Les temples à la gloire de Shiva sont souvent ornés de lingams. Leur aspect peut varier du petit galet en équilibre peint de la marque de Shiva au phallus parfois agrémenté de la tête sculptée du dieu. Le rituel appelé « puja » veut que le lingam soit arrosé de lait, de miel ou de beurre clarifié (le « ghi » également utilisé en cuisine) et que des offrandes soient faites : des fleurs, des fruits ou des sucreries. Il doit ensuite resté humide afin de maintenir son activité. Dans la culture du Champa, le kosa, un couvre linga en métaux et pierres précieuses, est ensuite déposé sur la partie arrondie du lingam appelée « lingamani » ou « manikâ ».De nombreux lingam existent en Inde, mais certains sont considérés comme particulièrement sacrés et appelés « jyotirlinga », le lingam de lumière. Voici une liste non-exhaustive de ces différents lieux :
- Somanâtha ou Somnâth, dans le Gujarat, dont le temple a subi plusieurs attaques et envahissement
- Mallikârjuna à Srisailam, à 232 km au sud de Hyderabad sur les rives de la Krishna.
- Omkareshwar, dans le Madhya Pradesh sur les rives de la Narmadâ.
- Amareshvara à Ujjain, dans le Madhya Pradesh.
- Vaidyanath à Deogarh dans le Bihar.
- Bhîmashankara ou Bhimsankar près de Pune dans le Maharashtra.
- Râmeshvara à Rameshwaram au Tamil Nadu.
- Nageshwar ou Aundha-Nagnath dans le Maharashtra.
- Vishveshvara ou Kashi Vishwanath à Vârânasî, dans l’Uttar Pradesh.
- Triambaka près de Nasik et des sources de la Gomatî dans le Maharashtra.
- Kedarnath dans l’Uttarakhand à 3 600 m d’altitude dans l’Himalaya.
- Grishneshwar dans le Maharashtra près de grottes d’Ellorâ.
Les hindous, particulièrement attirés par la capacité reproductrice de la nature elle-même source de la création de tout être vivant, aiment vénérer Shiva et son organe reproducteur. C’est une association que nous pouvons retrouver chez les Romains et leur Priape, Ier phallus des Egyptiens.
La représentation des organes féminins en union avec les organes masculins est courante avec le lingam. Plusieurs légendes entourent l’origine de ce culte. On raconte que Shiva subit une malédiction et qu’il perdit l’usage de son organe. Il aurait enlevé plusieurs belles femmes aux brahmanes et ces derniers, pour le punir, le maudirent afin de lui enlever l’usage de ce membre. Shiva aurait alors déclaré qu’il comblerait chaque être-humain voulant honorer cette image. On relate également qu’il reçut la visite d’un dévot alors qu’il était enfermé avec Dourga, sa femme. Fou de rage en voyant la porte rester close, il s’emporta et reçut les reproches du dieu. L’homme pieu, rongé par le remord, fit la demande que chaque être vénérant Shiva sous la forme du lingam et non sous celle de l’être physique soit favorisé. Le dieu lui accorda cette requête et l’homme obtint réparation pour son préjudice.
L’abbé Dubois, un orientaliste du XIXème siècle, conte une histoire se déroulant pendant le séjour des dieux. Voici son récit :
Brahmâ, Vishnou et Vasishta, accompagnés d’un nombreux cortège d’illustres pénitents allèrent un jour au Kailâsa (paradis de Shiva), pour rendre visite à ce dieu. Ils le surprirent usant avec sa femme des prérogatives du mariage. Sans être déconcerté par la présence de personnages aussi éminents, il ne témoigna aucune honte de paraître en cet état à leurs regards, et continua de se livrer à la fougue de ses sens. Ce dieu effronté avait à la vérité la tête fortement échauffée par les liqueurs enivrantes qu’il avait bues, et sa raison ; égarée par la passion et l’ivresse, ne lui permettait plus d’apprécier l’indécence de sa conduite. A cette vue, quelques-uns des dieux, et surtout Vishnou, se prirent à rire ; cependant la plupart, outrés d’indignation et de colère, chargèrent le cynique Shiva, d’injures et de malédictions.
« Non, lui dirent-ils, tu n’es qu’un’ démon; tu es pire même qu’un démon, tu en portes la figure et en as toute la malice. L’amitié que nous avions pour toi nous avait conduits ici pour te faire une visite, et tu ne rougis point de nous rendre spectateurs de ta brutale sensualité. Maudit sois-tu ! qu’aucune, personne vertueuse n’ait désormais de liaison avec toi ! que tous ceux qui te fréquenteront soient regardés comme des insensés, et bannis de la société des honnêtes gens ! »
Confus, les dieux et les pénitents se réitérèrent après la prononciation de ces anathèmes.
En recouvrant ses esprits, Shiva eut la présence d’esprit de demander à ses gardes qui était venu lui rendre visite. Ne négligeant aucun détail, ils lui racontèrent ce qui s’était produit et l’indignation que ses amis distingués avait fait éclater avant leur départ. L’audition de ce récit eut raison de l’âme de Shiva et de Dourga, pour qui la douleur n’était plus supportable. Ils perdirent la vie dans la position même où les dieux et les pénitents les avaient initialement trouvés.
La volonté de Shiva fut que cette action, qui en le couvrant de honte lui ôta son dernier souffle, soit célébrer parmi les humains.
« Ma honte, dit-il, m’a fait mourir ; mais aussi elle m’a donné une nouvelle vie et une nouvelle forme, qui est celle du Lingam. – Vous démons mes sujets, regardez-le comme un autre moi-même. – Oui, Le Lingam, c’est moi ; et je veux que les hommes lui offrent désormais leurs sacrifices et leurs adorations. Ceux qui m’honoreront sous cette forme du Lingam obtiendront infailliblement l’objet de leurs voeux et une place dans le Kailâsa. Je suis l’être suprême ; mon Lingam l’est aussi ; lui rendre les honneurs, dus à la divinité est un acte du plus grand mérite. Le mangousier est de tous les arbres celui que j’aime le plus ; si l’on veut obtenir mes faveurs, on doit m’en offrir les feuilles, les fleurs et les fruits. – Écoutez encore, démons mes sujets : ceux qui jeûneront le 14e de la lune du mois magha, à l’honneur de mon Lingam, et qui, la nuit suivante lui offriront le puja, et lui présenteront des feuilles de mangousier, s’assureront-une place dans le kailasa.
Ecoutez encore, démons mes sujets : si vous désirez devenir vertueux , apprenez quels sont les fruits qu’on retire des honneurs rendus à mon Lingam. Ceux qui en feront l’image avec de la terre ou de la fiente de vache, et sous cette forme lui offriront le puja, en seront récompensés ; ceux qui, là feront en pierre, mériteront sept fois plus, et ne verront jamais le roi des enfers ; ceux qui la feront en argent auront sept fois plus de mérite, que ces derniers ; et ceux qui la feront en or, mériteront encore sept fois plus. – Que mes ministres aillent enseigner ces vérités aux hommes, et les engagent à embrasser le culte de mon Lingam. Le Lingam, c’est Shiva lui-même ; il est de couleur blanche ; il a trois yeux et cinq visages ; il est vêtu de peau de tigre. Il existait avant le monde, et il est l’origine et le principe de tous les êtres. Il dissipe nos frayeurs, et nos craintes, et nous accorde l’objet de tous nos désirs. »
Les Vaishnavas, adorateurs de Vishnous, ne vouent pas de culte au lingam et en viennent parfois à le mépriser. Il est par ailleurs considéré comme un grand symbole religieux pour les Shivaïtes ou les Shaïvas qui ne cessent de lui exprimer leur adoration. Les Lingayits, parmi les Shivaïtes, considèrent que les castes n’existent pas et que le lingam est l’expression même de l’égalité des humains. Pour eux, un paria vouant ce culte reçoit la même valeur qu’un brahmane. Ils s’expriment ainsi : « Là où se trouve le Lingam, là aussi se trouve le trône de la divinité, sans distinction de rang ou de personnes ; et l’humble chaumière du paria où est ce signe sacré est bien au-dessus du palais somptueux où il n’est pas. »
Le lingam est représenté sur un piédestal sur lequel est installé un bassin d’où s’élève une grande colonne ronde. Chaque partie représente une divinité : le piédestal est Brahma, le bassin est Vishnou et, comme expliqué précédemment, l’entièrement de la stèle est Shiva. L’adoration du lingam débute par un baiser au pied de l’idole, ou en le touchant avec le pied, puis en étalant sur elle du sang prélevé des yeux avec une lancette, en récitant quelques prières.
Autrefois, douze grands lingams étaient dispersés dans différentes contrées de l’Inde. Si la taille est impressionnante, cela peut s’expliquer par la légende racontant que le lingam de Shiva était si imposant qu’il lui touchait le front, rendant difficiles les rapports charnels. Il décida alors de le couper en 12 morceaux afin de donner naissance à tout être-vivant. C’est grâce à cela que la vie des humains et des animaux fut déifiée. Ces douze parties étaient considérées comme l’essence même de Shiva et ses paroles furent celles-ci :
« Je suis présent partout, mais je suis principalement sous douze formes ou en douze places. »
Plusieurs conquérants musulmans ont réussi à détruire certaines de ces pièces. Ce symbole est porté par les Lingayits au bras, au cou ou pendu à un cordon sacré. Les femmes le portent tel un bijou et lui vouent leurs prières de fécondité. Dans différentes contrées de l’Inde telles que le Kanara, des shivaïstes continuent de pratiquer leur religion, bien qu’ils ne soient plus aussi nombreux, en étant totalement nu. Les femmes s’approchent alors, les touchent et baisent parfois leur organe génital dans le but d’accomplir un acte méritoire. Malgré ce culte voué pour l’organe sexuel, les shivaïstes ont fait vœu de chasteté. La trahison de ce serment les condamnerait à la peine de mort. Le lingam est très présent en Inde, sur les grandes routes, dans les maisons, dans les temples… Shiva est encore vénéré par des sacrifices et des offrandes.