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Plutonium

element-chimique-94-plutonium

Caractéristiques du plutonium

  • Symbole : Pu
  • Masse atomique : 244,06 u
  • NumĂ©ro CAS : 7440-07-5
  • Configuration Ă©lectronique : [Rn]5f6 7s2
  • NumĂ©ro atomique : 94
  • Groupe :
  • Bloc : Bloc f
  • Famille d’Ă©lĂ©ments : Actinide
  • ÉlectronĂ©gativitĂ© : 1,28
  • Point de fusion : 640 °C / 640°C ±2

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Le plutonium, élément atomique n°94 de symbole Pu : ses généralités, ses origines, ses caractéristiques, ses utilisations, sa sécurisation et sa production.

Le plutonium est un Ă©lĂ©ment chimique qui appartient Ă  la famille des actinides. Il fait partie des transuraniens, en raison de son numĂ©ro atomique 94, supĂ©rieur Ă  celui de l’uranium.

Généralités sur le plutonium

SymbolisĂ© Pu, cet Ă©lĂ©ment est de couleur gris argentĂ© dans sa forme solide. Il se couvre rapidement d’une couche terne grise, parfois vert olive, lorsqu’il est exposĂ© Ă  l’humiditĂ©. Les hydrures et oxydes prĂ©sents dans la couche provoquent une augmentation importante de volume, pouvant atteindre jusqu’Ă  70 % de la masse initiale de plutonium. Ce produit se dĂ©sintĂšgre assez facilement en une poudre hautement auto-inflammable mĂȘme Ă  tempĂ©rature ambiante.

En 1940, les chercheurs rĂ©ussissent Ă  produire et Ă  isoler le plutonium en bombardant de l’uranium 238 avec du deutĂ©rium.

Le plutonium se place derriĂšre l’uranium et le neptunium dans le tableau pĂ©riodique. Son nom fait rĂ©fĂ©rence Ă  la planĂšte Pluton, qui se place Ă©galement aprĂšs Uranus et Neptune dans le systĂšme solaire.

Le Pu est principalement un Ă©lĂ©ment synthĂ©tique, mais les minerais d’uranium recĂšlent de faibles quantitĂ©s naturelles. En tant que mĂ©tal lourd radiotoxique, il se concentre gĂ©nĂ©ralement dans les os, et de façon moins importante dans le foie.

Il prĂ©sente quatre Ă©tats d’oxydation frĂ©quents, allant de +3 Ă  +6, l’Ă©tat +7 Ă©tant rare. Chacun de ces Ă©tats se distingue par des couleurs spĂ©cifiques.

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À l’Ă©tat pur, cet Ă©lĂ©ment possĂšde une structure Ă©lectronique dĂ©terminĂ©e par la plus grande densitĂ© d’Ă©tats au niveau de Fermi. La bande 5f Ă©tant assez Ă©troite, elle favorise la localisation des Ă©lectrons. En consĂ©quence, la forme pure du Pu Ă  tempĂ©rature ambiante se comporte de maniĂšre similaire aux matĂ©riaux Ă  fermions lourds. Cela se traduit par une aptitude Ă©levĂ©e Ă  absorber et Ă  stocker la chaleur (capacitĂ© thermique), ainsi qu’une haute difficultĂ© Ă  laisser passer le courant Ă©lectrique (rĂ©sistivitĂ©).

À pression atmosphĂ©rique normale, six allotropes du plutonium ont Ă©tĂ© identifiĂ©s, dont un septiĂšme apparaissant Ă  une pression supĂ©rieure Ă  60 MPa. Chacun prĂ©sente des propriĂ©tĂ©s distinctes et singuliĂšres par rapport aux autres mĂ©taux.

Sa forme α stable fait partie des rares métaux qui cristallisent dans le systÚme monoclinique. Ses propriétés structurelles et physiques présentent des similitudes avec celles des minéraux plutÎt que celles des métaux habituels, et ses propriétés mécaniques avec celles de la fonte.

Sa forme ÎŽ cristallise dans une structure cubique Ă  faces centrĂ©es. Elle est moins dense, avec une  masse volumique infĂ©rieure d’environ 20 % Ă  celle du plutonium α. Elle partage des similitudes avec l’aluminium en termes de propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques. Contrairement Ă  la plupart des matĂ©riaux, qui ont tendance Ă  se dilater en chauffant, la forme ÎŽ se contracte au fur et Ă  mesure qu’elle est chauffĂ©e.

La phase liquide de ce métal est plus dense que sa phase solide au point de fusion.

Sa forme pure est difficile Ă  travailler en raison de la prĂ©sence d’allotropes Ă  Ă©nergies internes proches. Pour faciliter la manipulation et l’usinage des piĂšces en plutonium, un alliage Pu-Ga est gĂ©nĂ©ralement utilisĂ©, ce qui garantit une plus grande stabilitĂ© de la forme ÎŽ.

Les isotopes 239Pu et 241Pu présentent des propriétés fissiles par neutrons thermiques, et sont utilisés comme combustibles nucléaires. Le 240Pu, quant à lui, se distingue par son taux de fission spontanée élevé. En général, un taux inférieur à 7 % est recherché pour le plutonium à usage militaire. Le 238Pu, avec une demi-vie de 88 ans, se caractérise par son émission de particules α. Il est utilisé comme source de chaleur dans les générateurs thermoélectriques à radioisotopes (GTR) pour les missions spatiales à long terme.

La plupart des isotopes du plutonium sont produits par des rĂ©acteurs nuclĂ©aires spĂ©cialisĂ©s, en raison de la complexitĂ© de leur sĂ©paration. Le projet Manhattan a contribuĂ© Ă  la production Ă  grande Ă©chelle de cet Ă©lĂ©ment durant la Seconde Guerre mondiale, Ă  des fins nuclĂ©aires. Trinity, le premier essai d’arme nuclĂ©aire, ainsi que la bombe atomique larguĂ©e sur Nagasaki (Fat Man), utilisaient du plutonium comme matĂ©riau fissile. À Hiroshima, le cƓur de la bombe A (Little Boy) Ă©tait composĂ© d’uranium enrichi.

Origine du plutonium

Il fait partie des Ă©lĂ©ments les plus rares dans sa forme naturelle. Depuis 1940, le Pu est produit synthĂ©tiquement par l’homme. Il s’agit du deuxiĂšme Ă©lĂ©ment transuranien dĂ©couvert, aprĂšs le neptunium. Toutefois, la radioactivitĂ© α de l’uranium et le rayonnement cosmique apportent entre 4 et 30 kg de 239Pu chaque annĂ©e.

Le 238Pu est obtenu en 1940 par le bombardement de deutĂ©rium sur une cible d’uranium dans l’accĂ©lĂ©rateur de particules cyclotron, Ă  l’universitĂ© de Berkeley. Le 239Pu, quant Ă  lui, Ă©tait dĂ©signĂ© sous le nom de code 49 lors du projet Manhattan. Ce code correspond aux derniers chiffres de son numĂ©ro atomique (94) et de sa masse atomique (239).

Aucune trace mesurable de plutonium n’a Ă©tĂ© gĂ©nĂ©rĂ©e pendant les processus de nuclĂ©osynthĂšse survenus lors de l’Ă©mergence de l’univers. Des publications antĂ©rieures mentionnent cependant la prĂ©sence de 244Pu d’origine naturelle.

Les minerais d’uranium naturel contiennent Ă©galement des traces de 239Pu et de neptunium. Ces isotopes proviennent de l’irradiation de l’uranium par les neutrons produits lors de sa dĂ©sintĂ©gration radioactive.

Certaines formations gĂ©ologiques qui concentrent naturellement de l’uranium ont autrefois produit des quantitĂ©s significatives de 239Pu. Cette concentration est suffisante pour atteindre la criticitĂ©, dĂ©clenchant ainsi une rĂ©action nuclĂ©aire naturelle.

Actuellement, le 239Pu n’est produit qu’en de trĂšs faibles doses dans ces zones. Ces accidents nuclĂ©aires naturels ont augmentĂ© la prĂ©sence de cet isotope dans le minerai d’uranium. Ces phĂ©nomĂšnes ont notamment eu lieu dans la mine d’uranium d’Oklo, au Gabon, qui est ainsi devenu un rĂ©acteur nuclĂ©aire naturel.

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Caractéristiques du plutonium

Le rayon mĂ©tallique du plutonium, du neptunium, de l’uranium et du protactinium est gĂ©nĂ©ralement plus petit que celui des autres actinides tels que le bĂ©ryllium, le curium, l’amĂ©ricium et le thorium. Cette particularitĂ© est attribuĂ©e Ă  l’influence des Ă©lectrons prĂ©sents dans les orbitales 5f.

Propriétés physiques

Le plutonium appartient Ă  la famille des actinides et prĂ©sente une apparence brillante et argentĂ©e, similaire au nickel. Lorsque ce mĂ©tal rĂ©agit avec l’oxygĂšne de l’air, il forme du dioxyde de plutonium PuO2 qui se dĂ©pose Ă  sa surface et crĂ©e une couche protectrice. Cette couche prĂ©sente des variations de couleur, allant du jaune au vert olive.

À l’instar de l’uranium et du neptunium, et parfois du protactinium, il possĂšde une structure Ă©lectronique influencĂ©e par les orbitales 5f, mĂȘme en condition normale. Ces derniĂšres jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans les liaisons entre les atomes. En consĂ©quence, les distances interatomiques de ces Ă©lĂ©ments sont rĂ©duites, conduisant Ă  une masse volumique exceptionnellement Ă©levĂ©e. Par exemple, la masse volumique du plutonium vaut plus du double de l’einsteinium, respectivement 19,816 g/cm3 et 8,84 g/cm3. Celle du Es est dĂ©jĂ  considĂ©rĂ©e comme Ă©levĂ©e. En outre, dans un cristal, les distances entre les atomes ont un impact sur la largeur des bandes Ă©lectroniques. Plus les atomes se rapprochent, plus les bandes deviennent Ă©troites. Dans le cas du Pu, la bande 5f plus Ă©troite que les bandes 7s et 6d lui permet de localiser les Ă©lectrons dans le cristal. De ce fait, ses caractĂ©ristiques mĂ©talliques sont rĂ©duites. Cette particularitĂ© de la structure de bandes du plutonium crĂ©e un ensemble de circonstances et de facteurs complexes.

Les niveaux d’Ă©nergie des bandes 5f et 6d Ă©tant trĂšs proches, ses Ă©lectrons 5f ne sont ni complĂštement localisĂ©s autour d’un atome particulier, ni entiĂšrement dĂ©localisĂ©s Ă  travers le cristal. Une transition rapide entre ces deux Ă©tats se produit Ă  la moindre variation d’Ă©nergie, et mĂšne Ă  des changements brusques dans les propriĂ©tĂ©s macroscopiques de l’Ă©lĂ©ment.

En raison de l’influence des Ă©lectrons 5f, la structure cristalline des actinides lĂ©gers prĂ©sente une symĂ©trie rĂ©duite par rapport aux mĂ©taux courants. La nature trĂšs directionnelle des orbitales 5f restreint Ă©galement la gĂ©omĂ©trie des cristaux. La cristallisation du protactinium se dĂ©roule dans le systĂšme quadratique, celle de l’uranium et du neptunium dans le systĂšme orthorhombique et enfin celle du plutonium dans le systĂšme monoclinique. La structure cristalline de ce dernier est la plus asymĂ©trique de toutes.

Dans son Ă©tat naturel, les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques du Pu sont les suivantes : sa plasticitĂ©,  mallĂ©abilitĂ© et ductilitĂ© sont faibles. Sa duretĂ© et sa fragilitĂ© sont souvent comparĂ©es Ă  celles de la fonte grise.

Les propriĂ©tĂ©s Ă©lectriques et thermiques du plutonium se distinguent Ă©galement, toujours en raison de l’influence des Ă©lectrons 5f. Sa capacitĂ© Ă  conduire l’Ă©lectricitĂ© ainsi que la chaleur est rĂ©duite. Cependant, sa capacitĂ© thermique est Ă©levĂ©e. Le plutonium partage cette propriĂ©tĂ© avec les matĂ©riaux Ă  fermions lourds.

Contrairement aux autres mĂ©taux, sa conductivitĂ© Ă©lectrique diminue lorsqu’il est refroidi. Cette tendance s’inverse pour le plutonium frais Ă  des tempĂ©ratures infĂ©rieures Ă  100 K. La radioactivitĂ© induit des dommages Ă  son rĂ©seau cristallin, et entraĂźne une augmentation de sa rĂ©sistivitĂ©.

Le tableau suivant compare les propriĂ©tĂ©s du plutonium Ă  celles d’autres mĂ©taux usuels.

MĂ©talConductivitĂ© thermiqueRĂ©sistivitĂ© Ă©lectriqueCompressibilitĂ©Module d’Young
Plutonium α4,2 W/m/K1,45 ”Ω m0,020 GPa−1100 GPa
Plutonium ÎŽ (Pu-Ga)9,2 W/m/K1,00 ”Ω m0,033 GPa−142 GPa
Acier inoxydable15 W/m/K0,7 ”Ω m0,000 7 GPa−1180 GPa
Aluminium222 W/m/K0,029 ”Ω m0,015 GPa-170 GPa  

La radioactivitĂ© provoque une dĂ©sorganisation de la structure cristalline du plutonium et provoque une accumulation de dĂ©fauts cristallins. L’auto-irradiation peut gĂ©nĂ©rer suffisamment de chaleur dans l’Ă©lĂ©ment, de sorte Ă  provoquer un processus de recuit, qui contribue Ă  rĂ©parer partiellement les dommages causĂ©s par l’irradiation. Ainsi, pour des tempĂ©ratures supĂ©rieures Ă  1 000 K, l’effet du recuit peut corriger l’Ă©tat prĂ©cĂ©dent et permettre une restauration de sa structure.

Isotopes

Le plutonium compte huit isomĂšres nuclĂ©aires et 20 isotopes connus. Parmi ces derniers, le 244PupossĂšde une demi-vie de 80,8 millions d’annĂ©es, considĂ©rĂ©e comme la plus longue. Les isotopes 239Pu et 242Pu, prĂ©sentent respectivement des demi-vies de 24 110 et 373 300 ans. Celles des autres isotopes sont infĂ©rieures Ă  7 000 ans.

Leur masse atomique varie entre 228 et 247. Les isotopes moins lourds que le 244Pu ont principalement deux modes de dĂ©sintĂ©gration prĂ©dominants : la fission spontanĂ©e et la dĂ©sintĂ©gration α. Ces processus produisent de l’uranium et du neptunium, avec d’autres produits de fission.

Les isotopes plus lourds que le 244Pu se dĂ©sintĂšgrent par radioactivitĂ© ÎČ, et produisent de l’amĂ©ricium. Du neptunium naĂźt de la dĂ©sintĂ©gration du 241Pu , qui se transforme ensuite en amĂ©ricium 241 aprĂšs le choc de la radioactivitĂ© bĂȘta.

Le 239Pu, 233Ur et 235Ur sont les principaux isotopes fissiles utilisĂ©s Ă  des fins militaires et en industrie nuclĂ©aire. Le 241Pu possĂšde une plus grande radioactivitĂ© que le 239Pu, mais peut Ă©galement subir une fission aprĂšs choc d’un neutron thermique. Les neutrons libĂ©rĂ©s par cette rĂ©action vont ensuite entretenir une rĂ©action en chaĂźne.

Par dĂ©sintĂ©gration ÎČ, le 241Pu se transforme en 241Am. Ce dernier Ă©met des particules α qui perturbent le fonctionnement des appareils fonctionnant au plutonium. Sous l’impact de neutrons thermiques, les isotopes 239Pu et 241Pu ont environ 75% de chance de subir une fission, contre 25% de se transformer en 240Pu et 242Pu. Suite Ă  la rĂ©action nuclĂ©aire, la quantitĂ© restante de 240Pu est supĂ©rieure Ă  celle du plutonium parent.

Le 239Pu pur prĂ©sente moins de radioactivitĂ© que les autres isotopes. Toutefois, son facteur de multiplication keff supĂ©rieur Ă  1 lui permet d’atteindre la masse minimale nĂ©cessaire pour dĂ©clencher une rĂ©action en chaĂźne, c’est la masse critique. Cette rĂ©action s’accomplit lorsqu’un Ă©lĂ©ment se trouve en quantitĂ© suffisante dans un volume dĂ©fini.

Pendant la fission atomique, une partie de l’Ă©nergie qui maintient le noyau atomique cohĂ©rent (liaison nuclĂ©aire) est libĂ©rĂ©e sous forme d’énergie cinĂ©tique et Ă©lectromagnĂ©tique. L’énergie cinĂ©tique se transforme par la suite en Ă©nergie thermique. C’est  cette rĂ©action que les rĂ©acteurs des centrales nuclĂ©aires actuelles exploitent, de mĂȘme que les armes nuclĂ©aires.

Lorsque le 239Pu subit une fission, un seul kilogramme peut gĂ©nĂ©rer une explosion d’une puissance Ă©quivalente Ă  21 kilotonnes de TNT, soit 88 000 gigajoules.

La prĂ©sence de 240Pu dans le 239Pu rĂ©duit son utilitĂ© militaire. En effet, les performances explosives de l’isotope se dĂ©tĂ©riorent et les risques d’explosion incontrĂŽlĂ©e augmentent significativement. Le taux de fission spontanĂ©e du 240Pu est 10 000 fois plus Ă©levĂ© que celui du 239Pu. Il est estimĂ© Ă  environ 440 fissions par seconde par gramme, soit l’Ă©quivalent de 1 000 neutrons par seconde par gramme.

Le plutonium est qualifié de fuel-grade (de qualité combustible) lorsque sa teneur en 240Pu est inférieure à 19 %. Il est qualifié de weapon-grade (de qualité militaire) lorsque cette teneur est inférieure à 7 %.

Le plutonium de haute qualitĂ© ou supergrade, est caractĂ©risĂ© par une teneur en 240Pu infĂ©rieure Ă  4 %. Cette forme, en raison de sa radioactivitĂ© rĂ©duite, est utilisĂ©e dans les armes nuclĂ©aires qui doivent ĂȘtre stockĂ©es Ă  proximitĂ© immĂ©diate des membres d’Ă©quipage, Ă  l’instar des sous-marins nuclĂ©aires stratĂ©giques et diverses classes de vaisseaux militaires.

Contrairement aux autres isotopes, le 238Pu n’est pas fissile. Toutefois, il peut subir une fission par radioactivitĂ© alpha, ou sous l’influence de neutrons rapides.

Les isotopes 238 et 239 du plutonium sont synthĂ©tiques. Le 239Pu naĂźt de la capture de neutrons, suivie d’une dĂ©sintĂ©gration bĂȘta de l’uranium 238 :

10 n + 238 92 U → 239 92 U  → ÎČ- 23.5min⟶ 239 93 Np ⟶  ÎČ- 2.3565 d ⟶ 239 94 Pu

Les neutrons produits par la fission de l’uranium 235 sont capturĂ©s par les noyaux d’uranium 238, formant ainsi le 239U. La dĂ©sintĂ©gration ÎČ produit ensuite le 239Np, converti plus tard en 239Pu en rĂ©ponse Ă  une deuxiĂšme dĂ©sintĂ©gration de mĂȘme nature.

Le 238Pu est obtenu en bombardant l’uranium 238 avec des ions de deutĂ©rium :

2D + 238 92 U → 238 93 Np + 2 10 n

238 93 Np → ÎČ- 2,117 j ⟶ 238 94 Pu

Radioactivité

Les isotopes du plutonium subissent une dĂ©sintĂ©gration spontanĂ©e principalement par radioactivitĂ© α, Ă  l’exception de 240Pu et 241Pu. Les particules α (He2+) Ă©mises vont se combiner avec des Ă©lectrons et donner naissance Ă  de l’hĂ©lium. Le plutonium, quant Ă  lui, est transmutĂ© en uranium.

Dans une arme nuclĂ©aire, si le cƓur fait 5 kg, il renferme 12,5 × 1024 atomes. Ces derniers gĂ©nĂšrent une activitĂ© de 11,5 × 1012 dĂ©sintĂ©grations par seconde (Bq) et Ă©met des particules α. En termes de puissance, cette activitĂ© correspond approximativement Ă  9,68 W. Les principaux modes de dĂ©sintĂ©gration des isotopes du plutonium sont reprĂ©sentĂ©s dans le tableau qui suit. 

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IsotopePĂ©riode radioactiveActivitĂ© massiqueMode de dĂ©sintĂ©grationNuclĂ©ide filsRapport de branchementÉnergie de dĂ©sintĂ©gration
238Pu87,76 ans6,34 × 1011 Bq/gRadioactivitĂ© α234U71,04 %5,499 MeV
28,84 %5,457 MeV
239Pu24 130 ans2,295 × 109 Bq/gRadioactivitĂ© α235U73,30 %5,156 MeV
15,10 %5,144 MeV
11,45 %5,106 MeV
240Pu6 567,5 ans8,40 × 109 Bq/gRadioactivitĂ© α236U72,90 %5,168 MeV
27,00 %5,124 MeV
241Pu14,29 ans3,81 × 1012 Bq/gRadioactivitĂ© ÎČ241Am99,99 %20,81 keV

 Les isotopes radioactifs du plutonium gĂ©nĂšrent une quantitĂ© variable de chaleur lors de leur dĂ©sintĂ©gration, mesurĂ©e en milliwatts par gramme ou en watts par kilogramme. Cette production de chaleur peut ĂȘtre significative dans les structures de grande taille contenant du plutonium, telles que les tĂȘtes nuclĂ©aires. De plus, tous ses isotopes Ă©mettent de faibles rayons Îł.

Le tableau suivant présente la chaleur de désintégration des isotopes du plutonium :

IsotopeChaleur de désintégrationFission spontanée (neutrons)Remarques
238Pu560 W/kg2 600 g−1 s−1Chaleur de dĂ©sintĂ©gration trĂšs Ă©levĂ©e mise Ă  profit dans les gĂ©nĂ©rateurs thermoĂ©lectriques Ă  radioisotope
239Pu1,9 W/kg0,022 g−1 s−1Principal isotope fissile du plutonium.
240Pu6,8 W/kg910 g−1 s−1Principale impuretĂ© du plutonium 239. La qualitĂ© d’un plutonium est gĂ©nĂ©ralement exprimĂ©e en pourcentage de 240Pu. Son taux de fission spontanĂ©e est dĂ©favorable aux applications militaires.
241Pu4,2 W/kg0,049 g−1 s−1Se dĂ©sintĂšgre en amĂ©ricium 241. Son accumulation prĂ©sente un risque d’irradiation par les piĂšces de plutonium anciennes.
242Pu0,1 W/kg1 700 g−1 s−1 

Allotropes

Lorsqu’un corps simple possĂšde la propriĂ©tĂ© d’exister sous plusieurs formes molĂ©culaires ou cristallines, on dit qu’il est douĂ© d’allotropie. Ses diffĂ©rentes formes sont alors dites des allotropes. Le plutonium possĂšde un allotrope qui n’existe qu’Ă  partir de 60 MPa, et six allotropes diffĂ©rents Ă  pression atmosphĂ©rique. Ces derniers sont notĂ©s α (alpha), ÎČ (bĂȘta), Îł (gamma), ÎŽ (delta), ή’ (delta prime), Δ (epsilon) et  ζ (zĂȘta).

Leurs niveaux de variation énergétique sont minimes, tandis que leurs propriétés physiques présentent des variations significatives. La densité du plutonium pur à pression atmosphérique fluctue entre 19,86 g/cm3 pour le plutonium α à température normale, et 15,92 g/cm3 pour le plutonium Ύ à 125 °C. Cela équivaut à une diminution de densité de 20 %, se manifestant par une augmentation de plus de 7,6 % de la longueur dans une dimension linéaire.

Ainsi, les changements de pression, de tempĂ©rature ou de milieu chimique entraĂźnent une rĂ©action violente de l’élĂ©ment.  Par ailleurs, sa masse volumique se modifie au fur et Ă  mesure qu’il passe d’une phase Ă  une autre

Les différentes phases du plutonium à pression atmosphérique sont représentées dans le tableau ci-dessous.

PhaseSystÚme cristallinTempérature de transition de phaseMasse volumique
αMonoclinique simple110 °C19,86 g/cm3
ÎČMonoclinique Ă  bases centrĂ©es124,5 °C17,70 g/cm3
γOrthorhombique à faces centrées214,8 °C17,14 g/cm3
ΎCubique à faces centrées320,0 °C15,92 g/cm3
ή’Quadratique centrĂ©462,9 °C16,00 g/cm3
ΔCubique centré482,6 °C16,51 g/cm3
Liquide~640 °C16,65 g/cm3

Le façonnage du plutonium pur est difficile en raison de la similaritĂ© des Ă©nergies internes de ses allotropes. Il se stabilise entre 320,0 Ă  462,9 °C. Sa forme la plus courante (α) prĂ©sente un Ă©tat cristallin monoclinique. Cela lui confĂšre des propriĂ©tĂ©s similaires Ă  celles de la fonte grise, telles que la duretĂ© et la fragilitĂ©. Lorsque le plutonium pur est soumis Ă  une lĂ©gĂšre augmentation de tempĂ©rature, il subit des changements gĂ©omĂ©triques brusques. Sa forme α ne peut ĂȘtre stabilisĂ©e Ă  une tempĂ©rature Ă©levĂ©e qu’avec l’aide du neptunium.

Sa phase ÎŽ prĂ©sente un systĂšme cristallin cubique Ă  faces centrĂ©es, dont les propriĂ©tĂ©s mĂ©caniques sont semblables Ă  celles de l’aluminium. Cet allotrope peut ĂȘtre maintenu Ă  tempĂ©rature normale en ajoutant une petite dose de gallium, de cĂ©rium, de scandium, d’amĂ©ricium ou d’aluminium. Cette stabilisation permet de faciliter l’usinage et l’assemblage des piĂšces en plutonium. Afin d’Ă©viter les transitions de phases qui peuvent entraĂźner des dĂ©formations locales dans la piĂšce (contractions ou gonflements), l’alliage Pu-Ga est couramment utilisĂ©.

L’ajout du zinc, du zirconium, de l’indium et du silicium donne naissance Ă  une phase ÎŽ mĂ©tastable, lorsqu’elle est soumise Ă  un processus de refroidissement rapide. Cet Ă©tat peut ĂȘtre maintenu jusqu’Ă  une tempĂ©rature normale suite Ă  l’addition de grandes quantitĂ©s de thallium, d’holmium et d’hafnium.  L’élasticitĂ© de la phase ÎŽ  est dite anisotrope : ses propriĂ©tĂ©s Ă©lastiques varient, de six Ă  sept en fonction des directions dans l’espace.

La phase ÎŽ se transforme en phase α pendant la fission nuclĂ©aire, Ă  cause de l’onde de choc gĂ©nĂ©rĂ©e pour comprimer le noyau de plutonium. La densitĂ© de la forme α obtenue Ă©tant plus Ă©levĂ©e, les risques de rĂ©action en chaĂźne sont mieux Ă©valuĂ©s.

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Propriétés chimiques

La couleur argentĂ©e du plutonium ternit en seulement quelques minutes lorsqu’il est mis en contact avec l’air. En solution aqueuse, il existe cinq Ă©tats d’oxydations possibles du Pu, dont le dernier est peu commun :

  • Pu(III) ou Pu3+ : bleu lavande
  • Pu(IV) ou Pu4+ : jaune brun
  • Pu(V) ou PuO2+ : rose pĂąle
  • Pu(VI) ou PuO22+ : rose orangĂ©
  • Pu(VII) ou PuO53− : vert

Un Ă©tat d’oxydation +2 a Ă©tĂ© identifiĂ© dans le complexe : [K(2.2.2-cryptand)][PuIICp″3], oĂč Cp″ = C5H3(SiMe3)2.

La teinte des solutions d’ions de plutonium est dĂ©terminĂ©e Ă  la fois par l’Ă©tat d’oxydation et la nature de l’anion acide. C’est cet anion qui influe sur le niveau de complexation du plutonium.

Sa forme mĂ©tallique naĂźt de la rĂ©action entre du tĂ©trafluorure PuF4 et du baryum, du lithium ou du calcium  Ă  une tempĂ©rature de 1 200 °C. Le mĂ©tal est corrodĂ© en prĂ©sence de vapeur d’eau, d’oxygĂšne et d’acides, mais rĂ©siste aux bases. Il se solubilise dans les acides concentrĂ©s (chlorhydrique HCl, perchlorique HClO4 et iodhydrique HI).

Sa forme liquide est mise sous vide ou sous atmosphĂšre inerte dans le but de conserver son Ă©tat pur et rĂ©duire les risques associĂ©s Ă  son exposition Ă  l’oxygĂšne atmosphĂ©rique. ExposĂ© Ă  une tempĂ©rature de 135 °C, le plutonium mĂ©tallique prĂ©sente une propriĂ©tĂ© dangereuse : il s’enflamme spontanĂ©ment au contact de l’air et peut mĂȘme provoquer une explosion en prĂ©sence de tĂ©trachloromĂ©thane (CCl4).

Le Pu rĂ©agit avec diffĂ©rents Ă©lĂ©ments pour former divers composĂ©s chimiques. CombinĂ© au carbone, il forme des carbures tels que Pu3C2, Pu2C3, PuC1-ÎŽ, et PuC2. Lorsqu’il entre en contact avec l’azote, il donne naissance Ă  un nitrure PuN. De mĂȘme, mĂ©langĂ© avec le silicium, il forme le siliciure de plutonium PuSi2.

Il s’associe Ă©galement avec les halogĂšnes X2, oĂč X peut ĂȘtre du chrome, du brome, de l’iode ou du fluor. Ces composĂ©s forment ensuite des trihalogĂ©nures PuX3, Ă  l’instar du trifluorure de plutonium PuF3. Le fluor forme Ă©galement le tĂ©trafluorure PuF4  ainsi que l’hexafluorure PuF6 avec le plutonium. De surcroĂźt, il s’associe avec l’oxygĂšne pour donner des oxyhalogĂ©nures tels que PuOCl, PuOBr et PuOI.

Les mĂ©taux rĂ©fractaires (tungstĂšne, tantale) ainsi que les oxydes, borures, carbures, nitrures et siliciures les plus stables, sont les plus adaptĂ©s Ă  la manipulation du plutonium. En effet, le rĂ©cipient utilisĂ© (creuset) pour le fondre doit ĂȘtre renforcĂ© Ă  l’aide de ces matĂ©riaux pour qu’il puisse rĂ©sister Ă  son caractĂšre rĂ©ducteur. Le creuset n’est pas nĂ©cessaire si la fusion se fait dans un four Ă  arc mĂ©tallique. De petits lingots de plutonium mĂ©tallique sont obtenus grĂące Ă  cette technique.

Alliages

Le plutonium est fondu et ensuite ajoutĂ© Ă  un mĂ©tal pour former des alliages. Il peut ĂȘtre incorporĂ© sous forme d’oxydes ou d’halogĂ©nures si le mĂ©tal prĂ©sente un caractĂšre rĂ©ducteur. Les alliages Pu-Ga et Pu-Al rĂ©sultent du mĂ©lange de PuF3 (trifluorure de plutonium) dans du gallium et de l’aluminium Ă  l’Ă©tat liquide. Ils permettent de stabiliser la phase ÎŽ Ă  tempĂ©rature normale.

Les principaux alliages du plutonium comprennent :

  • Le plutonium-gallium (Pu-Ga) : il est largement optĂ© pour façonner, usiner et souder les piĂšces en plutonium, permettant ainsi d’Ă©viter les complications structurelles causĂ©es par les transitions de phases α–Ύ. Il sert dans la fabrication d’armes nuclĂ©aires Ă  implosion.
  • Le plutonium-gallium-cobalt (PuCoGa5) : il prĂ©sente des propriĂ©tĂ©s supraconductrices lorsqu’il est refroidi Ă  moins 18,5 K. Cette tempĂ©rature critique est remarquablement Ă©levĂ©e, dĂ©passant celle des systĂšmes Ă  fermions lourds.
  • Le plutonium-aluminium (Pu-Al), alternative au Pu-Ga : il est moins utilisĂ© dans la fabrication d’armes nuclĂ©aires au vu de son interaction avec les particules α. Il sert dans la production de combustible nuclĂ©aire.
  • Le plutonium-cĂ©rium (Pu-Ce) et plutonium-cĂ©rium-cobalt (Pu-Ce-Co) : ils font usage de combustibles nuclĂ©aires.
  • L’uranium-plutonium (U-Pu) : il est constituĂ© de 15 Ă  30 % d’atomes de plutonium. Il sert de combustible nuclĂ©aire pour les surgĂ©nĂ©rateurs. Cet alliage possĂšde des capacitĂ©s pyrophoriques. Il rĂ©agit violemment Ă  la corrosion, peut s’embraser ou mĂȘme se dĂ©composer au contact de l’air. L’ajout du zirconium et du fer dans l’alliage augmente sa capacitĂ© Ă  rĂ©sister Ă  la corrosion, mais il risque quand mĂȘme de se dĂ©sintĂ©grer aprĂšs une pĂ©riode prolongĂ©e d’exposition Ă  l’air. L’incorporation de titane ou de zirconium permet d’accroĂźtre sa tempĂ©rature de fusion. En outre, certains Ă©lĂ©ments comme l’aluminium, le carbone et le cuivre sont inefficaces pour amĂ©liorer les propriĂ©tĂ©s du mĂ©lange.
  • L’uranium-plutonium-zirconium (U-Pu-Zr) : il fait office de combustible nuclĂ©aire pour les surgĂ©nĂ©rateurs. L’ajout de titane et de zirconium renforce sa rĂ©sistance Ă  la corrosion, ses propriĂ©tĂ©s thermiques, sa ductilitĂ© et son usinage. Aussi, sa capacitĂ© Ă  s’enflammer est rĂ©duite. AlliĂ© au molybdĂšne, il est mieux protĂ©gĂ© contre la corrosion, mais l’usage du titane et du zirconium est plus courant compte tenu de leurs excellentes caractĂ©ristiques physiques.
  • Le thorium-uranium-plutonium (Th-U-Pu) : il est actuellement Ă  l’Ă©tude pour d’éventuelles applications en tant que combustible nuclĂ©aire pour les surgĂ©nĂ©rateurs.

Corrosion

La forme pure du plutonium dĂ©veloppe rapidement une couche terne composĂ©e d’un mĂ©lange d’oxydes et d’hydrures lorsqu’elle est exposĂ©e Ă  de l’argon (Ar) ou Ă  l’humiditĂ© de l’air. Cette couche se dĂ©sintĂšgre ensuite en une poussiĂšre volatile, dont l’inhalation est toxique pour l’homme. Par ailleurs, afin d’Ă©viter que les particules ne se dispersent dans l’environnement, le plutonium est traitĂ© dans des boĂźtes Ă  gants.

La formation d’une couche de dioxyde de plutonium (PuO2) suite Ă  l’exposition Ă  l’air sec constitue une passivation trĂšs efficace pour le mĂ©tal. Elle limite l’oxydation de l’Ă©lĂ©ment, avec une progression de seulement 20 pm/h.

En revanche, l’humiditĂ© favorise la crĂ©ation des hydrures PuHx, avec 1,9 < x < 3. Ces composĂ©s accĂ©lĂšrent la rĂ©action de corrosion par l’oxygĂšne. Si l’humiditĂ© est dĂ©pourvue d’O2, des oxydes intermĂ©diaires, comme le sesquioxyde Pu2O3, se forment et contribuent Ă  la corrosion par l’’hydrogĂšne. Si, par-contre, l’humiditĂ© est dotĂ©e d’O2, une rĂ©action d’oxydation se produit, transformant le PuO2 en un oxyde supĂ©rieur PuO2+x. Elle se produit sur la couche de dioxyde existante et contribue Ă  la dĂ©tĂ©rioration du mĂ©tal dans l’air humide.

Les poudres de ses oxydes (Pu2O3), de ses hydrures ainsi que celles du plutonium partagent des propriĂ©tĂ©s pyrophoriques. Elles s’enflamment spontanĂ©ment lorsqu’elles entrent en contact avec l’air, mĂȘme Ă  tempĂ©rature ambiante. Par consĂ©quent, elles sont traitĂ©es dans des environnements inertes, sous l’azote N2 ou l’argon Ar, afin de maintenir une atmosphĂšre sĂšche et sĂ©curisĂ©e. Sous forme solide, le Pu ne prend feu qu’Ă  partir de 400 °C. L’inflammation du sesquioxyde, quant Ă  lui, permet l’obtention du dioxyde de plutonium (PuO2) inerte Ă  l’air sec, mais rĂ©actif en prĂ©sence de vapeur d’eau. Ces rĂ©actions s’écrivent :

3 PuO2 + Pu ⟶ 2 Pu2O3

2 Pu2O3 + O2 ⟶ 4 PuO2.

En rĂ©action avec l’hydrogĂšne, le plutonium produit des hydrures PuHx oĂč 1,9 < x < 3 :

2 Pu + x H2 ⟶ 2 PuHx oĂč la valeur de x varie en fonction de la tempĂ©rature de rĂ©action et de la pression partielle d’hydrogĂšne.

La forme cristalline des hydrures de plutonium dans le systĂšme cubique Ă  faces centrĂ©es est reprĂ©sentĂ©e par des solides cristallisĂ©s.  Ces derniers subissent une oxydation rapide lorsqu’ils sont exposĂ©s Ă  l’air. Une fois mis sous chauffage et sous vide dynamique (Ă©vacuation continue de l’hydrogĂšne libĂ©rĂ©), les Ă©lĂ©ments qui les constituent se sĂ©parent.

Risques liés à la manipulation du plutonium

Les dangers encourus par exposition Ă  ce mĂ©tal sont liĂ©s Ă  ses isotopes. Des rĂ©actions nuclĂ©aires en chaĂźne involontaires et incontrĂŽlĂ©es peuvent par exemple se dĂ©clencher si le plutonium n’est pas traitĂ© correctement. Ces accidents dits de criticitĂ© ont des effets toxiques sur l’homme, dont le syndrome d’irradiation aiguĂ«, qui, Ă  dose Ă©levĂ©e, peut causer la mort en seulement quelques minutes.

Le plutonium prĂ©sente Ă©galement une toxicitĂ© radioactive et reprotoxique, perturbant la fertilitĂ© et le dĂ©veloppement du fƓtus. Son ingestion entraĂźne une irradiation des tissus qui peut induire des mutations gĂ©nĂ©tiques, susceptibles de contribuer au dĂ©veloppement de cancers.

Les isotopes les plus connus du plutonium Ă©mettent de la radioactivitĂ© alpha, dont l’Ă©nergie des particules α Ă©mises est comprise entre 4,9 et 5,5 MeV. Elles sont facilement stoppĂ©es par l’Ă©piderme et gĂ©nĂ©ralement par tous les matĂ©riaux solides. Les rayons ÎČ Ă©mis par l’isotope 241Pu sont un peu plus Ă©levĂ©s (5,2 keV), et traversent mieux que les particules α.

En chimie, le plutonium est considéré comme un élément trÚs inflammable en raison de ses propriétés combustibles et pyrophoriques. Toutefois, sa toxicité est considérée moins dangereuse.

Criticité

En fission, la masse critique du 239Pu vaut le tiers de celle du 235U. La masse critique de matiĂšre fissile correspond Ă  la quantitĂ© minimale de matiĂšre requise pour amorcer une rĂ©action en chaĂźne de fission nuclĂ©aire. À l’approche de cette masse critique, le 239Pu risque de dĂ©clencher une rĂ©action nuclĂ©aire avec une quantitĂ© mortelle de neutrons et de rayons Îł. La probabilitĂ© est plus grande si le plutonium est sous forme liquide, Ă  cause de la capacitĂ© de l’hydrogĂšne Ă  ralentir les neutrons.

Au XXe siĂšcle, plusieurs personnes trouvent la mort dans des accidents de criticitĂ© liĂ©s Ă  l’utilisation du plutonium. Le 21 AoĂ»t 1945, une faute de manipulation de matĂ©riaux radioactifs se produit au laboratoire national de Los Alamos. Des briques en carbure de tungstĂšne Ă©taient utilisĂ©es pour contrĂŽler les neutrons autour d’une sphĂšre contenant du plutonium, connue sous le nom de demon core. Harry Daghlian Jr., un chercheur du projet Manhattan a Ă©tĂ© exposĂ© Ă  une dose d’irradiation de 5,1 Sv. Vingt-cinq jours plus tard, il meurt Ă  la suite d’un syndrome d’irradiation aiguĂ« successive. Louis Slotin meurt Ă©galement neuf mois plus tard, Ă  Los Alamos, Ă  cause de la maintenance des rĂ©flecteurs en bĂ©ryllium autour du demon core, dont il avait la charge.

Dans la mĂȘme ville, en dĂ©cembre 1958, le laborantin Cecil Kelley a trouvĂ© la mort pendant un protocole de purification de plutonium oĂč une masse critique s’est formĂ©e dans un rĂ©cipient et a dĂ©clenchĂ© une rĂ©action en chaĂźne. Des accidents semblables ont Ă©tĂ© relevĂ©s au Japon, en Union soviĂ©tique, aux États-Unis et dans d’autres pays.

Nature radioactive

Le plutonium est un Ă©lĂ©ment synthĂ©tique radioactif, produit par rĂ©action nuclĂ©aire. Ses rayonnements ionisants sont connus pour leur radiotoxicitĂ©, dont les rayons α ou particules α, les rayons ÎČ ou Ă©lectrons, ainsi que les rayons Îł ou photons Ă©nergĂ©tiques.

Des expositions successives et intenses comportent des dangers pour la santĂ©, pouvant se traduire par des cancers, des mutations gĂ©nĂ©tiques ou un syndrome d’irradiation aiguĂ«.

Les risques augmentent selon la dose radioactive absorbĂ©e et selon la dose Ă©quivalente, laquelle prend en compte les dommages causĂ©s par les rayonnements. La premiĂšre est mesurĂ©e en grays (Gy), et la deuxiĂšme en sieverts (Sv).  La dose Ă©quivalente est exprimĂ©e par le facteur de dose, qui se prĂ©sente en microsieverts par becquerel (”Sv/Bq) :

IsotopePlutonium 238Plutonium 239Plutonium 240Plutonium 241Plutonium 242
Activité massique~630 GBq/g~2,3 GBq/g~8,5 GBq/g~3 700 GBq/g~0,15 GBq/g
Facteur de dose0,23 ”Sv/Bq0,25 ”Sv/Bq0,25 ”Sv/Bq0,004 8 ”Sv/Bq0,24 ”Sv/Bq

Les rayons α n’ont pas la capacitĂ© de franchir l’Ă©piderme, mais affichent une Ă©nergie bien plus Ă©levĂ©e (mĂ©gaĂ©lectron-volts) que celle des autres rayons (kiloĂ©lectron-volts). Les rayons ÎČ, quant Ă  eux, pĂ©nĂštrent mieux que les particules α, mais moins que les rayons Îł, qui peuvent traverser tous les tissus et pĂ©nĂ©trer dans l’organisme.

L’inhalation de poussiĂšres contenant du plutonium, principalement du dioxyde de plutonium (PuO2), prĂ©sente le plus de danger. Au contact de l’air, le PuO2 se forme rapidement et peut se fragmenter en particules fines dans un environnement humide. Des Ă©tudes ont rĂ©vĂ©lĂ© une augmentation du nombre de cas de cancer du poumon chez les travailleurs du secteur nuclĂ©aire, si la dose Ă©quivalente inhalĂ©e arrive Ă  400 mSv. Le plutonium tend Ă  s’accumuler au niveau du foie et des os.

Les isotopes prĂ©sentent des propriĂ©tĂ©s radiotoxiques diffĂ©rentes. Le plutonium utilisĂ© dans les armes nuclĂ©aires (92% de 239Pu) est relativement moins toxique en raison de sa faible activitĂ© radioactive par unitĂ© de masse. Le 240Pu et le 238Pu, en revanche, ont une activitĂ© radioactive plus Ă©levĂ©e. Celle du 241Pu est mille fois supĂ©rieure Ă  ces derniers du fait des rayons ÎČ qu’il Ă©met.

Le tableau ci-dessous présente les différentes énergies par mode de désintégration du plutonium :

IsotopePlutonium 238Plutonium 239Plutonium 240Plutonium 241Plutonium 242
Rayonnement α5,5 MeV5,1 MeV5,2 MeV< 1 keV4,9 MeV
Rayonnement ÎČ11 keV6,7 keV11 keV5,2 keV8,7 keV
Rayonnement Îł1,8 keV< 1 keV1,7 keV< 1 keV1,4 keV

Le 238Pu est le plus radiotoxique des isotopes du plutonium. Lorsque le 241Pu se dĂ©sintĂšgre, il produit de l’amĂ©ricium 241 dont les rayons Îł Ă©nergĂ©tiques sont nocifs pour l’environnement.

Les essais cliniques sur des organismes vivants ont montrĂ© que la quantitĂ© lĂ©tale de Pu Ă  prise unique est situĂ©e entre 400 Ă  4 000 ”g/kg. La mort est induite par le syndrome d’irradiation aiguĂ«. Une exposition prolongĂ©e peut toutefois provoquer des dommages plus progressifs.

En outre, l’inhalation de dix milligrammes d’oxydes de plutonium est estimĂ©e mortelle. Suite aux expĂ©riences menĂ©es sur des chiens et des babouins, les rĂ©sultats suggĂšrent que chez l’homme, une dose de 9 mg de plutonium entraĂźnerait la mort en 30 jours ; cette probabilitĂ© est de 50 %. Une dose de 0,9 mg conduirait Ă  une mortalitĂ© en un an avec une probabilitĂ© similaire, et une dose de 0,4 mg au bout de trois ans.

Des tumeurs du poumon ont Ă©tĂ© constatĂ©es chez les animaux testĂ©s (rat et chien), Ă  la suite de l’inhalation d’oxydes de plutonium. Les Ă©tudes ont rĂ©vĂ©lĂ© une relation dose-effet, indiquant un effet cancĂ©rigĂšne du Pu s’il est inhalĂ© au-delĂ  d’environ 1 Gy. Chez l’homme, ce seuil correspond Ă  une accumulation de  239PuO2 d’environ 200 kBq (87 ”g) dans les poumons.

Inflammabilité

Le plutonium, notamment Ă  l’état de poudre fine, est inflammable. Les hydrures qui se forment Ă  sa surface s’enflamment rapidement mĂȘme en tempĂ©rature normale, comme en tĂ©moigne l’incendie du laboratoire national de Rocky Flats en 1969. Le processus d’oxydation de cet Ă©lĂ©ment peut entraĂźner une augmentation de son volume jusqu’Ă  70 %, et ainsi faire Ă©clater le contenant Ă  l’intĂ©rieur duquel il est confinĂ©. Sa forte radioactivitĂ© renforce encore plus ce risque.

Les feux dĂ©clenchĂ©s par le plutonium sont Ă©teints gĂ©nĂ©ralement avec de l’oxyde de magnĂ©sium (MgO). En tant que dissipateur thermique, il refroidit l’Ă©lĂ©ment et coupe l’alimentation en oxygĂšne nĂ©cessaire Ă  la combustion. Par ailleurs, la maintenance du plutonium se fait souvent dans un milieu sec et inerte afin de limiter au maximum les risques d’incendie.

Toxicologie

Tout comme l’uranium, le plutonium est un mĂ©tal lourd considĂ©rĂ© comme toxique. Ses effets nocifs ont Ă©tĂ© peu Ă©tudiĂ©s, notamment sa toxicitĂ© chimique suggĂ©rĂ©e comme lĂ©gĂšre. Une Ă©tude de ses impacts sanitaires a Ă©tĂ© effectuĂ©e, suite Ă  une exposition de diffĂ©rentes populations Ă  des poussiĂšres de Pu. Les sujets Ă©taient des rĂ©sidents proches de sites d’expĂ©rimentation nuclĂ©aire, des travailleurs dans des bases nuclĂ©aires, et des survivants du bombardement atomique de Nagasaki. Parmi eux figuraient Ă©galement des patients atteints de maladies mortelles en phase terminale, auxquels du plutonium avait Ă©tĂ© injectĂ© dans les annĂ©es 1945-1946 Ă  des buts expĂ©rimentaux.

Les rĂ©sultats n’ont rĂ©vĂ©lĂ© aucun cas sĂ©vĂšre d’intoxication au plutonium, comme l’illustre le cas d’Albert Stevens. MalgrĂ© les injections de Pu auxquelles il a Ă©tĂ© soumis, il a connu une grande longĂ©vitĂ© sans manifestations majeures de toxicitĂ©.

Dans les annĂ©es quarante, aucun des dizaines de chercheurs du laboratoire national de Los Alamos n’a dĂ©veloppĂ© de cancer du poumon, malgrĂ© l’inhalation en grandes quantitĂ©s de particules de plutonium. Les rĂ©sultats de santĂ© des 26 travailleurs du laboratoire, connus sous le nom de « club des UPPU », rĂ©vĂšlent des taux de cancers et de mortalitĂ© qui n’étaient pas supĂ©rieurs Ă  la moyenne. Ces derniers ont pourtant respirĂ© suffisamment de Pu pour qu’il soit dĂ©tectable jusque dans leurs urines.

Par ailleurs, les affirmations antinuclĂ©aires selon lesquelles l’ingestion d’un seul millioniĂšme de gramme serait fatale » ou  Â« Il suffirait de quelques centaines de grammes de plutonium rĂ©pandue uniformĂ©ment sur terre, pour y effacer toute forme de vie humaine »  n’ont jamais Ă©tĂ© confirmĂ©es par les donnĂ©es existantes.

RĂ©pandre environ un kilogramme de plutonium sur une surface d’environ 10 km de rayon signifie moins de 0,01 ÎŒg/mÂČ. Ainsi, si quelques centaines de grammes Ă©taient dispersĂ©s uniformĂ©ment Ă  la surface de la Terre, cette quantitĂ© de matiĂšre serait si minime qu’elle serait indĂ©tectable.

La radioactivitĂ© du 239Pu utilisĂ© par l’industrie nuclĂ©aire et l’armĂ©e est significativement plus faible que celle du 238Pu. En effet, ces deux isotopes sont synthĂ©tisĂ©s Ă  travers des processus distincts et sont destinĂ©s Ă  des contextes d’utilisation diffĂ©rents. Plusieurs tonnes de 239Pu sont fabriquĂ©es pour ĂȘtre utilisĂ©es dans les rĂ©acteurs et armes nuclĂ©aires comme isotopes fissiles. Le 238Pu, en revanche, est produit en plus petite quantitĂ© (quelques kilogrammes), et trouve application dans les  gĂ©nĂ©rateurs thermoĂ©lectriques Ă  radioisotope en tant que source d’Ă©nergie.

plutonium-05

ToxicitĂ© chez l’homme

Une fois Ă  l’intĂ©rieur de l’organisme humain, le plutonium est vĂ©hiculĂ© par des protĂ©ines appelĂ©es transferrines et stockĂ© dans le sang par la ferritine. Progressivement, il s’accumule principalement dans les os, mais aussi dans le foie, et en petite quantitĂ©, dans les poumons. Il reste dans l’organisme pendant environ 50 ans.

Pour attĂ©nuer ses effets, du DTPA (complexe d’acide diĂ©thylĂšne-triamine penta-acĂ©tique), Ă©galement connu sous le nom d’acide pentĂ©tique doit ĂȘtre injectĂ© dans les 24 heures suivant la contamination, en combinaison avec du zinc ou du calcium. Cette technique limite la fixation du plutonium, ainsi que celle de l’amĂ©ricium et du curium.

L’entĂ©robactine et la dĂ©fĂ©roxamine peuvent Ă©galement ĂȘtre appliquĂ©es dans le traitement de l’intoxication. D’autres chĂ©lateurs, tels que le 3,4,3-LIHOPO et la DFO-HOPO (dĂ©fĂ©roxamine-hydroxypyridinone), ont mĂȘme montrĂ© une efficacitĂ© supĂ©rieure par rapport au DTPA.

Lorsque le plutonium pĂ©nĂštre dans le corps humain par voie intestinale ou pulmonaire, environ 10 % de la quantitĂ© absorbĂ©e est Ă©liminĂ©e du corps, principalement par les excrĂ©ments  et l’urine. Le reste qui entre dans le sang est rĂ©parti Ă  parts Ă©gales entre le foie et le squelette, oĂč il peut rester pendant une pĂ©riode considĂ©rable, voire toute la vie.

Selon le DĂ©partement de l’Énergie amĂ©ricain (DOE), sa demi-vie est d’environ 20 ans dans le foie et 50 ans dans les os. Ces estimations sont basĂ©es sur des modĂšles simplifiĂ©s qui ne prennent pas en compte les redistributions intermĂ©diaires. Ces derniĂšres se produisent lors de recyclage normal de l’os, de processus de dĂ©calcification, de mĂ©nopause ou de fracture osseuse.

Selon leurs donnĂ©es, le taux d’accumulation du Pu dans le foie et les os est influencĂ© par l’Ăąge de l’individu, avec une absorption accrue par le foie au fil du temps. Il a tendance Ă  se concentrer d’abord sur les surfaces externes des os, puis Ă  se dĂ©placer progressivement Ă  travers les os pour atteindre leur structure interne.

Utilisations du plutonium

Usage militaire

Le 239Pu est essentiel dans la production d’armes nuclĂ©aires oĂč il est utilisĂ© comme isotope fissile. Il est plus pratique en raison de son abondance et de sa facilitĂ© de manipulation. La masse critique du plutonium peut ĂȘtre rĂ©duite en enrobant le noyau avec des matĂ©riaux rĂ©flecteurs de neutrons. Ces derniers ont un double rĂŽle : ils vont Ă  la fois augmenter le flux de neutrons thermiques dans le noyau et retarder son expansion thermique. Ce processus permet d’avoir une rĂ©action en chaĂźne plus longue et une explosion nuclĂ©aire plus puissante.

Dix kilos de 239Pu suffisent pour atteindre la criticitĂ©, si aucun rĂ©flecteur n’est utilisĂ©. Cependant, une conception amĂ©liorĂ©e peut rĂ©duire en thĂ©orie ce poids de moitiĂ© pour atteindre la criticitĂ©. Cela serait l’Ă©quivalent du 1/3 de la masse critique de l’uranium 235.

En 1945, les États-Unis lĂąchent sur Nagasaki la bombe Fat Man. Celle-ci  prĂ©sentait une configuration spĂ©cifique de plutonium qui a maximisĂ© sa puissance explosive. Elle contenait une charge de 6,4 kg d’alliage plutonium-gallium (239Pu-240Pu-Ga dans un ratio de 96:1:3), avec une source de neutrons d’amorçage Be-210Po en son milieu. L’ensemble Ă©tait enrobĂ© de lentilles explosives qui compriment le plutonium, augmentant ainsi sa densitĂ© et, par consĂ©quent, l’intensitĂ© de l’explosion. Cette derniĂšre a atteint l’Ă©quivalent d’environ 20 000 tonnes de TNT.

Usage civil

Les dĂ©chets nuclĂ©aires provenant de rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre standard contiennent un mĂ©lange d’isotopes de plutonium, notamment le 238Pu, le 239Pu, le 240Pu et le 242Pu. Ce combustible ne renferme pas assez de 239Pu pour ĂȘtre directement utilisĂ© dans la fabrication d’armes nuclĂ©aires. Cependant, il est recyclĂ© en combustible MOX (Mixed Oxides), qui sert de carburant dans les rĂ©acteurs.

Pendant la rĂ©action nuclĂ©aire, le plutonium est exposĂ© Ă  des captures neutroniques accidentelles qui entraĂźnent une augmentation de la quantitĂ© de 240Pu et de 242Pu. Au bout du premier cycle, le plutonium perd de son efficacitĂ© et ne peut ĂȘtre exploitĂ© que dans des rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides. En l’absence de ces derniers, l’excĂšs de Pu est souvent Ă©liminĂ© en tant que dĂ©chets radioactifs Ă  longue durĂ©e de vie. Actuellement, la construction de rĂ©acteurs Ă  neutrons rapides est au cƓur des prioritĂ©s afin de minimiser et valoriser les dĂ©chets nuclĂ©aires.

Le procĂ©dĂ© PUREX (Plutonium-Uranium Extraction) est le processus  chimique le plus utilisĂ© pour extraire l’uranium et le plutonium des dĂ©chets nuclĂ©aires. Le rĂ©sultat obtenu forme le MOX, composĂ© de dioxyde de plutonium (PuO2) et de dioxyde d’uranium (UO2), appliquĂ© comme combustible dans des rĂ©acteurs nuclĂ©aires. Il renferme 60 kg de Pu par tonne et fonctionne dans les rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre.

Au bout de quatre ans d’utilisation, 75 % du Pu contenu dans le MOX sont consommĂ©s. Les surgĂ©nĂ©rateurs sont conçus pour que les neutrons produits lors de la rĂ©action nuclĂ©aire puissent gĂ©nĂ©rer plus de matĂ©riau fissile qu’ils n’en consomment.

Depuis 1980, l’Europe a adoptĂ© le mĂ©lange d’oxydes MOX dans ses besoins nuclĂ©aires. En 2000, la Russie et les États-Unis ont signĂ© le PMDA (Accord de gestion et de traitement du plutonium), dont le principal objectif est de se dĂ©barrasser des 34 tonnes de plutonium de qualitĂ© militaire. Le recyclage de toute cette quantitĂ© par le DOE amĂ©ricain devait ĂȘtre achevĂ© avant la fin de l’annĂ©e 2019.

Le MOX a la capacitĂ© d’augmenter le rendement Ă©nergĂ©tique total. Les barres de combustible nuclĂ©aire sont recyclĂ©es aprĂšs trois ans et rĂ©intĂ©grĂ©es dans un rĂ©acteur. Les isotopes de plutonium et d’uranium gĂ©nĂ©rĂ©s pendant cette pĂ©riode d’utilisation y sont conservĂ©s. Les dĂ©chets extraits ne constituent qu’environ 3 % de leur masse totale. La durabilitĂ© du Pu de qualitĂ© militaire dans le rĂ©acteur Ă  eau lĂ©gĂšre est altĂ©rĂ©e par le gallium, bien qu’il ne soit prĂ©sent qu’en petite quantitĂ©, Ă  hauteur de 1%.

Les principaux centres de recyclage du plutonium sont :

  • les unitĂ©s THORP de Sellafield et B205 au Royaume-Uni,
  • l’usine nuclĂ©aire de Rokkasho au Japon,
  • l’usine de retraitement de la Hague en France,
  • le complexe nuclĂ©aire de MaĂŻak en Russie.

D’autres sites de moindre envergure sont Ă©galement fonctionnels, notamment au Pakistan et en Inde.

Usage spatial

La pĂ©riode radioactive du 238Pu est de 87,74 ans. Il produit une quantitĂ© significative d’Ă©nergie thermique, ainsi que des flux relativement faibles de photons gamma et de neutrons. Sa puissance thermique est de 570 W/kg. Cet isotope Ă©met des particules alpha Ă  haute Ă©nergie mais peu pĂ©nĂ©trantes. Par consĂ©quent, une protection lĂ©gĂšre, telle qu’une feuille de papier, est suffisante pour les arrĂȘter. En raison de ces propriĂ©tĂ©s, il est considĂ©rĂ© comme source de chaleur potentielle dans les dispositifs ne nĂ©cessitant aucun entretien direct durant toute une existence humaine.

Le 238Pu a Ă©tĂ© utilisĂ© pour les missions d’exploration spatiale New Horizons, Galileo, Voyager et Cassini-Huygens et  dans le rover Curiosity du Mars Science Laboratory. Il a notamment servi dans les Ă©lĂ©ments chauffants Ă  radioisotope (RHU) et les gĂ©nĂ©rateurs thermiques Ă  radioisotope (RTG).

Les sondes Voyager, lancĂ©es en 1977, Ă©taient Ă©quipĂ©es chacune d’une source de plutonium de 500 W. AprĂšs plus de 30 ans, les sondes ont pu maintenir un fonctionnement limitĂ© grĂące Ă  la puissance de 300 W encore produite par les sources d’Ă©nergie. Les cinq appareils scientifiques ALSEP (Apollo Lunar Surface Experiments Packages) installĂ©s sur la Lune en 1969 lors de la mission Apollo 12 contenaient une ancienne version de ce procĂ©dĂ©.

L’isotope 238Pu trouve Ă©galement usage dans le domaine mĂ©dical, en particulier dans l’alimentation des stimulateurs cardiaques. Son application permet de rĂ©duire les procĂ©dures chirurgicales rĂ©currentes relatives au renouvellement de la source d’Ă©nergie. En 2003, il a Ă©tĂ© remplacĂ© par les piles au lithium, mais entre 50 et 100 patients aux États-Unis sont encore Ă©quipĂ©s de stimulateurs cardiaques fonctionnant avec du 238Pu.

Sécurisation du plutonium

Le plutonium est considĂ©rĂ© comme un matĂ©riau sensible en raison de son potentiel d’utilisation dans des applications militaires ou terroristes. Par consĂ©quent, plusieurs textes et conventions internationaux ont Ă©tĂ© Ă©tablis dans le but de rĂ©guler son accĂšs. Le risque de prolifĂ©ration est limitĂ© lorsqu’il est recyclĂ© Ă  partir de dĂ©chets nuclĂ©aires, dĂ» Ă  la prĂ©sence des isotopes 240Pu et 242Pu. En effet, ces derniers sont non fissiles et difficiles Ă  Ă©liminer.

Lorsqu’un rĂ©acteur nuclĂ©aire fonctionne avec une combustion massique faible, il a tendance Ă  produire moins d’isotopes non fissiles. Le matĂ©riau nuclĂ©aire rĂ©sultant est susceptible d’ĂȘtre utilisĂ© Ă  des fins militaires. Le plutonium de qualitĂ© militaire contient gĂ©nĂ©ralement environ 92 % de 239Pu, l’isotope fissile le plus couramment utilisĂ© dans les armes nuclĂ©aires. Cependant, 85 % de 239Pu est suffisant pour construire une bombe nuclĂ©aire moins puissante.

Si la combustion massique du rĂ©acteur Ă  eau lĂ©gĂšre est normale, le plutonium qui en rĂ©sulte contient moins de 239Pu, Ă  hauteur de 60 %. Il renferme Ă©galement 30% d’isotopes non fissiles ainsi que 10% de 241Pu. L’explosion des bombes nuclĂ©aires fabriquĂ©es Ă  partir de ce matĂ©riau demeure incertaine ; nĂ©anmoins leur utilisation peut entraĂźner la libĂ©ration de substances radioactives.

Par consĂ©quent, tous les isotopes du plutonium sont classĂ©s comme matĂ©riau Ă  usage nuclĂ©aire par l’Agence internationale de l’énergie atomique. Celle-ci justifie cette disposition par le fait qu’ils peuvent ĂȘtre directement employĂ©s dans la confection d’explosifs nuclĂ©aires, sans nĂ©cessiter d’enrichissement supplĂ©mentaires ou de modifications. La dĂ©tention de cet Ă©lĂ©ment est rĂ©gie par le code de la DĂ©fense, chapitre III, en France.

Production du plutonium

Plutonium 238

Les isotopes  238Pu et  239Pu sont formĂ©s par la chaĂźne de dĂ©sintĂ©gration de l’uranium 235 dans les centrales nuclĂ©aires.

  • Une premiĂšre capture neutronique permet au 235U de se stabiliser grĂące au rayon gamma qu’il Ă©met. L’isotope 236U en rĂ©sulte, avec une pĂ©riode radioactive de 23 millions d’annĂ©es. 
  • Le 235U subit une deuxiĂšme capture et forme le 237U, instable et avec une demi-vie courte de 6,75 jours. L’Ă©mission ÎČ lui permet de se transmuter en neptunium 237, qui peut vivre jusqu’Ă  2,2 millions d’annĂ©es. L’isotope  238U peut Ă©galement se transformer en  237U suite Ă  une perte de neutron par la rĂ©action (n, 2n).
  • Une troisiĂšme capture de neutron donne naissance Ă  du  238Np instable, avec une durĂ©e de vie radioactive de 2,1 jours. Par la suite, il subit une Ă©mission ÎČ pour se convertir en  238Pu.

La demi-vie du  238Pu est de 86,41 ans. Il Ă©met une radioactivitĂ© alpha significative et possĂšde une activitĂ© spĂ©cifique Ă©levĂ©e en termes de rayonnement alpha et gamma. C’est pourquoi le 238Pu est choisi comme source de neutrons, de chaleur et d’Ă©nergie Ă©lectrique dans les gĂ©nĂ©rateurs thermoĂ©lectriques Ă  radioisotopes. Il sert uniquement dans des applications spatiales comme source d’Ă©lectricitĂ© et, anciennement, dans des stimulateurs cardiaques.

Le 238Pu provient de l’Ă©mission de neutrons du 237Np (rĂ©cupĂ©rĂ© lors du recyclage des dĂ©chets nuclĂ©aires), ou de l’amĂ©ricium dans un rĂ©acteur nuclĂ©aire. L’extraction du 238Pu de ces Ă©lĂ©ments nĂ©cessite une dissolution nitrique.

Sur une pĂ©riode de trois ans, le combustible irradiĂ© des rĂ©acteurs nuclĂ©aires Ă  eau ne contient que 700 grammes de neptunium 237 par tonne de combustible. L’extraction de ce Np se fait de maniĂšre sĂ©lective.

Plutonium 239

Le 239Pu est produit par capture neutronique, suite Ă  l’exposition de 238U Ă  des rayonnements dans les rĂ©acteurs nuclĂ©aires. Le neutron (rapide ou thermique) capturĂ© par l’atome de 238U se transforme temporairement en  239U : 10 n + 238 92 U → 239 92 U.

Le 239U, instable, viable seulement pendant 23,5 minutes, subit ensuite une radioactivitĂ© ÎČ pour donner du neptunium : 239 92U  ⟶ 239 93 Np + e− + Μe.

Le 239Np, viable environ 2,36 jours, se transforme ensuite en 239Pu dont la demi-vie est de 24 000 ans par dĂ©croissance ÎČ : 239 93 Np ⟶ 239 94 Pu  + e− + Μe.

Le 239Pu participe Ă  la rĂ©action en chaĂźne du rĂ©acteur en tant qu’isotope fissile. Ainsi, lors de l’Ă©valuation Ă©nergĂ©tique d’un rĂ©acteur nuclĂ©aire, la capacitĂ© Ă©nergĂ©tique de 235U initial et celle de 238U fertile transformĂ© en plutonium sont prises en compte.

Le 239Pu peut procĂ©der Ă  une capture neutronique sans subir de division nuclĂ©aire s’il est exposĂ© Ă  un flux neutronique. L’absorption de neutrons par le 239Pu et ses produits de fission lors de pĂ©riodes prolongĂ©es d’irradiation conduit Ă  l’accumulation d’isotopes plus lourds dans le combustible nuclĂ©aire. Ce processus permet l’apparition des isotopes 240Pu, 241Pu, 242Pu, ainsi que 243Am, produit de dĂ©sintĂ©gration de 243Pu.

La quantitĂ© d’un isotope produit dĂ©pend de l’abondance de l’isotope parent, qui doit avoir eu le temps de s’accumuler. Le 239Pu suit donc une Ă©volution linĂ©aire dans un combustible vierge. La quantitĂ© de 240Pu croĂźt de maniĂšre quadratique (tÂČ) avec le temps, tandis que celle de 241Pu croĂźt de maniĂšre cubique (t3), et cette tendance se poursuit ainsi pour les isotopes suivants.

Pour garantir la puretĂ© du plutonium militaire, il est nĂ©cessaire d’extraire le combustible, les cibles et la couverture utilisĂ©s lors de sa fabrication aprĂšs quelques semaines. Pour le cas du plutonium Ă  usage civil, une brĂšve exposition aux rayonnements ne suffit pas Ă  extraire toute l’Ă©nergie produite par le combustible. Ce dernier n’est retirĂ© des rĂ©acteurs qu’aprĂšs trois ou quatre ans.

Une fission de 235U équivaut à environ 0,8 atome de 239Pu, ou environ 1g/MW par jour de plutonium dans un réacteur. En France, 11 tonnes de plutonium sont produites chaque année environ. Toutefois, les réacteurs à eau légÚre ont tendance à générer moins que les graphite-gaz.

Plutonium 240

Le 240Pu ne fait pas partie des isotopes fissiles du plutonium. Il prĂ©sente une radioactivitĂ© quatre fois supĂ©rieure Ă  celle de 239Pu, et une pĂ©riode radioactivĂ© de 6 500  ans.

Plutonium 241

Le 241Pu est un isotope radioactif fissile, avec une demi-vie de 14,29 ans. Il se décompose en américium 241 neutrophage et altÚre la performance des engins nucléaires.

Plutonium 242

Le 242Pu est un isotope peu fertile, avec une section efficace faible. Il se forme suite au recyclage récurrent du plutonium en réacteur. Sa demi-vie est de 373 000 ans.

Plutonium 243

Le 243Pu est instable, avec une demi-vie de moins de cinq heures. Sa dĂ©sintĂ©gration forme l’amĂ©ricium 243.

Plutonium 244

Le 244Pu est l’isotope le plus stable du plutonium, avec une pĂ©riode radioactive de 80 millions d’annĂ©es. Il n’est pas un produit de fission. En effet, le 239U se transforme en 243Pu, avec une demi-vie de cinq heures. Ce dernier, ne disposant pas suffisamment de temps pour une autre capture neutronique nĂ©cessaire Ă  la formation du 244Pu, se dĂ©sintĂšgre rapidement en 243Am.

Le 244Pu se forme pendant les explosions de bombes nuclĂ©aires ou de supernova (nuclĂ©osynthĂšse stellaire), grĂące Ă  leurs puissants flux neutroniques. L’essai Ivy Mike en 1952 a donc permis la dĂ©couverte du 244Pu et du 246Pu. Les concentrations de 244Pu dans la nature proviennent des essais nuclĂ©aires atmosphĂ©riques passĂ©s et des rĂ©sidus de 244Pu naturel.

Réserve mondiale de plutonium

En 2013, aprĂšs 70 ans de synthĂ©tisation, la rĂ©serve mondiale de plutonium est estimĂ©e Ă  500 tonnes, dont 52 % proviennent de sources civiles, tandis que 48 % sont d’origine militaire. Ce stock est rĂ©parti entre 5 producteurs :

  • Japon : 9,4 % soit 47,1 tonnes,
  • France : 13,2 % soit 66,2 tonnes,
  • États-Unis : 17,7 % soit 88,3 tonnes,
  • Royaume-Uni : 21,4 % soit 107,2 tonnes,
  • Russie : 35,6 % soit 178 tonnes.

Les 3 % restants représentent 13 tonnes, et proviennent du reste du monde.


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