Le carraghénane, également appelé carraghénine, représente des polysaccharides soufrés (galactanes sulfatés) extraits d’algues rouges. Il est utilisé dans l’industrie alimentaire en tant qu’agent d’épaississement et de stabilisation. Portant le code E407, cet additif est incorporé dans les produits laitiers, les boissons et les desserts. Par ailleurs, cette substance est exploitée dans le domaine médical. 

Origine du carraghénane

Le carraghénane est produit à partir d’algues rouges, dont les espèces les plus exploitées sont l’Eucheuma denticulatum et le Kappaphycus alvarezii. La mousse irlandaise (Chondrus crispus) est la source initiale de ce polysaccharide, mais elle est aujourd’hui rarement utilisée à cette fin.

Le Betaphycus gelatinum donne naissance à une variété spécifique de carraghénine. Les producteurs recherchent des algues rouges d’Amérique du Sud en vue de diversifier les sources et d’extraire des carraghénanes variés. Désormais, les espèces les plus valorisées sont la Sarcothalia crispata, la Gigartina skottsbergii ainsi que la Mazzaella laminaroides. Elles sont récoltées au Chili. La Gigartina canaliculata est récoltée au Mexique, mais en petites quantités. L’Hypnea musciformis est aussi utilisée pour produire du carraghénine. Elle provient du Brésil.

En Bretagne, les goémoniers récoltent plusieurs espèces d’algues rouges, à savoir la Mastocarpus stellatus, l’Iridaea cordata et le Chondrus crispus.

Caractéristiques du carraghénane

Le carraghénane est un glucide naturel résultant de la condensation de divers sucres simples. Le tableau suivant récapitule les caractéristiques de ce composé.

Le kappa-carraghénane

Le kappa-carraghénane dispose d’un pont 3,6-anhydro-galactose et d’un groupement sulfate. Il se forme au sein de l’algue grâce à l’enzyme dékinase. Cette dernière élimine les coudes situés dans la structure en enlevant le sulfate en C-6. Cela permet de créer un pont 3,6-anhydro-galactose. La quantité de ponts 3,6-anyhydrogalactose ou 3,6-AG de cette catégorie de carraghénine est comprise entre 28 et 35 %. Le kappa-carraghénane contient jusqu’à 30 % de groupements sulfates.

L’iota-carraghénane

L’iota-carraghénane est constitué de motifs répétés de galactose et de 3,6-anhydrogalactose. Il comprend entre 32 et 39 % de groupements sulfates. Cependant, cette substance ne renferme pas de 3,6-AG. Contrairement au kappa-carraghénane qui a un seul groupement sulfate, il en possède deux. Cela le rend plus soluble dans l’eau, et lui confère des propriétés gélifiantes à des températures plus élevées.

Le lambda-carraghénane

Le lambda-carraghénane se distingue par l’absence de propriété gélifiante. Cela s’explique par sa structure moléculaire, qui est différente de celle des autres types de carraghénanes. Son degré de substitution est plus élevé. Il se caractérise par sa sulfatation en position 6, qui favorise la formation d’un coude entravant la création d’une double hélice. Cette dernière est une structure en forme de spirale responsable des propriétés gélifiantes des carraghénines. En effet, les doubles hélices s’associent entre elles pour former un réseau tridimensionnel qui retient l’eau. Celui-ci est à l’origine de la formation d’un gel thermoréversible.

La viscosité du carraghénane

La composition chimique de chaque carraghénane détermine sa viscosité. Un degré de substitution plus bas sur le squelette de galactose conduit à la formation de gels plus rigides et résistants. Parmi les carraghénines mentionnés précédemment, le kappa-carraghénane, avec le moins de groupements sulfates, produit un gel particulièrement robuste. L’iota-carraghénane, doté un niveau de substitution intermédiaire, présente un pouvoir gélifiant faible. Toutefois, il est capable de créer un gel flexible. De plus, il peut réguler la synérèse.

Utilisations du carraghénane

Le carraghénane est reconnu pour ses actions épaississante, stabilisante et gélifiante. Il est utilisé essentiellement dans l’industrie alimentaire. Cependant, ce composé s’applique aussi dans d’autres domaines.

Applications dans l’alimentation

Le carraghénine contribue à améliorer la texture des produits alimentaires sans altérer leur goût ni leur qualité. Il est donc présent dans de nombreux aliments.

Desserts et confiseries

Cette substance est utilisée dans la fabrication de puddings, de gelées, de gâteaux et de confiseries pour obtenir une bonne consistance.

Produits laitiers

Le carraghénane est fréquemment ajouté aux produits laitiers tels que les yaourts, le lait aromatisé et les desserts lactés. Il leur confère une onctuosité et une stabilité accrue. Sa présence permet aussi de prévenir la cristallisation des produits.

Sauces et condiments

Ces polysaccharides soufrés sont incorporés dans les sauces, les vinaigrettes et les condiments en vue d’améliorer leur viscosité et leur conservation.

Produits à base de viande

Le carraghénine est utilisé dans les charcuteries et les produits à base de viande transformée pour en améliorer la saveur.

Boissons

Ce composé se trouve dans les boissons végétales comme le lait d’amande, d’avoine ou de soja afin d’améliorer leur consistance. Dans les sodas, cette substance aide à maintenir les différents exhausteurs de goût en suspension.

Margarines et fromages crémeux

Cet additif alimentaire peut servir de substitut de graisse. Ainsi, il est employé lors de la fabrication des fromages crémeux et des margarines dans le but de leur conférer de la viscosité.

Utilisations dans les produits cosmétiques

Le carraghénane est utilisé comme agent gélifiant dans les soins cosmétiques tels que les crèmes, les lotions, les shampoings, les masques, etc. On le trouve également dans la plupart des gels désodorisants.

Par ailleurs, d’autres produits renferment cet additif, à savoir :

• le dentifrice ;
• le cirage pour chaussures ;
• le papier marbré ;
• les extincteurs ;
• les lubrifiants ;
• etc.

Il est employé en tant qu’excipient inactif dans les produits pharmaceutiques comme les tablettes et les pilules.

Utilisations médicales

Des études montrent que le carraghénane présente une propriété antivirale, et peut agir en tant que microbicide contre les IST ou infections sexuellement transmissibles.

Herpes Simplex Virus (HSV)

Cette substance contribue à lutter contre le HSV. Elle peut inhiber l’attachement du virus aux cellules hôtes, limitant ainsi la propagation de l’infection. En général, les lubrifiants des préservatifs et les lubrifiants anatomiques en contiennent. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour confirmer les effets de ce composé et déterminer son utilisation médicale.

Human Papillomavirus (HPV)

Le carraghénane peut combattre les HPV ou virus du papillome humain. Des études suggèrent que les lubrifiants anatomiques à base de cette substance inhibent cette infection sexuelle chez les femmes. Cependant, son utilisation médicale spécifique contre le HPV nécessite une validation clinique supplémentaire.

Virus de l’immunodéficience humaine (VIH)

Des études in vitro et réalisées chez certains animaux ont suggéré que le carraghénane pourrait avoir une certaine activité antivirale contre le VIH. Pourtant, ces recherches ne constituent pas une preuve concluante de son efficacité contre ce virus. Ainsi, des analyses plus approfondies sont requises.

Réglementations liées à l’utilisation du carraghénane

En France, l’usage de l’additif alimentaire E407 est autorisé. Ce composé est répertorié dans le Codex Alimentarius en tant que :

• stabilisant ;
• épaississant ;
• gélifiant ;
• agent d’enrobage ;
• émulsifiant ;
• humectant.

Le Codex Alimentarius représente un ensemble de codes qui visent à assurer la protection de la santé des consommateurs.

Le comité d’experts de l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a établi une dose journalière admissible de 75 mg/j/kg pour cet additif. Cette DJA est basée sur des études qui ont montré que le carraghénane est sûr pour la consommation humaine à des doses modérées.

Formulations pour enfants

Jusqu’en 2007, la concentration maximale autorisée de carraghénanes dans les produits destinés aux enfants était fixée à 300 ppm (mg/kg). Cependant, le JECFA a déconseillé l’ajout de cette substance aux denrées alimentaires destinées à cette population. Une commission de l’OMS et de la FAO concernant les additifs indique que l’utilisation d’extraits d’algue comestible dans les aliments pour enfants est interdite.

En réponse à ces avertissements, des études ont été réalisées pour évaluer la sécurité de l’utilisation de carraghénanes dans ces formulations. Les tests ont été effectués sur des porcelets pendant 28 jours. Cela équivaut à la période de 0 à 23 mois chez les humains. Au cours de cette période, la barrière intestinale des nourrissons est immature. Ainsi, les macromolécules peuvent traverser l’épithélium, et atteindre facilement la circulation sanguine. Les divers paramètres mesurés, tels que les analyses sanguines et l’effet sur le système immunitaire, etc., n’ont révélé aucune conséquence néfaste.

Grâce à ces études, le JECFA a conclu en 2015 que l’usage de carraghénines dans les préparations destinées aux nourrissons est autorisé. Néanmoins, les producteurs doivent respecter la limite maximale autorisée de 1 000 ppm (mg/L).

Effets du carraghénane sur la santé

Bien que le carraghénane soit un additif d’origine naturelle, des études scientifiques démontrent qu’il peut avoir des effets secondaires. Ce composé est associé à une augmentation du risque de développer des maladies chroniques.

Apparition des troubles gastro-intestinaux

La consommation des produits contenant du carraghénane peut favoriser le développement de l’inflammation intestinale. En effet, il est absorbé en excès par les cellules intestinales. Cela conduit à son accumulation, pouvant entraîner la formation d’ulcères, et provoquer des problèmes digestifs.

Affaiblissement du système immunitaire

L’incorporation de carraghénane dans l’alimentation perturbe le fonctionnement des enzymes bénéfiques au sein des cellules humaines. Cela risque d’entraîner des problèmes de santé tels que les troubles cardiaques et les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. La consommation excessive de cette substance est aussi susceptible de développer le cancer.

Développement de l’intolérance au glucose

L’ingestion des additifs alimentaires, y compris le carraghénane, peut provoquer une intolérance au glucose. Si cette substance est consommée régulièrement, elle accroît la résistance à l’insuline, favorisant ainsi le développement du diabète. Il est fortement recommandé d’éviter cet ingrédient, en particulier s’il est associé au Sorbitol E420.