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Astate

element-chimique-85-astate

CaractĂ©ristiques de l’astate

  • Symbole : At
  • Masse atomique : 210 u
  • NumĂ©ro CAS : 142364-73-6
  • Configuration Ă©lectronique : [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p5
  • NumĂ©ro atomique : 85
  • Groupe : 17
  • Bloc : Bloc p
  • Famille d’Ă©lĂ©ments :HalogĂšne/mĂ©talloĂŻde
  • ÉlectronĂ©gativitĂ© : 2,2
  • Point de fusion : 302 °C

Voir les produits associĂ©s Ă  l’astate

L’Astate, Ă©lĂ©ment atomique n°85 de symbole At : sa dĂ©couverte, ses caractĂ©ristiques, ses composĂ©s, ses isotopes, son abondance, sa synthĂšse et ses utilisations.

L’Astate est symbolisĂ© par At et son numĂ©ro atomique est le 85. L’At est classĂ© dans le groupe 17, connu sous le nom de groupe des halogĂšnes. Il se situe dans la 6e pĂ©riode du tableau et fait partie du bloc p. Sa configuration Ă©lectronique particuliĂšre est [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p5,  avec des Ă©lectrons rĂ©partis par niveau d’énergie en 2, 8, 18, 32, 18 et 7. L’astate occupe une position spĂ©cifique dans le tableau pĂ©riodique des Ă©lĂ©ments. Il est considĂ©rĂ© Ă  la fois comme un halogĂšne et un mĂ©talloĂŻde en raison de ses propriĂ©tĂ©s chimiques et physiques.

Découverte et étymologie

En 1869, lors de la publication du tableau pĂ©riodique des Ă©lĂ©ments par Dmitri MendeleĂŻev, un vide subsistait sous l’iode. Une fois que Niels Bohr ait fini la classification des Ă©lĂ©ments, il semblait Ă©vident qu’un cinquiĂšme halogĂšne devrait occuper cette position. Cet Ă©lĂ©ment hypothĂ©tique a Ă©tĂ© dĂ©signĂ© sous le nom d’Ă©ka-iode (eka-iodine en anglais), car son rang Ă©tait juste en dessous de l’iode (comme l’Ă©ka-cĂ©sium, l’Ă©ka-bore et d’autres). Au fil du temps, de multiples fausses dĂ©couvertes ont Ă©tĂ© faites, compte tenu de sa raretĂ© exceptionnelle.

En 1931, Fred Allison et ses collĂšgues de l’Institut polytechnique d’Alabama (actuelle UniversitĂ© d’Auburn) dĂ©clarent avoir dĂ©couvert l’éka-iode. Ils avaient exploitĂ© 45 kg de monazite en provenance de BrĂ©sil pour extraire l’élĂ©ment. Ils le nomment « alabame » (en anglais « alabamine ») en rĂ©fĂ©rence Ă  l’Alabama, avec pour symbole Am, par la suite changĂ© en Ab. Cependant, en 1934, Herbert G. MacPherson de l’universitĂ© de Californie Ă  Berkeley invalide cette mĂ©thode d’extraction et la prĂ©tendue dĂ©couverte.

En 1937, Rajendralal, chimiste indien, prĂ©tend avoir dĂ©couvert un nouvel Ă©lĂ©ment avec le numĂ©ro atomique 85, obtenu Ă  partir de la monazite. Il choisit le nom de « dakin »,  probablement inspirĂ© par la ville de Dacca oĂč il menait ses recherches, puis « dekhine ». Il affirme l’avoir isolĂ© Ă  partir de la chaĂźne de dĂ©sintĂ©gration du thorium, oĂč il occuperait une position similaire Ă  celle du radium F (polonium 210) dans la sĂ©rie du radium. Cependant, les propriĂ©tĂ©s du dakin ne concordent pas avec celles de l’astate. Aucun isotope d’At n’est prĂ©sent dans la chaĂźne de dĂ©sintĂ©gration du thorium, mĂȘme dans les voies de dĂ©sintĂ©gration mineures. Par consĂ©quent, l’origine rĂ©elle du dakin demeure inconnue.

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En 1936, le Roumain Horia Hulubei et la Française Yvette Cauchois affirment avoir dĂ©couvert l’Ă©lĂ©ment 85 en utilisant la spectroscopie des rayons X. Leur article publiĂ© en 1939 maintient et complĂšte leurs donnĂ©es initiales de 1936. En 1944, Hulubei rĂ©capitule ces informations et soutient qu’elles ont Ă©tĂ© validĂ©es par d’autres chercheurs. Il baptise l’élĂ©ment « dor », un mot roumain signifiant « dĂ©sir, nostalgie ». Cependant, en 1947, Friedrich Paneth, scientifique autrichien, remet cette affirmation en question. En effet, bien que les Ă©chantillons d’Hulubei contiennent de l’astate, ses mĂ©thodes de dĂ©tection Ă©taient jugĂ©es insuffisantes, selon les normes contemporaines, pour garantir une identification fiable.

En 1940, Walter Minder, chimiste suisse, affirme avoir dĂ©couvert l’Ă©lĂ©ment 85 dans les produits de dĂ©sintĂ©gration bĂȘta du radium A (polonium 218). Il lui attribue le nom « helvetium » en rĂ©fĂ©rence Ă  la Suisse. MalgrĂ© leurs efforts, Berta Karlik et Traude Bernert, deux physiciennes autrichiennes, ne peuvent reproduire son expĂ©rimentation. Ils estiment alors que ses rĂ©sultats faisaient suite Ă  une contamination du flux de radon, le radon 222 Ă©tant l’isotope parent du polonium 218.

Cette mĂȘme annĂ©e, Dale R. Corson, K. R. MacKenzie et Emilio SegrĂš de l’universitĂ© de Californie Ă  Berkeley rĂ©ussissent enfin Ă  isoler l’Ă©lĂ©ment 85. Ils font le choix de le synthĂ©tiser par bombardement du bismuth 209 avec des particules alpha dans un cyclotron. Cette rĂ©action engendre la formation de l’astate 211, premier isotope de l’astate Ă  ĂȘtre formellement identifiĂ©.

À cette Ă©poque, tout nouvel Ă©lĂ©ment qui n’a pas Ă©tĂ© dĂ©celĂ© dans la nature, mais créé artificiellement en quantitĂ©s invisibles, ne peut avoir une reconnaissance complĂšte. Aussi, les trois chercheurs s’abstiennent de proposer un nom. Par ailleurs, les chimistes hĂ©sitent Ă  accorder la lĂ©gitimitĂ© aussi bien aux radioisotopes qu’aux isotopes stables.

En 1942, en collaboration avec la scientifique britannique Alice Leigh -Smith, Minder rapporte la dĂ©couverte d’un autre isotope de l’Ă©lĂ©ment 85, apparemment issu de la dĂ©sintĂ©gration bĂȘta du thorium A (polonium 216). Ils le baptisent « anglo-helvetium » en rĂ©fĂ©rence Ă  leurs pays respectifs. Une fois de plus, Bernert et Karlik ne rĂ©ussissent pas Ă  obtenir les mĂȘmes rĂ©sultats.

En 1943, les deux autrichiennes, Karlik et Bernert dĂ©tectent la prĂ©sence de l’astate dans deux sĂ©ries de dĂ©sintĂ©gration naturelle, d’abord dans celle de l’uranium 238, puis dans celle de l’uranium 235. Par la suite, l’observation de la chaĂźne principale de dĂ©sintĂ©gration du neptunium 237 le met en Ă©vidence. Toutefois, cette prĂ©sence est restreinte en raison de la raretĂ© du neptunium Ă  l’état naturel. En effet, il ne peut ĂȘtre produit que par capture neutronique dans les minĂ©raux d’uranium.

En 1946, Friedrich Paneth, chimiste britannique d’origine autrichienne, plaide en faveur de la reconnaissance des Ă©lĂ©ments synthĂ©tiques. Il met en avant la rĂ©cente confirmation de leur prĂ©sence dans la nature et suggĂšre que les dĂ©couvreurs aient le droit de les nommer.

En dĂ©but de l’annĂ©e 1947, une lettre de Dale R. Corson, K. R. MacKenzie et Emilio SegrĂš est publiĂ©e dans la revue Nature, dans laquelle les trois physiciens amĂ©ricains proposent le nom anglais « astatine » pour l’Ă©lĂ©ment 85. DĂ©rivĂ© du mot grec « ĂĄstatos », il signifie « instable », vu la facilitĂ© de l’Ă©lĂ©ment Ă  se dĂ©sintĂ©grer. En anglais, la terminaison -ine caractĂ©rise les halogĂšnes, maintenant la tradition de leur attribuer un nom en fonction de l’une de leurs propriĂ©tĂ©s. En 1949, l’Union internationale de chimie pure et appliquĂ©e valide leur proposition.

Initialement, l’astate Ă©tait considĂ©rĂ© comme un mĂ©tal et classĂ© en tant que tel par Corson et ses collĂšgues qui se basaient sur sa chimie analytique. Par la suite, leurs observations approfondies ont rĂ©vĂ©lĂ© un comportement identique Ă  celui de l’iode, Ă  la fois sous forme amphotĂ©rique et cationique. Dans une rĂ©trospective en 2003, Corson souligne que « certaines propriĂ©tĂ©s de l’astate sont similaires Ă  celles de l’iode », mais que l’Ă©lĂ©ment « prĂ©sente Ă©galement des propriĂ©tĂ©s mĂ©talliques, plus proches de celles du polonium et du bismuth, ses voisins mĂ©talliques ».

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CaractĂ©ristiques et propriĂ©tĂ©s de l’astate

L’astate est un radioĂ©lĂ©ment formĂ© par la dĂ©sintĂ©gration radioactive d’Ă©lĂ©ments plus lourds. Il est le plus rare des Ă©lĂ©ments chimiques naturels non transuraniens prĂ©sents dans la croĂ»te terrestre. Tous ses isotopes ont une demi-vie courte et le plus stable est l’astate 210 avec une pĂ©riode radioactive de 8,1 heures. Ils se dĂ©composent  en d’autres isotopes de l’astate, du radon, du polonium ou du bismuth.

La plupart de ces isotopes sont trĂšs instables, avec des demi-vies infĂ©rieures Ă  une seconde. Seul le francium est plus radioactif que les isotopes de l’astate, parmi les 101 premiers Ă©lĂ©ments de la classification pĂ©riodique. Bien que moins radioactifs que ce dernier, tous les isotopes de l’At sont des produits de synthĂšse.

Les propriĂ©tĂ©s macroscopiques de l’astate ne sont pas bien connues en raison de sa courte demi-vie, ce qui rend difficile la production de quantitĂ©s plus reprĂ©sentatives. ComparĂ© Ă  un gramme de radium, 0,5 ”g d’At est plus radioactif. Il n’a jamais Ă©tĂ© possible de produire d’Ă©chantillon visible de cet Ă©lĂ©ment. En effet, la chaleur intense produite par sa radioactivitĂ© le vaporiserait rapidement.

Il reste Ă  dĂ©terminer si, grĂące Ă  un refroidissement adĂ©quat, une couche mince d’astate pourrait ĂȘtre constituĂ©e Ă  l’Ă©chelle macroscopique. Bien que classĂ© parmi les non-mĂ©taux ou les mĂ©talloĂŻdes, l’astate peut former une phase mĂ©tallique.

En raison de sa raretĂ© et de sa radioactivitĂ©, les propriĂ©tĂ©s de l’astate en tant que matĂ©riau sont mĂ©connues. Il est prĂ©sumĂ© ĂȘtre un analogue chimique plus lourd de l’iode et appartenir au groupe des halogĂšnes. Apparemment, un Ă©chantillon d’At serait de couleur sombre et pourrait avoir des caractĂ©ristiques de semi-conducteur ou peut-ĂȘtre de mĂ©tal. Sa tempĂ©rature de fusion supposĂ©e serait plus Ă©levĂ©e que celle de l’iode.

Chimiquement, il a la capacitĂ© d’élaborer des espĂšces anioniques similaires Ă  l’iode et Ă©galement de rĂ©agir comme un mĂ©tal, formant un cation monoatomique stable en solution aqueuse.

PropriĂ©tĂ©s physiques de l’astate

Les propriĂ©tĂ©s physiques de l’astate ont principalement Ă©tĂ© Ă©valuĂ©es Ă  l’aide de mĂ©thodes thĂ©oriques ou semi-empiriques. Chez les halogĂšnes, plus ils sont lourds, plus leur couleur s’assombrit : violet-gris sombre pour l’iode, brun-rouge pour le brome, vert-jaune pour le chlore et incolore pour le fluor. En se basant sur cette propriĂ©tĂ©, en tant que mĂ©talloĂŻde, l’astate pourrait ĂȘtre un solide de couleur noire.

En tant que mĂ©tal, l’astate aurait une apparence mĂ©tallique. Toujours chez les halogĂšnes, les points d’ébullition et de fusion augmentent avec le numĂ©ro atomique. Selon ces estimations, celles de l’astate seraient respectivement de 610 et de 575 K (soit 337 et 302 °C). Toutefois, des Ă©tudes expĂ©rimentales ont donnĂ© des valeurs infĂ©rieures, avec une tempĂ©rature d’Ă©bullition de 503 K pour l’astate diatomique.

La pression de vapeur de l’At est infĂ©rieure Ă  celle de l’iode, impliquant ainsi qu’il se sublime moins vite Ă©galement. MalgrĂ© cela, la moitiĂ© d’une quantitĂ© donnĂ©e d’astate se volatiserait en une heure, Ă  tempĂ©rature ambiante, si elle est dĂ©posĂ©e sur une surface en verre propre.

Les raies d’absorption dans la rĂ©gion des ultraviolets moyens du spectre de l’astate rĂ©vĂšlent des transitions Ă©lectroniques entre les orbitales 6p et 7s.

La structure solide de l’astate demeure encore inconnue. Étant Ă  la fois analogue de l’iode et halogĂšne, il serait dotĂ© une structure cristalline orthorhombique. Cette structure serait composĂ©e de molĂ©cules d’At diatomique, qui lui confĂ©rerait une propriĂ©tĂ© de semi-conducteur avec une bande interdite de 0,7eV. Toutefois, sous une forme condensĂ©e, il rĂ©agit plus comme un mĂ©tal. Éventuellement, il adopterait une cristallisation dans un systĂšme cubique Ă  faces centrĂ©es. Dans cet Ă©tat, l’astate pourrait mĂȘme manifester des propriĂ©tĂ©s supraconductrices, tout comme l’iode qui adopte une telle phase sous haute pression.

Les rĂ©sultats expĂ©rimentaux qui prouvent l’existence de l’astate diatomique (At2) sont rares et non concluants. En effet, les affirmations sur sa prĂ©sence sont contradictoires. MalgrĂ© cette controverse, plusieurs caractĂ©ristiques de l’At diatomique ont Ă©tĂ© prĂ©dites :

  • une chaleur latente de vaporisation (∆Hvap) d’environ 54,39 kJ mol−1,
  • une Ă©nergie de dissociation d’environ 83,7 ± 12,5 kJ mol−1,
  • une longueur de liaison estimĂ©e Ă  environ 300 ± 10 pm.

La valeur de sa chaleur latente de vaporisation suppose qu’à l’état liquide, l’astate serait mĂ©tallique. En effet, tous les Ă©lĂ©ments dont cette valeur est supĂ©rieure Ă  environ 42 kJ mol−1 le sont dans cet Ă©tat.  

PropriĂ©tĂ©s chimiques de l’astate

La comprĂ©hension de la chimie de l’astate n’est pas facile, car les concentrations utilisĂ©es en expĂ©rience sont trĂšs faibles, sans compter les Ă©ventuelles rĂ©actions avec les sous-produits radioactifs,  les filtres, les parois ou les impuretĂ©s.

Dans des solutions trĂšs diluĂ©es, les propriĂ©tĂ©s chimiques de l’astate sont apparentes mĂȘme si sa concentration est trĂšs basse, infĂ©rieure Ă  10-10 mol/L (correspondant Ă  une activitĂ© d’environ 1,6 GBq/L). Des propriĂ©tĂ©s similaires Ă  celles des autres halogĂšnes sont constatĂ©es, comme la formation d’anions. Par ailleurs, l’At a des caractĂ©ristiques mĂ©talliques qui se manifestent par :

  • sa capacitĂ© Ă  se dĂ©poser sur une cathode et Ă  former des prĂ©cipitĂ©s avec d’autres sulfures mĂ©talliques dans l’acide chlorhydrique,
  • sa formation d’un cation monoatomique stable en solution aqueuse,
  • son aptitude Ă  former des complexes avec l’EDTA, un agent chĂ©latant,
  • sa rĂ©activitĂ© similaire Ă  celle d’un mĂ©tal lors du marquage d’anticorps.

Quand il est Ă  son Ă©tat d’oxydation +I, l’astate est semblable Ă  l’argent. Cependant, dans l’ensemble, il est similaire Ă  l’iode et est capable de former des liaisons halogĂšnes plus facilement que ce dernier.

Concernant ses propriĂ©tĂ©s Ă©lectronĂ©gatives, l’At a une valeur de 2,2 sur l’échelle rĂ©visĂ©e de Pauling. Cette valeur est infĂ©rieure Ă  celle de l’iode mais Ă©gale Ă  celle de l’hydrogĂšne. Dans le complexe HAt (astature d’hydrogĂšne), on suppose que l’ion est supportĂ© par l’hydrogĂšne. Par consĂ©quent, ce composĂ© devrait plutĂŽt ĂȘtre appelĂ© hydrogĂ©nure d’astate, ce qui est en adĂ©quation avec la valeur de l’électronĂ©gativitĂ© de 1,9 sur l’échelle d’Allred-Rochow (infĂ©rieure Ă  celle de hydrogĂšne 2,2).

En 2011, il a Ă©tĂ© supposĂ© que l’affinitĂ© Ă©lectronique de l’astate serait environ un tiers infĂ©rieure Ă  celle du chlore. Ce dernier possĂšde la plus grande affinitĂ© Ă©lectronique parmi les halogĂšnes, en raison des interactions spin-orbite. Cette prĂ©diction a Ă©tĂ© confirmĂ©e en 2020, avec une valeur d’affinitĂ© Ă©lectronique Ă©valuĂ©e Ă  233 kJ/mol.

Les composĂ©s de l’astate

L’astate prĂ©sente une rĂ©activitĂ© infĂ©rieure Ă  celle de l’iode qui est dĂ©jĂ  le moins rĂ©actif parmi les autres halogĂšnes. En raison de sa dĂ©sintĂ©gration radioactive, seules de trĂšs petites quantitĂ©s de ses composĂ©s ont pu ĂȘtre synthĂ©tisĂ©es et Ă©tudiĂ©es. Les rĂ©actions ont principalement Ă©tĂ© examinĂ©es en utilisant des solutions d’astate rĂ©duites mĂ©langĂ©es Ă  des proportions plus importantes d’iode. Cette approche permet de garantir une quantitĂ© de matiĂšre suffisante pour rĂ©aliser les techniques de laboratoire courantes telles que la prĂ©cipitation ou la filtration.

L’astate peut adopter diffĂ©rents niveaux d’oxydation allant de -1 Ă  +7 en nombre impair, tout comme l’iode. Des composĂ©s de l’astate avec l’hydrogĂšne, les mĂ©taux, les alcalins et les chalcogĂšnes sont Ă©galement connus.

Composés avec les métaux

Les composĂ©s associĂ©s Ă  l’At sont rares. Parmi ceux qui ont Ă©tĂ© identifiĂ©s peuvent ĂȘtre citĂ©s l’astature de plomb, de thallium, d’argent, de palladium et de sodium. À partir de l’observation des halogĂ©nures d’autres mĂ©taux, les caractĂ©ristiques des astatures d’argent et de sodium, ainsi que celles d’autres astatures d’Ă©lĂ©ments alcalins et alcalino-terreux, ont pu ĂȘtre Ă©valuĂ©es.

ComposĂ©s avec l’hydrogĂšne

Les prĂ©curseurs de la chimie de l’astate ont observĂ© que l’acidification de l’At par l’acide nitrique diluĂ© provoque la formation d’un composĂ© d’astate et d’hydrogĂšne, couramment nommĂ© astature d’hydrogĂšne. Le nom d’hydrogĂ©nure d’astate est plus appropriĂ© pour ce composĂ© qui s’oxyde trĂšs vite. Dans la rĂ©action, un cation At0 ou At+ se forme. Si on ajoute l’argent (I), la prĂ©cipitation en astature d’argent (AgAt) ne se fera qu’en partie. En revanche, l’iode ne sera pas oxydĂ© et on assistera Ă  la formation d’un iodure d’argent(I).

ComposĂ©s avec l’oxygĂšne et les oxyanions

Dans une solution aqueuse d’acide perchlorique, les ions AtO et AtO+ ont Ă©tĂ© formĂ©s en faisant rĂ©agir l’astate avec des oxydants tels que le persulfate de sodium ou le brome Ă©lĂ©mentaire. Initialement identifiĂ© comme AtO2, le composĂ© est en fait du AtO(OH)2, un produit de l’hydrolyse de AtO+ (tout comme l’est l’AtOOH). L’oxydation de l’astate avec l’hypochlorite de potassium en prĂ©sence d’hydroxyde de potassium engendre l’anion AtO3.

Dans une solution chaude de Na2S2O8, l’oxydation de l’astate entraĂźne la formation du triastatate de lanthane, La(AtO3)3. La poursuite de l’oxydation de l’AtO3, avec du difluorure de xĂ©non en solution basique Ă  chaud ou avec du periodate en solution neutre ou basique, provoque la formation de l’ion perastatate, AtO4. Ce dernier est stable seulement Ă  un pH Ă©gal ou supĂ©rieur Ă  7.

L’astate pourrait Ă©galement former des cations dans des sels qui contiennent des oxyanions tels que le dichromate  ou l’iodate. En solution acide, il se prĂ©cipite avec des sels insolubles de cations mĂ©talliques comme le dichromate de thallium(I) ou l’iodate d’argent(I). Il adopte alors un Ă©tat d’oxydation positif monovalent ou intermĂ©diaire.

Composés avec les autres chalcogÚnes

On peut avoir une rĂ©action de l’astate avec les autres chalcogĂšnes. La combinaison du soufre et de l’At donne des composĂ©s tels que l’At(CSN)2− et le S7At+. Avec le tellure, il forme un colloĂŻde d’astate-tellure et avec le sĂ©lĂ©nium, on obtient un complexe de coordination sĂ©lĂ©nourĂ©e.

Réactions avec les halogÚnes légers

L’astate entre en rĂ©action avec le chlore Ă  l’état gazeux, le brome, l’iode et produit des composĂ©s interhalogĂšnes : AtCl, AtBr et AtI. Dans une solution aqueuse d’iode / iodure, on obtient Ă©galement l’AtI. Une solution d’iode/monobromure d’iode/bromure permet Ă©galement d’obtenir de l’AtBr. Quand le bromure ou l’iodure est en excĂšs, il se produit une formation d’ions AtBr2− ou AtI2−.

Dans une solution de chlorure,  les composĂ©s AtCl2− ou AtBrCl− peuvent se prĂ©cipiter dans les rĂ©actions d’Ă©quilibre. En prĂ©sence de chlorures, une molĂ©cule mal connue, apparemment de l’AtOCl ou de l’AtCl, rĂ©sulte de l’oxydation de l’astate par du dichromate.

Des complexes tels que l’AtCl2− ou l’AtOCl2− peuvent Ă©galement ĂȘtre produits. Certains polyhalogĂ©nures, tels que PbAtI, TlAtI2, CsAtI2 et PdAtI2 ont Ă©tĂ© obtenus par prĂ©cipitation, ou supposĂ©s l’avoir Ă©tĂ©.

RĂ©actions dans un spectromĂštre de masse Ă  plasma sources d’ions

Dans un spectromĂštre de masse Ă  plasma, la formation des ions [AtCl]+, [AtI]+ et [AtBr]+ a Ă©tĂ© observĂ©e. L’opĂ©ration a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en mettant une cellule remplie d’hĂ©lium contenant de l’astate en prĂ©sence de vapeurs d’halogĂšnes plus lĂ©gers. Cette observation sous-entend que des molĂ©cules neutres stables sont prĂ©sentes dans le plasma ionisĂ©.

Jusqu’Ă  prĂ©sent, aucun fluorure d’astate n’a Ă©tĂ© dĂ©couvert, peut-ĂȘtre en raison de leur grande rĂ©activitĂ©. Il est possible que le composĂ© fluorĂ© initialement obtenu rĂ©agisse avec les parois en verre du rĂ©cipient, ce qui empĂȘcherait la formation d’un produit volatil. La synthĂšse d’un fluorure d’astate pourrait nĂ©cessiter l’utilisation d’un solvant liquide de fluorure d’halogĂšne. Ce solvant serait similaire Ă  celui employĂ© pour la caractĂ©risation du fluorure de radon.

Autres composés

L’astate est capable d’établir des liaisons avec l’azote, le carbone et le bore. Divers composĂ©s du bore ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s avec des liaisons At-B, qui sont plus stables que les liaisons At-C.

Dans un cycle benzĂ©nique, l’astate peut se substituer Ă  un atome d’hydrogĂšne pour produire de l’astatobenzĂšne, C6H5At. Sous l’effet du chlore, ce dernier s’oxyde en C6H5AtCl2, lequel donne du C6H5AtO2 quand il est plongĂ© dans une solution basique d’hypochlorite.

Dans le perchlorate de dipyridine-astate(I) [At(C5H5N)2][ClO4] et son analogue nitrate, l’atome d’astate s’associe avec chaque atome d’azote des deux anneaux pyridine.

Isotopes

L’astate possĂšde 39 isotopes recensĂ©s, avec des nombres de masse allant de 191 Ă  229. Des Ă©tudes thĂ©oriques avancent qu’il pourrait exister 37 autres isotopes. Cependant, aucun isotope stable ou Ă  longue demi-vie n’a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© jusqu’Ă  prĂ©sent, et il est peu probable qu’il en existe.

Les dĂ©sintĂ©grations alpha de l’astate prĂ©sentent une tendance similaire Ă  celles des Ă©lĂ©ments lourds. Les Ă©nergies de dĂ©sintĂ©gration alpha des isotopes les plus lĂ©gers sont relativement Ă©levĂ©es. Elles diminuent avec l’augmentation de la masse atomique.

L’astate 211 se distingue par son noyau composĂ© de 126 neutrons, ce qui correspond Ă  une configuration particuliĂšre appelĂ©e « nombre magique » avec une couche neutronique complĂšte. De ce fait, son Ă©nergie est considĂ©rablement supĂ©rieure Ă  celle de l’isotope prĂ©cĂ©dent. MalgrĂ© une demi-vie lĂ©gĂšrement infĂ©rieure Ă  celle de 210At (7,2 h pour 211At, 8,1 h pour 210At), sa probabilitĂ© de dĂ©sintĂ©gration alpha est plus Ă©levĂ©e : 41,81 % contre 0,18 %. Les deux isotopes qui suivent libĂšrent encore plus d’Ă©nergie, en particulier l’astate 213 qui a la demi-vie la plus courte.

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Voici un tableau qui comporte les donnĂ©es de dĂ©sintĂ©gration alpha pour quelques isotopes de l’astate :

Données de désintégration alpha pour quelques isotopes
Nombre de
 masse
ExcĂšs de MasseDemi-vieÉnergie moyenneProbabilitĂ©
207-13,243 MeV1,80 h5,873 MeV8,6 %
208-12,491 MeV1,63 h5,752 MeV0,55 %
209-12,880 MeV5,41 h5,758 MeV4,1 %
210-11,972 MeV8,1 h5,632 MeV0,175 %
211-11,647 MeV7,21 h5,983 MeV41,8 %
212-8,621 MeV0,31 s7,825 MeV≈ 100 %
213-6,579 MeV125 ns9,255 MeV100 %
214-3,380 MeV558 ns8,986 MeV100 %
21910,397 MeV56 s6,324 MeV97 %
22014,350 MeV3,71 min6,052 MeV8 %

Les isotopes plus lourds dĂ©gagent moins d’Ă©nergie.

La prĂ©dominance de la dĂ©sintĂ©gration bĂȘta (Ă©mission d’électron) ne permet pas de dĂ©tecter les isotopes Ă  longue demi-vie. DĂšs 1950, les scientifiques ont Ă©mis l’hypothĂšse que la dĂ©sintĂ©gration principale de tous les isotopes de l’astate se produirait par voie bĂȘta. Cela a Ă©tĂ© effectivement observĂ©, sauf pour 216mAt, 215At, 214At et 213At.

L’astate 210 et les isotopes moins lourds peuvent subir une dĂ©sintĂ©gration par le mode ÎČ+ (Ă©mission de positron), l’astate 216 et les isotopes plus lourds par le mode ÎČ−. Le 212At possĂšde la capacitĂ© de se dĂ©sintĂ©grer selon ces deux modes et le 211At peut ĂȘtre soumis Ă  une capture Ă©lectronique.

L’astate 210 est l’isotope qui prĂ©sente la plus faible activitĂ© radioactive, avec une demi-vie de 8,1 heures. Il se dĂ©sintĂšgre principalement en Ă©mettant des particules ÎČ+ et en formant du polonium 210, qui est un Ă©metteur alpha avec une demi-vie de 138 jours.

Parmi les isotopes connus, seuls cinq possĂšdent une demi-vie supĂ©rieure Ă  une heure (207At Ă  211At). Le plus radioactif Ă  l’état fondamental est l’astate 213, avec une demi-vie de 125 nanosecondes. Il se dĂ©sintĂšgre en Ă©mettant des particules alpha et en formant du bismuth 209 qui est quasi stable.

L’astate possĂšde Ă©galement 24 isomĂšres nuclĂ©aires, des noyaux qui se trouvent dans un Ă©tat excitĂ© avec un ou plusieurs nuclĂ©ons. Un isomĂšre nuclĂ©aire, Ă©galement connu sous le nom de mĂ©tastable, indique que le systĂšme possĂšde une Ă©nergie interne supĂ©rieure Ă  l’Ă©tat fondamental (Ă©tat d’énergie minimale). Il a la propriĂ©tĂ© de revenir Ă  cet Ă©tat. Il est possible d’avoir plusieurs isomĂšres nuclĂ©aires pour un mĂȘme isotope.

L’isomĂšre nuclĂ©aire le moins radioactif est le 202m1At avec une demi-vie d’environ 3 minutes. En revanche, le 214m1At est le plus radioactif, avec une demi-vie de 265 nanosecondes, la plus Ă©phĂ©mĂšre de tous les autres nuclĂ©ides connus, Ă  l’exception de 213At.

Abondance de l’astate

L’astate est l’élĂ©ment le plus rare dans la nature, Ă  l’exception de quelques transuraniens. Sa quantitĂ© totale dans la croĂ»te terrestre est Ă©valuĂ©e entre 1/10 g et 30 g environ (masse de 2,36 × 1025 grammes) Ă  un moment donnĂ©. Tous les atomes d’astate prĂ©sents lors de la formation de la Terre se sont dĂ©sintĂ©grĂ©s.

Seulement quatre isotopes d’astate ont Ă©tĂ© dĂ©couverts dans la nature, dans des proportions infimes : 219At, 218At, 217At et 215At. Ils sont prĂ©sents Ă  l’Ă©tat de traces dans la croĂ»te terrestre, et sont constamment rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s par la dĂ©sintĂ©gration des isotopes principaux du neptunium 237, de l’uranium et du thorium.

À un moment donnĂ©, environ 1012 atomes d’astate 215 (environ 3,5 × 10−10 grammes) se retrouvent dans les seize premiers kilomĂštres de profondeur du continent amĂ©ricain. Le 217At est gĂ©nĂ©rĂ© par la dĂ©sintĂ©gration du neptunium 237, prĂ©sent en quantitĂ© infime dans les minerais d’uranium oĂč il est formĂ© par transmutation. Le 218At a Ă©tĂ© le premier isotope dĂ©couvert Ă  l’état naturel. L’astate 219  est l’isotope naturel dont la pĂ©riode radioactive est la plus longue, environ 56 secondes de demi-vie.

Le 210At possÚde la demi-vie la plus longue, et le 211At est le plus prometteur sur le plan médical. Toutefois, ils sont produits de maniÚre synthétique en bombardant une cible de bismuth 209 avec des particules alpha dans un cyclotron.

Par manque de donnĂ©es fiables ou par divergence, certains isotopes de l’astate ne sont pas systĂ©matiquement considĂ©rĂ©s comme existant dans la nature. Par consĂ©quent, bien que la prĂ©sence de l’astate 216 dans la nature ait Ă©tĂ© mentionnĂ©e, sa dĂ©tection est contestĂ©e et non avĂ©rĂ©e.

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SynthĂšse

Production

La premiĂšre production de l’astate a Ă©tĂ© faite par voie de synthĂšse en bombardant une cible de bismuth 209 avec des particules alpha Ă©nergĂ©tiques. Elle a ainsi permis de gĂ©nĂ©rer des isotopes Ă  demi-vie plutĂŽt longue, tels que le 211At, le 210At et le 209At.

Les quantitĂ©s d’astate produites avec les techniques modernes sont infimes, de l’ordre de 6,6 GBq (environ 86 ng, soit 2,47 × 1014 atomes) en une seule opĂ©ration. Toutefois, les cyclotrons appropriĂ©s sont insuffisants et il faut faire face aux contraintes liĂ©es Ă  la fonte de la cible. De plus, la radiolyse du solvant due Ă  l’effet cumulatif de la dĂ©sintĂ©gration de l’At prĂ©occupe les scientifiques.

Si ces derniers ont recours Ă  des techniques cryoscopiques, une production de microgrammes d’astate est possible, en irradiant une cible d’uranium ou de thorium avec des protons. Cela engendrerait du radon 211 qui muterait en 211At. Cependant, ce procĂ©dĂ© est susceptible d’entraĂźner une contamination de l’isotope produit par l’astate 210.

L’astate 211 est le seul isotope Ă  pouvoir ĂȘtre commercialisĂ©, d’oĂč son intĂ©rĂȘt, surtout mĂ©dical. Pour le produire, on utilise une cible de bismuth obtenue par pulvĂ©risation cathodique du mĂ©tal sur une surface en or, de cuivre ou d’aluminium, avec une densitĂ© de 50 Ă  100 mg cm-2. L’oxyde de bismuth, soudĂ© Ă  une plaque de Cu peut Ă©galement ĂȘtre employĂ©. La cible est maintenue dans une atmosphĂšre inerte d’azote refroidie par de l’eau afin de prĂ©venir une vaporisation prĂ©coce de l’At.

Dans un cyclotron, les particules alpha percutent le bismuth 209. Selon leur Ă©nergie, du 211At, du 210At ou du 209At se forment. L’Ă©nergie maximale de l’accĂ©lĂ©rateur de particules est maintenue Ă  une certaine valeur, soit 29,17 MeV, afin de prĂ©venir la formation de nuclĂ©ides indĂ©sirables. Cette Ă©nergie est supĂ©rieure Ă  celle nĂ©cessaire pour produire l’astate 211 et garantit sa production. Cependant, elle reste infĂ©rieure Ă  celle requise pour gĂ©nĂ©rer le 210At et empĂȘcher la crĂ©ation d’isotopes non souhaitĂ©s.

MĂ©thodes de sĂ©paration de l’astate

En tant que principal produit de la synthĂšse, l’astate formĂ© doit ĂȘtre isolĂ© de la cible et de toute contamination. Les techniques utilisĂ©es avant 1985 comprenaient souvent l’Ă©limination du polonium 210, qui se formait aussi pendant l’irradiation. Cependant, cette mesure peut ĂȘtre contournĂ©e en s’assurant que l’Ă©nergie de la ligne d’irradiation du cyclotron n’excĂšde pas une valeur seuil.

Actuellement, aprĂšs la rĂ©vision de Kugler et Keller, les diffĂ©rentes mĂ©thodes se concentrent principalement sur la sĂ©paration de l’astate de la cible et des autres contaminants. Elles sont classĂ©es en deux approches : par voie sĂšche ou par voie humide.

Extraction par voie sĂšche

Cette mĂ©thode est courante pour obtenir une forme de l’At exploitable en chimie. La cible irradiĂ©e qui renferme l’astate est portĂ©e Ă  environ 650 °C, ce qui provoque la volatilisation de l’astate. Ensuite, ce dernier est condensĂ© dans un piĂšge Ă  froid. Pour rĂ©cupĂ©rer l’astate (environ  80 %), on emploie de la soude, du mĂ©thanol ou du chloroforme.

Pour augmenter le rendement, des tempĂ©ratures plus Ă©levĂ©es jusqu’Ă  850 °C peuvent ĂȘtre utilisĂ©es. Toutefois, cette procĂ©dure prĂ©sente un risque de contamination de l’Ă©chantillon, car le bismuth est Ă©galement co-volatilisĂ©. La redistillation du condensat est alors requise.

Extraction par voie humide

Le traitement en solution acide concentrĂ©e de la cible de bismuth, gĂ©nĂ©ralement de l’acide nitrique, est suivi par l’extraction de l’astate par un solvant (thiosemicarbazide, Ă©ther de butyle ou d’isopropyle). Des Ă©tudes ont montrĂ© un rendement de sĂ©paration de l’ordre de 93 % avec de l’acide nitrique. Ce taux diminue Ă  environ 72 % aprĂšs les Ă©tapes de purification qui comprennent :

  • la distillation de l’acide nitrique ;
  • l’élimination des rĂ©sidus d’oxydes d ‘azote ;
  • la rĂ©cupĂ©ration des ions du nitrate de bismuth pour favoriser l’extraction liquide-liquide.

En raison de la manipulation de produits radioactifs dans les diverses Ă©tapes, les extractions par voie humide sont moins adaptĂ©es pour isoler de grandes quantitĂ©s d’astate. Cependant, elles peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour produire de l’At avec un degrĂ© d’oxydation spĂ©cifique. Cela permet des applications dans le domaine de la radiochimie expĂ©rimentale.

Utilisation de l’astate et prĂ©cautions

L’intĂ©rĂȘt du 211At se trouve spĂ©cialement dans le domaine de la mĂ©decine nuclĂ©aire. En raison de sa demi-vie de 7,2 heures, il doit ĂȘtre employĂ© rapidement aprĂšs sa synthĂšse. Toutefois, cette durĂ©e suffit pour mettre en Ɠuvre des stratĂ©gies de marquage en plusieurs Ă©tapes.

L’astate 211 se dĂ©sintĂšgre par Ă©mission de particules alpha vers le bismuth 207 ou par capture Ă©lectronique vers le polonium 211. Ce dernier possĂšde une demi-vie extrĂȘmement courte et Ă©met Ă©galement des particules alpha. Tout cela favorise l’utilisation de cet isotope dans l’alpha-immunothĂ©rapie, car il se dĂ©sintĂšgre soit en Ă©mettant des particules alpha vers le bismuth 207, soit en capturant un Ă©lectron vers le polonium 211. GrĂące aux rayons X Ă©mis par le polonium 211, dans une plage d’Ă©nergie de 77 Ă  92 keV, l’astate peut ĂȘtre suivi dans les animaux et les patients.

Utilisations de quelques composés de 211At en médecine nucléaire
AgentApplications
ColloĂŻdes d’astate-tellureTumeurs compartimentales
Diphosphate de 6-astato-2-méthyl-1,4-naphtaquinoleAdénocarinome
Bleu de méthylÚne radiomarquéMélanomes
Guanidine de méta-astatobenzylTumeurs neuro-endocrines
5-astato-2′-dĂ©oxyuridineDiverses
Composés de biotine radiomarquésDiverses de pré-ciblage
Octréotide radiomarquéRécepteurs de la somatostatine
Anticorps monoclonaux et fragments radiomarquésDiverses
Bisphosphonates radiomarquésMétastases osseuses

L’iode 131 est Ă©galement utilisĂ© en mĂ©decine nuclĂ©aire. Toutefois, Ă  l’opposĂ© de 211At, il Ă©met des rayonnements bĂȘta Ă  haute Ă©nergie. Ces derniers ont un pouvoir de pĂ©nĂ©tration tissulaire plus Ă©levĂ© que les rayonnements alpha Ă©mis par l’isotope 211 de l’astate (2 mm contre 70 ”m, soit trente fois plus). Cette caractĂ©ristique associĂ©e Ă  la courte demi-vie de l’Ă©tat 211 est un avantage quand la charge tumorale est faible. Il en est de mĂȘme pour les cellules cancĂ©reuses qui se trouvent Ă  proximitĂ© immĂ©diate de tissus sains.

Le dĂ©veloppement de mĂ©dicaments Ă  base d’astate pour lutter contre le cancer a Ă©tĂ© entravĂ© par divers obstacles. Les premiers essais prĂ©liminaires ont rĂ©vĂ©lĂ© la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper un agent de transport sĂ©lectif pour cibler potentiellement les cellules cancĂ©reuses. À cause de la Seconde Guerre mondiale, les recherches pour dĂ©velopper un agent de transport sĂ©lectif vers les cellules cancĂ©reuses ont dĂ» ĂȘtre stoppĂ©es pendant environ 10 ans. Par consĂ©quent, ce n’est que dans les annĂ©es 1970 que des anticorps monoclonaux, qui remplissent cette fonction, ont Ă©tĂ© disponibles sur le marchĂ©.

Contrairement Ă  l’iode, l’astate a tendance Ă  s’écarter de ces molĂ©cules de transport, en particulier des carbones hybridĂ©s sp3 (moins pour les carbones hybridĂ©s sp2). Toxique, l’astate tend Ă  s’accumuler dans le corps lorsque son isotope circule librement. Il devient alors crucial de garantir qu’il reste liĂ© Ă  sa molĂ©cule hĂŽte.

L’efficacitĂ© des molĂ©cules de transport Ă  mĂ©tabolisme lent peut ĂȘtre estimĂ©e tandis que celle des molĂ©cules Ă  mĂ©tabolisme plus rapide constituent un dĂ©fi majeur. C’est ce qui empĂȘche actuellement de faire une estimation juste de l’astate en tant que traitement mĂ©dical. La rĂ©duction de la radiolyse des molĂ©cules de transport causĂ©e par l’astate est une issue Ă  envisager pour dĂ©velopper les recherches. L’utilisation pratique de l’astate pour traiter les cancers pourrait Ă©ventuellement bĂ©nĂ©ficier Ă  un nombre considĂ©rable de patients. NĂ©anmoins, la production d’astate en quantitĂ©s suffisantes reste un dĂ©fi Ă  relever.

Des observations sur des animaux ont montrĂ© que l’astate se concentre principalement dans la thyroĂŻde, tout comme l’iode, mais dans une moindre mesure. Contrairement Ă  cette derniĂšre, l’At tend Ă©galement Ă  s’amasser dans les poumons et la rate. Cela est Ă©ventuellement causĂ© par son oxydation in vivo de At Ă  At+. Lorsqu’il est administrĂ© sous forme de radiocolloĂŻde, l’astate a une disposition Ă  se concentrer dans le foie.

Des expĂ©riences sur des rats et des singes ont conduit Ă  l’hypothĂšse que l’astate 211 endommagerait la thyroĂŻde, plus que l’iode 131. Une nĂ©crose et une dysplasie cellulaire dans la glande thyroĂŻde surviennent Ă  la suite d’injections massives de l’isotope.

Chez des rongeurs femelles, des Ă©tudes prĂ©liminaires indiquent Ă©galement que l’injection d’astate 211 entraĂźne des modifications morphologiques dans les tissus mammaires. Cependant, les avis Ă  ce propos ont Ă©tĂ© contradictoires pendant de nombreuses annĂ©es avant d’aboutir Ă  un compromis. L’effet serait plutĂŽt causĂ© par l’irradiation des tissus de la poitrine, associĂ©e aux modifications des hormones causĂ©es par l’irradiation des ovaires.

De trĂšs petites quantitĂ©s d’astate peuvent ĂȘtre manipulĂ©es en toute sĂ©curitĂ© sous une hotte aspirante. Toutefois, il faut veiller Ă  ce qu’il ne pĂ©nĂštre pas dans l’organisme.


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