Avec ses trois mètres de long et ses deux kilos, le carnyx impose par son apparence singulière. Cet instrument celtique appartient à la sous-famille des cuivres. Il est reconnaissable à un son guttural, rauque et assourdissant, couramment entendu dans les champs de bataille à l’âge du Fer. Il connaît plusieurs orthographes, dont « carnynx » et « carnux ».
Peu de documentations écrites apportent une description morphologique précise du carnyx. En revanche, ses représentations sur des monuments, des monnaies et d’autres objets antiques ont permis d’en spécifier les principales caractéristiques. Cet aérophone compte parmi les cuivres, avec le saxhorn, le trombone, le tuba ou encore la trompette. Il constitue davantage l’un des instruments d’ordonnance tels que le clairon et la trompette de cavalerie, entre autres.
Ce cor en tôle de bronze se présente comme une longue trompe en forme de « f » avec un pavillon recourbé et évasé, ainsi que des oreilles. Il mesure entre 1,80 et 3 m de long, comprenant trois parties principales, à savoir l’embouchure, la hure et le corps. Ce dernier comporte encore deux autres divisions, en l’occurrence le cou et le tube rectiligne. Cet instrument se compose de plusieurs éléments qui participent à la particularité du son produit. Sa version originale était constituée de 28 pièces métalliques.
Les caractéristiques du carnyx suivantes sont basées sur l’étude des modèles retrouvés au niveau du site archéologique de Tintignac. Toutefois, les éléments constitutifs sont généralement similaires pour l’ensemble de ces cuivres naturels, à savoir :
Des nuances de description peuvent apparaître dans d’autres modèles, surtout au niveau des instruments modernes.
La hure du carnynx, située sur l’extrémité supérieure, prend la forme d’une gueule ouverte d’un sanglier ou d’un autre animal effrayant. Par exemple, certaines versions portent une tête de serpent, de dragon ou de cheval. Le choix du sanglier est significatif pour les Celtes, car il incarne le courage et la puissance.
En outre, cette partie peut comporter des dispositifs au niveau des articulations des mâchoires. Cet équipement (une cloche) rend la tête d’animal amovible, capable d’osciller ou de tourner légèrement. Les oreilles ou les écoutes communiquant avec le tube peuvent atteindre une longueur allant jusqu’à 40 cm.
L’embouchure de cet instrument mesure environ 35,5 mm de diamètre externe et 17 mm de diamètre interne. La largeur du bord, faisant 9,5 mm, présente un aspect plat et incliné vers l’intérieur.
Le carnynx ne contient ni soupape ni valve. Son pavillon est positionné de manière perpendiculaire à la hure. Dans certains cas, celui-ci possède une languette de bois rivetée. Le tube central a pour fonction d’émettre des basses et des sons aigus. Des lames en métal, situées dans l’écoute, servent à donner du rythme au souffle.
Instrument de guerre commun dans les pays d’Europe occidentale et centrale, le carnyx existe depuis le IIIe siècle avant Jésus-Christ. Il apparaît dans la littérature, l’art figuratif et la mythologie celtiques. L’usage de ce cor était surtout répandu pendant l’âge de Fer, au cours duquel il servait dans la musique d’ordonnance. Ses sons effrayants et stridents lui ont également valu d’être une signature de l’acte de guerre. En effet, le carnux symbolisait la puissance militaire, en particulier lorsqu’il était joué pour annoncer une victoire.
Les fragments des plus anciens carnyx ont été découverts en 2004 sur le site archéologique de Tintignac. Les sept exemplaires trouvés dans cet endroit ont été reproduits par la société Armae en 2011, en s’inspirant d’un carnynx qui était complet, bien que brisé en 40 morceaux.
En revanche, le véritable son de ces carnux originaux était inconnu, même s’il a été possible de déterminer leur tubulure tronconique. Les spécimens de Tintignac étaient injouables. Outre ces pièces antiques, aucun autre modèle intact ou complet n’a été retrouvé. En revanche, quelques morceaux ont été déterrés en 1768 dans le Lincolnshire, puis la première tête à Deskford en 1816. L’Écosse constitue ainsi une importante réserve de vestiges de cet instrument à vent. En 1981, T. Malinowski rapporte l’existence d’une variante semblable au carnynx en Pologne, lors du dévasement de la rivière Nogat. Dans d’autres régions, comme en Suisse ou en Allemagne, d’autres éléments constitutifs, notamment des oreilles, ont été récupérés.
Le principal lieu d’usage du carnyx était les champs de bataille. Polybe, hipparque et historien romain, raconte l’effet du bruit de ce cor celtique sur les légions romaines en 225 avant Jésus-Christ. Ainsi, il a été attesté que la fonction de cet objet était psychologique, celle d’effrayer l’ennemi et de répandre un sentiment de terreur. De son côté, l’historien grec Diodore de Sicile parle de trompettes produisant « un son rauque qui convient au tumulte de la guerre ». Ce cuivre celtique était également usité pour motiver les troupes armées.
Le carnyx, initialement associé aux pays celtiques et gréco-romains, existait dans d’autres territoires éloignés. Par exemple, des recherches ont permis la découverte de représentations de cet instrument en Inde. Les spécialistes expliquent cette apparition sur des sculptures bouddhistes par la présence de mercenaires celtes jusque dans ces régions.
Les fouilles archéologiques ont permis de façonner des répliques des carnyx originaux. De plus, de nombreux professionnels (artistes, archéologues et facteurs de cuivres) commencent à s’intéresser à cet objet emblématique des guerriers celtes. Les cinq octaves de carnux en font un véritable instrument que les musiciens peuvent jouer sur scène.
En 2003, le tromboniste John Kenny interprète un concert avec le carnyx à l’occasion du festival interceltique de Lorient. Ce compositeur britannique est connu pour l’intérêt qu’il manifeste à l’égard de ce cor celtique depuis les années quatre-vingt-dix. Il représente, d’ailleurs, le premier artiste contemporain qui joue du carnynx.
En étroite collaboration avec l’artisan Jean Boisserie, l’archéologue Christophe Maniquet commande une reconstitution de cet instrument. Ce modèle, réalisé en 2012, est reproduit à partir des exemplaires de Tintignac.
Les principales connaissances sur le carnux sont issues d’iconographies et de représentations sur des objets d’époque. Il servait d’outil de communication entre les troupes, notamment grâce aux sonneurs de carnyx. Ces derniers étaient des membres de l’armée, mais ne participaient pas aux combats. Ces personnes soufflaient dans le cor en y associant un étendard pour transmettre un message particulier aux soldats.
La musique contemporaine compte des musiciens passionnés de carnynx, à l’instar de John Kenny et de Vadim Yukhnevich. Le premier a sorti un album intitulé « The voice of the carnyx ». Le second est un instrumentiste amateur qui publie régulièrement des vidéos dans lesquelles il joue de ce cor.
Assurancetourix, l’incontournable musicien des Gaulois dans les aventures d’Astérix et Obélix, jouait du carnyx. Ce genre de trompette celtique apparaît également dans des contextes funéraires.
Le carnux est aérophone, et la vibration de l’air est déclenchée par le buzz produit par les lèvres de l’instrumentiste. L’absence de piston et de coulisse en fait un cuivre de type « naturel ».
L’aspect général de l’objet, sa taille et ses éléments constitutifs, suggère une création séparée des pièces, suivie d’un assemblage et de finitions. Les hypothèses avancent des raccords mécaniques à froid par emboîtage et des raccords métalliques à chaud par brasure d’étain.
Aucun texte ne retrace le processus de fabrication du carnyx. En revanche, des travaux d’étude et d’observations ont aidé à reconstituer sa conception technique. Les archéologues ont examiné de près les spécimens retrouvés pour repérer ou supposer les étapes de facture.
L’illustration des postures des sonneurs présume également une conception réfléchie en matière de stabilité et de légèreté. Les tôles utilisées doivent ainsi être de faibles épaisseurs pour répondre à ces critères d’usage.
Les observations ont démontré :
Le découpage des contours représente une étape cruciale, notamment pour obtenir :
Outre le martelage, certains composants de l’instrument sont obtenus grâce à un traçage par ciselure, avec une déformation au moyen de ciselets. Les artisans se munissent de ces ciseaux pour les détails décoratifs et les fentes des deux côtés de la hure, entre autres.
Les études des exemplaires déterrés montrent aussi l’éventuel recours à la technique de la cire perdue. Celle-ci est pratiquée pour couler les anneaux et l’embouchure.
La plupart des représentations montrent des sonneurs de carnyx qui jouent debout, maintenant la base de l’instrument avec le bras gauche. Ils ont la tête légèrement relevée, probablement pour souffler dans l’embouchure. De cette façon, la colonne d’air se propage jusqu’au pavillon. En revanche, le poids des anciens modèles ne permet aucun jeu prolongé. Les instrumentistes d’autrefois, des guerriers notamment, se contentaient de les sonner brièvement selon le contexte. En ce sens, aucune source ne peut suggérer d’éventuels concerts utilisant ce cuivre celtique.
Pour jouer du carnynx, le musicien plaque ses lèvres contre l’embouchure au passage de l’air. La tension des lèvres et la contraction des muscles situées autour de celles-ci permettent de jouer des notes aiguës ou graves. La vitesse de vibration détermine la fréquence fondamentale. En outre, le corps constitue le résonateur acoustique en interceptant le son pour donner des fréquences de résonance. À titre d’indication, la surpression d’air à 0,1 bar par la contraction des lèvres produit une note aiguë.
De perce conique, cet aérophone figure parmi les cuivres doux, à l’instar du cornet à pistons et du bugle. Ces modèles sont connus pour leur son feutré et moins brillant comparé à celui des cuivres clairs de perce cylindrique.
Aucune partition ne fournit la notation musicale du carnux. Seule la reconstitution des exemplaires retrouvés, appuyée par des observations minutieuses, a permis d’en reconnaître la sonorité.
Par sa rareté, le carnyx ne figure pas encore sur la liste des instruments enseignés dans les écoles de musique. Son apprentissage passe ainsi par le visionnage de vidéos et de documentaires sur Internet. Des musiciens professionnels et amateurs proposent des contenus multimédias, avec des démos, qui expliquent la fabrication et le fonctionnement du carnynx.
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