Propriétés magnétiques et spectroscopiques
La plupart des lanthanides ont une propriété appelée paramagnétisme. Seuls le lanthane, l’ytterbium et le lutécium, qui n’ont pas d’électron célibataire, ne possèdent pas cette caractéristique. Par conséquent, ces éléments ont une susceptibilité magnétique élevée. Le gadolinium est un cas particulier, car il devient ferromagnétique en dessous de 16 °C (le point de Curie).
Couplage spin-orbite
Sauf pour le lanthane et le lutécium, tous les ions trivalents Ln3+ possèdent des électrons célibataires dans la sous-couche 4f. Cependant, leur moment magnétique diffère considérablement de la valeur qui serait attendue en fonction du spin seul, en raison d’un fort couplage spin-orbite. L’ion Gd3+ a le maximum d’électrons célibataires avec un moment magnétique de 7,94 M.B. Quant aux ions Dy3+ et Ho3+, ils ont les moments magnétiques les plus élevés (10,4-10,7 M.B.). Les électrons de Gd3+ ont tous un spin parallèle. Il s’agit d’un paramètre important pour l’utilisation du gadolinium en imagerie par résonance magnétique.
La différence d’énergie entre les orbitales 4f dans les ions de lanthanides est relativement faible. Cette caractéristique signifie que leur distribution d’énergie est plus resserrée que l’effet causé par le couplage spin-orbite. Les ions de lanthanides ont des orbitales 4f dont les transitions sont interdites par la règle de Laporte. Leur couplage avec les vibrations moléculaires est faible étant donné leur emplacement relativement interne à l’atome. Par conséquent, le spectre des ions de lanthanides est peu marqué avec des bandes d’absorption étroites. Cependant, des pics d’absorption intenses dans le domaine spectral de 200 à 900 nm peuvent être observés. Tel est notamment le cas dans les verres contenant de l’oxyde d’holmium(III) Ho2O3 et dans les solutions d’oxyde d’holmium(III) dans l’acide perchlorique HClO4. Ceux-ci sont en vente sur le marché et peuvent servir à l’étalonnage de spectroscopes et de monochromateurs.
Orbitales 4f
Les lanthanides sont utilisés dans la réalisation de lasers, car les transitions entre orbitales 4f sont interdites. Cette caractéristique rend la relaxation d’un électron excité vers son état fondamental plutôt lente, permettant ainsi une inversion de population aisée. En fait, les éléments chimiques Ln sont connus pour leurs propriétés luminescentes remarquables qui proviennent de leurs orbitales 4f. Celles-ci sont exploitées dans diverses applications telles que dans le laser Nd:YAG (grenat d’yttrium-aluminium Y3Al5O12 dopé au néodyme). Le vanadate d’yttrium YVO4 dopé à l’europium a également été l’une des premières substances phosphorescentes utilisées pour les tubes cathodiques en couleur.
Propriétés chimiques des lanthanides
Les lanthanides constituent une famille très cohérente caractérisée par le remplissage graduel de la sous-couche électronique 4f. Ainsi, ils sont tous classés dans le bloc f, à l’exception de leur élément le plus lourd, le lutécium 71Lu. Celui-ci se situe dans le bloc d. En général, ils ont une forte électropositivité et présentent une grande similitude chimique avec le lanthane, d’où leur appellation. Ils ont tous un état d’oxydation le plus stable de +3 qui est remarquablement uniforme dans le tableau périodique.
Cations trivalents
Les lanthanides sont principalement présents sous forme de cations trivalents (Ln3+) dans leurs états naturels et dans les composés synthétiques les plus courants. Cependant, ils peuvent également constituer des cations divalents (Ln2+) en solution. À l’exception du cérium (58Ce) et de l’europium (63Eu), les autres lanthanides ont généralement un seul état d’oxydation stable qui est +3. En effet, quand le 58Ce peut présenter les états d’oxydation +3 et +4, le 63Eu est susceptible d’avoir les états +2 et +3. Cette propriété unique permet de distinguer les lanthanides des autres éléments dans le tableau périodique.
En outre, les lanthanides plus lourds que le cérium ont du mal à atteindre le degré d’oxydation +4. Cette caractéristique est due à la localisation interne de leurs orbitales f et rend difficile l’enlèvement d’électrons f. Les trications Ln3+ des lanthanides sont souvent considérés comme des cations durs selon la théorie HSAB (Hard and Soft Acids and Bases).
Contraction des lanthanides
Une contraction des lanthanides qui se traduit par une diminution du rayon ionique des cations Ln3+ est observée à mesure que le numéro atomique augmente. Elle est due au faible effet d’écrantage des électrons des orbitales f, dont l’efficacité est plus faible que celle des orbitales s, p et d. Ainsi, la charge croissante du noyau atomique n’est pas entièrement compensée.
Le lutécium se situe dans la sixième période du tableau périodique des éléments, soit juste au-dessus de l’yttrium qui se trouve dans la cinquième période. Cependant, le rayon ionique de ces deux éléments est similaire en raison de la contraction des lanthanides.
Les orbitales f des lanthanides ont la particularité de rendre leurs électrons peu disponibles pour former des liaisons covalentes. Ainsi, les cations des lanthanides forment des complexes de coordination sans favoriser une géométrie particulière. Concrètement, chacun d’entre eux est entouré de 8 à 10 atomes donneurs. Ceux-ci représentent une coordinence plus élevée que celle observée pour les cations des métaux de transition.
Les éléments néodyme, terbium et ytterbium peuvent également former des composés sandwich appelés lanthanocènes du type M(COT)2. M désigne l’élément et COT l’anion cyclooctatétraène [C8H8]2−.
Énergie d’ionisation
Il est possible de comparer l’énergie d’ionisation des lanthanides à celle de l’aluminium. Pour ce dernier, la somme des trois premières énergies d’ionisation est de 5 139 kJ•mol-1. En revanche, pour les éléments chimiques Ln, elle est comprise entre 3 455 et 4 186 kJ•mol-1. Ce résultat est cohérent avec leur caractère hautement réactif. La valeur de cette somme est minimale pour le lanthane et maximale pour l’ytterbium, avec un maximum local pour l’europium. Cette caractéristique est due au remplissage partiel de la sous-couche 4f pour l’europium et à la saturation de cette sous-couche pour l’ytterbium.
Le béryllium, le magnésium, le calcium, le strontium, le baryum et le radium sont capables de former des sels avec un état d’oxydation de +2. De ce fait, ils montrent des propriétés similaires aux métaux alcalino-terreux qui sont des éléments chimiques du groupe 2 de la classification périodique des éléments. En outre, la somme des deux premières énergies d’ionisation de l’europium est de 1 632 kJ•mol-1. Elle est comparable à celle du baryum qui s’élève à 1 563,1 kJ•mol-1.
Le fait qu’un quatrième électron puisse être retiré relativement facilement du cérium et, dans une moindre mesure, du praséodyme explique la formation de composés de cérium (IV) et de praséodyme (IV). Ainsi, lorsque le cérium réagit avec l’oxygène O2, il forme du dioxyde de cérium CeO2 plutôt que du sesquioxyde Ce2O3.
Séparation des lanthanides
Les lanthanides adjacents ont des rayons ioniques très similaires rendant difficile leur séparation dans les minerais naturels ou lorsqu’ils sont mélangés. Autrefois, les méthodes de séparation en cascade et par cristallisation fractionnée ont été couramment utilisées. Bien que les rayons ioniques des éléments Ln soient très proches, des distinctions légères entre eux sont toujours observées. Tel est notamment le cas dans l’énergie réticulaire de leurs sels et dans l’énergie d’hydratation de leurs ions. Cette caractéristique entraîne des différences de solubilité minimes, mais détectables. De cette manière, il est possible de se servir des sels de formule générique Ln(NO3)3•2NH4NO3•4H2O pour séparer les lanthanides.
Dans le domaine de l’industrie, deux méthodes courantes sont employées pour cette même fin. La première consiste en l’extraction liquide-liquide. Pour ce faire, les éléments Ln sont dégagés d’une solution aqueuse de nitrates vers du kérosène contenant du phosphate de tributyle (CH3CH2CH2CH2O)3PO. Les complexes formés deviennent de plus en plus stables à mesure que le rayon ionique diminue. Or, ce phénomène entraîne une augmentation de la solubilité de la phase organique. Une séparation complète peut être réalisée en continu par échange à contre-courant. La deuxième méthode consiste en la chromatographie à échange d’ions. Elle exploite le fait que la constante de stabilité pour la formation de l’EDTA croît de manière significative avec le numéro atomique des lanthanides. Celle-ci augmente de logK ≈ 15,5 pour [La(EDTA)]− à logK ≈ 19,8 pour [Lu(EDTA)]−.
Applications
Les composants à base de lanthanides sont utilisés dans diverses applications industrielles, en l’occurrence :
- la production de supraconducteurs ;
- la fabrication d’aimants à base de terres rares comme le samarium-cobalt et le néodyme-fer-bore ;
- la réalisation de catalyseurs pour le raffinage du pétrole ;
- la construction de batteries d’accumulateurs pour les voitures hybrides électriques.
Quant aux ions de lanthanides, ils sont fréquemment utilisés comme éléments actifs dans des matériaux luminescents destinés à des applications optoélectroniques. Ils permettent notamment de réaliser des lasers Nd:YAG. Les amplificateurs optiques à fibres dopées à l’erbium sont également des composants clés des systèmes de télécommunications à fibres optiques. Ils sont nécessaires pour amplifier les signaux lumineux sur de longues distances.
En outre, les oxydes de lanthanides mélangés au tungstène sont souvent utilisés pour améliorer les propriétés thermiques des électrodes de tungstène. Ils permettent également de prolonger la durée de vie de ces éléments essentiels dans les soudures TIG. De plus, il est en mesure de remplacer le dioxyde de thorium, un composé chimique hautement toxique.
Par ailleurs, les lanthanides peuvent servir dans la fabrication de divers équipements militaires tels que les jumelles de vision nocturne et les télémètres. Ils sont également utilisés dans la photocatalyse, la photoluminescence et la formulation de matériaux avancés pour l’électronique. De même, ces éléments jouent un rôle dans l’industrie nucléaire pour créer des matrices permettant l’incorporation, le stockage et le retraitement des actinides. Enfin, certains lanthanides, tels que l’europium, le gadolinium, l’erbium et le dysprosium servent de poisons consommables dans les réacteurs nucléaires. Ils ont la capacité de capturer les neutrons.