La jusquiame noire (Hyoscyamus niger), originaire de l’Eurasie, est une herbacée tendre et grêle qui est catégorisée dans le rang des Solanacées. Derrière sa belle apparence se cachent des propriétés peu désirables : la jusquiame noire est une plante toxique, renfermant des alcaloïdes tropaniques tels que la scopolamine, l’atropine et l’hyoscyamine. Cette plante, également connue sous le nom de « Solanacée parasympatholytique officinale » en compagnie du datura stramoine et de la belladone, a suscité l’intérêt des experts en raison de ses propriétés pharmacologiques. Elle a été officiellement répertoriée dans la Pharmacopée européenne, soulignant son potentiel thérapeutique.
La jusquiame noire est une plante à l’apparence singulière et à l’odeur plutôt désagréable, qui peut atteindre jusqu’à 50 cm de hauteur. Son aspect est marqué par une tige poilue et épaisse, qui diffère selon la variété.
La jusquiame noire possède de nombreuses feuilles, qui se distinguent par leur texture douce et souple. Les formes basales peuvent être munies de pétioles et sont disposées en rosette. Celles du haut sont fixes ou embrassantes, de forme ovale, aux contours sinueux, divisées en lobes distincts et pinnatifides. La partie arrondie entre les deux échancrures de la feuille est triangulaire avec un sommet aigu.
Les fleurs sont disposées de manière hélicoïdale et sont directement attachées à la tige. Elles possèdent une corolle cylindrique et en forme de cloche, similaire à celle d’une campanule, mesurant entre 2 et 3 cm, et couronnée de cinq lobes circulaires. De forme tubuleuse entre 10 et 15 mm, le calice est de couleur verte et présente cinq dents. La corolle est radialement symétrique et présente une légère fusion au niveau des deux pétales inférieurs. La fleur est de couleur jaune pâle, avec des nervures pourpres ou violettes. Les cinq étamines dépassent légèrement la gorge de la fleur. La jusquiame noire fleurit de mai à septembre, offrant une période de floraison spectaculaire.
Cette plante produit un pyxide, un fruit sec qui s’ouvre pour libérer les graines à maturité. Ces dernières ont une teinte jaune-brun en forme de disque, mesurant environ 1 mm.
Il existe deux variétés de jusquiame noire : biennis, qui est bisannuelle, et annua, qui est annuelle. Cette dernière est cultivée en Europe de l’Est.
L’histoire de la plante, anciennement appelée hanebane, remonte à l’Antiquité, où elle a acquis une réputation d’hallucinogène. Les premiers écrits concernant la pharmacopée, provenant de la Mésopotamie et de l’Égypte, font mention de la jusquiame. Les tablettes sumériennes révèlent son utilisation comme hallucinogène, tandis que le papyrus Ebers énumère la jusquiame parmi de nombreuses autres drogues telles que le ricin, le séné, et l’opium. À l’Âge de Bronze, en Scandinavie, on a découvert une bière aromatisée à base de jusquiame noire, consommée dans le but d’amplifier les effets de l’ivresse. On suppose même que les guerriers vikings ont bu cette boisson.
Dans la Grèce antique, on retrouvait de la jusquiame dans les hydromels antiques, ingérés pendant les rituels de divination. Le médecin grec Dioscoride, au premier siècle, mentionne la jusquiame dans son traité sur les plantes médicinales, De Materia Medica. Il souligne l’efficacité du jus et des graines comme antalgiques pour les douleurs auriculaires et utérines. Une infusion de racines dans du vinaigre était recommandée comme bain de bouche pour soulager les maux de dents. Les graines étaient prescrites pour traiter les irritations des pieds et des yeux.
Le naturaliste romain Pline, mentionne, quant à lui, que l’hyoscyamus (jusquiame) peut provoquer une dilatation des pupilles. En effet, il rapporte que cette plante déclenche la folie et des vertiges. Il souligne les effets perturbateurs sur l’esprit et met en garde contre son utilisation hasardeuse. Malgré ces avertissements, la jusquiame est restée un remède prescrit pendant des siècles et son pouvoir anesthésique a été apprécié jusqu’à l’époque moderne. En Europe, à partir du IXe siècle, le jusquiame a servi dans la fabrication d’un soporifique, avec l’opium, le mandragore et d’autres substances. Des recettes de cette éponge soporifique provenant de divers pays ont été consignées dans des livres de chirurgie et d’antidote.
Le Grand Albert, livre de magie populaire daté du XIIIe siècle, mentionne la jusquiame noire comme « l’herbe au somme ». Elle fut longtemps considérée comme une plante aphrodisiaque magique.
Le nom scientifique Hyoscyamus est dérivé du grec hyos, qui est traduit littéralement en « porc », et de cyamos qui veut dire « fève ». C’est pourquoi il est parfois appelé « fève de porc ». Cette dénomination est reliée à l’histoire de l’Odyssée, lorsque la déesse Circé reçoit Ulysse et ses fidèles avec un festin empoisonné à la jusquiame et à d’autres substances. Après le repas, ils ont tous été transformés en porcs.
La plante est parfois nommée “Herbe aux dents” ou “Herbe aux chevaux”.
La plantation de la jusquiame noire est idéalement réalisée au printemps pour éviter les périodes hivernales, en raison de sa sensibilité au froid. Elle supporte divers types de sol, du moment qu’ils sont bien drainés. Un simple emplacement en plein soleil remplit largement les conditions pour son développement. Elle nécessite très peu d’entretien, même après sa culture.
La jusquiame noire a la capacité de se ressemer abondamment d’elle-même. Même si la plante meurt avec les premières gelées, de nouvelles pousses émergent au printemps suivant, grâce à ses graines qui se dispersent naturellement. Elle se multiplie de plusieurs façons, mais cette méthode est la plus courante. Elle pousse naturellement dans les rues, dans les cultures, sur de vieux murs ou même aux bords des chemins.
La plante offre une floraison spectaculaire qui se produit généralement de l’été jusqu’au début de l’automne. Cette période varie en fonction des conditions spécifiques de la région.
La jusquiame noire contient principalement des alcaloïdes tropaniques, qu’on retrouve en grande partie dans les graines. Ils agissent en tant que substances psychoactives et sont responsables de la toxicité de la plante. Il s’agit de :
Les feuilles présentent entre 18 et 20 % de substances minérales. En outre, la mauvaise odeur de la plante provient de la tétraméthylputrescine.
La plante connaît diverses applications thérapeutiques en Europe et en Asie, particulièrement dans la médecine traditionnelle chinoise et tibétaine. Malgré sa toxicité, elle a été inscrite dans la Pharmacopée européenne pour ses propriétés bénéfiques.
Les feuilles de la jusquiame noire, parfois mélangées avec les sommités florifères et fructifères de la plante, sont répertoriées dans la Pharmacopée européenne. Toutefois, leur teneur en alcaloïdes totaux est relativement faible pour permettre une extraction industrielle à grande échelle.
Les préparations galéniques à base de jusquiame noire sont adoptées en complément avec d’autres plantes, telles que la bourdaine et l’aloès, comme laxatif stimulant. Elle est souvent combinée à la belladone pour traiter les problèmes de digestion. En association avec l’éphédrine, elle permet de soulager les symptômes de l’asthme. Cependant, les composés à base de jusquiame noire peuvent entraîner des séquelles significatives en raison de la présence d’atropine. Des contre-indications liées au risque de glaucome, de rétention urinaire et de reflux gastro-œsophagien doivent être prises en compte lors de l’utilisation de ces préparations.
Dans la phytopharmacie chinoise, les graines de Hyoscyamus niger, connues sous le nom de Tianxianzi, sont réputées pour leurs propriétés antalgiques. Elles sont employées pour soulager les douleurs gastriques, l’épilepsie, ou encore les quintes de toux. Les praticiens de la médecine traditionnelle tibétaine se servent des graines de jusquiame noire comme anticancéreux, antipyrétiques et vermifuges.
Les alcaloïdes présents dans la jusquiame noire inhibent l’action de l’acétylcholine sur les récepteurs du système nerveux. Leur ingestion entraîne des effets secondaires indésirables tels que l’épaississement des sécrétions bronchiques, l’excitabilité, les troubles d’accommodation, l’irritabilité, la sécheresse buccale, le risque de glaucome, les palpitations, la constipation et la rétention urinaire. Ils bloquent l’activité parasympathique, menant à une confusion mentale et, à forte dose, un coma.
En raison de ses propriétés psychotropes partagées avec d’autres plantes de la famille des Solanacées vireuses telles que le datura, la belladone et la mandragore, la jusquiame noire peut induire des états modifiés de conscience. Ses manifestations incluent des sensations de lévitation et de confusion, des hallucinations, et même une impression de distorsion de la personnalité.
Des études ont démontré que l’extrait de graines de jusquiame noire dans du méthanol présente des activités significatives en termes d’analgésie, d’anti-inflammation et d’antipyrèse sur différents spécimens animaux. Les alcaloïdes tropaniques, notamment la scopolamine, hyoscyamine et l’atropine, ont été testés à des fins militaires lors de la Seconde Guerre mondiale comme « sérum de vérité ». Aujourd’hui, ces substances sont intégrées dans de nombreux traitements pour le soin de maladies neuro-dégénératives ou pour éviter le mal des transports.
La jusquiame noire présente des bienfaits pour la santé, lorsqu’elle est mélangée avec d’autres composants.
Le jus de jusquiame permet de soulager les maux de tête et de favoriser le sommeil en cas de fièvre élevée. Il faut le mélanger à du vinaigre et l’appliquer sur le front et les tempes. La teinture ou le jus calme la toux persistante, l’asthme et la coqueluche.
La teinture obtenue en immergeant les feuilles de jusquiame dans de l’huile d’olive et de l’alcool a un effet apaisant sur les peaux irritées. Elle peut ensuite être rajoutée à l’eau de bain. Vous pouvez aussi appliquer une compresse de feuilles fraîches écrasées sur les inflammations articulaires.
Les médicaments à base de jusquiame sont préconisés dans le traitement des contractions musculaires, de l’hystérie et des nerfs irritants. Ils peuvent réduire les nausées, l’agitation, et les vomissements. La jusquiame a un effet relaxant sur les cellules nerveuses, entraînant une somnolence et une réduction de la douleur. Cette propriété de la plante est importante dans le traitement de la maladie de Parkinson. Elle présente des vertus apaisantes dans les cas de calculs rénaux, d’inflammations urinaires ou de crampes abdominales.
Chaque partie de la jusquiame noire, des racines aux fleurs et aux graines, est extrêmement toxique. Toute manipulation de la plante peut causer une exposition à des substances dangereuses. Même une simple ingestion accidentelle d’une petite quantité provoque des incidences graves sur la santé. Quelques précautions sont donc à prendre face à sa dangerosité.
Quelle que soit la dose ingérée, la jusquiame noire est extrêmement toxique, voire mortelle. Les chiens, les chats et les autres animaux domestiques sont particulièrement vulnérables à ses conséquences nocives. Il est donc crucial de tenir les animaux éloignés de cette plante pour éviter tout empoisonnement.
La consommation de jusquiame noire peut avoir un certain nombre d’effets néfastes sur la santé humaine. Cela inclut des étourdissements, une augmentation de la tension artérielle, des convulsions, un engourdissement et un besoin impérieux de repos et de sommeil. Dans les cas graves, l’ingestion de la plante cause un arrêt cardiaque ou une paralysie respiratoire, pouvant mener à la mort.
La jusquiame noire présente des risques particuliers pour certaines catégories de personnes. Elle est interdite aux femmes enceintes ou allaitantes, ainsi qu’aux enfants. Sa prise est déconseillée en cas de tachycardie (accélération du rythme cardiaque), d’insuffisance cardiaque, de syndrome de Down, de fièvre, de rétention urinaire et de glaucome à angle étroit. Ces conditions de santé peuvent être aggravées par l’interaction avec les composés toxiques de la plante.
L’application d’huile de jusquiame noire sur la peau n’a pas fait l’objet d’études suffisantes en termes de sécurité. Il est donc préférable d’éviter cette pratique jusqu’à ce que des recherches approfondies soient disponibles pour évaluer son innocuité.
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