe à la 61e position dans la liste des éléments par ordre d’importance. Il est généralement trouvé à faible dose allant de quelques ng/L à µg/L ou ng/kg à µg/kg. Les minéraux qui en contiennent tels que la crokésite, la lorandite, la hutchinsonite ou l’urbaïte sont extrêmement rares. Des sels de soufre comme la jordanite, la sphalérite, la dufrenoisite et la gratonite peuvent également être cités.

Dans les zones industrialisées et les écosystèmes terrestres

Les zones industrialisées, y compris les écosystèmes terrestres comme les milieux humides, sont affectées par la présence de thallium. Des études réalisées sur des têtards et des crapauds capturés à proximité d’une fonderie de zinc en Pologne ont confirmé cette contamination. Au début du XXIe siècle, il a été estimé que près de 5 000 tonnes de ce métal étaient rejetées dans l’environnement à l’échelle mondiale. Une grande partie de cette quantité (environ 1 000 tonnes) provient de la combustion du charbon. Les travaux de Galván-Arzate et Santamaria en 1998 et de Querol et al. en 1995 l’ont expressément soulignée. Les sulfures représentent la forme prédominante du thallium dans le sous-sol (environ 70 %). Le reste se trouve lié à des aluminosilicates acides ou à des composés organiques.

Dans les scories et les cendres de charbon

Il est courant de trouver des concentrations élevées de l’élément chimique 81 dans les scories et les cendres de charbon. Lorsque ce dernier est brûlé pour la fusion des métaux ou la production de ciment, le thallium s’oxyde à haute température. Ensuite, il se condense et se fixe à la surface des particules de cendres refroidies. De ce fait, les cendres volantes présentent des niveaux de thallium deux à dix fois supérieurs à ceux du charbon avec combustion. Par exemple, des analyses ont montré que les cendres volantes d’une cimenterie polonaise contenaient entre 18 et 40 mg/kg−1 de cet élément chimique. Quant aux émissions gazeuses provenant de quatre cimenteries autrichiennes, elles variaient de 0,1 à 4,5 μg/Nm3. Les filtres des cheminées d’une usine minière-métallurgique dénommée « Bolesław » ont également présenté des teneurs moyennes de 882 mg/kg en thallium.

De même, des études brésiliennes ont indiqué des quantités oscillant entre 2 100 µg/kg et 64 500 µg/kg dans les centres de centrales au charbon. Il convient de noter que de nombreuses familles utilisent encore ce dernier pour le chauffage et la cuisson. Elles se servent aussi de ses cendres comme engrais dans les potagers et les cultures avoisinantes. Pourtant, celles-ci peuvent contenir des taux préoccupants de thallium. Concrètement, la concentration de ce métal dans un milieu ou dans des organismes vivants varie en fonction de divers facteurs. Ces derniers peuvent être d’origine environnementale, naturelle ou humaine, et leur impact est encore en cours d’analyse.

Dans l’industrie minière et les raffineries

Dans l’industrie minière, le thallium est retrouvé à des teneurs plus élevées dans les minerais sulfurés extraits en grande quantité. Tel est notamment le cas du zinc, du cuivre, du fer et du plomb. L’élément chimique 81 est également présent dans les hydrocarbures fossiles et les émissions polluantes des raffineries. Par ailleurs, il est souvent associé à des éléments toxiques comme l’arsenic et l’antimoine.

À titre d’illustration, des concentrations moyennes de 1 299 ppm de thallium ont été trouvées dans les pyrites de Sennari. Elles étaient de 1 967 ppm à Canale della Radice et de 2 623 à Fornovolasco en Italie. Ce métal y est présent sous forme de Tl+, Sb3+, As3+ et As− dissous dans la matrice de la pyrite. Sa libération lors de la recristallisation métamorphique de cette dernière a des implications significatives sur le plan économique et environnemental. Sa redistribution dans les corps minéralisés et les roches encaissantes produit aussi le même impact. Par ailleurs, les cimenteries peuvent utiliser des cendres de pyrite susceptibles de contenir des quantités importantes de thallium. Elles sont une source majeure de pollution par l’élément chimique 81 à travers les émissions de vapeurs et de fumées, ainsi que les envols de poussière.

Adsorption du thallium par les microplastiques

Les microplastiques et les nanoplastiques présents dans l’eau sont en mesure d’absorber, de transporter et de relocaliser de nombreux éléments traces métalliques toxiques. Le thallium en fait justement partie. Il peut se lier aux particules de polyéthylène (PE), de polystyrène (PS) et de polypropylène (PP) aussi bien dans les eaux douces que dans les mers. Sa capacité à s’y fixer varie en fonction du pH et des cations compétitifs dans le milieu. Elle est plus élevée pour le polystyrène en raison d’un certain processus de complexation de surface.

Toutefois, une prépublication chinoise de 2022 souligne que l’augmentation du potentiel hydrogène améliore la dépronotation des groupes fonctionnels carboxyle présents sur les microplastiques. Selon ce rapport, la capacité d’adsorption de ces derniers pour le thallium est inférieure à celle des minéraux naturels comme les oxydes de manganèse. De ce fait, les microplastiques pourraient ne pas être les principaux facteurs influençant le comportement environnemental de cet élément chimique. Dans les années 2010, l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP) a affirmé que ses caractéristiques spécifiques restent encore mal connues. Tel est notamment le cas de sa spéciation, de sa mobilité et de sa cinétique environnementale. Cette situation concerne aussi ses interactions avec la matière organique naturelle et les minéraux argileux. Néanmoins, ces propriétés particulières de l’élément chimique 81 font actuellement l’objet de recherches approfondies.

Dans les milieux aquatiques

Dans l’eau, il existe deux principaux états d’oxydation du thallium ionique : le thalleux monovalent Tl(I) ou Tl+ et le thallique trivalent Tl(III) ou Tl3+. Le premier inclut le TlOH et le Tl2O qui sont hautement solubles dans l’eau. Il entraîne la formation de complexes solubles, mobiles et peu réactifs avec des ions tels que le chlorure, le carbonate, le nitrate ou le sulfate. De ce fait, il représente la forme ionique la plus fréquente en eau douce et la plus biodisponible dans l’environnement (écosystèmes aquatiques et terrestres). La précipitation de Tl(OH)3 inerte peut être un mécanisme efficace pour éliminer le thallium de l’eau. Pourtant, en conditions anoxiques, cet élément chimique peut être remobilisé à partir des sédiments et pénétrer dans la colonne d’eau, où le Tl(III) sera réduit en Tl(I).

Quant au thallique trivalent, il agit comme un puissant agent oxydant et se transforme facilement en Tl+. Normalement, le Tl(III) aqueux est relativement rare, car il se forme uniquement dans des conditions particulièrement oxydantes. Il précipite rapidement sous forme d’hydroxyde thallique peu soluble, le Tl(OH)3. Cependant, il existe des exceptions à cette règle, comme le soulignent les études de :

  • Lin et Nriagu (1999) ;
  • Peacock et Moon (2012) ;
  • Voegelin et al. (2015) ;
  • Campanella et al. (2017).

Dans certains environnements marins, 80 % du thallium se présente sous forme de Tl(III) lié à des complexes anioniques stables. Ceux-ci sont formés avec des ions chlorure (Cl-) ou hydroxyde (OH-). De même, il est possible de trouver cette forme dans les Grands Lacs d’Amérique du Nord. Dans ces endroits, le Tl(III) serait le résultat d’une oxydation microbienne du Tl(I) en Tl(III). Il est ensuite complexé avec des substances inorganiques, organiques ou méthylées en vue de former le diméthylthallium.

Bioconcentration et pollution

Le thallium, qu’il soit présent sous forme de métal dissous ou d’organométallique, peut être capté et bioconcentré par le plancton. D’après certaines théories, les organismes vivants absorberaient moins de Tl(I) dans un environnement riche en potassium. Cependant, des études réalisées en 2004 ont montré que cette hypothèse ne s’applique pas au diméthylthallium. De plus, contrairement aux diatomées, les Chlorella ont la capacité de concentrer l’ion Tl(I) et le Tl(III). Par conséquent, les lignes directrices visant à protéger l’eau et les écosystèmes du thallium devraient prendre en compte le rôle du potassium.

En 2022, la Chine se classe parmi les pays les plus gravement touchés par la pollution à l’élément chimique 81. Cette situation est principalement due aux accidents industriels locaux tels que ceux survenus dans le delta de la rivière des Perles. Toutefois, elle s’est aggravée suite au développement massif des activités extractives et à l’utilisation intensive du charbon. De même, elle s’est dégradée en raison de l’étendue des zones agricoles et rizicoles facilement contaminées par le thallium.

Traçage isotopique

Les scientifiques affirment que le contrôle de la pollution par l’élément chimique 81 a été largement négligé à l’échelle mondiale. Ils ont basé leurs analyses sur des traçages isotopiques. Aussi, ils précisent que cette insouciance a entraîné le rejet de nombreux polluants contenant ce métal dans l’environnement. La sécurité de l’eau potable, la qualité des sols agricoles et l’intégrité de la chaîne alimentaire sont ainsi menacées. Il en va de même pour la santé humaine.

Les études consacrées au traçage isotopique du thallium environnemental révèlent que celui-ci provient principalement de couches géologiques plus ou moins profondes. Il résulte des activités extractives humaines comme l’exploitation pétrolière, l’industrie du charbon et d’autres processus industriels à haute température. Certaines eaux hydrothermales contribuent également à la libération de l’élément chimique 81 dans la biosphère. Dans ce contexte, les scientifiques recommandent vivement la mise en place d’un programme de surveillance basé sur le traçage isotopique du thallium dans l’environnement. Cette approche permettrait de cartographier, de contrôler et de mieux comprendre les causes de cette pollution dans divers scénarios de contamination élevée par ce métal. Les systèmes agricoles et forestiers, les réserves d’eau, les sédiments ainsi que l’air sont concernés par ce suivi.

Résidus miniers et drainage minier acide

Les eaux de surface et les eaux souterraines sont exposées à deux sources anthropiques majeures et persistantes de contamination par le thallium. Il s’agit du lessivage des déchets miniers et du drainage minier acide (qui favorise la libération ainsi que la disponibilité de ce métal toxique). Dans la région de Yunfu, une étude a été menée sur des échantillons de sédiments prélevés dans la rivière Gaofeng. Cette dernière se situe en aval d’une zone minière active du sud de la Chine. Les analyses ont montré une forte concentration en thallium variant de 1,80 à 16,70 mg/kg.

Par ailleurs, une proportion significative de cet élément chimique (de 0,28 à 2,34 mg/kg) se trouvait sous des formes géochimiquement labiles, biodisponibles et facilement remobilisables. Des analyses isotopiques ont confirmé qu’une proportion allant de 47 à 76 % de ce métal provenait de l’exploitation minière située en amont, principalement à partir de pyrites. Les auteurs de l’étude soulignent l’importance d’un meilleur contrôle de cette pollution. Ils recommandent la mise en place de mesures de remédiation ciblant également les sédiments des cours d’eau contaminés.

Apports anthropiques de thallium dans les lacs et conséquences écologiques

L’analyse du profil sédimentaire de deux lacs isolés au Canada révèle une augmentation significative des apports atmosphériques de thallium d’origine anthropique à partir des années 1880. Cette tendance a atteint son apogée en 1960 pour le lac Tanaé et en 1980 pour le lac Rose. Les taux étaient près de dix fois supérieurs aux niveaux précédents. Des informations précieuses ont notamment été fournies par Santé Canada en 2020. Elles confirment que les concentrations chroniques estimées sans effet (CESE) du thallium dans le milieu aquatique ont été déterminées à partir d’études d’écotoxicité fiables. Une recommandation du Conseil canadien des ministres de l’Environnement (CCME) de 1999 est identique à une CESE destinée à protéger les organismes endogés et les plantes présents dans l’environnement. Cependant, en raison de son rejet par divers secteurs à travers le Canada, l’élément chimique 81 peut causer des dommages écologiques dans les écosystèmes aquatiques.

En Europe, les régions minières subissent également des impacts, en particulier en Pologne où la combustion du charbon entraîne une contamination locale importante. Dans les années 1990 et au début des années 2000, les eaux fluviales présentaient des teneurs de 5 à 17 ng L−1. Quant aux eaux marines, elles enregistraient des niveaux de 10 à 15 ng L−1. Par ailleurs, le lac d’Ohrid affichait un taux moyen de 0,5 μg L−1, contre 0,3 μg L−1 pour les échantillons prélevés près de Ljubanista. L’eau du robinet de la capitale macédonienne (Skopje) contenait environ 0,8 μg L−1 de thallium. En ce qui concerne celle de Silésie-Cracovie, elle présentait des variations allant de 0,16 à 3,24 μg L−1. De l’autre côté de l’Atlantique, dans le Michigan, les rivières Huron et Raisin avaient des concentrations de 21 à 2 621 ng L−1 (échelle en nanogramme et non en microgramme).

Évaluation de la toxicité du thallium dans les eaux

Une fois dans l’eau, le thallium(III) issu des déchets miniers a tendance à se convertir en une forme plus toxique, le thallium(I). En 2015, Rickwood et Huntsman-Mapila de CanmetMINING ont mené une étude sur l’« IC25 » de ce dernier. Il s’agit d’une dose de thallium qui réduit de 25 % une mesure biologique non létale chez les organismes utilisés pour les tests écotoxicologiques. Ceux-ci incluent l’algue Pseudokirchneriella subcapitata, l’invertébré Ceriodaphnia dubia et le vertébré Pimephales promelas. Les valeurs d’IC25 les plus faibles étaient plus de dix fois supérieures au taux maximal détecté dans l’environnement (8 μg/L). Elles étaient même plus de 100 fois supérieures à la recommandation actuelle (0,8 μg/L).

La présence d’oligoéléments dans l’eau peut accentuer ou atténuer la toxicité du thallium. Par exemple, des tests effectués sur Ceriodaphnia dubia et Pseudokirchneriella subcapitata ont montré que le manque de potassium dans l’eau entraîne son augmentation significative. L’IC25 se situe alors dans la plage des concentrations observées dans les milieux récepteurs pour le thallium (I) et (III). L’absence d’une méthode précise et reproductible permettant d’évaluer la spéciation du thallium à de faibles quantités pose problème. Elle empêche de parvenir à des conclusions définitives concernant la pertinence des IC25 pour le Tl (III) aux concentrations présentes dans les environnements récepteurs. Une récente étude a recommandé que tout test de toxicité du thallium(III) soit réalisé avec des solutions fraîches et préparées quotidiennement. L’objectif est d’obtenir une bonne récupération et des résultats précis. En se basant sur les effets observés et l’exposition, les auteurs ont estimé que la recommandation actuelle de 0,8 μg/L semble offrir une certaine protection. Toutefois, ils soulignent l’importance d’accorder une attention particulière à la quantité de potassium dans le milieu récepteur lors de l’évaluation de la toxicité du thallium.

Dans l’air

L’élément chimique 81 se trouve à faible dose (en ng/m3) dans les aérosols et les particules atmosphériques. Cependant, il peut être présent à des niveaux plus élevés dans les zones urbaines et industrialisées, en particulier dans les régions métallurgiques et minières. Dans celles-ci, le thallium est émis dans l’air sous forme de poussières, de vapeurs ou de liquides et finit par s’accumuler dans l’atmosphère. Ainsi, dans les années 1980, les aérosols du centre-ville de Katowice en contenaient en moyenne 66 μg m−3. Les concentrations étaient encore plus élevées à proximité des fonderies de métaux. Il est important de noter que la norme de qualité de l’air établie par l’OSHA en 2015 est de 0,1 mg m−3. Il s’agit d’un seuil à ne pas dépasser.

Causes de la concentration dans l’air

Depuis l’avènement de l’ère industrielle, une augmentation de la présence de thallium dans les glaciers de haute montagne est observée. À titre de rappel, ceux-ci agissent comme des indicateurs de la pollution atmosphérique diffuse. Néanmoins, une récente étude isotopique menée sur les sommets alpins révèle que cet accroissement ne résulte pas des cimenteries. Par ailleurs, les niveaux de thallium dans l’urine et le sang connaissent une hausse chez les travailleurs de l’industrie ainsi que dans la population générale.

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Utilisation du charbon

En Chine et dans certains pays en développement, l’utilisation du charbon continue d’augmenter. Pourtant, elle reste courante et stable dans de nombreux autres pays. En 2018, la Pologne a consommé 74,2 millions de tonnes de charbon, dont 13,5 % (soit 10 millions de tonnes) provenaient uniquement des ménages individuels. Selon Eurostat, 226 millions de tonnes de charbon et 370 millions de tonnes de lignite ont été brûlées dans l’Union européenne en 2018.

Tabagisme

Outre par les poêles et les cuisinières à charbon, l’air intérieur peut être pollué par la fumée de tabac. Au cours des années 2010, l’urine des fumeurs présentait en moyenne une concentration de thallium de 10,16 ± 1,82 μg/L. Chez les membres de leur famille ou leurs amis non-fumeurs-témoins, les niveaux étaient de 2,39 ± 0,63 μg/L. En outre, la durée du tabagisme est associée à l’augmentation de la quantité de thallium dans l’urine. Les fumeurs dépendants d’opiacés et d’opioïdes ont les taux urinaires les plus élevés, atteignant en moyenne 37,5 ± 13,09 μg/L. Chez cette catégorie de personne, l’insomnie et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) sont des prédicteurs puissants des niveaux de thallium dans l’urine. Tel est également le cas chez les fumeurs de narguilé.

Les fumeurs passifs dans les espaces enfumés sont aussi touchés en raison des taux élevés de métaux lourds dans l’air intérieur des cafés fumeurs. Ces métaux sont présents en quantités encore plus importantes dans l’urine des employés de ces derniers exposés à la fumée. De plus, une corrélation positive et significative a été observée entre les métaux urinaires et les doses de 8-OHdG. À titre de précision, il s’agit d’un marqueur de la dégradation de l’ADN due au stress oxydatif. Par conséquent, certains travailleurs peuvent être considérés comme présentant un haut risque de subir des dommages oxydatifs à l’ADN. Ils incluent notamment les employés des cafés où sont fumées des pipes à eau ou des cigarettes.

Contrefaçons de cigarettes

Une étude a été réalisée en 2007 par les CDC américains. Elle s’est basée sur l’analyse de 21 échantillons de cigarettes issues du trafic de contrefaçons. Elle a démontré que ces copies contenaient davantage de thallium que les produits authentiques. La présence de cet élément chimique dans la fumée de cigarettes peut être prédite en fonction de la quantité de goudron libérée par la cigarette. Effectivement, elle n’est pas estimée selon le taux de nicotine du tabac. Cependant, si un fumeur compense les faibles niveaux de nicotine en fumant plus, il demeure exposé au thallium et à d’autres métaux lourds toxiques. Tel est notamment le cas du plomb et du cadmium. Ainsi, les cigarettes ultra-légères, légères ou à saveur complète présentent des similitudes toxiques entre elles. Cette conclusion est contraire à ce que suggère la méthode de la Federal Trade Commission américaine.

Dans les roches mères (et les nodules polymétalliques)

Le thallium se trouve naturellement dans les minéraux et les roches ignées où il peut remplacer le potassium. Ses concentrations varient de 0,05 à 1,7 mg/kg selon Lin et Nriagu (1998). D’après Tremel et al. (1997), elles sont susceptibles d’atteindre de 1,7 à 55 mg/kg dans certains types de calcaire, de marne ou de granite. Dans du charbon jurassique et des formations d’ardoises organiques, elles peuvent même arriver jusqu’à environ 1 000 mg/kg, selon Yang et al. (2005).

Dans les minéraux à base de potassium

Le thallium est considéré comme un élément hautement incompatible du point de vue géologique. Cette caractéristique implique qu’il ne s’intègre dans les roches qu’à des stades avancés de la différenciation magmatique, lors de la formation des roches felsiques. Ces dernières incluent entre autres les granites et les pegmatites. Telle est la raison pour laquelle les roches ignées alcalines et acides contiennent généralement beaucoup plus de thallium que les roches mafiques et ultramafiques. Par exemple, le granite renferme environ 0,75 mg/kg de thallium, tandis que le basalte n’en contient en moyenne que 0,1 mg/kg. L’élément chimique 81 se trouve principalement dans les minéraux à base de potassium comme le K-feldspath, la biotite, la muscovite ou la sylvite. Les résultats d’une analyse publiés en 2018 ont révélé des concentrations de plus de 20 mg/kg dans des échantillons de feldspath et de mica.

Cependant, le thallium ne peut pas remplacer le magnésium (Mg2+) et le fer (Fe2+) dans les réseaux cristallins des minéraux mafiques dominants du manteau terrestre. Ainsi, l’olivine (Mg,Fe)2SiO4 et le pyroxène (Mg,Fe)2Si2O6 sont relativement pauvres en cet élément chimique avec des concentrations allant de 3 à 45 µg/kg. Malgré son incompatibilité, ce métal peut être redistribué lors de certains événements ignés et/ou hydrothermaux. La déshydratation minérale et l’altération hydrothermale à basse température sont notamment susceptibles de conduire à des teneurs élevées en thallium.

Dans les zones de subduction

Dans les zones de subduction, l’élément chimique 81 subit des interactions intenses entre les fluides et les roches. Cette situation se produit à des températures et des pressions extrêmement élevées (de 300 à 550 °C et de 1,5 à 3,0 GPa). Elle explique l’intégration de ce métal dans certaines roches métamorphiques comme celles observées dans les Alpes.

Le thallium peut être piégé dans les roches profondes qui sont proches de celles impliquées dans la génération de magmas d’arc. Cependant, les minéraux qui servent d’hôtes à ce métal changent au cours de la dévolatilisation prograde lors de séparations fluide-minéral. Lorsque le métamorphisme progressif se produit, les chlorites à base de magnésium ainsi que d’autres constituants minéralogiques mineurs se décomposent et libèrent du thallium. Une partie de ce dernier peut ensuite être incorporée dans la phengite, tandis que le reste est transporté vers d’autres zones par les fluides. Ainsi, connaître l’historique des réactions minérales progrades est essentiel pour comprendre la rétention ou la redistribution d’éléments rares comme celui portant le numéro atomique 81.

Sur le plan géochimique, le comportement du thallium est presque similaire à celui du rubidium. Il a tendance à se concentrer dans les magmas résiduels. Ensuite, il est retrouvé en quantités significatives dans les minéraux potassiques des pegmatites.

Dans les sulfures

Certains sulfures ont la capacité de concentrer du thallium avec des niveaux atteignant localement :

  • 0,77 % dans la pyrite (FeS2) ;
  • 5 % dans la chalcopyrite (CuFeS2) ;
  • 20 mg/kg dans la galène (PbS) ;
  • 1 000 mg/kg dans la sphalérite (ZnS).

Ces taux sont associés à une métalogenèse se produisant à des températures inférieures à 200 °C. À titre d’illustration, dans la pyrite, l’élément chimique 81 peut être incorporé dans sa structure cristalline en remplacement du fer. Il est également susceptible d’y former des inclusions minérales nanométriques ou micrométriques. Il convient de noter que la teneur en thallium peut considérablement varier au sein d’un même minéral et d’un même gisement. Par exemple, à El Losar del Barco (Ávila, Espagne), elle peut varier de 0,064 % à 0,266 % en poids dans les grains de sphalérite. Pourtant, la galène du gisement de Fe-Zn-Pb-Cu de Bleikvassli en Norvège peut présenter des concentrations allant de 26,3 mg/kg à 289 mg/kg.

Dans les minerais de thallium exploités

Les minéraux convoités comme sources de thallium comprennent :

  • la lorandite qui présente une teneur moyenne de 4 400 mg/kg (allant de 100 à 35 000 mg/kg) et est exploitée à Lanmuchang, en Chine ;
  • l’avicennite (Tl2O3) qui est exploitée à Luolong, au Tibet ;
  • la crookesite (Cu,Tl,Ag)2Se, l’ellisite Tl3AsS3 et la hutchinsonite (Pb,Tl)2As2S9 qui sont trop rares pour être exploitées.

Dans certains cas, le thallium peut être extrait en tant que sous-produit comme dans le gisement d’antimoine de Krstov Dol en Macédoine du Nord. Il y est présent notamment dans la stibine (Sb2S3) et dans la berthiérite (FeSb2S4) à des concentrations pouvant atteindre 0,3 %.

La Chine est le pays qui possède les plus grandes réserves prouvées de l’élément chimique 81. Celles-ci sont estimées à environ 16 000 tonnes et réparties dans différentes provinces. Néanmoins, le gisement le plus notable en termes de richesse en minerais de sulfure Sb-As-Tl semble être celui d’Allchar. Il est également connu sous les noms d’Alsar ou Alšar et se situe en Macédoine du Nord. Il a déjà révélé la présence de 45 minéraux rares contenant du thallium, dont la lorandite, la jankovicite, la picotpaulite, la rébulite et la simonite.

Dans les sols

Le thallium est responsable de la pollution des sols et des eaux souterraines dans de nombreux contextes. Ces derniers incluent notamment ceux qui sont liés à l’exploitation minière, à l’industrie et à l’utilisation intensive des combustibles fossiles. Par exemple, en Pologne, des quantités parfois élevées de l’élément chimique 81 sont présentes dans la terre végétale échantillonnée sur les terrils. Leur valeur médiane est de 22,9 mg kg-1. En Corée du Sud, une étude réalisée en 2015 a indiqué que les sols à proximité des cimenteries contenaient de 1,20 à 12,91 mg kg-1. Cette teneur est supérieure à celle dans les sols à proximité des mines et des fonderies qui renfermaient de 0,18 à 1,09 mg kg-1. Près d’Olkusz, sous un tas de déchets miniers vieux de 100 ans, le sol présentait en 2004 une concentration moyenne de 43 mg kg-1. Les valeurs atteignaient localement 78 mg kg-1.

En Chine

En Chine, la situation est encore plus préoccupante. Par exemple, dans le district de Lanmuchang, les calcaires et les argilites peuvent contenir jusqu’à 330 mg/kg de thallium. Cette région abrite également un important gisement de minerai de mercure-thallium-arsenic. Les taux vont de 100 à 35 000 mg/kg dans les minerais sulfurés. De plus, les charbons qui sont trouvés dans cette zone présentent des niveaux compris entre 12 et 46 mg kg-1. Ceux-ci sont 15 fois plus élevés que la teneur moyenne en thallium du charbon estimée à 3 mg/kg par Koljonen en 1992.

Les minéraux secondaires provenant du lessivage des sols pollués peuvent aussi renfermer de 25 à 1 100 mg kg-1 de cet élément chimique. Quant aux stériles des mines, ils présentent des concentrations variant de 32 à 2 600 mg kg-1. De même, les roches altérées peuvent contenir de 39 à 490 mg kg-1 de thallium. Pour les roches en surface, les taux vont de 6 à 330 mg kg-1.

Dans la zone minière, les sols sont susceptibles de receler de 40 à 124 mg kg-1 de cet élément chimique. En ce qui concerne les matériaux de lessivage des pentes naturelles, ils en contiennent généralement de 20 à 28 mg kg-1. Les niveaux sont compris entre 14 et 62 mg kg-1 dans les dépôts alluviaux en aval et à distance. En guise de comparaison, les sols naturels non perturbés de la région présentent des concentrations de 1,5 à 6,9 mg kg-1 (Xiao et al., 2004).

En outre, les pyrites d’origine hydrothermale peuvent renfermer une grande quantité de thallium. Jusqu’à 188 mg kg-1 de ce métal ont notamment été trouvés dans la pyrite des roches dolomitiques. Ces dernières sont situées le long des sources thermales fossiles de la région de Lodares, au centre de l’Espagne. Enfin, il est important de mentionner que certaines plantes rares, appelées « dolomitiques », peuvent bioaccumuler le thallium ainsi que d’autres métaux.

En région calcaire

En région calcaire, la minéralisation dans le substrat géologique carbonaté constitue une importante source de thallium dans la couche arable (0-20 cm). Elle est favorisée par l’augmentation de la température ainsi que par l’acidification des sols et des pluies. Celles-ci sont actuellement en hausse en raison du réchauffement climatique.

Par exemple, dans les zones les plus touchées, des concentrations de l’élément chimique 81 allant de 100 à 1 000 mg/kg ont été retrouvées. Dans le sous-sol, les niveaux peuvent même monter jusqu’à 6 000 mg de thallium par kg de roche carbonatée minéralisée. Par ailleurs, des formes minérales secondaires de ce métal ont été identifiées dans les horizons de sol contenant de la roche altérée. Elles résultent d’une altération par minéralisation sulfurée Tl–As–Fe encaissée dans la roche carbonatée à partir de laquelle le sol s’est développé. Elles incluent notamment la jarosite et l’avicennite partiellement substituées par Tl(I) (Tl2O3). En outre, certains minéraux carbonatés représentent une source de thallium longtemps sous-estimée. À titre d’illustration, une étude de 2022 menée en Chine a indiqué qu’un minerai carbonaté de PbZn contenait généralement plus de 65,7 % de thallium. Les sols environnants cette zone minière se sont aussi révélés fortement contaminés par cet élément chimique ainsi que par d’autres métaux lourds et métalloïdes toxiques. Ils présentaient des taux moyens de 3 655 mg/kg de plomb et de 7 820 mg/kg de zinc. De même, ils renfermaient 100,1 mg/kg d’arsenic, 27,3 mg/kg de cadmium et 29,9 mg/kg d’antimoine. Ainsi, ces sols sont devenus dangereux pour les adultes et les enfants. Il convient de noter que ces éléments, y compris le thallium, le manganèse et le cobalt, sont principalement présents sous des formes mobiles et biodisponibles. De ce fait, le risque d’exposition est plus accru.

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Cinétique environnementale et cycle géochimique du thallium

La compréhension de la cinétique environnementale et du cycle géochimique du thallium est encore incomplète. Cependant, il est connu que sur les terres émergées, les minéraux argileux jouent un rôle crucial dans le cycle environnemental de cet élément chimique.

Interaction du thallium avec les phases minérales et son comportement selon sa spéciation chimique

Dans les années 2010, plusieurs études ont démontré le peu d’affinité des oxydes de fer pour le thallium. Néanmoins, il a été observé que sous forme de thallium(I), ce dernier peut être capturé par certaines phases minérales. D’après Martin et ses collègues en 2018, l’ordre est le suivant : MnO2 > illite > smectite ~ ferrihydrite ~> Al2O3 ~ goethite > SiO2.

La sorption par des argiles, en particulier l’illite, semble être le mécanisme prédominant pour la fixation du thallium dans les matériaux de la couche arable. Il est probable que cette situation soit due au dépassement de la capacité d’absorption de ces minéraux par les charges de thallium du sol. Par rapport aux autres phases minérales contenant du thallium, les argiles se classent comme suit : MnO2 > illite > smectite ∼ ferrihydrite ≥ Al2O3 ∼ goethite > SiO2.

Toutefois, les interactions échangeables et réversibles entre Tl+ et les sites réactifs des argiles suggèrent que l’élément chimique 81 pourrait être libéré en solution. Ce mécanisme est susceptible de se produire dans des conditions changeantes.

Par ailleurs, il a aussi été observé que sous forme de Tl(III), le thallium est principalement immobilisé dans les oxydes de manganèse. Les niveaux de concentration de ce métal dans les échantillons de CaCl2 10 mM augmentent avec l’accroissement de son taux dans le sol. Ils s’élèvent également avec l’acidification de ce dernier (diminution du pH). Cependant, ils ne connaissent pas de variations drastiques selon la Spéciation chimique du thallium.

Impact des catastrophes naturelles sur la contamination des sols par des métaux toxiques

Certaines catastrophes naturelles peuvent entraîner une contamination supplémentaire de la surface terrestre par des métaux toxiques. Tel est notamment le cas des éruptions, des séismes, des ouragans, des raz de marée et des inondations. Ainsi, à La Nouvelle-Orléans en Louisiane, 43 % (9/21) des sols des cours d’école échantillonnés contenaient plus de 400 mg/kg de plomb avant l’ouragan Katrina. Pourtant, après l’ouragan Rita, deux de ceux-ci présentaient des niveaux supérieurs à 1 700 mg/kg. De plus, les seuils réglementaires de l’USEPA-RSL pour le thallium étaient dépassés dans tous les échantillons prélevés dans cinq cours d’école après cette catastrophe naturelle. Par ailleurs, les sols des forêts et des prairies ne sont pas épargnés. En République tchèque, par exemple, Vanek et ses collègues ont trouvé des concentrations de 0,56 à 1,65 mg kg-1 en forêt en 2009. Les taux étaient de 1,1 à 2,06 mg kg-1 en prairie.

Effets de l’agriculture intensive et de la perte de matière organique sur la libération du thallium dans les sols

L’agriculture industrielle intensive et les pratiques de labour associées ont engendré une dégradation considérable de la matière organique (M.O) des sols à travers le monde. Elles provoquent même parfois des phénomènes de salinisation et de désertification. Une étude a été réalisée en Chine en 2012 afin d’analyser les effets de cette perte de M.O. Dans les sols rouges et surtout dans les lœss, notamment, celle-ci entraîne la désorption du Tl+ précédemment piégé dans la matière.

Le relargage de l’élément chimique 81 est plus prononcé dans les sols ayant une concentration initiale plus élevée. Lorsque la M.O d’un sol rouge est artificiellement détruite, environ 24,7 % du thallium qu’il contenait est relargué (et 28,2 % pour un lœss). En conséquence, la capacité du lœss à fixer ce métal diminue de 20 % en moyenne. Concrètement, la matière organique contribue à hauteur de 39,2 % à l’adsorption du Tl+ par le lœss et de 32,8 % dans le cas du sol rouge. Quand la quantité initiale de Tl+ est de 20 mg/L, le taux de désorption augmente jusqu’à 60,8 % pour le sol rouge. Il atteint même les 65,5 % pour le lœss. De plus, les phénomènes d’acidification des pluies et des sols favorisent la libération de cet élément chimique. Ainsi, ils le rendent plus biodisponible comme pour les autres métaux et métalloïdes.

Toxicité et écotoxicité

Le thallium possède une toxicité accrue lorsqu’il se trouve sous forme de sulfate, d’acétate, de carbonate ou de nitrate/nitrite. Toutefois, sa nocivité est moindre lorsqu’il se présente sous forme de sulfite ou d’iodine (faible solubilité, donc moins facilement biodisponibles).

Un toxique longtemps ignoré

Dans les années 1920, le groupe Bayer développe un puissant rodenticide connu sous le nom de « pâte Zelio » ou « granulés Zelio ». Celui-ci contenait environ 2 % de sulfate de thallium. Cette formule a inspiré la création d’un autre rodenticide aux États-Unis. Celui-ci était appelé « Thalgrain » et présentait une concentration de l’élément chimique 81 réduite de moitié (1 % de sulfate de thallium). Pourtant, il était tout aussi efficace et distribué par des agences officielles dans dix comtés de Californie. Sa production était lancée dans le cadre d’un programme visant à éradiquer les spermophiles de cet État de l’ouest des États-Unis. L’otospermophilus beecheyi est notamment une espèce d’écureuil considérée comme nuisible dans les champs où elle montrait une résistance surprenante à la strychnine. De même, le Thalgrain a trouvé une application dans la lutte contre le Chien de prairie.

Cependant, cette campagne a entraîné une épidémie d’empoisonnements humains par ce rodenticide. Par ailleurs, les patients qui se sont servis des produits pharmaceutiques ou cosmétiques contenant du thallium ont présenté tout ou une partie des symptômes associés. Tel a également été le cas des personnes ayant été en contact avec le Thalgrain. La production de ce dernier a connu une légère croissance jusqu’en 1928. Ensuite, elle a diminué après l’introduction sur le marché d’une alternative plus sûre, le coumaphène (warfarine, C19H16O4). De même, cette baisse s’est expliquée par la constatation que ce poison tuait de nombreuses espèces non ciblées. En effet, celui-ci était aussi responsable de la mort de certains animaux d’élevage, d’oiseaux sauvages et d’espèces de gibier.

De plus, les animaux nécrophages et les décomposeurs pouvaient être gravement empoisonnés par le thallium, qui n’est pas biodégradable. Les pesticides contenant de ce métal ont progressivement été associés à des cas de suicides et d’homicides, qu’ils soient intentionnels ou non.

Une première étude pharmacologique poussée en 1924

Une étude pharmacologique approfondie sur l’élément chimique 81 a été entreprise en 1924 par le Bureau of Biological Survey. Elle visait à comprendre son mécanisme toxique à travers des expériences sur des animaux. Grâce à elle, les effets néfastes du thallium ont été identifiés et un antidote a été découvert. Au cours des années 1930, plusieurs recherches sur la thallotoxicose ont été publiées dans le Journal of the American Medical Association (JAMA). Pourtant, au XIXe siècle, Marme, ainsi que Swain et Bateman avaient déjà démontré que l’élément chimique 81 était un poison cumulatif.

En outre, il convient de préciser que l’utilisation médicale et cosmétique du thallium a causé la mort d’au moins 600 personnes (cas scientifiquement documentés). Elle a aussi empoisonné de nombreux autres individus, dont certains ayant subi de graves séquelles physiques et/ou mentales. Dans les années 1920, l’épilation générale des enfants pré-pubères en bonne santé était une pratique médicale courante pour traiter les teignes et autres affections dermatophytiques. Pendant quelque temps, les docteurs estimaient qu’une dose de 8 mg/kg était justifiée et bien tolérée par cette catégorie de personnes. Celle-ci devait être administrée sous forme de comprimés à ingérer, contenant de l’acétate ou du nitrate de thallium dont les quantités sont soigneusement mesurées. Toutefois, une étude publiée en 1947 a remis en question cette approche.

Un danger passé inaperçu jusqu’en 2018

L’élément chimique 81 se trouve dans le charbon (y compris ses cendres), dans de nombreux effluents industriels et dans les déchets miniers. Il est souvent associé à d’autres métaux extrêmement toxiques tels que le plomb, l’arsenic, le mercure et le cadmium. Or, des millions de familles et d’individus à travers le monde utilisent encore du charbon comme source de chauffage dans des logements mal ventilés. Certains s’en servent même pour cuisiner leurs aliments. De plus, les cendres de cette matière combustible solide sont fréquemment employées comme amendement pour les potagers.

Ces pratiques exposent les habitants à un mélange nocif de plomb, de cadmium, d’arsenic et de thallium. Celui-ci est également connu sous le nom d’« effet cocktail ». Il est resté largement méconnu pendant plus d’un siècle. Cependant, deux études polonaises publiées en 2018 et en 2021 ont attiré l’attention sur ce danger. La première a notamment révélé une concentration moyenne de 500 µg de thallium par kilogramme de cendre.

Quant à la seconde, elle a montré des niveaux élevés d’arsenic, de cadmium, de plomb et de thallium. Elle a aussi indiqué des corrélations entre les taux de ces éléments toxiques, le pH et la qualité du charbon. En fait, elle s’est basée sur 52 échantillons de cendres provenant de différents types de charbon utilisés par les ménages individuels. Les teneurs atteignaient 50 900 µg/kg de cendre pour l’arsenic et 43 500 µg/kg pour le cadmium. Elles s’élevaient à 128 900 µg/kg pour le plomb et à 6 660 µg/kg pour le thallium. Ces niveaux sont comparables à ceux des déchets industriels dangereux. En outre, ils doivent être mis en relation avec la quantité de charbon consommée par les cuisinières et les chaudières individuelles en Pologne en 2018. Celle-ci équivaut à environ 10 millions de tonnes par an.

Effets toxiques et symptômes de la « thallotoxicose »

Chez l’Homme, administré à faible dose, le thallium provoque un ensemble de symptômes variés qui caractérisent la thallotoxicose. Une alopécie (perte de cheveux) se manifeste généralement à deux ou trois semaines après une intoxication aiguë. Des troubles digestifs comme une stomatite et une gastro-entérite peuvent survenir. Ils s’accompagnent de vomissements, de diarrhées et de constipation, doublés d’une perte d’appétit et de poids (anorexie). De même, il est possible que d’autres manifestations se constatent :

  • douleurs et crampes dans les jambes ;
  • névrite périphérique et rétrobulbaire ;
  • paresthésies des mains et des pieds souvent associées à une faiblesse musculaire ainsi qu’à une diminution du réflexe du tendon d’Achille ;
  • problèmes de sommeil, fatigue et dépression ;
  • perturbations endocriniennes ;
  • épisodes de rires hystériques et parfois de délires.

Les symptômes de la « thallotoxicose » peuvent également inclure la cyanose, l’hypertension avec tachycardie et bradycardie ainsi que des convulsions. Dans certains cas graves, l’intoxication à l’élément chimique 81 provoque un coma et la mort peut survenir.

Il a également été rapporté une augmentation anormale de la salivation, et après quelques jours, une « pigmentation cutanée » peut apparaître. Par ailleurs, des études ont établi un lien entre le thallium et certains types de diabète. Des recherches menées en 2020 s’orientent vers une corrélation entre le thallium et le TDAH. Ce dernier est généralement causé par une carence en dopamine.

Un cas publié en 2020 dans la littérature médico-légale relate l’histoire d’un couple hospitalisé à Milan qui a été découvert affecté par du thallium. L’enquête judiciaire a prouvé que seule la semelle des chaussures du mari révélait des traces de poudre de Tl. Son fils a employé de manière illégale cet élément dans une parcelle cultivée où il se rendait chaque jour pour l’aider. Ainsi, il aurait involontairement pollué son foyer, entraînant son auto-intoxication ainsi que celle de sa femme.

Le thallium, réduit en poudre, s’est présenté comme un poison. Ses sels sont dépourvus de couleur et d’odeur et présentent une dose létale infiniment basse. Moins de 5 mmol, soit légèrement supérieur à 1,5 mg/kg de poids corporel suffit pour causer la mort d’un individu. Les utilisations du Tl en tant que formicide, insecticide et raticide diminuent, notamment depuis que son effet néfaste sur l’Homme a été mis en évidence. Cependant, à des échelles locales, son usage perdure. Par conséquent, il persiste dans l’environnement sans se biodégrader ni s’altérer.

Les os, le système nerveux, le foie et les reins de l’organisme humain sont les organes les plus affectés par le thallium. Il bouleverse les fonctions de plusieurs enzymes vitales et le métabolisme des acides gras. Parmi les troubles, on peut constater des polyneuropathies ainsi que divers troubles tels des hémorragies internes et des lésions myocardiques potentiellement mortelles. Chez les femmes enceintes, une augmentation des niveaux de thallium est associée à un risque accru de faible poids du bébé à la naissance. Elle peut également s’accompagner de dommages irréversibles au niveau des fonctions intellectuelles, en particulier sur la mémoire et l’intelligence cognitive.

Chez l’animal

Les effets de l’élément chimique 81 sur les mammifères sont similaires à ceux observés chez l’Homme (stress oxydatif, apoptose, inflammation, etc.). Une expérience menée en 2022 sur la perche du Nil semble confirmer qu’il est capable de provoquer une agressivité. Pendant deux mois, les poissons ont été exposés à une concentration sublétale de thallium (41,9 μg/L, soit un dixième de la CL50 à 96 heures). Les résultats ont révélé une augmentation du comportement agressif des poissons. Elle était associée à une diminution des niveaux de sérotonine, de GABA et de neurotransmetteurs dans le cerveau. De même, une réduction de l’activité de la Na+/K+-ATPase et des acétylcholinestérases (AchE) a été signalée. Par ailleurs, les marqueurs de stress oxydatif (protéine carbonyle, MDA, PC et malondialdéhyde) se sont multipliés chez les perches. Il en est de même pour l’expression des gènes liés au stress dans leur cerveau (P53, Caspase-3 et HSP70). Parallèlement, l’activité de la catalase (CAT) a diminué. Toutefois, il a été constaté que l’administration simultanée d’extraits d’astragale a réduit notablement les effets toxiques de l’élément chimique 81. Il s’agit d’une plante utilisée en médecine traditionnelle chinoise qui a été introduite dans l’alimentation des poissons à hauteur de 0,30 % durant l’expérience.

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Cas particulier de l’intoxication chronique

Dans les années 2010, les conséquences de l’intoxication chronique par de faibles doses de thallium sur l’organisme humain ont été insuffisamment documentées et mal comprises. Néanmoins, tout comme pour le plomb, il semble que les enfants soient plus vulnérables à ces effets. Leurs fonctions rénales, hépatiques et cardiaques présentent un risque plus élevé de subir des dommages graves, même à des niveaux signalés considérés comme « subcliniques ».

Des enfants ont été suivis pendant quatre ans après un traitement ayant réduit leur taux d’excrétion urinaire de thallium en dessous de 5 μg/L. L’analyse a montré une atténuation des répercussions indésirables sur le foie et les reins, bien que ces organes ne s’étaient pas encore complètement rétablis. En revanche, les effets négatifs sur le cœur ont persisté, voire se sont accentués avec le temps.

Jusqu’en 2020, l’OMS a révélé ne pas disposer de données suffisantes pour apprécier de manière certaine les risques pour les enfants ayant 5 à 500 μg/L de thallium dans l’urine. Cependant, les auteurs de l’étude précédente affirment que même un seuil de 5 μg/L présente un danger pour la santé des plus jeunes. Ils soulignent que : « il est urgent d’établir des limites de sécurité plus strictes pour ce métal ». De plus, compte tenu de l’augmentation de l’exposition de la population mondiale au thallium, ils exhortent l’OMS à « accorder plus d’attention aux effets néfastes du thallium sur la santé des enfants »

Séquelles

Chez des adultes ayant survécu à une intoxication tardivement traitée à l’hôpital, certains ont présenté un engourdissement chronique des membres inférieurs. Dans un cas unique, on a assisté au développement d’une thrombose veineuse profonde de la jambe. Quelques cas de séquelles mentales, comme la schizophrénie, ont également été mentionnés.

En cas d’intoxication chez l’enfant, les séquelles peuvent affecter le foie et les reins, mais principalement le cœur. Une étude in vitro datant de 1978 a démontré la toxicité de l’ion Tl+ sur les muscles squelettiques. Il provoque un blocage sélectif du nerf phrénique ou de la jonction neuromusculaire sur la fibre musculaire. Selon son auteur, les dommages causés au cœur peuvent être potentiellement irréversibles.

Enjeu de santé environnementale

Les relevés environnementaux révèlent une présence croissante de l’élément chimique 81 dans l’air et la biosphère, avec des pics locaux alarmants. Des concentrations élevées sont notamment constatées dans les aliments cultivés à proximité des cimenteries allemandes. Celles des zones industrielles atteignent ou dépassent déjà des niveaux critiques en termes de toxicité. Par exemple, dans le lac Michigan, des niveaux de thallium allant de 5,9 à 70 ppm ont été détectés en 2001. Les truites grises (Salvelinus namaycush) avaient des teneurs (~0,6 nmol g-l de poids humide) potentiellement dangereuses pour les consommateurs réguliers.

La combustion de charbon et des carburants fossiles constitue l’une des principales sources de la libération de ce métal dans l’environnement.

En plus d’être un élément-non essentiel, le Tl est encore plus nocif pour l’homme que le cadmium, le mercure ou le plomb. Sa dose létale médiane (DL50) orale varie considérablement selon les espèces, allant de 5 à 150 mg/kg. Elle est estimée à 8 mg/kg pour les humains. Les normes réglementaires ont établi une concentration maximale admissible de 0,1 mg/ml pour le thallium.

L’élément chimique 81 présente une affinité pour les groupes sulfhydryle des protéines. De ce fait, il entraîne des perturbations dans la production de l’adénosine triphosphate (ATP). Il s’agit d’une molécule vitale pour toutes les espèces animales connues. Depuis sa découverte en 1861, ce métal lourd est associé à de nombreux cas d’intoxications professionnelles, thérapeutiques, accidentelles ou criminelles. À l’instar du mercure et du plomb, il agit comme un neurotoxique cumulatif sur le système nerveux central des mammifères. À faible dose (sub-toxique), il peut causer un dysfonctionnement musculaire chez les animaux. De plus, il a été identifié comme reprotoxique (affectant la spermatogenèse), cardiotoxique et hépatotoxique chez l’homme.

In vitro

En laboratoire, le thallium montre une interaction négative avec les phospholipides membranaires des liposomes. Cette caractéristique suggère qu’il peut altérer les propriétés physiques des membranes cellulaires. Elle est également susceptible de contribuer à ses effets neurotoxiques.

Sur le plan chimique, cet élément présente des similitudes avec l’argent, le plomb, et certains métaux alcalins comme le potassium, le rubidium et le césium. Au sein des organismes, l’ion thallium(I) (Tl+) a une affinité avec l’ion potassium K+ et le remplace aisément. La similarité des rayons ioniques entre le Tl+ et le K+ est apparemment le principal responsable de la toxicité du Tl et de ses composés. Cela perturbe ou entrave les processus métaboliques essentiels qui dépendent du potassium. Il peut engendrer une peroxydation des lipides et un dysfonctionnement mitochondrial. Par ailleurs, le thallium génère un stress oxydatif significatif.

Dans les eaux naturelles

Dans les milieux aquatiques naturels, l’élément chimique 81 se présente essentiellement sous forme de cation monovalent hautement soluble. Les poissons sont particulièrement sensibles à sa présence. En effet, sa solubilité dans l’eau est supérieure à celle des autres métaux lourds. Ces cations sont aisément transportés à travers les différents compartiments de l’environnement et de la chaîne alimentaire. Les rejets provenant des mines de métaux de base contribuent à cette contamination. Cependant, les méthodes traditionnelles de traitement des métaux lourds dans les eaux usées sont peu efficaces pour l’élimination du thallium. De nouvelles techniques d’épuration de l’élément chimique 81 sont actuellement développées et expérimentées. Certains experts estiment que le Tl représente l’un des dangers potentiels, latents mais inquiétants pour l’environnement et la santé.

Seuils de teneurs environnementales à ne pas dépasser pour le thallium (en 2004)

La détection de seulement 0,5 mg de thallium pour 100 g de tissus doit être considérée comme un signe d’intoxication au thallium. Cette estimation de F.F Heyroth (1947) s’est basée sur le fait qu’en temps normal, l’élément chimique 81 ne se trouve pas dans les tissus sains. Bien que minime, une quantité comprise entre 0,5 et 10,0 mg pour 100 g de tissus indique une intoxication subaiguë à mortelle..

Le seuil de sécurité pour le thallium environnemental est fixé à :

  • 2 μg par L pour l’eau potable ;
  • 1 kg−1 pour le sol arable ;
  • 0.008–1.0 kg−1 pour le végétal ;
  • 0.03–0.3 mg kg−1 pour les plantes alimentaires ;
  • 2 μg jour−1 pour l’ADI (apport quotidien moyen) ;
  • 0.056 mg jour−1 pour le seuil oral (dose orale de référence).
Perturbateur endocrinien, reprotoxique

L’élément chimique 81 a un impact sur le système endocrinien et la santé reproductive.

Des constatations ont eu lieu chez les femmes chinoises de la province de Zhejiang. Le risque de ménopause prématurée a été relié à une teneur élevée en thallium dans les urines. Les taux sériques de l’hormone folliculo-stimulante et de l’hormone lutéinisante sont également élevés. En revanche, l’hormone anti-mullérienne et l’estradiol ont significativement baissé.

Dans les années 1980, des études chez le rat mâle ont mis en évidence l’effet reprotoxique du thallium. Une atrophie et une toxicité testiculaire suivies de l’altération de la spermatogenèse ont été remarquées, comme l’a rapporté A. Buschke en 1922.

Élément mutagène, génotoxique, cancérogène ?

En 1990, les données sur les aspects spécifiques des composés du thallium et du thallium-métal étaient très insuffisantes. Elles n’ont pas pu permettre l’évaluation des risques pour ces trois dangers potentiels. Les études se sont plus portées sur la toxicité élevée du thallium et de ses sels.

Mutagénicité

La mutagénicité du thallium et de ses composés est sujette à controverse. Toutefois, ce métal présente des propriétés tératogènes bien définies, notamment en ce qui concerne la formation du cartilage et de l’os. Des embryons de poulet ont été exposés à des doses de sulfate de thallium de 0,4 à 1,2 mg pendant les 4 à 11 jours de leur incubation. Les résultats ont montré des cas d’achondroplasies chez les poussins. Ces anomalies sont apparemment associées à une inhibition de la synthèse des mucopolysaccharides. Toutefois, l’incidence est moindre chez les mammifères.

En 2022, les études in vivo et in vitro réalisées attestent un effet mutagène, bien que de faible intensité. Les composés du thallium ont modifié la progression du cycle cellulaire. Néanmoins, à ce stade, aucune preuve solide ne permet d’affirmer l’existence de dommages primaires et irréversibles à l’ADN ni de dommages chromosomiques. De plus, aucun effet mutagène n’a été rapporté dans les lymphocytes des patients exposés au 201Tl par la médecine nucléaire.

Génotoxicité

En 2012, Rodríguez-Mercado et Agustín ont démontré que les différentes formes de thallium ont des réactions sur le génome des cellules eucaryotes et procaryotes. Cependant, ces résultats nécessitent d’être plus approfondis.

En 2017, ces mêmes chercheurs ont exposé des lymphocytes humains (in vitro) à différents taux de thallium I et III. Les tests d’anomalie chromosomique ont révélé que le sulfate de thallium(I) réduisait l’indice mitotique à toutes les teneurs expérimentées : 0,5, 1, 5, 50 et 100 μg/mL. Quant au chlorure de thallium(III), il s’est relevé toxique à des taux supérieurs ou égaux à 1 μg/mL. Le traitement sous ces deux formes a significativement augmenté les erreurs chromosomiques structurelles (avec ou sans lacunes) et le pourcentage de cellules aberrantes sans lacunes.

Ces observations indiquent que les deux formes d’oxydation de l’élément chimique 81 ont des effets cyto/génotoxiques : clastogènes et aneuploïdogènes. Respectivement, ils génèrent des cassures de l’ADN et un nombre anormal de chromosomes dans la cellule. Cela pourrait suggérer un potentiel effet cancérigène.

En 2021, des tests réalisés sur le modèle animal Drosophila melanogaster ont révélé une génotoxicité de l’acétate de thallium et du sulfate de thallium. Toutefois, ce caractère ne s’est manifesté qu’à des doses élevées [600 μM] de Tl2SO4, avec une recombinaison somatique de 87,6 %. Ces deux sels ont bouleversé la division cellulaire, ce qui atteste les effets cytotoxiques escomptés. Néanmoins, les chercheurs précisent que « Les risques génotoxiques dus à des niveaux élevés de métaux par bioaccumulation de Tl+1 ou de ses composés nécessitent une évaluation plus approfondie avec d’autres tests in vivo et in vitro ».

Cancérogénicité

Actuellement, les études pertinentes sur les effets de l’élément chimique 81 sur les humains et les animaux de laboratoire sont encore insuffisantes. De ce fait, il est difficile de déterminer sa cancérogénicité. Cependant, quelques expériences ont suggéré que le trichlorure de thallium, qui est le seul sel trivalent stable de ce métal, pourrait avoir une activité antitumorale.

Quelques statistiques

Les niveaux couramment observés de thallium dans l’air inhalé se situent généralement entre 5 et 10 ng/g. En 2015, Ghaderi et ses collègues ont constaté une augmentation significative de la présence de cet élément chimique dans le corps des consommateurs d’opioïdes. La concentration moyenne était de 21 μg/l chez ces individus et de 1 μg/l chez le groupe témoin.

Ingestion et teneur corporelle

Au XXIe siècle, selon Wallace (2015), un adulte moyen ingère environ 2 ppb de thallium par jour. Pour R. Blain (2022) la consommation est inférieure à 5 μg/j, à partir des aliments.

Selon Lansdown (2013), la teneur corporelle moyenne en Tl chez un américain est d’environ 0,1 milligramme, soit 0,051 mg/kg de masse corporelle.

Les taux de ce métal dans certains organes sont les suivants :

  • 0,6 μg/g (microgramme par gramme) dans le squelette ;
  • 0,42 à 1,5 ng/g dans le cerveau ;
  • 1,2 μg/g dans les ongles ;
  • moins de 1,5 ng/g dans le foie ;
  • 6,1 ng/g dans les reins ;
  • entre 7 et 650 ng/g dans les cheveux.

L’élément chimique 81 a tendance à emmagasiner principalement dans les organes périphériques, notamment dans les phanères. Ces derniers peuvent poursuivre l’élimination d’une partie du thallium ingéré, comme ils le font pour le plomb et le mercure.

Excrétion et taux urinaire

La majeure partie du thallium non lié dans le corps est excrétée par l’urine et parfois par les selles, en moindre quantité.

L’analyse de l’urine est une méthode utile et courante pour connaître le degré de contamination d’une personne, récente ou chronique. En général, la concentration de thallium urinaire est inférieure à 1 μg/g de créatinine. Il est détecté dans l’urine une heure après l’exposition et peut y persister jusqu’à deux mois.

Il est recommandé de collecter l’urine sur une période de 24 heures. En effet, il faut tenir compte des variations diurnes et des habitudes d’hydratation et de consommation qui influent sur l’excrétion. Un niveau supérieur à 20 μg/l indique une exposition excessive. Au-delà de 200 μg/l, on parle d’empoisonnement.

L’urine d’un Européen moyen contient environ 0,066 μg/l de thallium.

Chez les Canadiens, les taux moyens et ceux du 95ème centile de thallium dans l’urine sont respectivement de 0,21 μg/g et 0,55 μg/g de créatinine.

Chez le rat de laboratoire en bonne santé, la demi-vie biologique du 204Tl a été estimée entre 3 et 4 jours. Chez l’Homme, sa présence dans l’urine et les selles peut persister plusieurs semaines après son absorption.

En 1994, Sabbioni et ses collègues ont proposé une plage de référence provisoire pour le thallium urinaire : 0,019 à 0,170 μg.

Taux sanguin de thallium

Le taux sanguin de thallium évalue généralement l’exposition récente ou chronique à cette substance.

En 1994, Sabbioni et ses collègues ont suggéré une fourchette de référence provisoire pour le thallium sanguin : 0,014 à 0,190 μg/l. Selon Lansdown (2013), la toxicité est établie à partir de 100 μg/l. Les valeurs de référence calculées pour le Tl se situent généralement entre 0,15 et 0,63 μg/l dans le sang et entre 0,02 et 0,34 μg/l dans le sérum. Le taux sanguin moyen d’un Européen est d’environ 0,063 μg/l.

Phanères (ongles, griffes, cornes, poils et cheveux)

Chez une personne non exposée, les ongles contiennent trois fois plus de thallium que les cheveux. Ces derniers sont considérés comme un indicateur moins fiable d’une contamination en cours que l’urine. Le taux de thallium dans les phanères reproduit l’environnement et/ou l’alimentation de la personne. Toutefois, la mesure du thallium dans les cheveux peut être difficile en cas d’exposition très faible de l’organisme.

Selon le manuel de toxicologie de Robyn Blain (édition 2022), les cheveux présentent la plus forte concentration de thallium parmi tous les tissus chez les sujets non exposés. Chez le rat, jusqu’à 60 % de la charge corporelle restante a été retrouvée dans les poils. Ce constat a été fait 21 jours après l’administration de thallium par voie parentérale ou orale.

Absorption, distribution et excrétion

Absorption

La solubilité du phosphate de thallium est 50 fois plus élevée que celle du phosphate de calcium. Toutefois, contrairement au plomb, l’élément 81 ne s’accumule pas de manière significative dans l’os.

Les sels de ce métal sont capables de pénétrer facilement dans la peau ainsi que dans les muqueuses digestives et respiratoires. Des études réalisées sur des lapins et des chiens ont démontré que le sulfate de thallium commence à être absorbé au niveau de l’œsophage. Deux heures après ingestion, il est décelé dans l’urine. À peine quelques minutes après son administration par voie intraveineuse, les poumons des lapins le retracent.

D’autres études font état que les reins, le pancréas, les muscles et la rate peuvent renfermer des quantités plus élevées de Tl par unité de poids que les autres organes.

Distribution

Le processus d’élimination du thallium est relativement lent chez l’homme et les animaux. Pendant une épidémie d’intoxication en Californie, par exemple, les patients présentaient encore de ce métal dans leur urine même trois semaines après l’exposition. Chez deux d’entre eux, les niveaux ont atteint 2,39 mg/L.

La présence du Tl chez les personnes intoxiquées chroniques perdure environ deux mois. Dans les empoisonnements mortels chez l’homme, les concentrations vont de 3 à 11 parties par million dans certains organes : reins, foie, cœur, intestins, poumons, os et rate. Un homme a présenté 3,3 mg pour 100 g de foie, 5 mg pour 100 g d’urine et 1,6 mg pour 98 g de rein.

En outre, des analyses spectroscopiques réalisées par Olmer et Tian ont révélé la présence d’une partie de thallium pour 50 millions dans le liquide céphalorachidien d’un homme gravement intoxiqué. Après avoir éliminé les cellules de l’échantillon par centrifugation, la concentration du Tl a été réduite à un dixième de sa valeur initiale. Celui-ci se concentre aussi en petites quantités dans la peau et les cheveux.

Excrétion

Selon les travaux de Shaw et Lansbury, les rats exposés à des doses sublétales répétées éliminent chaque jour environ 0,4 mg de thallium par kilogramme de poids corporel. De plus, les femelles allaitantes intoxiquées par une dose létale produisent du lait contenant suffisamment de Tl. Le taux est suffisant pour perturber la croissance des poils et inhiber la croissance et le développement des petits, sans toutefois les tuer. Des oies empoisonnées par l’élément chimique 81 à raison de 20 mg/kg de poids corporel sont mortes 15 jours après. Leurs tissus renfermaient encore 35 à 70 % de la quantité ingérée. Chez le chien, l’élimination d’environ 60 % du thallium par l’urine prend en moyenne 36 jours.

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Teneurs dans l’environnement, cinétiques environnementales et tendances

En principe, le thallium pur est rare à la surface de la Terre en raison de sa forte propension à s’oxyder et à se dissoudre dans l’eau. Quisefit et ses collègues ont signalé sa présence pour la première fois en 1989 dans des sublimés d’émissions gazeuses volcaniques. Il le trouve sous diverses formes de composés inorganiques tels que :

  • des sels contenant des oxoanions ;
  • des chalcogénures ;
  • des oxy halogénures ;
  • des oxydes ;
  • des bromures ;
  • des hydroxydes ;
  • fluorures ;
  • des hydrures ;
  • iodure ou des halogénures mixtes comme le dichlorure de fluorure de thallium (III) (TlFCl2•3H2O) ;
  • des chlorures.

Parmi les nombreux composés organo thalliens, les dérivés disubstitués (R2TlX) sont considérés comme les plus stables. Dans les mines de charbon et les météorites, l’élément chimique 81 peut être trouvé à des concentrations élevées. Certaines formations géologiques, tels les granites, les roches volcaniques et l’argile détritique sont susceptibles d’en contenir.

Cycle biogéochimique et source-puits de thallium

Dans les profondeurs de l’océan, les sédiments et les nodules de manganèse sous-marins constituent des « puits naturels » de thallium. Toutefois, son comportement dans les zones côtières et les eaux océaniques ouvertes reste encore méconnu. Des recherches récentes ont révélé que les bactéries contenues dans les sédiments jouent un rôle important dans le cycle marin de l’élément chimique 81.

Cycle biogéochimique étroitement lié au pH

En milieu très acide (pH < 3), le thallium reste principalement sous forme libre dans l’eau. Toutefois, il a tendance à s’adsorber rapidement lorsque le pH atteint environ 6,5, en fonction de son état d’oxydation. Environ 1 à 5 % du Tl total dans les milieux marins se trouve sous forme de Tl3+. Dans une plage de pH allant de 2 à 12, en présence de conditions de potentiel redox élevé, le Tl3+ peut former un précipité insoluble de Tl(OH)3.

En 2004, Rehkämper et Nielsen ont démontré que le Tl+ subit une oxydation réversible en Tl3+ sous l’influence de la lumière. En 2006, les travaux de Karlsson et de ses collègues ont indiqué que le Fe3+ pouvait également être également photo réduit en Fe2+. Ainsi, l’état redox du thallium dans les systèmes d’eau douce paraît être régulé par le cycle du fer qui est souvent associé à des bactéries.

Variations des taux de thallium dissous

L’élément chimique 81 considéré comme non essentiel et extrêmement toxique dans le milieu marin, était autrefois jugé comme stable dans cet environnement. Une idée que des chercheurs allemands ont remise en question dans les années 2010. Ils ont démontré que les taux de thallium dissous (Tldiss) varient considérablement (environ 25-60pM) dans la colonne d’eau. N’ayant aucun rapport avec la salinité, ils sont en corrélation avec le manganèse et le molybdène présents. Les fluctuations varient en fonction des zones, des marées et des saisons. Elles ont été observées le long des côtes allemandes près de Spiekeroog, telles que la baie de Jade, l’estuaire et les régions offshores adjacentes. En termes de bilan massique, le thallium dissous diminue jusqu’à -50 % quand la marée est basse. Cette réduction est inversement proportionnelle au manganèse dissous (Mndiss), sauf en été.

Causes des fluctuations

Ces variations sont détectées jusqu’à plus de 40 km de la côte, jusqu’à Heligoland. Elles résultent d’un phénomène d’absorption/désorption rythmique du Tl des eaux interstitielles du sédiment. Ce dernier est lié à la chimie redox du thallium qui demeure mal comprise. Les sédiments anoxiques pourraient agir comme un puits pour le Tldiss, où il se combinerait avec le sulfure de fer. Initialement, les scientifiques pensaient que la réduction du thallium dans les eaux interstitielles se produisait uniquement dans des conditions anoxiques et sulfuriques. Toutefois, des études plus récentes suggèrent que le cycle du Tl est également influencé par des conditions légèrement réductrices (suboxiques). Il est probablement en relation avec des phases de réduction microbienne du manganèse dans les sédiments.

En 2021, une expérience en mésocosme a été réalisée pour analyser la saisonnalité du phénomène de diminution significative du thallium dissous. Elle a démontré que celle-ci pourrait être causée par une complexation temporaire de l’élément chimique 81 par la matière organique issue des blooms planctoniques saisonniers. Prélevé de la colonne d’eau, le métal est momentanément maintenu par des phases porteuses organiques (ligands, algues en décomposition, bactéries, etc.) et inorganiques. Ensuite, il est déposé et éventuellement fixé dans les sédiments sulfurés. Entre 4 et 20 % du thallium total dissous de la colonne d’eau seraient ainsi éliminés de façon régulière, mais provisoire. En mésocosme, il a été constaté que les diatomées ne semblent pas jouer un rôle significatif dans ce processus. Néanmoins, les blooms de Phaeocystis sp., surtout au stade colonial de formation d’hydrogel, entraînent des déperditions notables du thallium dissous, à raison de 27 % par jour.

Répartition spatiale du thallium dans les zones intertidales

En 2021, lors d’une étude réalisée par des chercheurs allemands, des concentrations élevées de thallium dans l’eau interstitielle de divers sédiments ont été constatées. Elles ont été six fois supérieures à la normale et ont été étroitement liées à la dégradation aérobie de la matière organique. En revanche, le métal s’est estompé de ce milieu lorsque ce dernier est devenu très peu réducteur (avec une quantité de manganèse ou de fer supérieure à 1 µM).

Les variations saisonnières et spatiales du fer dissous ainsi que les taux de Mg influent sur la répartition du thallium dans les zones intertidales. Les chercheurs pensent que cette libération rapide et cyclique de l’élément chimique 81 dans l’eau est le résultat d’une combinaison de phénomènes. Elle inclut la dégradation de la MO, la désorption du thallium adsorbé temporairement sur les particules sédimentaires et/ou la réoxydation. De manière inverse, la disparition cyclique du Tl de l’eau serait apparemment reliée à la présence de traces de sulfure dissous.

Compréhension des mécanismes de puits et de sources de thallium

Les sédiments intertidaux sont généralement considérés comme un puits pour le thallium, l’uranium et le rhénium, surtout dans les conditions essentiellement anoxiques pendant l’été. Cependant, en hiver, leur oxygénation étant optimale, ils peuvent devenir une source nette de l’élément chimique 81. Les auteurs de cette étude allemande de 2021 ont indiqué l’ordre d’élimination de ces métaux dans l’eau interstitielle suivant : Tl > Re > U > Mo.

La compréhension des mécanismes de puits et de sources de thallium dans le milieu marin reste encore incomplète. De plus, les estimations de flux de Tl peuvent ne pas s’appliquer aux sédiments perméables des plages de sable. D’autres types de sédiments présentant des conditions légèrement sulfurées sont aussi susceptibles de les remettre en question. Par ailleurs, des expériences ex-situ ont prouvé que la réaction mécanique du thallium dans les eaux interstitielles des grains de sable des plages est rapide.

Dans le cadre du changement climatique qui impacte la température, l’érosion et l’oxygénation de l’eau, il est essentiel de considérer ces nouvelles découvertes. Elles ne doivent pas être négligées dans les modèles océanographiques, en particulier dans les estuaires qui sont sujets aux embâcles vaseux.

Les principales sources naturelles de thallium sur les terres émergées sont essentiellement les geysers, le volcanisme et certains systèmes hydrothermaux. De même, elles sont associées à l’érosion des roches contenant du Tl et à la proximité d’affleurements géologiques riches en métaux lourds.

Au cours des années 2020, les scientifiques s’efforcent de modéliser et de prévoir le comportement de l’élément chimique 81 dans l’environnement. Ils cherchent notamment à comprendre les interactions dynamiques de ce métal avec les interfaces solide-eau. Pour ce faire, ils ont pris en compte divers paramètres tels que la température, le pH, la dureté de l’eau, l’oxygénation et les facteurs biotiques/abiotiques.

Dans les eaux

En 2011, une étude réalisée dans le sud-ouest de l’Angleterre a évalué le niveau du thallium dans différents échantillons d’eau. Les concentrations en Tl dissous les plus basses (<20 ng L−1) ont été observées dans :

  • l’eau du robinet ;
  • l’eau de pluie ;
  • les eaux usées traitées ;
  • les effluents de décharges ;
  • les eaux estuariennes et des rivières drainant des bassins versants constitués de grès et de schistes.

En revanche, des niveaux pouvant atteindre environ 450 ng L−1 ont été mesurés dans les eaux de bassins versants partiellement minéralisés. Dans les zones où des activités minières ont eu lieu, la constatation a été la même (jusqu’à 1 400 ng L−1 d’ans l’une d’elles). Contrairement aux autres éléments métalliques à l’état de trace étudiés, le Tl ne se combine pas facilement aux particules en suspension. L’étude a également révélé que les traitements classiques des eaux minières (précipitation d’hydroxydes) n’ont pas pu prendre en compte ce métal.

En 2010, dans une région houillère de Trzebinia en Pologne, des échantillons d’eau présentaient des niveaux de thallium extrêmement élevés. Ils étaient évalués à 20 à 30 fois supérieurs à ceux des eaux de surface typiques du pays. Cette forte concentration a été observée dans les sédiments de fond et de sol provenant des plaines inondables des ruisseaux Wodna et Luszowka.

En surface, l’élément chimique 81 est principalement retenu dans les matières en suspension. Cette situation conduit à des teneurs alarmantes (environ dix fois plus élevées que celles des minerais de zinc-plomb). Les eaux colorées du Miocène ont notamment montré une médiane de thallium soluble dix fois supérieure à celle des eaux de surface de la rivière Warta. Il s’agit d’une source de préoccupation majeure. En effet, une faible proportion de Tl soluble entraîne une forte concentration de cet élément dans l’eau (médiane de 0,11 μg L−1).

Dans les eaux souterraines

La quantité de thallium dissous dans les eaux souterraines augmente progressivement avec la profondeur.

Elle est également influencée par le contexte géologique. Habituellement, elle se situe entre 20 et 24 μg L−1, mais peut atteindre au moins 1 100 μg L−1 en plus grande profondeur. Ces eaux souterraines constituent donc une source significative de contamination par l’élément chimique 81. Il est possible que les teneurs y soient de 2 à 3 fois supérieures à celles des eaux de surface.

Près de Pietrasanta, en Toscane (Italie), la nappe naturellement acide du quartier de Valdicastello Carducci, a été contaminée par d’anciennes mines de pyrite. Dans les galeries minières, l’eau contenait jusqu’à 9 000 μg/L de thallium. En 2014, les taux dans l’eau du robinet variaient de 2 à 10 μg/L.

En 2016, dans la même région, des centaines d’échantillons de cheveux et d’urine ont été prélevés chez les habitants. Les résultats d’analyse ont fait état de valeurs de 1 à 498 ng/g. Pour les personnes non exposées (groupe témoin), les concentrations de Tl variaient entre 0,1 et 6 ng/g. L’étude s’est basée sur les niveaux présents dans l’eau du robinet de la zone de résidence des personnes ainsi que sur leur mode de vie. Le seuil de référence européen pour l’urine est de 0,006 μg/L, alors que les taux prélevés montraient 0,046 à 5,44 μg/L. Les habitants ont reçu l’ordre de ne plus boire cette eau.

Dans les sédiments

Les sédiments des ruisseaux qui se forment à partir des sols naturellement lessivés renferment des doses très limitées de thallium. Par exemple, ceux des dépôts de sable et de graviers fluvio glaciaires en Pologne contiennent entre 0,02 et 0,17 mg/kg de Tl.

Les sédiments des régions industrielles renferment des quantités alarmantes de Tl, comme en témoigne une étude récente menée dans le sud de la Chine en 2022. Elle a examiné la nature et la quantité des isotopes ε205Tl présents dans les sédiments d’une rivière en aval d’une fonderie de plomb-zinc. Les résultats ont constaté une forte augmentation de cet isotope, sous forme dissoute et sous forme de particules ultrafines (~μm). Les valeurs reçues sont similaires à celles constatées dans les déchets de la fonderie. Les chercheurs ont conclu que cette dernière était responsable d’environ 80 % de la contamination en thallium de la rivière et de ses sédiments.

Chez les microbes

L’environnement immédiat des gisements géologiques, tels que les mines de pyrites, renferment du thallium auquel les organismes vivants sont exposés en permanence. Certaines communautés bactériennes s’y sont plus ou moins acclimatées, dépendamment de la concentration en Tl et des paramètres géochimiques : pH, S, Fe et TOM. Les chercheurs ont observé que l’élément chimique 81 façonne et influence leur répartition verticale. Les assemblages microbiens dans ces zones sont principalement dominés par des bactéries aux propriétés :

  • réductrices Mn;
  • oxydantes du soufre (S) ;
  • réductrices du fer (FeRB) ;
  • oxydantes du fer (FeOB).

Les cycles du fer, du manganèse et du soufre dans le sol jouent un rôle étroit dans le cycle biogéochimique du thallium. Cette caractéristique suggère la possibilité d’utiliser des microbes indigènes pour la bioremédiation des sols contaminés par le Tl.

Chez les végétaux

Les végétaux ont la capacité d’absorber l’élément chimique 81 du sol et de l’eau du sol. Ils l’assimilent aussi via les dépôts humides comme les précipitations, la rosée, la neige et le givre. Par ailleurs, le thallium peut être capté à travers les dépôts secs, notamment les poussières, les nanoparticules, les particules et les microparticules présentes dans l’atmosphère.

Dans le phytoplancton

Les teneurs en Tl dans le phytoplancton d’eau douce, tels les macrophytes terrestres, fluctuent considérablement en fonction de plusieurs paramètres :

  • le pH ambiant ;
  • la durée d’exposition ;
  • le type d’organisme ;
  • le taux d’ions K+ dans la zone de contamination.

Le taux de l’élément chimique 81 dans l’environnement est également considéré.

Dans les plantes (macrophytes terrestres, hors arbres)

En Pologne, au début du XXIe siècle, les plantes présentaient généralement des concentrations de thallium de l’ordre de 0,05 mg/kg, avec des variations significatives. Ainsi, les trèfles des régions soi-disant non contaminées en contenaient entre 0,008 et 0,01 mg/kg. Les graminées affichaient des taux allant de 0,02 à 0,6 mg/kg. Chez les champignons, les niveaux sont beaucoup supérieurs, atteignant jusqu’à 5,5 mg/kg, soit près de 20 fois plus que ceux des légumes infectés. Par ailleurs, les champignons ont la capacité de bioaccumuler les métaux toxiques.

Teneurs de thallium dans quelques espèces végétales

Les teneurs en Tl les plus conséquentes ont été enregistrées dans la région de Bukowno-Olkusz, entre Katowice et Cracovie. Un complexe d’extraction et de fusion de zinc-plomb s’y trouvait. Les bourgeons de bouleau contenaient 9,4 à 12,6 mg/kg de Tl, et les feuilles en renfermaient en moyenne 18,5 mg/kg. Les graminées présentaient des quantités encore plus importantes, avec 25,5 mg/kg. La sève de bouleau consommée par l’homme en contenait de 89 à 145 μg/L. Les plantes du genre Brassica, en particulier le chou, le chou frisé et le colza, sont connues pour accumuler ce métal. Asami et al. l’ont expressément souligné en 1966.

D’autres études ont montré que, comme pour d’autres métaux toxiques, l’absorption de Tl par les plantes accroît avec l’acidité du sol. De nombreuses régions industrielles ont été exposées à des pluies acides, et les zones minières sont souvent confrontées au drainage minier acide

Facteurs influençant la biodisponibilité du thallium dans les sols cultivés

D’après des chercheurs chinoix, la disponibilité rapide du potassium et le potassium total du sol impactent beaucoup sur la biodisponibilité du thallium dans les sols cultivés. Cependant, la dégradation du sol accentue l’accumulation du Tl dans les légumes. Étonnamment, le taux de MO ne semble pas avoir une conséquence significative sur la mobilité du Tl dans la majorité des sols de laitues. Dans ce même cas, les oxydes de fer et de manganèse ont eu peu d’effet sur cette disposition caractéristique du thallium. Selon cette étude, la consommation de chou-fleur ou de laitue ne constituerait pas une source de contamination au thallium.

Dans les arbres (surtout résineux)

Certains végétaux, en particulier les arbres résineux, ont la capacité de bioconcentrer et de bioaccumuler l’élément chimique 81.

Certains végétaux, en particulier les arbres résineux, ont la capacité de bioconcentrer et de bioaccumuler l’élément chimique 81.

Dans le sud de la Pologne, une étude a été faite sur les cernes du pin sylvestre (Pinus sylvestris L.). Il était planté à proximité d’une usine de fusion du zinc à Olkusz. L’analyse s’est portée sur la répartition et la composition isotopique du thallium, du zinc, du cadmium, du plomb et du potassium. Elle s’est également basée sur celles du calcium, du magnésium et du manganèse. Les cernes du pin renfermaient 0,8 mg/kg de Tl, corroborant ainsi la capacité des conifères à bioaccumuler ce métal. Bien qu’ils puissent servir d’indicateur alternatif de pollution chronique au thallium, ils ne permettent pas un suivi temporel précis de cette contamination. En effet, le comportement du thallium dans le bois de pin est atypique par rapport aux autres éléments trace métalliques.

Pertinence relative du suivi dendrométrique du Tl dans les cernes des arbres

Alors que la présence du zinc et du cadmium dans les cernes est étroitement liée aux dépôts au sol, cette corrélation semble moins prononcée pour le Tl. Cette divergence pourrait s’expliquer par des apports provenant des feuilles ou de l’écorce plutôt que des racines. Elle suggère aussi l’implication des variations de l’absorption racinaire au fil du temps, en fonction de la météo, de l’activité mycorhizienne, etc. De plus, les effets de la translocation latérale du thallium de l’aubier vers le bois peuvent être inégaux. Par conséquent, l’utilisation des cernes comme indicateur de la contamination par ce métal est limitée.

Des phénomènes similaires ont été observés dans plusieurs espèces d’arbres, avec l’arsenic qui ressemble chimiquement au phosphore. Dans ce cas, l’analyse de la composition isotopique du plomb dans les arbres et le sol environnant a confirmé que l’usine de fusion était la principale source de pollution. L’étude des taux de nutriments (Mg, Mn, Mg) dans le bois a révélé des variations environnementales relatives aux dépôts acides. Par conséquent, le suivi dendrométrique du Tl dans les cernes des arbres semble ne pas être approprié, tout comme pour l’arsenic. En effet, il ne donne pas d’informations précises sur la chronologie des dépôts de thallium dans l’environnement de l’arbre.

Conséquences de la forte affinité du thallium pour les bois résineux

Lors des incendies touchant les bois résineux, le thallium piégé dans les arbres est libéré dans l’environnement par l’émission de fumées. De plus, la décomposition du bois dégage le Tl accumulé durant sa croissance dans le réseau trophique. Cela explique la forte contamination qu’on observe dans les champignons. Également, l’air devient pollué quand le bois résineux est utilisé comme source d’énergie en tant que combustible.

Les usines de fabrication de pâte à papier et de papier/carton à base de fibres cellulosiques de pins et d’autres résineux sont concernées. Elles produisent des effluents gazeux, solides et liquides probablement contaminés par l’élément chimique 81. En Ontario, 27 fabriques de papeterie ont été suivies de près pendant un an en 1990. Les teneurs en Tl dans leurs effluents variaient de 890 à 70 000 ng/L, au cours des six premiers mois. Le semestre suivant, elles étaient comprises entre 6 920 et 230 000 ng/L.

Dans une usine de fabrication de carton ondulé, les quantités de thallium dans les effluents étaient de 52 780 ng/L à 230 000 ng/L. La limite de 200 ng/L fixée pour l’eau potable était largement dépassée. En comparaison, dans le même établissement, on a enregistré les niveaux moyens du mercure, du cadmium et du plomb. Respectivement, ils étaient à 400 ng/l, 20 800 ng/L et 130 000 ng/L.

Négligence du thallium en tant que polluant environnemental majeur

Jusqu’à la fin des années 1980, le Tl a été dédaigné dans la surveillance des effluents gazeux, liquides et solides provenant des secteurs de l’aciérie et de la papeterie. Cependant, une étude comparative entre les concentrations de ce métal et celles du plomb, du cadmium ainsi que du mercure a révélé une tendance régulière. En effet, les niveaux de thallium étaient systématiquement supérieurs ou équivalents à ceux des autres polluants considérés comme prioritaires depuis des décennies : Tl ≥ Pb > Cd > Hg.

Les effluents aqueux provenant de sept usines du secteur de la sidérurgie en Ontario, ont été analysés. Ils présentaient des teneurs en Tl allant de 10,1 à 23,6 kg/jour (soit une moyenne de 18,7 kg/jour). Ces valeurs dépassent largement celles du mercure (0,05 kg/jour), du cadmium (4,0 kg/jour) et du plomb (21 kg/jour). La plupart des fabriques affichaient des taux de thallium de 0,0 à 60 000 ng/L dans leurs eaux usées. Toutefois, dans une usine spécialisée, les concentrations étaient de 10 000 à 220 000 ng/L. Elles excèdaient largement et régulièrement le seuil fixé à 200 ng/L pour la qualité de l’eau en Ontario. Ainsi, on peut affirmer qu’au début du XXIe, l’élément chimique 81 était un polluant environnemental majeur largement sous-estimé.

Chez les animaux

Le thallium est extrêmement bioassimilable et hautement toxique pour les animaux à sang chaud (dont l’Homme) et les animaux à sang froid. Une quantité minime ou un simple contact avec sa forme métallique peut être néfaste. De ce fait, certains insecticides renfermaient ou contiennent encore des sels du Tl. Il a également été utilisé dans des produits pour empoisonner les rats.

Poissons

Certains poissons migrateurs ont été retrouvés avec des niveaux de thallium allant de 0,2 à 12 nmol g−1. Tel est notamment le cas des salmonidés (Salvelinus namaycush) qui se déplacent entre le lac Michigan et le centre de l’océan Pacifique. Dans le lac Hazen (île d’Ellesmere, Nunavut, Canada), les truites alpines (Salvelinus alpinus) affichaient des concentrations de 0,07 à 0,61 nmol g−1. Dans des lacs recevant des eaux usées de traitement de l’uranium, les grands brochets (Esox lucius) présentaient des hauts niveaux de Tl. Ils étaient quatre à cinq fois plus élevés que ceux des poissons vivant dans des lacs non contaminés de la même région.

Dans les zones polluées par le thallium étudiées, les muscles des poissons en renfermaient environ 470 nmol g−1 dans les années 1950. Pourtant, les taux étaient de 575 nmol g−1 dans les années 1970. Des effets toxiques ont été signalés chez les jeunes saumons atlantique exposés à 0,15 μmol L−1 de Tl dissous. Il s’agit de la dose la plus faible. D’après Pickard et al. (2001), 50 % des poissons périssent quand les teneurs en thallium se situent entre 20,9 et 294 μmol L−1. Cette situation a notamment été constatée chez la truite arc-en-ciel, le gardon et la perche.

Amphibiens

La reproduction des amphibiens peut constituer une source de contamination majeure par le Tl pour les prédateurs. Cela a été constaté dans la région de Bukowno-Olkusz en Pologne, entre les villes de Katowice et Cracovie. Les amphibiens eux-mêmes sont également concernés. Chez les crapauds adultes de Bukowno, une accumulation importante de thallium dans leur foie a été observée. Les quantités moyennes variaient de 3,98 mg kg-1 (en poids sec) à 18,63 mg kg-1. Par ailleurs, plus de 96,5 % des foies contenaient plus de 1,0 mg kg−1 de thallium, ce qui constitue une intoxication sévère.

Oiseaux

Mochizuki et al. ont mené une étude au Japon en 2005. Ils ont mesuré les niveaux de thallium dans le foie et les reins de cinq espèces de canards barboteurs. Une analyse a aussi été faite sur trois espèces de canards plongeurs. Les concentrations de Tl se situaient entre 0,0049 à 0,14 μmol g−1 en poids sec. Elles étaient quatre fois plus élevées chez les canards de surface que chez les canards plongeurs. Cette différence peut s’expliquer par les comportements alimentaires distinctifs des deux espèces dans un même plan d’eau.

Animaux chassés, pêchés ou élevés et mangés, un risque pour les consommateurs

En 1906, W. Luck a utilisé du thallium pour empoisonner une poule. Puis, il a nourri des rats par sa chair, entraînant la mort de onze d’entre eux. À leur tour, certains prédateurs et espèces nécrophages, comme le sanglier (tendance nécrophage), peuvent être victimes d’empoisonnement. De plus, des gibiers qui ont consommé des appâts raticides peuvent être contaminés par le thallium. Ils mettent alors en danger la santé de ceux qui les mangent.

En 192, P.G Shaw a examiné les quantités d’élément chimique 81 présents dans les tissus. Il a conclu que l’ingestion de viande de gibier à plumes ayant mangé un appât rodenticide au thallium pourrait entraîner une intoxication secondaire. De plus, des doses significatives de thallium peuvent être présentes dans le fœtus d’animaux gravides empoisonnés.

Fourchettes de teneurs typiques des tissus musculaires d’autres animaux

Des recherches plus récentes ont fourni des estimations sur les concentrations typiques de Tl dans les tissus musculaires d’autres animaux. Ces derniers sont élevés, pêchés ou chassés pour la consommation humaine. Les teneurs sont notamment de :

  • 0,84 ng/g chez les lapins ;
  • 0,74 ng/g chez les bovins ;
  • 1,7 ng/g-1 chez les porcs ;
  • 0,74 à 110,5 ng/g-1 chez les poissons.

En 2015, une étude de l’INRA a été publiée dans la revue Production animale. Elle a souligné le manque de données concernant le risque de contamination des animaux sauvages ou du gibier ainsi que de la chaîne alimentaire. La pollution peut avoir eu lieu suite à l’épandage de matières fertilisantes d’origine résiduaire (MAFOR) renfermant du thallium.

Facteurs de concentration dans les tissus animaux

En 2015, une étude de surveillance a été menée dans deux régions industrielles de Pologne présentant différents niveaux de pollution par divers métaux toxiques. L’objectif était d’évaluer la contamination du réseau alimentaire par le plomb, le cadmium et le mercure. Pour ce faire, des indicateurs biologiques tels que le chevreuil (un herbivore) et le sanglier (un omnivore et nécrophage) ont été utilisés. Les résultats de l’analyse ont révélé des taux préoccupants de Pb, Cd et Hg dans les échantillons de foie, de rein et, dans une moindre mesure, de muscle. Ces niveaux de contamination représentent un risque pour la santé des consommateurs des animaux étudiés. Ils ont comparé ces données avec celles du district des lacs de Mazurie, considéré comme épargné par l’activité industrielle.

Les chercheurs ont également évalué les facteurs de concentration moyens des métaux dans les tissus animaux. Ils les ont comparés à leur quantité dans le contenu gastrique ou ruminal. Les résultats ont clairement indiqué que la zone affectée par les activités de fusion présentait une contamination plus élevée que la zone d’extraction de lignite. Des niveaux élevés de plomb, de cadmium et de mercure dans les abats de gibier peuvent représenter une menace pour les consommateurs de venaison.

Dans les agrosystèmes

Des recherches effectuées par l’INRA dans les années 1990 en France ont mis en évidence la présence de l’élément chimique 81 dans les agroécosystèmes.

Toxicologie

L’empoisonnement au thallium, également connu sous le nom de thallotoxicose, est resté longtemps méconnu. Ce phénomène résulte principalement de la toxicité (même à des doses extrêmement faibles) de ce métal et de sa difficulté à être détectée. Les premières descriptions de cette intoxication ont commencé à émerger dans les années 1930.

Avec le rein, le foie constitue l’un des principaux organes qui éliminent les toxines. Il régule les taux d’acides gras et de lipides dans l’organisme. Pour assurer correctement son rôle, il a besoin de plusieurs mitochondries fonctionnelles. Or, la fonction hépatique peut être altérée par le Tl(I) et le Tl(III). Cette dégradation se manifeste généralement par des effets sur le foie. Des études sur des souris ont été menées sur des souris en 2022. Elles ont été exposées à 10 ppm de Tl(I) ou de Tl(III) pendant 15 jours. Les résultats ont montré que cette intoxication n’a affecté ni leur poids ni leur comportement alimentaire. Cependant, une partie du thallium s’est accumulée dans le foie, provoquant une congestion des sinus hépatiques et une nécrose des hépatocytes. En se fixant dans cet organe, le thallium a entraîné des perturbations du métabolisme ainsi que des changements au niveau du taux d’acides gras. Le Tl(I) surexprime les gènes liés à :

  • l’antioxydation (HO-1, GPX1 et GPX4) ;
  • la synthèse des acides gras (FADS2 et Elovl2) ;
  • la voie d’oxydation des acides gras (PPARα, ACADM, ACADVL, ACAA2 et CPT1A).

Le Tl(III) suractive plutôt les gènes liés à la voie d’oxydation des acides gras (CYP4A10 et CPT1A). Ainsi, le thallium, en agissant sur la production d’acides gras, entraîne un épuisement énergétique du foie.

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Au stade fœtal et embryonnaire humain

Les conséquences d’une exposition précoce au thallium pendant la grossesse sont peu connues. Ce métal est de plus en plus répandu dans l’environnement, bien qu’à de très faibles concentrations. Même les glaciers et les neiges de l’Antarctique renferment du thallium. Cet élément chimique étant facilement assimilé par les organismes, sa présence dans ces endroits suggère une contamination des chaînes alimentaires. Le thallium est très soluble dans le sang. Il franchit sans grandes difficultés les barrières pulmonaires et intestinales. Néanmoins, il pénètre un peu moins bien la barrière placentaire.

Concentrations de thallium chez la mère

L’exposition d’une femme enceinte au thallium est détectable dans le sang du cordon ombilical et dans le liquide amniotique. Chez les mammifères, les sels de cet élément sont en mesure de traverser le placenta et d’atteindre le fœtus. Cependant, les concentrations retrouvées dans ce dernier et dans l’embryon restent nettement inférieures à celles du plasma maternel. En effet, le placenta limite le passage des ions de Tl. Une étude récente portant sur 816 personnes a été réalisée en Chine en 2016. Elle a mis en exergue la corrélation entre l’augmentation du taux urinaire de thallium pendant la grossesse et le risque d’avoir un bébé de faible poids à la naissance.

Effets « genrés » de l’intoxication chez les enfants

Contrairement au mercure, l’élément chimique 81 ne provoque pas de malformations congénitales. Toutefois, comme avec le plomb, une exposition in utero à ce métal a un impact sur l’intelligence de l’enfant à naître. Une exposition de la mère au cours du deuxième trimestre augmente le risque de troubles neurocomportementaux chez l’enfant, observables à l’âge de trois ans. Ces comportements sont plus prononcés chez les garçons. Ils semblent plus sensibles à la neurotoxicité liée au Tl pendant la période fœtale que les filles.

Une étude chinoise publiée en 2022 a modélisé les fenêtres critiques de la neurotoxicité du thallium. Ses résultats ont indiqué des niveaux plus élevés au premier trimestre de la grossesse. Ces teneurs sont associées à des scores plus faibles dans le domaine de l’indice spatial visuel (VSI). Néanmoins, lorsque l’exposition survient pendant le troisième trimestre, les scores aux tests du WISC (Wechsler Intelligence Scale for Children) sont particulièrement mauvais. Tel est notamment le cas pour les aspects FRI (indice de raisonnement fluide) et PSI (indice de traitement de l’information). Les auteurs de l’étude ont conclu que l’exposition in utero au thallium est très probablement liée à un développement cognitif moins favorable chez les garçons.

Exemples d’empoisonnements connus au thallium

William Bechtel, un réserviste du SDECE, se serait servi l’élément chimique 81 pour empoisonner Félix Moumié, un combattant nationaliste camerounais, à Genève en 1960. Âgé d’une soixantaine d’années, il se faisait passer pour un journaliste et aurait versé une première dose mortelle dans l’apéritif de Moumié. Ce dernier ne l’a pas consommé, car il a trouvé le goût désagréable. Par la suite, Bechtel aurait ajouté une deuxième quantité de thallium dans un verre de vin que Moumié a bu à la fin du repas. Le combattant camerounais a ensuite plaisanté sur le fait de ne pas laisser l’apéritif non consommé et l’a ingéré. Il aurait rapidement compris qu’il avait été empoisonné.

Selon l’ancien ministre des Affaires étrangères irakien, Hamed Jabori, Houari Boumédiène aurait été intoxiqué au Tl par les services irakiens.

Lors de l’empoisonnement présumé d’Alexandre Litvinenko en 2006, le thallium a d’abord été suspecté en raison de la perte de cheveux observée. Cependant, des traces de polonium 210 ont ensuite été découvertes dans les urines de la victime.

Traitement des intoxications au thallium

Une fois le diagnostic posé, le médecin cherchera à favoriser l’élimination accélérée du métal toxique. Dans ce cas, différents antidotes peuvent être utilisés comme l’hémodialyse ou certains chélateurs, tels que le dimercaptosulfonate de sodium. Le bleu de Prusse pris par voie orale sera alors associé au traitement. Il agit en absorbant le césium et le Tl dans le tube digestif. Ces deux éléments deviennent insolubles et indisponibles pour l’organisme. Ils seront ensuite éliminés dans les selles qui prendront une couleur bleu foncé. Même dans les excrétions, le thallium reste non biodisponible pour les plantes et les autres organismes vivants.

Efficacité de la métallothionéine

La métallothionéine est connue pour son rôle dans la capture de métaux et de radicaux libres chez les animaux. Cette protéine soufrée de faible poids moléculaire a été injectée à des rats mâles de laboratoire au cours d’une expérimentation menée en 2010. Les rongeurs ont ensuite été empoisonnés avec de l’acétate de Tl par voie intrapéritonéale. Les résultats ont montré une diminution de la quantité de thallium accumulée dans le foie proportionnellement à la dose de métallothionéine chez les animaux traités. Les niveaux d’antioxydants ainsi que la teneur en H2O2 étaient revenus à la normale. De plus, les chercheurs ont constaté une baisse de la peroxydation lipidique. L’intégrité des hépatocytes et des structures membraneuses à l’intérieur des cellules était préservée. D’autres études menées en 2020 et 2021 ont confirmé l’efficacité de cette molécule, seule ou en combinaison avec le bleu de Prusse. La métallothionéine agit positivement sur le stress oxydatif causé par le thallium et diminue la toxicité systémique de ce métal.

Importance d’un diagnostic rapide

Les sels du Tl n’ont généralement ni goût, ni couleur, ni odeur caractéristique. Par conséquent, le diagnostic est souvent tardif. Il intervient habituellement au moment où apparaît l’alopécie, le symptôme le plus typique d’une intoxication au thallium. Les traitements doivent donc être mis en œuvre le plus tôt possible pour optimiser leur efficacité.

Écotoxicologie

L’écotoxicité du thallium est associée à sa toxicité intrinsèque. Elle résulte aussi de son comportement géochimique et de sa mobilité qui imitent ceux du potassium.

Nécessité de recherches approfondies sur les effets de la contamination au thallium

Au début des années 2020, les connaissances sur l’écotoxicologie concernant le thallium sont encore très fragmentaires. Cette lacune s’explique par le manque d’études portant spécifiquement sur les effets des expositions prolongées et à de faibles doses de cet élément. De même, les recherches sur ses mécanismes dynamiques de migration, de transformation, de bioaccumulation et de biomagnification dans divers habitats et écosystèmes sont quasi inexistantes. Sa présence naturelle à des quantités extrêmement limitées dans la biosphère rend son dosage et son suivi assez difficiles. Des outils de microextraction efficaces et de mesure très sensibles sont nécessaires pour quantifier le thallium dans des matrices complexes. Une phase de préconcentration doit être réalisée en amont. Par ailleurs, en milieu aquatique, la séparation effective du Tl(III) et du Tl(I) demeure un défi technologique, en particulier dans l’eau de mer.

Variations des niveaux de thallium dans les végétaux

Les teneurs en thallium dans le phytoplancton et les macrophytes varient en fonction de plusieurs paramètres. Elles dépendent du type d’organisme, de la durée d’exposition, des quantités en Tl dans l’environnement ainsi que des taux de potassium de la zone de contamination. En outre, le pH joue un rôle important dans cette fluctuation. En effet, l’élément chimique 81 est mieux absorbé lorsque le pH est compris entre 6 et 10. Sa biodisponibilité diminue en milieu acide.

L’accumulation de thallium dans les plantes résulte rarement d’une diffusion passive. L’occurrence de ce phénomène est peu significative. En fait, la fixation de cet élément dans l’organisme des végétaux est étroitement liée au métabolisme de ceux-ci. D’après les études de Kwan et Smith (1991), en exposant Lemna minor à 0,1 à 100 μmol L-1 de Tl, cette espèce atteint un seuil de saturation. En l’absence de lumière, l’absorption de l’élément chimique 81 baisse de 91 %. Des manifestations similaires ont été observées en 1991 avec l’algue Chlorella et la diatomée Stephanodiscus hantzschii contaminées par du Diméthylthallium (DMT). Le thallium se sert des systèmes de transport du potassium avec facilité, surtout lorsque le milieu présente une carence en K+.

Impacts de l’exposition au thallium chez certaines larves

En 2007, Julie Dumas a tiré la conclusion que le transfert trophique du Ni et du Tl se produit aisément. Elle a estimé que ces deux métaux peuvent sans difficulté se retrouver au sommet de la chaîne alimentaire. Ses recherches sont basées sur le thallium stocké dans les granules intracellulaires et les débris cellulaires des tubifex ainsi que des larves de chironomes. Les résultats obtenus ont indiqué que le thallium peut également être assimilé par le Sialis.

En 2021, des études ont révélé que Caenorhabditis elegans est capable d’absorber facilement l’acétate de Tl. Cet invertébré est fréquemment manipulé en écotoxicologie, car il est représentatif de nombreux nématodes et organismes qui vivent dans le sol. Le thallium entraîne la mort d’une partie des larves de ce ver, même à des doses relativement faibles (entre 100 et 1 000 μM). Par ailleurs, il inhibe le développement des larves restants. Même une exposition de courte durée se révèle reprotoxique pour ce nématode. Le thallium inhibe la formation d’œufs dans l’utérus de C. elegans. De plus, il modifie le comportement de cette espèce. Il active les voies antioxydantes au niveau de l’organisme de ce ver.

Dépollution de milieux contaminés par le thallium

L’épuration d’effluents gazeux ou la potabilisation de l’eau permet la dépollution des milieux infectés par l’élément chimique 81. Les autres options possibles sont l’assainissement des sols et la décontamination des déchets.

Épuration d’effluents gazeux

Ce projet nécessite des méthodes similaires à celles employées pour d’autres métaux lourds toxiques tels que le plomb, le mercure ou le cadmium. Les scientifiques s’efforcent activement d’améliorer l’efficacité de ces techniques.

Potabilisation de l’eau

Le développement de stratégies appropriées pour éliminer les résidus de thallium dans les usines de traitement de l’eau potable est devenu une priorité. Telles ont été les conclusions de Xiaoliu Huangfu et de ses collègues du laboratoire d’État chinois chargé des ressources en eau pour les villes. Les données disponibles jusqu’en 2020 suggèrent que l’adsorption est le mécanisme le plus efficace pour capturer le thallium et pour le retirer des eaux contaminées. Par ailleurs, cette méthode est la plus utilisée à l’échelle industrielle. Les scientifiques sont donc à la recherche de nouveaux adsorbants. Ils se concentrent particulièrement sur des analogues du bleu de Prusse, des biosorbants innovants et des oxydes métalliques ayant fait l’objet d’expérimentations.

Cependant, l’élimination du Tl(I) en milieux solides ou aqueux pose toujours un problème. En effet, celui-ci se trouve à très faibles concentrations dans les eaux usées. En plus du danger qu’il représente, l’extraction du thallium est difficile en raison des multiples ions d’impuretés qui l’accompagnent. Plusieurs composés organiques macrocycliques ont un fort potentiel de rétention du Tl(I). Certains déchets liquides contenant des nanomatériaux non agglomérés et à grande surface spécifique d’échange présentent aussi les mêmes capacités. Selon des tests expérimentaux de 2022, l’utilisation de pyrolusite de mauvaise qualité est efficace pour dépolluer une eau contaminée par du thallium. De même, les résidus de pyrolyse provenant de boues huileuses servent à la purifier.

En outre, d’autres pistes de potabilisation de l’eau ont été explorées.

Utilisation du dioxyde de manganèse hydraté amorphe en 2014

Des études menées en Chine en 2014 ont prouvé que quelques oxydes métalliques modifiés peuvent efficacement piéger et neutraliser le Tl(I) dissous. Pour ce faire, ils l’adsorbent et l’oxydent en Tl(III) dans certaines conditions de pH (acide). Parmi ces oxydes métalliques, le dioxyde de manganèse hydraté amorphe (HMO) a déjà été reconnu pour son efficacité dans la rétention d’autres métaux toxiques. Il a montré une grande sélectivité de sorption pour le Tl(I) en laboratoire, même en présence de concentrations élevées de calcium(II) concurrent.

Xiaoliu Huangfu et ses collègues ont notamment ajouté du nanodioxyde de manganèse amorphe (nMnO2) dans une eau simulée. La teneur en thallium y est passée de 0,5 μg/L à 0,1 μg/L résiduel. Cependant, cette diminution n’a pas été observée au niveau des eaux de surface naturelles comme les rivières et les réservoirs de barrages. La raison réside probablement dans la présence de cations compétitifs Ca2+. Ajuster le pH de l’eau à des conditions alcalines et préoxyder le Tl(I) en Tl(III) peuvent améliorer l’extraction du thallium. De plus, la régénération des particules de HMO une fois qu’elles sont saturées est possible. Il suffit d’utiliser une solution binaire de NaOH – NaOCl contenant 7,8 % d’alcalinité et 5,0 % de chlore actif. Toutefois, la présence naturelle d’acide humique dans de nombreux types d’eaux de surface peut compromettre l’efficacité de cette coagulation améliorée par le nMnO2.

Utilisation du Florisil imprégné de LI sous ultrasons et les nanomatériaux à base de titane en 2015 et en 2020

En 2015, des recherches ont indiqué que le Florisil permet d’extraire le Tl(I) d’un milieu aqueux. Pour ce faire, ce silicate de magnésium synthétique est imprégné de liquides ioniques sous ultrasons. Les liquides ioniques fonctionnalisés semblent être des alternatives intéressantes pour l’adsorption des ions thallium à faible concentration. Ils ont été efficaces dans la capture d’autres métaux lourds. Parmi ceux testés pour emprisonner l’élément chimique 81, ceux à base de phosphonium se révèlent plus performants que ceux à base d’imidazolium. L’utilisation des ultrasons augmente la rapidité de la préparation rapide de l’adsorbant. Avec cette technique, les atouts des liquides ioniques sont maintenus et sont combinés avec ceux du support solide. En plus, elle réduit la quantité de liquide ionique utilisée, sans diminuer celle de l’extractant dans la phase aqueuse.

De leur côté, Wang et ses collègues se sont servis de nanomatériaux à base de titane en 2020.

Le développement d’un matériau composite adsorbant en 2021

López et son équipe ont développé un matériau composite adsorbant considéré comme respectueux de l’environnement en 2021. Celui-ci combine un dérivé du bleu de Prusse et des nanoparticules de magnétite. Il possède plusieurs avantages, tels qu’une préparation facile, un coût réduit et une réutilisabilité. De plus, il peut être récupéré facilement à l’aide d’un électro-aimant. En laboratoire, ce matériau a démontré une capacité de récupération allant jusqu’à 117 mg de Tl(I) par gramme de composite après 21 heures d’interaction. Il a réduit la concentration de thallium dans le milieu jusqu’à 28 fois en dessous du seuil autorisé pour les eaux usées. Bien qu’il présente de légères interférences avec certains ions typiques, il n’a pas été affecté par les variations de pH. En outre, sa facilité à adsorber d’autres métaux indésirables comme le cuivre (Cu) ou hautement toxiques comme le plomb (Pb) a été prouvée.

Les approches explorées en 2022

Les essais pour capturer l’élément chimique 81 dans les milieux aqueux en 2022 ont été nombreux :

  • un biochar dont les nanofeuilles en couches minces ont extrait le Tl(I) de manière très efficace ;
  • des oxydes de manganèse biogéniques qui piègent le Tl par chimisorption (via des interactions synergiques d’oxydation-précipitation, d’attraction électrostatique, d’échange d’ions et de complexation en surface) ;
  • une technique d’oxydation avancée utilisant du fer à valence nulle (Fe0) associé au persulfate ayant permis d’éliminer le Tl(I) des eaux contaminées en laboratoire ;
  • un composite associant du biochar à des nanoparticules de manganèse-ferrite (MnFe2O4) ayant capturé 98,33 % du thallium contenu dans une eau polluée.

La plupart, voire tous ces procédés, nécessitent des ressources technologiques, énergétiques et financières qui ne sont pas accessibles à de nombreux pays et communautés.

Dépollution des sols

Certains microorganismes sont capables de dépolluer les sols et les substrats de culture contaminés par le thallium. Quelques plantes métallophytes peuvent aussi bioaccumuler et bioconcentrer des quantités significatives de cet élément chimique sans subir de dommages mortels. Tel est notamment le cas des genres Iberis et Biscutella. Iberis intermedia, par exemple, contient jusqu’à 0,4 % de Tl (soit 4 000 mg/kg) dans sa matière sèche. Biscutella laevigata (Brassicaceae) en renferme plus de 1,5 %, principalement dans les marges des limbes foliaires et dans les feuilles intermédiaires. La teneur en thallium est cependant moins importante dans les tiges et les racines. D’après une étude menée en 2022, les graines de cette plante tolèrent la présence de l’élément chimique 81. Son absorption par ces dernières n’est ni inhibée ni stimulée par le potassium.

Décontamination des déchets

Les effluents industriels, en particulier ceux de type aqueux, sont fréquemment contaminés par du thallium ainsi que par d’autres métaux et polluants. Afin de rendre ces déchets réutilisables ou de les éliminer en toute sécurité dans l’environnement, il est nécessaire de les décontaminer du Tl. Cependant, les technologies classiques d’épuration ne sont pas suffisamment efficaces pour réaliser cette opération. Différentes approches de traitement sont en cours d’exploration, chacune présentant ses propres avantages, limites et inconvénients. Ces méthodes se basent principalement sur l’utilisation de :

  • adsorbants multifonctionnels ;
  • processus d’oxydoréduction ;
  • échange d’ions avec des résines échangeuses d’ions permettant une récupération facile et écologique du thallium ;
  • extractants non toxiques ;
  • absorption/extraction par solvants ;
  • précipitation/co-précipitation chimique ;
  • bioremédiation ;
  • coagulation-floculation ;
  • technologies de séparation membranaire ;
  • flottation.

Une seule de ces méthodes ne suffit pas à éliminer l’élément chimique 81 à des niveaux sécuritaires (quelques microgrammes par litre). Ainsi, combiner plusieurs d’entre elles offre la possibilité d’obtenir une efficacité suffisante et un rendement soutenable à grande échelle. Le thallium extrait et les matériaux d’adsorption épuisés doivent donc être traités et gérés de manière sûre. Actuellement, des efforts sont déployés pour récupérer ce métal sous des formes réutilisables et peu encombrantes. Cette approche vise à améliorer la durabilité et la rentabilité des processus de dépollution.

Mesure des concentrations de thallium

Différentes techniques analytiques sont employées pour étudier diverses matrices comme l’eau, l’air, le sol et les sédiments. Des échantillons provenant de minéraux, de végétaux, de champignons et d’animaux ont été examinés grâce à différentes méthodes telles que :

  • la spectrométrie de fluorescence atomique excitée par laser (LEAFS) ;
  • la voltampérométrie à impulsions différentielles par décapage anodique (DPASV ou FI-DP-ASV) dosant le Tl jusqu’à la picomole par litre (pg/L) ;
  • la spectrométrie d’absorption atomique à flamme (FAAS) ou à four graphite (GFAAS) ;
  • la spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif (ICP-MS) ;
  • la spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif haute résolution (HR-ICP-MS) ou par vaporisation électrothermique (ETV-ICP-MS).

Un nouvel instrument portable de détermination rapide du thallium dans l’eau a également été proposé et testé en 2017. Il a été conçu en associant un déchargeur luminescent à cathode à un spectromètre à fibre optique. Dans des conditions optimisées, il présente une limite de détection (LOD) de 11,8 ng mL−1 pour le thallium (écart type : 3,2 %).

Sources d’exposition humaine

L’élément chimique 81 est un poison cumulatif qui peut être absorbé par le réseau trophique. Il pénètre dans l’organisme humain par inhalation ou par ingestion (eau et autres boissons facilement contaminées par ce métal). La concentration atmosphérique en Tl est plus élevée dans les régions industrielles et dans les zones où le charbon est couramment utilisé par les ménages. Par ailleurs, dans les plantations situées à proximité d’exploitations minières, il est possible de mesurer la teneur en thallium dans les raisins et le vin. Néanmoins, peu de données sont actuellement disponibles sur ce sujet.

Géographie et cartographie de la pollution thalliée

La pollution diffuse est un problème mondial. Toutefois, certains points spécifiques sont identifiés comme étant des zones très contaminées telles que les fonderies ainsi que certains incinérateurs et usines. Les régions où des fonderies de métaux non-ferreux sont associées à d’importants bassins miniers sont aussi considérées comme des hot-spots de pollution thalliée. De même, les sites actuels et historiques d’extraction de minerai de sulfure métallique en font partie. Ceux-ci englobent notamment ceux situés en Suisse, en France, aux États-Unis (Iron Mountain) et au nord de la République de Macédoine (Allchar). Une cartographie de la distribution du thallium peut être réalisée en recueillant des données sur le terrain suffisamment précises et nombreuses. L’étude ESTEBAN menée en France métropolitaine surveille de près l’exposition de la population locale à ce métal.

Réglementation

Les restrictions concernant l’usage d’appâts empoisonnés par les personnes luttant contre les nuisibles (chasseurs, agriculteurs, syndicats, etc.) ont été mises en place tardivement. Par exemple, en Suisse, il a fallu attendre jusqu’en 1973 pour interdire ce mode d’utilisation du thallium. Cependant, même après cette mesure, des cas d’intoxication humaine persistaient pendant des années, surtout à proximité des frontières. En effet, ces poisons étaient encore disponibles sur le marché en Allemagne, en France ou en Italie. Tous les pays européens employaient ces appâts dans les années 1970. En 1980, ils étaient commercialisés librement en Amérique du Sud, en Asie et même dans certains États du sud des États-Unis. Pourtant, en Californie, la prise de conscience sur les dangers qu’ils représentaient pour les êtres humains et les animaux domestiques et d’élevage avait émergé bien plus tôt.

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