X

Astate

element-chimique-85-astate

Caractéristiques de l’astate

  • Symbole : At
  • Masse atomique : 210 u
  • Numéro CAS : 142364-73-6
  • Configuration électronique : [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p5
  • Numéro atomique : 85
  • Groupe : 17
  • Bloc : Bloc p
  • Famille d’éléments :Halogène/métalloïde
  • Électronégativité : 2,2
  • Point de fusion : 302 °C

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L’Astate, élément atomique n°85 de symbole At : sa découverte, ses caractéristiques, ses composés, ses isotopes, son abondance, sa synthèse et ses utilisations.

L’Astate est symbolisé par At et son numéro atomique est le 85. L’At est classé dans le groupe 17, connu sous le nom de groupe des halogènes. Il se situe dans la 6e période du tableau et fait partie du bloc p. Sa configuration électronique particulière est [Xe] 4f14 5d10 6s2 6p5,  avec des électrons répartis par niveau d’énergie en 2, 8, 18, 32, 18 et 7. L’astate occupe une position spécifique dans le tableau périodique des éléments. Il est considéré à la fois comme un halogène et un métalloïde en raison de ses propriétés chimiques et physiques.

Découverte et étymologie

En 1869, lors de la publication du tableau périodique des éléments par Dmitri Mendeleïev, un vide subsistait sous l’iode. Une fois que Niels Bohr ait fini la classification des éléments, il semblait évident qu’un cinquième halogène devrait occuper cette position. Cet élément hypothétique a été désigné sous le nom d’éka-iode (eka-iodine en anglais), car son rang était juste en dessous de l’iode (comme l’éka-césium, l’éka-bore et d’autres). Au fil du temps, de multiples fausses découvertes ont été faites, compte tenu de sa rareté exceptionnelle.

En 1931, Fred Allison et ses collègues de l’Institut polytechnique d’Alabama (actuelle Université d’Auburn) déclarent avoir découvert l’éka-iode. Ils avaient exploité 45 kg de monazite en provenance de Brésil pour extraire l’élément. Ils le nomment « alabame » (en anglais « alabamine ») en référence à l’Alabama, avec pour symbole Am, par la suite changé en Ab. Cependant, en 1934, Herbert G. MacPherson de l’université de Californie à Berkeley invalide cette méthode d’extraction et la prétendue découverte.

En 1937, Rajendralal, chimiste indien, prétend avoir découvert un nouvel élément avec le numéro atomique 85, obtenu à partir de la monazite. Il choisit le nom de « dakin »,  probablement inspiré par la ville de Dacca où il menait ses recherches, puis « dekhine ». Il affirme l’avoir isolé à partir de la chaîne de désintégration du thorium, où il occuperait une position similaire à celle du radium F (polonium 210) dans la série du radium. Cependant, les propriétés du dakin ne concordent pas avec celles de l’astate. Aucun isotope d’At n’est présent dans la chaîne de désintégration du thorium, même dans les voies de désintégration mineures. Par conséquent, l’origine réelle du dakin demeure inconnue.

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En 1936, le Roumain Horia Hulubei et la Française Yvette Cauchois affirment avoir découvert l’élément 85 en utilisant la spectroscopie des rayons X. Leur article publié en 1939 maintient et complète leurs données initiales de 1936. En 1944, Hulubei récapitule ces informations et soutient qu’elles ont été validées par d’autres chercheurs. Il baptise l’élément « dor », un mot roumain signifiant « désir, nostalgie ». Cependant, en 1947, Friedrich Paneth, scientifique autrichien, remet cette affirmation en question. En effet, bien que les échantillons d’Hulubei contiennent de l’astate, ses méthodes de détection étaient jugées insuffisantes, selon les normes contemporaines, pour garantir une identification fiable.

En 1940, Walter Minder, chimiste suisse, affirme avoir découvert l’élément 85 dans les produits de désintégration bêta du radium A (polonium 218). Il lui attribue le nom « helvetium » en référence à la Suisse. Malgré leurs efforts, Berta Karlik et Traude Bernert, deux physiciennes autrichiennes, ne peuvent reproduire son expérimentation. Ils estiment alors que ses résultats faisaient suite à une contamination du flux de radon, le radon 222 étant l’isotope parent du polonium 218.

Cette même année, Dale R. Corson, K. R. MacKenzie et Emilio Segrè de l’université de Californie à Berkeley réussissent enfin à isoler l’élément 85. Ils font le choix de le synthétiser par bombardement du bismuth 209 avec des particules alpha dans un cyclotron. Cette réaction engendre la formation de l’astate 211, premier isotope de l’astate à être formellement identifié.

À cette époque, tout nouvel élément qui n’a pas été décelé dans la nature, mais créé artificiellement en quantités invisibles, ne peut avoir une reconnaissance complète. Aussi, les trois chercheurs s’abstiennent de proposer un nom. Par ailleurs, les chimistes hésitent à accorder la légitimité aussi bien aux radioisotopes qu’aux isotopes stables.

En 1942, en collaboration avec la scientifique britannique Alice Leigh -Smith, Minder rapporte la découverte d’un autre isotope de l’élément 85, apparemment issu de la désintégration bêta du thorium A (polonium 216). Ils le baptisent « anglo-helvetium » en référence à leurs pays respectifs. Une fois de plus, Bernert et Karlik ne réussissent pas à obtenir les mêmes résultats.

En 1943, les deux autrichiennes, Karlik et Bernert détectent la présence de l’astate dans deux séries de désintégration naturelle, d’abord dans celle de l’uranium 238, puis dans celle de l’uranium 235. Par la suite, l’observation de la chaîne principale de désintégration du neptunium 237 le met en évidence. Toutefois, cette présence est restreinte en raison de la rareté du neptunium à l’état naturel. En effet, il ne peut être produit que par capture neutronique dans les minéraux d’uranium.

En 1946, Friedrich Paneth, chimiste britannique d’origine autrichienne, plaide en faveur de la reconnaissance des éléments synthétiques. Il met en avant la récente confirmation de leur présence dans la nature et suggère que les découvreurs aient le droit de les nommer.

En début de l’année 1947, une lettre de Dale R. Corson, K. R. MacKenzie et Emilio Segrè est publiée dans la revue Nature, dans laquelle les trois physiciens américains proposent le nom anglais « astatine » pour l’élément 85. Dérivé du mot grec « ástatos », il signifie « instable », vu la facilité de l’élément à se désintégrer. En anglais, la terminaison -ine caractérise les halogènes, maintenant la tradition de leur attribuer un nom en fonction de l’une de leurs propriétés. En 1949, l’Union internationale de chimie pure et appliquée valide leur proposition.

Initialement, l’astate était considéré comme un métal et classé en tant que tel par Corson et ses collègues qui se basaient sur sa chimie analytique. Par la suite, leurs observations approfondies ont révélé un comportement identique à celui de l’iode, à la fois sous forme amphotérique et cationique. Dans une rétrospective en 2003, Corson souligne que « certaines propriétés de l’astate sont similaires à celles de l’iode », mais que l’élément « présente également des propriétés métalliques, plus proches de celles du polonium et du bismuth, ses voisins métalliques ».

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Caractéristiques et propriétés de l’astate

L’astate est un radioélément formé par la désintégration radioactive d’éléments plus lourds. Il est le plus rare des éléments chimiques naturels non transuraniens présents dans la croûte terrestre. Tous ses isotopes ont une demi-vie courte et le plus stable est l’astate 210 avec une période radioactive de 8,1 heures. Ils se décomposent  en d’autres isotopes de l’astate, du radon, du polonium ou du bismuth.

La plupart de ces isotopes sont très instables, avec des demi-vies inférieures à une seconde. Seul le francium est plus radioactif que les isotopes de l’astate, parmi les 101 premiers éléments de la classification périodique. Bien que moins radioactifs que ce dernier, tous les isotopes de l’At sont des produits de synthèse.

Les propriétés macroscopiques de l’astate ne sont pas bien connues en raison de sa courte demi-vie, ce qui rend difficile la production de quantités plus représentatives. Comparé à un gramme de radium, 0,5 µg d’At est plus radioactif. Il n’a jamais été possible de produire d’échantillon visible de cet élément. En effet, la chaleur intense produite par sa radioactivité le vaporiserait rapidement.

Il reste à déterminer si, grâce à un refroidissement adéquat, une couche mince d’astate pourrait être constituée à l’échelle macroscopique. Bien que classé parmi les non-métaux ou les métalloïdes, l’astate peut former une phase métallique.

En raison de sa rareté et de sa radioactivité, les propriétés de l’astate en tant que matériau sont méconnues. Il est présumé être un analogue chimique plus lourd de l’iode et appartenir au groupe des halogènes. Apparemment, un échantillon d’At serait de couleur sombre et pourrait avoir des caractéristiques de semi-conducteur ou peut-être de métal. Sa température de fusion supposée serait plus élevée que celle de l’iode.

Chimiquement, il a la capacité d’élaborer des espèces anioniques similaires à l’iode et également de réagir comme un métal, formant un cation monoatomique stable en solution aqueuse.

Propriétés physiques de l’astate

Les propriétés physiques de l’astate ont principalement été évaluées à l’aide de méthodes théoriques ou semi-empiriques. Chez les halogènes, plus ils sont lourds, plus leur couleur s’assombrit : violet-gris sombre pour l’iode, brun-rouge pour le brome, vert-jaune pour le chlore et incolore pour le fluor. En se basant sur cette propriété, en tant que métalloïde, l’astate pourrait être un solide de couleur noire.

En tant que métal, l’astate aurait une apparence métallique. Toujours chez les halogènes, les points d’ébullition et de fusion augmentent avec le numéro atomique. Selon ces estimations, celles de l’astate seraient respectivement de 610 et de 575 K (soit 337 et 302 °C). Toutefois, des études expérimentales ont donné des valeurs inférieures, avec une température d’ébullition de 503 K pour l’astate diatomique.

La pression de vapeur de l’At est inférieure à celle de l’iode, impliquant ainsi qu’il se sublime moins vite également. Malgré cela, la moitié d’une quantité donnée d’astate se volatiserait en une heure, à température ambiante, si elle est déposée sur une surface en verre propre.

Les raies d’absorption dans la région des ultraviolets moyens du spectre de l’astate révèlent des transitions électroniques entre les orbitales 6p et 7s.

La structure solide de l’astate demeure encore inconnue. Étant à la fois analogue de l’iode et halogène, il serait doté une structure cristalline orthorhombique. Cette structure serait composée de molécules d’At diatomique, qui lui conférerait une propriété de semi-conducteur avec une bande interdite de 0,7eV. Toutefois, sous une forme condensée, il réagit plus comme un métal. Éventuellement, il adopterait une cristallisation dans un système cubique à faces centrées. Dans cet état, l’astate pourrait même manifester des propriétés supraconductrices, tout comme l’iode qui adopte une telle phase sous haute pression.

Les résultats expérimentaux qui prouvent l’existence de l’astate diatomique (At2) sont rares et non concluants. En effet, les affirmations sur sa présence sont contradictoires. Malgré cette controverse, plusieurs caractéristiques de l’At diatomique ont été prédites :

  • une chaleur latente de vaporisation (∆Hvap) d’environ 54,39 kJ mol−1,
  • une énergie de dissociation d’environ 83,7 ± 12,5 kJ mol−1,
  • une longueur de liaison estimée à environ 300 ± 10 pm.

La valeur de sa chaleur latente de vaporisation suppose qu’à l’état liquide, l’astate serait métallique. En effet, tous les éléments dont cette valeur est supérieure à environ 42 kJ mol−1 le sont dans cet état.  

Propriétés chimiques de l’astate

La compréhension de la chimie de l’astate n’est pas facile, car les concentrations utilisées en expérience sont très faibles, sans compter les éventuelles réactions avec les sous-produits radioactifs,  les filtres, les parois ou les impuretés.

Dans des solutions très diluées, les propriétés chimiques de l’astate sont apparentes même si sa concentration est très basse, inférieure à 10-10 mol/L (correspondant à une activité d’environ 1,6 GBq/L). Des propriétés similaires à celles des autres halogènes sont constatées, comme la formation d’anions. Par ailleurs, l’At a des caractéristiques métalliques qui se manifestent par :

  • sa capacité à se déposer sur une cathode et à former des précipités avec d’autres sulfures métalliques dans l’acide chlorhydrique,
  • sa formation d’un cation monoatomique stable en solution aqueuse,
  • son aptitude à former des complexes avec l’EDTA, un agent chélatant,
  • sa réactivité similaire à celle d’un métal lors du marquage d’anticorps.

Quand il est à son état d’oxydation +I, l’astate est semblable à l’argent. Cependant, dans l’ensemble, il est similaire à l’iode et est capable de former des liaisons halogènes plus facilement que ce dernier.

Concernant ses propriétés électronégatives, l’At a une valeur de 2,2 sur l’échelle révisée de Pauling. Cette valeur est inférieure à celle de l’iode mais égale à celle de l’hydrogène. Dans le complexe HAt (astature d’hydrogène), on suppose que l’ion est supporté par l’hydrogène. Par conséquent, ce composé devrait plutôt être appelé hydrogénure d’astate, ce qui est en adéquation avec la valeur de l’électronégativité de 1,9 sur l’échelle d’Allred-Rochow (inférieure à celle de hydrogène 2,2).

En 2011, il a été supposé que l’affinité électronique de l’astate serait environ un tiers inférieure à celle du chlore. Ce dernier possède la plus grande affinité électronique parmi les halogènes, en raison des interactions spin-orbite. Cette prédiction a été confirmée en 2020, avec une valeur d’affinité électronique évaluée à 233 kJ/mol.

Les composés de l’astate

L’astate présente une réactivité inférieure à celle de l’iode qui est déjà le moins réactif parmi les autres halogènes. En raison de sa désintégration radioactive, seules de très petites quantités de ses composés ont pu être synthétisées et étudiées. Les réactions ont principalement été examinées en utilisant des solutions d’astate réduites mélangées à des proportions plus importantes d’iode. Cette approche permet de garantir une quantité de matière suffisante pour réaliser les techniques de laboratoire courantes telles que la précipitation ou la filtration.

L’astate peut adopter différents niveaux d’oxydation allant de -1 à +7 en nombre impair, tout comme l’iode. Des composés de l’astate avec l’hydrogène, les métaux, les alcalins et les chalcogènes sont également connus.

Composés avec les métaux

Les composés associés à l’At sont rares. Parmi ceux qui ont été identifiés peuvent être cités l’astature de plomb, de thallium, d’argent, de palladium et de sodium. À partir de l’observation des halogénures d’autres métaux, les caractéristiques des astatures d’argent et de sodium, ainsi que celles d’autres astatures d’éléments alcalins et alcalino-terreux, ont pu être évaluées.

Composés avec l’hydrogène

Les précurseurs de la chimie de l’astate ont observé que l’acidification de l’At par l’acide nitrique dilué provoque la formation d’un composé d’astate et d’hydrogène, couramment nommé astature d’hydrogène. Le nom d’hydrogénure d’astate est plus approprié pour ce composé qui s’oxyde très vite. Dans la réaction, un cation At0 ou At+ se forme. Si on ajoute l’argent (I), la précipitation en astature d’argent (AgAt) ne se fera qu’en partie. En revanche, l’iode ne sera pas oxydé et on assistera à la formation d’un iodure d’argent(I).

Composés avec l’oxygène et les oxyanions

Dans une solution aqueuse d’acide perchlorique, les ions AtO et AtO+ ont été formés en faisant réagir l’astate avec des oxydants tels que le persulfate de sodium ou le brome élémentaire. Initialement identifié comme AtO2, le composé est en fait du AtO(OH)2, un produit de l’hydrolyse de AtO+ (tout comme l’est l’AtOOH). L’oxydation de l’astate avec l’hypochlorite de potassium en présence d’hydroxyde de potassium engendre l’anion AtO3.

Dans une solution chaude de Na2S2O8, l’oxydation de l’astate entraîne la formation du triastatate de lanthane, La(AtO3)3. La poursuite de l’oxydation de l’AtO3, avec du difluorure de xénon en solution basique à chaud ou avec du periodate en solution neutre ou basique, provoque la formation de l’ion perastatate, AtO4. Ce dernier est stable seulement à un pH égal ou supérieur à 7.

L’astate pourrait également former des cations dans des sels qui contiennent des oxyanions tels que le dichromate  ou l’iodate. En solution acide, il se précipite avec des sels insolubles de cations métalliques comme le dichromate de thallium(I) ou l’iodate d’argent(I). Il adopte alors un état d’oxydation positif monovalent ou intermédiaire.

Composés avec les autres chalcogènes

On peut avoir une réaction de l’astate avec les autres chalcogènes. La combinaison du soufre et de l’At donne des composés tels que l’At(CSN)2 et le S7At+. Avec le tellure, il forme un colloïde d’astate-tellure et avec le sélénium, on obtient un complexe de coordination sélénourée.

Réactions avec les halogènes légers

L’astate entre en réaction avec le chlore à l’état gazeux, le brome, l’iode et produit des composés interhalogènes : AtCl, AtBr et AtI. Dans une solution aqueuse d’iode / iodure, on obtient également l’AtI. Une solution d’iode/monobromure d’iode/bromure permet également d’obtenir de l’AtBr. Quand le bromure ou l’iodure est en excès, il se produit une formation d’ions AtBr2 ou AtI2.

Dans une solution de chlorure,  les composés AtCl2 ou AtBrCl peuvent se précipiter dans les réactions d’équilibre. En présence de chlorures, une molécule mal connue, apparemment de l’AtOCl ou de l’AtCl, résulte de l’oxydation de l’astate par du dichromate.

Des complexes tels que l’AtCl2ou l’AtOCl2 peuvent également être produits. Certains polyhalogénures, tels que PbAtI, TlAtI2, CsAtI2 et PdAtI2 ont été obtenus par précipitation, ou supposés l’avoir été.

Réactions dans un spectromètre de masse à plasma sources d’ions

Dans un spectromètre de masse à plasma, la formation des ions [AtCl]+, [AtI]+ et [AtBr]+ a été observée. L’opération a été réalisée en mettant une cellule remplie d’hélium contenant de l’astate en présence de vapeurs d’halogènes plus légers. Cette observation sous-entend que des molécules neutres stables sont présentes dans le plasma ionisé.

Jusqu’à présent, aucun fluorure d’astate n’a été découvert, peut-être en raison de leur grande réactivité. Il est possible que le composé fluoré initialement obtenu réagisse avec les parois en verre du récipient, ce qui empêcherait la formation d’un produit volatil. La synthèse d’un fluorure d’astate pourrait nécessiter l’utilisation d’un solvant liquide de fluorure d’halogène. Ce solvant serait similaire à celui employé pour la caractérisation du fluorure de radon.

Autres composés

L’astate est capable d’établir des liaisons avec l’azote, le carbone et le bore. Divers composés du bore ont été élaborés avec des liaisons At-B, qui sont plus stables que les liaisons At-C.

Dans un cycle benzénique, l’astate peut se substituer à un atome d’hydrogène pour produire de l’astatobenzène, C6H5At. Sous l’effet du chlore, ce dernier s’oxyde en C6H5AtCl2, lequel donne du C6H5AtO2 quand il est plongé dans une solution basique d’hypochlorite.

Dans le perchlorate de dipyridine-astate(I) [At(C5H5N)2][ClO4] et son analogue nitrate, l’atome d’astate s’associe avec chaque atome d’azote des deux anneaux pyridine.

Isotopes

L’astate possède 39 isotopes recensés, avec des nombres de masse allant de 191 à 229. Des études théoriques avancent qu’il pourrait exister 37 autres isotopes. Cependant, aucun isotope stable ou à longue demi-vie n’a été détecté jusqu’à présent, et il est peu probable qu’il en existe.

Les désintégrations alpha de l’astate présentent une tendance similaire à celles des éléments lourds. Les énergies de désintégration alpha des isotopes les plus légers sont relativement élevées. Elles diminuent avec l’augmentation de la masse atomique.

L’astate 211 se distingue par son noyau composé de 126 neutrons, ce qui correspond à une configuration particulière appelée « nombre magique » avec une couche neutronique complète. De ce fait, son énergie est considérablement supérieure à celle de l’isotope précédent. Malgré une demi-vie légèrement inférieure à celle de 210At (7,2 h pour 211At, 8,1 h pour 210At), sa probabilité de désintégration alpha est plus élevée : 41,81 % contre 0,18 %. Les deux isotopes qui suivent libèrent encore plus d’énergie, en particulier l’astate 213 qui a la demi-vie la plus courte.

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Voici un tableau qui comporte les données de désintégration alpha pour quelques isotopes de l’astate :

Données de désintégration alpha pour quelques isotopes
Nombre de
 masse
Excès de MasseDemi-vieÉnergie moyenneProbabilité
207-13,243 MeV1,80 h5,873 MeV8,6 %
208-12,491 MeV1,63 h5,752 MeV0,55 %
209-12,880 MeV5,41 h5,758 MeV4,1 %
210-11,972 MeV8,1 h5,632 MeV0,175 %
211-11,647 MeV7,21 h5,983 MeV41,8 %
212-8,621 MeV0,31 s7,825 MeV≈ 100 %
213-6,579 MeV125 ns9,255 MeV100 %
214-3,380 MeV558 ns8,986 MeV100 %
21910,397 MeV56 s6,324 MeV97 %
22014,350 MeV3,71 min6,052 MeV8 %

Les isotopes plus lourds dégagent moins d’énergie.

La prédominance de la désintégration bêta (émission d’électron) ne permet pas de détecter les isotopes à longue demi-vie. Dès 1950, les scientifiques ont émis l’hypothèse que la désintégration principale de tous les isotopes de l’astate se produirait par voie bêta. Cela a été effectivement observé, sauf pour 216mAt, 215At, 214At et 213At.

L’astate 210 et les isotopes moins lourds peuvent subir une désintégration par le mode β+ (émission de positron), l’astate 216 et les isotopes plus lourds par le mode β. Le 212At possède la capacité de se désintégrer selon ces deux modes et le 211At peut être soumis à une capture électronique.

L’astate 210 est l’isotope qui présente la plus faible activité radioactive, avec une demi-vie de 8,1 heures. Il se désintègre principalement en émettant des particules β+ et en formant du polonium 210, qui est un émetteur alpha avec une demi-vie de 138 jours.

Parmi les isotopes connus, seuls cinq possèdent une demi-vie supérieure à une heure (207At à 211At). Le plus radioactif à l’état fondamental est l’astate 213, avec une demi-vie de 125 nanosecondes. Il se désintègre en émettant des particules alpha et en formant du bismuth 209 qui est quasi stable.

L’astate possède également 24 isomères nucléaires, des noyaux qui se trouvent dans un état excité avec un ou plusieurs nucléons. Un isomère nucléaire, également connu sous le nom de métastable, indique que le système possède une énergie interne supérieure à l’état fondamental (état d’énergie minimale). Il a la propriété de revenir à cet état. Il est possible d’avoir plusieurs isomères nucléaires pour un même isotope.

L’isomère nucléaire le moins radioactif est le 202m1At avec une demi-vie d’environ 3 minutes. En revanche, le 214m1At est le plus radioactif, avec une demi-vie de 265 nanosecondes, la plus éphémère de tous les autres nucléides connus, à l’exception de 213At.

Abondance de l’astate

L’astate est l’élément le plus rare dans la nature, à l’exception de quelques transuraniens. Sa quantité totale dans la croûte terrestre est évaluée entre 1/10 g et 30 g environ (masse de 2,36 × 1025 grammes) à un moment donné. Tous les atomes d’astate présents lors de la formation de la Terre se sont désintégrés.

Seulement quatre isotopes d’astate ont été découverts dans la nature, dans des proportions infimes : 219At, 218At, 217At et 215At. Ils sont présents à l’état de traces dans la croûte terrestre, et sont constamment régénérés par la désintégration des isotopes principaux du neptunium 237, de l’uranium et du thorium.

À un moment donné, environ 1012 atomes d’astate 215 (environ 3,5 × 10−10 grammes) se retrouvent dans les seize premiers kilomètres de profondeur du continent américain. Le 217At est généré par la désintégration du neptunium 237, présent en quantité infime dans les minerais d’uranium où il est formé par transmutation. Le 218At a été le premier isotope découvert à l’état naturel. L’astate 219  est l’isotope naturel dont la période radioactive est la plus longue, environ 56 secondes de demi-vie.

Le 210At possède la demi-vie la plus longue, et le 211At est le plus prometteur sur le plan médical. Toutefois, ils sont produits de manière synthétique en bombardant une cible de bismuth 209 avec des particules alpha dans un cyclotron.

Par manque de données fiables ou par divergence, certains isotopes de l’astate ne sont pas systématiquement considérés comme existant dans la nature. Par conséquent, bien que la présence de l’astate 216 dans la nature ait été mentionnée, sa détection est contestée et non avérée.

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Synthèse

Production

La première production de l’astate a été faite par voie de synthèse en bombardant une cible de bismuth 209 avec des particules alpha énergétiques. Elle a ainsi permis de générer des isotopes à demi-vie plutôt longue, tels que le 211At, le 210At et le 209At.

Les quantités d’astate produites avec les techniques modernes sont infimes, de l’ordre de 6,6 GBq (environ 86 ng, soit 2,47 × 1014 atomes) en une seule opération. Toutefois, les cyclotrons appropriés sont insuffisants et il faut faire face aux contraintes liées à la fonte de la cible. De plus, la radiolyse du solvant due à l’effet cumulatif de la désintégration de l’At préoccupe les scientifiques.

Si ces derniers ont recours à des techniques cryoscopiques, une production de microgrammes d’astate est possible, en irradiant une cible d’uranium ou de thorium avec des protons. Cela engendrerait du radon 211 qui muterait en 211At. Cependant, ce procédé est susceptible d’entraîner une contamination de l’isotope produit par l’astate 210.

L’astate 211 est le seul isotope à pouvoir être commercialisé, d’où son intérêt, surtout médical. Pour le produire, on utilise une cible de bismuth obtenue par pulvérisation cathodique du métal sur une surface en or, de cuivre ou d’aluminium, avec une densité de 50 à 100 mg cm-2. L’oxyde de bismuth, soudé à une plaque de Cu peut également être employé. La cible est maintenue dans une atmosphère inerte d’azote refroidie par de l’eau afin de prévenir une vaporisation précoce de l’At.

Dans un cyclotron, les particules alpha percutent le bismuth 209. Selon leur énergie, du 211At, du 210At ou du 209At se forment. L’énergie maximale de l’accélérateur de particules est maintenue à une certaine valeur, soit 29,17 MeV, afin de prévenir la formation de nucléides indésirables. Cette énergie est supérieure à celle nécessaire pour produire l’astate 211 et garantit sa production. Cependant, elle reste inférieure à celle requise pour générer le 210At et empêcher la création d’isotopes non souhaités.

Méthodes de séparation de l’astate

En tant que principal produit de la synthèse, l’astate formé doit être isolé de la cible et de toute contamination. Les techniques utilisées avant 1985 comprenaient souvent l’élimination du polonium 210, qui se formait aussi pendant l’irradiation. Cependant, cette mesure peut être contournée en s’assurant que l’énergie de la ligne d’irradiation du cyclotron n’excède pas une valeur seuil.

Actuellement, après la révision de Kugler et Keller, les différentes méthodes se concentrent principalement sur la séparation de l’astate de la cible et des autres contaminants. Elles sont classées en deux approches : par voie sèche ou par voie humide.

Extraction par voie sèche

Cette méthode est courante pour obtenir une forme de l’At exploitable en chimie. La cible irradiée qui renferme l’astate est portée à environ 650 °C, ce qui provoque la volatilisation de l’astate. Ensuite, ce dernier est condensé dans un piège à froid. Pour récupérer l’astate (environ  80 %), on emploie de la soude, du méthanol ou du chloroforme.

Pour augmenter le rendement, des températures plus élevées jusqu’à 850 °C peuvent être utilisées. Toutefois, cette procédure présente un risque de contamination de l’échantillon, car le bismuth est également co-volatilisé. La redistillation du condensat est alors requise.

Extraction par voie humide

Le traitement en solution acide concentrée de la cible de bismuth, généralement de l’acide nitrique, est suivi par l’extraction de l’astate par un solvant (thiosemicarbazide, éther de butyle ou d’isopropyle). Des études ont montré un rendement de séparation de l’ordre de 93 % avec de l’acide nitrique. Ce taux diminue à environ 72 % après les étapes de purification qui comprennent :

  • la distillation de l’acide nitrique ;
  • l’élimination des résidus d’oxydes d ‘azote ;
  • la récupération des ions du nitrate de bismuth pour favoriser l’extraction liquide-liquide.

En raison de la manipulation de produits radioactifs dans les diverses étapes, les extractions par voie humide sont moins adaptées pour isoler de grandes quantités d’astate. Cependant, elles peuvent être utilisées pour produire de l’At avec un degré d’oxydation spécifique. Cela permet des applications dans le domaine de la radiochimie expérimentale.

Utilisation de l’astate et précautions

L’intérêt du 211At se trouve spécialement dans le domaine de la médecine nucléaire. En raison de sa demi-vie de 7,2 heures, il doit être employé rapidement après sa synthèse. Toutefois, cette durée suffit pour mettre en œuvre des stratégies de marquage en plusieurs étapes.

L’astate 211 se désintègre par émission de particules alpha vers le bismuth 207 ou par capture électronique vers le polonium 211. Ce dernier possède une demi-vie extrêmement courte et émet également des particules alpha. Tout cela favorise l’utilisation de cet isotope dans l’alpha-immunothérapie, car il se désintègre soit en émettant des particules alpha vers le bismuth 207, soit en capturant un électron vers le polonium 211. Grâce aux rayons X émis par le polonium 211, dans une plage d’énergie de 77 à 92 keV, l’astate peut être suivi dans les animaux et les patients.

Utilisations de quelques composés de 211At en médecine nucléaire
AgentApplications
Colloïdes d’astate-tellureTumeurs compartimentales
Diphosphate de 6-astato-2-méthyl-1,4-naphtaquinoleAdénocarinome
Bleu de méthylène radiomarquéMélanomes
Guanidine de méta-astatobenzylTumeurs neuro-endocrines
5-astato-2′-déoxyuridineDiverses
Composés de biotine radiomarquésDiverses de pré-ciblage
Octréotide radiomarquéRécepteurs de la somatostatine
Anticorps monoclonaux et fragments radiomarquésDiverses
Bisphosphonates radiomarquésMétastases osseuses

L’iode 131 est également utilisé en médecine nucléaire. Toutefois, à l’opposé de 211At, il émet des rayonnements bêta à haute énergie. Ces derniers ont un pouvoir de pénétration tissulaire plus élevé que les rayonnements alpha émis par l’isotope 211 de l’astate (2 mm contre 70 µm, soit trente fois plus). Cette caractéristique associée à la courte demi-vie de l’état 211 est un avantage quand la charge tumorale est faible. Il en est de même pour les cellules cancéreuses qui se trouvent à proximité immédiate de tissus sains.

Le développement de médicaments à base d’astate pour lutter contre le cancer a été entravé par divers obstacles. Les premiers essais préliminaires ont révélé la nécessité de développer un agent de transport sélectif pour cibler potentiellement les cellules cancéreuses. À cause de la Seconde Guerre mondiale, les recherches pour développer un agent de transport sélectif vers les cellules cancéreuses ont dû être stoppées pendant environ 10 ans. Par conséquent, ce n’est que dans les années 1970 que des anticorps monoclonaux, qui remplissent cette fonction, ont été disponibles sur le marché.

Contrairement à l’iode, l’astate a tendance à s’écarter de ces molécules de transport, en particulier des carbones hybridés sp3 (moins pour les carbones hybridés sp2). Toxique, l’astate tend à s’accumuler dans le corps lorsque son isotope circule librement. Il devient alors crucial de garantir qu’il reste lié à sa molécule hôte.

L’efficacité des molécules de transport à métabolisme lent peut être estimée tandis que celle des molécules à métabolisme plus rapide constituent un défi majeur. C’est ce qui empêche actuellement de faire une estimation juste de l’astate en tant que traitement médical. La réduction de la radiolyse des molécules de transport causée par l’astate est une issue à envisager pour développer les recherches. L’utilisation pratique de l’astate pour traiter les cancers pourrait éventuellement bénéficier à un nombre considérable de patients. Néanmoins, la production d’astate en quantités suffisantes reste un défi à relever.

Des observations sur des animaux ont montré que l’astate se concentre principalement dans la thyroïde, tout comme l’iode, mais dans une moindre mesure. Contrairement à cette dernière, l’At tend également à s’amasser dans les poumons et la rate. Cela est éventuellement causé par son oxydation in vivo de At à At+. Lorsqu’il est administré sous forme de radiocolloïde, l’astate a une disposition à se concentrer dans le foie.

Des expériences sur des rats et des singes ont conduit à l’hypothèse que l’astate 211 endommagerait la thyroïde, plus que l’iode 131. Une nécrose et une dysplasie cellulaire dans la glande thyroïde surviennent à la suite d’injections massives de l’isotope.

Chez des rongeurs femelles, des études préliminaires indiquent également que l’injection d’astate 211 entraîne des modifications morphologiques dans les tissus mammaires. Cependant, les avis à ce propos ont été contradictoires pendant de nombreuses années avant d’aboutir à un compromis. L’effet serait plutôt causé par l’irradiation des tissus de la poitrine, associée aux modifications des hormones causées par l’irradiation des ovaires.

De très petites quantités d’astate peuvent être manipulées en toute sécurité sous une hotte aspirante. Toutefois, il faut veiller à ce qu’il ne pénètre pas dans l’organisme.

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