L’antimoine corps simple entre en réaction au rouge avec le gaz oxygène. De l’oxyde amphotère Sb2O3 se forme ainsi, mais celui-ci est volatile. On parle ici d’une poudre insoluble dans l’eau, cristalline et blanche. Lorsqu’elle est chauffée, elle vire au jaune et quand elle refroidit, elle reprend sa couleur d’origine. La sénarmontite octaédrique de maille cubique se transforme en une fleur d’antimoine. Elle prend la forme de rhomboèdres proches de la valentinite.
Dans le gaz chlore, l’antimoine s’enflamme de manière spontanée. Le chlorure ainsi formé est un pentachlorure SbCl5. Afin d’obtenir du trichlorure SbCl3, le corps doit être réchauffé lentement à 200 °C. Contrôlés à cette température, les corps simples peuvent produire du trichlorure d’antimoine. Avec un excès d’acide chlorhydrique et de l’eau régale ou eau royale, celui-ci s’obtient assez facilement. On l’appelle également « beurre d’antimoine » du fait de sa masse molle, incolore et hygroscopique. Lorsque le trichlorure d’antimoine entre en contact avec de l’eau, on remarque une dangereuse réaction exothermique. Du chlorure d’hydrogène (HCl) ou acide chlorhydrique gazeux apparaît.
D’autres composés tels que le trifluorure et le pentafluorure d’antimoine s’obtiennent aussi facilement. Combiné avec d’autres corps simples halogènes comme le brome ou l’iode, l’antimoine réagit à chaud. Associé au fluor, il produit du trifluorure d’antimoine SbF3, un corps volatile et incolore.
En chimie analytique, l’hydrure d’antimoine SbH3 est le gaz d’hydrogène stibié ou hydrogène antimonié aussi nommé stibine. Particulièrement instable, ce gaz d’une toxicité majeure, correspond à un produit de réduction dans un milieu acide. À titre d’exemple, on peut l’obtenir en versant de l’antimoine dans une solution caractérisée par son acidité et qui comporte des morceaux de zinc. Le résultat est une ébullition d’hydrogène réactif.
Comparativement, la quantité de ce gaz qu’on obtient est moins importante que celle de l’arsine. En revanche, la proportion est plus notable que celle de la bismuthine qui est plus instable. En solution alcaline, le gaz n’existe pas. On remarque plutôt une décomposition en hydrogène et en Sb. Attention ! À la moindre excitation à l’état gazeux, une décomposition exothermique est probable.
Les corps composés antimoniés
Dans plusieurs composés minéraux, on retrouve de l’antimoine qui est généralement combiné avec du plomb. Ce dernier peut prendre la forme de sulfures, d’oxydes, de sulfoxydes et d’oxychlorures, entre autres.
Pour ce qui est de l’acide antimonique HSb(OH)6, celui-ci reste inconnu dans la pratique. On ne compte que l’ion antimoniate que l’on trouve dans du pyroantimonate de sodium, de formule NaSb(OH)6 ou par convention Na2Sb2O5(OH)2. À noter que la formule 5 H2O correspond au pyroantimonate de potassium.
Le trisulfure d’antimoine Sb2S3, quant à lui, se présente sous forme de cristaux allongés avec un éclat métallique net et une teinte gris noire. On parle ici de la stibine de maille orthorhombique connue par les minéralogistes. Par ailleurs, sa forme allotropique amorphe rouge orangée dispose d’un niveau mineur en apport en énergie. Celle-ci est aussi instable.
On retrouve aussi l’antimoine dans divers composés organométalliques comme les gluconates et les tartrates.
L’analyse qualitative et le dosage quantitatif de l’antimoine
À la différence du miroir d’arsenic, le miroir d’antimoine que l’on obtient par la décomposition de l’hydrogène stibié sur du verre ne se dissout pas par une solution d’hypochlorite. Pour produire un sulfure orangé insoluble, il faut faire réagir l’antimoine avec un hydrogénosulfure dans un milieu acide. Cela est également possible avec une association avec de l’ion hydrogénosulfure. Le précipité coloré ainsi obtenu permettait auparavant de confirmer s’il y a de l’antimoine ou non.
En outre, le fait de séparer As et Sb sous forme de sulfures est possible. Cela se fait en procédant à la dissolution sélective du Sb2S3 basique dans de l’acide chlorhydrique et As2S3 plus acide dans du carbonate d’ammonium.
Diverses méthodes analytiques permettent d’estimer la quantité d’antimoine dans des milieux différents. Une digestion à l’acide est souvent nécessaire pour séparer l’antimoine de la matrice de son milieu. En raison de l’importante toxicité de l’antimoine, deux systèmes de détection, soit la SAA-four de graphite et/ou l’ICP-MS, sont proposés par l’INRS. On les utilise pour les composés dans l’urine et dans le sang. Enfin, dans l’ultraviolet proche, les raies d’absorption sont intenses.
Toxicologie de l’antimoine
L’antimoine ainsi que la majorité de ses composants se caractérisent par une toxicité intense ou moyenne. Ils sont souvent irritants pour les muqueuses de la peau et/ou vomitifs après ingestion.
Pour ce qui est de l’hydrure d’antimoine ou du gaz antimoniure d’hydrogène, la toxicité est comparable à celle de l’arsine. La tolérance dans l’atmosphère de travail, est de 0,5 mg/m3 d’air. On retrouve souvent l’hydrure d’antimoine dans de l’eau en bouteille, dû, notamment au PET et dans l’eau potable. Les concentrations sont néanmoins inférieures aux valeurs réglementaires. Au Canada, la norme de concentration maximale acceptée dans l’eau potable est de 6 µg/L.
Si l’on se base sur le site de l’INRS, en France, il existe deux fiches toxicologiques sur :
- le trioxyde d’antimoine : diantimoine trioxyde, antimoine trioxyde, oxyde antimonieux, oxyde d’antimoine(III), anhydride antimonieux, sesquioxyde d’antimoine ; numéro CAS : 1309-64-4 ;
- l’hydrure d’antimoine : hydrogène antimonié, antimoine trihydrure, hydrure d’antimoine, stibine ; numéro CAS : 7803-52-3.
Sous certaines formes, l’antimoine semble aussi toxique pour le spermatozoïde, soit reprotoxique génotoxique (clastogène). En termes de risques, le fœtus, l’embryon ainsi que la femme enceinte paraissent plus vulnérables. D’ailleurs, lors d’un suivi d’une cohorte de 4 145 femmes enceintes ayant accouché en France métropolitaine en 2011, un résultat a été révélé. Le dosage dans l’urine de 990 sujets a notamment mis en exergue une présence d’antimoine supérieure au seuil de détection de 70 % des échantillons. On parle d’une moyenne géométrique de 0,04 μg/L. La proportion de créatinine est de 0,06 μg/L, ce qui correspond à un niveau quasiment identique de ce qui a été découvert chez la femme enceinte ou non, en France, comme à l’étranger lors de précédentes études.
Cette étude démontrait ainsi que les femmes enceintes imprégnées par ce métalloïde augmentent en nombre. La raison n’est autre que la consommation de tabac et d’eau en bouteille. Dans les zones urbaines et industrielles, l’air ambiant représente également une source de contamination de l’environnement. Les doses sont, de manière éventuelle, un problème pour la femme enceinte et l’embryon.
Les seuils toxicologiques sont établis de façon à éviter de mettre des bâtons dans les roues de l’industrie. Il ne faut effectivement pas empêcher la production de bouteilles PET, entre autres. Cependant, selon les toxicologues Jean-François Narbonne et André Picot, dans leur déclaration de 2011, ces seuils devraient être baissés en Europe. La VTR devrait donc être mieux précisée. En effet, certaines valeurs telles que celle de l’eau devraient passer de 5 à 2 μg/L. Comme l’a déjà fait le Japon, le taux limite d’antimoine dans de l’eau de consommation devrait aussi baisser. Par rapport aux risques suite à l’exposition à ce métalloïde ainsi qu’à ses composés dans un milieu de travail, la norme devrait être réévaluée. Cette dernière est actuellement de 0,5 mg/m3.
Pour la littérature scientifique, le constat est qu’aucune réglementation pertinente n’est en place. C’est le cas, même si les concentrations de Sb atteignant 30 μg/g sont bioaccessibles dans les peintures extérieures. La même chose pour les concentrations qui atteignent 20 mg/L qui sont migrantes dans certains éléments en céramique. De plus, un manque de compréhension des effets de l’antimoine sur la santé est flagrant. On a besoin de réaliser plus d’études par rapport à sa toxicité et à sa mobilité dans les produits que l’on rencontre au quotidien.
L’antimoine : un polluant émergent
À l’origine, l’antimoine que l’on retrouve dans la croûte terrestre n’était que peu présent naturellement dans l’eau et dans l’air selon Reimann et al. en 2010. Ayrault et al., quant à eux, notent la soudaine augmentation dans l’air et dans l’eau dans les années 2000. L’antimoine est devenu un des éléments métalliques en traces ou ETM les plus riches dans les zones urbaines par rapport au fond géochimique.
Ainsi, vu l’augmentation exponentielle de ce métalloïde dans l’environnement, des techniques de dépollution efficaces doivent être développées. En 2021, on a pu travailler sur un absorbant à base d’alginate de sodium (GAD) et d’oxyde de graphène. Celui-ci se caractérise par une capacité à absorber efficacement l’antimoine dans l’eau.
Cinétique environnementale et écotoxicologie de l’antimoine
Étant un métalloïde toxique, non essentiel et non bénéfique, l’antimoine est donc un élément indésirable. Il l’est surtout dans les eaux potables, les sols cultivés ainsi que dans la chaîne alimentaire. Dans le système Sol-Rhizosphère-plante, il dispose d’un comportement inconnu. Au même titre que d’autres métaux, il est caractérisé par le niveau d’acidité de l’eau et la nature du sol, entre autres. De plus, il est bioaccumulable par les plantes, surtout par les parties comestibles de celles-ci. On parle notamment des céréales, des légumes et des légumineuses.
Des études ont par ailleurs été faites sur la spéciation solide de ce métalloïde dans des échantillons de bords de route et de bassins routiers. Il a été possible de démontrer que des formes chimiques se forment au moment du cycle biogéochimique. Ce phénomène est également constaté au moment de son trajet à partir de la chaussée jusqu’aux bassins récepteurs. Les conditions redox du milieu influencent particulièrement ceux-ci. Cela signifie qu’en fonction des conditions microbiologiques du milieu, la formation de composés encore plus toxiques et bioassimilables est possible. Cela est déjà le cas pour l’arsenic et le mercure suite à la biométhylation de certains microorganismes du sol comme les bactéries et les champignons.
En outre, les champignons peuvent éventuellement être utilisés dans le cadre d’un biomonitoring de l’environnement. Lors d’une analyse de métalloïdes et métaux sur neuf espèces de champignons comestibles différents, les taux de Sb étaient de 0 à 0,11 µg/g de champignon sec.
Par rapport aux animaux, l’antimoine se présente généralement comme toxique. Il s’agit d’un produit génotoxique, mais aussi cancérogène. Il interagit d’ailleurs avec plusieurs antioxydants enzymatiques :
- peroxydase ;
- catalase ;
- ascorbate peroxydase ;
- superoxyde dismutase ;
- glutathion peroxydase.
Il entre aussi en interaction avec des antioxydants non enzymatiques :
- glutathion ;
- phytochélatines ;
- proline ;
- acide ascorbique.
La réaction se résume à une production de radicelles réactives puis en créant un stress oxydatif. Un certain nombre des composés représentent de forts perturbateurs endocriniens. Pour ce qui est des plantes, celles-ci ont réussi à tolérer l’antimoine. Cela leur permet d’avoir un rôle crucial dans la bioaccumulation, l’écotoxicité, la contamination de la chaîne alimentaire et du réseau trophique.