Utilisations du manganèse
Les alliages
La préparation des alliages ferreux et non ferreux nécessite près de 90 % de la production de manganèse. On retrouve essentiellement ces combinaisons dans l’acier. Le manganèse est employé pour conférer certaines propriétés mécaniques. Les aciers qui contiennent ce métalloïde peuvent en contenir jusqu’à 14 %. Il est hautement résistant à la corrosion et est non magnétique. Ce type d’acier est adapté à la fabrication des barreaux et des portes de prison (lorsqu’on le lime, cet alliage se durcit). Des tôles d’acier au manganèse de différentes épaisseurs, que l’on trouvait auparavant dans les casques lourds des soldats, comme les modèles 1951 et 1978 français en renferment également. On en rencontre encore aujourd’hui dans les casques de sécurité des ouvriers du bâtiment. Ce métal est couramment utilisé dans la construction de meubles de sécurité anti-perçage.
Les soudures à l’arc à électrode enrobée à haute température nécessitent de la poudre de manganèse.
Les corps simples de manganèse sont largement manipulés dans la métallurgie industrielle. Ces aciers durs et résistants à la corrosion entrent dans la composition des aciers ferroviaires, des aiguillages, des roulements, des meubles de sécurité, etc. Pour les outillages, les fabricants se tournent plus vers les aciers à base de Cr, Mn, voire des aciers modifiés contenant du Cr, du V, du Mn et du Si.
Pour améliorer l’acier au manganèse, on y ajoute du nickel. Cet alliage est maniable à basse température. Un acier spécial au manganèse à 0,3 % de carbone est exploité pour le formage à froid. On parle aussi d’aciers de moulage, au même titre que les aciers austénitiques au manganèse. Les aciers au carbone-manganèse conviennent à la cémentation. Les aciers au chrome-manganèse ou au bore-manganèse sont des versions cémentées. L’acier au bore et celui au manganèse sont des spécimens à boulons typiques. Ceux au manganèse et au nickel sont le premier choix pour la conception de chaînes. On tire parti des propriétés des combinaisons de manganèse et de molybdène à moyen carbone pour fabriquer des tubes légers, mais solides. On peut citer le châssis de course Reynolds 531 et les tiges pour les matériels de forage.
Le manganèse est présent dans les alliages légers d’aluminium. Il est alors combiné avec le chrome et divers bronzes au manganèse. Cet élément étant peu soluble dans l’aluminium, il augmente la résistance des alliages d’aluminium. Il renforce les propriétés frottantes du produit fini contre l’acier (tribologie). L’ajout de 5 à 15 % de manganèse améliore la résistance à la corrosion. Les hélices et les gouvernails en contiennent pour être résistants à l’eau de mer.
Le dioxyde de manganèse
Le dioxyde de manganèse MnO2 est un oxydant et un désulfurant de l’acier et du fer. On s’en sert pour polir les aciers des canons de fusils ainsi que ceux des tuyaux et des pièces d’artillerie. Combiné avec d’autres oxydes par frittage, il donne des aimants en céramique. Il est parfois utile pour enlever le fer ou ses dérivés d’un liquide.
Il est le dépolariseur historique de la pile Leclanché (pile saline). L’électrode positive ou centrale de la batterie est recouverte de dioxyde de manganèse (MnO2) ou d’un composé électrochimique en couches plus complexe. Le dioxyde de manganèse fait à la fois figure de stockage et de régulation électrochimiques. Le chlorure de manganèse (II) sert d’électrolyte dans les piles et les batteries.
Il est la matière première de base dans la chimie du manganèse. Il est utilisé pour générer du permanganate par fusion alcaline oxydative. On le manipule fréquemment en chimie organique. Il figure parmi les agents oxydants dans la fabrication technique de l’uranium. Chimiquement parlant, il agit en tant que catalyseur. Ses nombreux composés intermédiaires expliquent son rôle dans la décomposition du chlorate de potassium dans l’ancienne méthode de production de l’oxygène. Il joue le rôle de siccatif d’encres d’imprimerie, de vernis et de peintures.
L’acétate de manganèse est employé dans l’industrie textile en tant qu’agent de mordançage. Le chlorure de manganèse (II) est aussi un agent siccatif pour l’huile de lin. En chimie organique, le permanganate de potassium agit comme agent d’oxydation dans plusieurs réactions.
Le dioxyde de manganèse est un pigment de couleur pour les émaux céramiques tels que le verre minéral, la poterie, la porcelaine et l’émail. Dans l’industrie du verre, l’ajout de dioxyde de manganèse à faible dose permet de blanchir cette matière. À forte dose, il lui donne une couleur allant de violette à améthyste et de brun à noir. La coloration finale du verre dépend du mode de préparation et de la composition de la verrerie. Cela s’explique par la dispersion des ions métalliques et des métaux à l’état d’amas colloïdaux. La teinte violette spécifique de l’améthyste s’explique par la présence de traces ou de particules de composés de manganèse.
L’ajout de dioxyde de manganèse donne une coloration noire ou brun foncé à la céramique ou aux pierres et dalles préfabriquées. Pour ce faire, il est combiné avec d’autres oxydes métalliques tels que l’oxyde de fer (II) et celui du chrome. De ce fait, le manganèse est particulièrement populaire dans les briqueteries. Certains types de briques et de tuiles sont teints en noir avec du dioxyde de manganèse.
Les autres composés du manganèse
La famille des sulfates de manganèse est l’une des matières premières du manganèse métal électrolytique industriel. Cet ancien déchet de l’industrie de l’aniline colore et pigmente les tissus. Il entre dans la préparation de vernis rouges pour le verre et les minéraux. Sous forme de silicate, il agit comme un pigment rouge géranium, essentiel dans la coloration des matières citées précédemment. Le carbonate de manganèse est un pigment blanc entrant dans la composition des peintures. Les substances chimiques colorantes à base de manganèse se retrouvent dans les matériaux d’art, à l’instar du violet et du bleu de manganèse. Ils sont surtout manipulés dans le domaine de la peinture artistique.
Au même titre que le permanganate de potassium, le chlorure de manganèse (II) est un désinfectant. Le carbonate de manganèse, à faible dose, aide à biocatalyser les produits pharmaceutiques.
Le décacarbonyle de dimanganèse est un additif antidétonant pour l’essence. On l’emploie couramment dans la chimie des polymères.
Le manganèse dans l’agriculture et l’élevage
Dans le monde végétal, le manganèse est un oligo-élément crucial. Il est présent dans les engrais sous forme de sels plus ou moins solubles. Ceux-ci sont exploités dans la culture des légumes et des agrumes. Pour compenser la carence en manganèse, on ajoute du sulfate de manganèse (MnSO4) ou de l’acétate de manganèse Mn(CH3COO)2 au sol, en plus des engrais. Toutefois, cet apport n’est pas nécessaire quand le mélange de pesticides (fongicides à base de manganèse) en contient. Le sulfate de manganèse a des propriétés antifongiques. On s’en sert aussi comme additif alimentaire pour bétail.
Dans le monde vivant, le manganèse a un fonctionnement semblable au fer. On le considère souvent comme le second micronutriment des cultures végétales après le fer.
Agriculture
Le manganèse est un oligo-élément typique du sol. Il est couramment présent dans les sols ayant un pH compris entre 4 et 8. Il peut prendre la forme d’oxydes insolubles générés par une action complexe de bactéries en milieu alcalin. La teneur en Mn est variable selon la nature du sol et le type de végétaux cultivés.
Les plantes n’assimilent pas facilement le manganèse. La méthode foliaire reste possible lorsque certaines conditions sont respectées. La teneur de cet oligo-élément influence la qualité du microbiote du sol. En revanche, il entre en jeu dans l’activation d’enzymes qui ont un lien avec le fer, comme dans la synthèse des chlorophylles. Les signes d’un déficit en Mn sont la diminution de la taille, du nombre et de la fertilité des pollens.
Les carences en manganèse sont fréquentes dans les terres agricoles. Les causes sont souvent multifactorielles. Des chaulages massifs peuvent les aggraver. On a rencontré ce cas au niveau de sols bretons riches en éléments organiques et acides dans les années 80. On retrouve fréquemment le Mn dans les composés organiques sous forme de complexes. Ils deviennent alors insolubles quand le pH augmente. Ce phénomène s’accentue en présence de lait de chaux disséminé. Une fois que le Mn assimilable est piégé, il ne peut plus couvrir les besoins des plantes, surtout dans le cadre de cultures intensives. Les régions dans lesquelles cette carence est fréquente ont adopté un chaulage à effet modéré.
Les besoins en manganèse des plantes varient entre 400 à 500 g par hectare. Dans un système d’agriculture intensive, il peut s’avérer indispensable de pulvériser une solution aqueuse avec une teneur en sulfate de manganèse variant entre 0,5 et 1,5 %. Une autre possibilité consiste à répartir de manière modérée et anticipée des scories Thomas (2 ou 4 % en masse de Mn). L’action alcalinisante de ces scories rend le manganèse lentement ou peu mobilisable. Depuis l’époque d’entre-deux-guerres, on préconise l’usage de carbonates, de chlorures et d’oxydes de manganèse. L’objectif est de favoriser le processus d’assimilation des engrais par les plantes.
Cependant, si des seuils spécifiques sont dépassés, le Mn devient toxique pour les végétaux. Cette toxicité est fonction des variétés et des espèces, sans oublier le pH du sol. Dans la plupart des cas, les limites concernées sont rapidement atteintes dans les sols manganésifères naturels ou au niveau des friches industrielles.
Élevage
Le manganèse est un cofacteur enzymatique ou un activateur de type carboxylase, peptidase ou phosphatase. On le retrouve dans les tissus des animaux vivants. Il joue un rôle vital dans la formation des os ainsi que dans le développement et le fonctionnement du système reproducteur. Il est particulièrement important dans l’hypophyse antérieure, où il stimule la production d’hormones sexuelles.
Chez les bovins, la carence en manganèse implique un retard de croissance et de maturation sexuelle chez les veaux et les génisses. Une altération dans la reproduction des adultes est également possible. Un léger manque se traduit généralement par une démarche raide chez les vaches adultes, en particulier au niveau du jarret droit. Par ailleurs, on remarque une diminution importante de la production laitière. Les jeunes bovins ont besoin de 60 mg/kg de matière sèche par jour. Les spécimens adultes ont besoin de la moitié de cette quantité.
Chez les volailles, il existe une maladie d’ossification spécifique si l’alimentation est trop pauvre en manganèse. D’autre part, le maintien du phosphore et du calcium dans l’alimentation explique l’apparition de certains symptômes qui entraînent une ossification ou une déformation des pattes. Les poussins ont besoin de 55 mg/kg de matière sèche par jour, contre 35 mg pour les poules.
L’alimentation des porcs doit fournir 40 mg/kg de matière sèche au quotidien. Une carence en Mn cause un retard de croissance typique des os longs ainsi que des difformités caractéristiques des pattes avant. On constate aussi une perturbation de la reproduction des truies. Elles sont souvent sujettes à des œstrus irréguliers et des avortements spontanés.
Toxicologie du manganèse
À de petites doses, le manganèse figure parmi les bioéléments courants du règne végétal et animal. Dosé à 1 mg par jour (jusqu’à 5 mg par jour pour l’homme adulte), cet oligo-élément est indispensable pour les enzymes de l’organisme. Ses dérivés sont toxiques à fortes doses. Le manganèse est une neurotoxine mortelle à partir de 10 mg/j. En milieu industriel, la poussière de manganèse doit faire l’objet d’une surveillance particulière, avec une limite de teneur en élément Mn inférieure à 5 mg/m3. Une absorption trop importante peut entraîner de graves troubles au niveau du métabolisme et du système nerveux. Connu sous le nom de folie du manganèse, ce ralentissement psychomoteur se manifeste par une série de convulsions et d’apathie similaires à la maladie de Parkinson. Il s’accompagne d’une psychose hallucinatoire et, éventuellement, d’une paralysie. On nomme l’ensemble des maladies causées par cet élément : le manganisme.
Oligo-élément
Le manganèse est un oligo-élément indispensable pour le maintien des fonctions vitales des humains. Selon le modèle animal, une carence en manganèse peut entraîner des troubles de la reproduction chez les deux sexes. On assiste à des déformations du squelette, une dépigmentation, une ataxie ainsi qu’à des lésions au système nerveux central. Ces phénomènes se produisent à la suite d’un apport insuffisant évalué à moins de 2 à 3 mg/j chez l’adulte.
Le manganèse est nécessaire à l’activité biologique de nombreux enzymes qui jouent un rôle important dans divers processus métaboliques :
- glycosyltransférase ;
- pyruvate carboxylase ;
- GTP oxaloacétate carboxylase ;
- isocitrate déshydrogénase ;
- malate déshydrogénase ;
- arginine synthase ;
- aminoamide synthétase.
Il est notamment présent dans le métabolisme des glucides et la synthèse des mucopolysaccharides. Il est indispensable dans la synthèse d’enzymes (Mn-SOD) impliqués dans la lutte contre le stress oxydatif. Il apporte une réelle protection contre les dommages causés par les radicaux libres. Il participe à la production de vitamine E et contribue à l’efficacité de la vitamine B1 (thiamine). Cet activateur d’oxygène moléculaire joue un rôle majeur dans la fonction des métalloprotéines telles que le superoxyde dismutase.
Plusieurs systèmes enzymatiques ayant recours au magnésium sont fonctionnels avec du manganèse. En revanche, leurs propriétés enzymatiques (Km, Vmax) sont différentes. En fonction de la nature de l’enzyme, ce métalloïde peut parfois remplacer le zinc.
Toxicité du manganèse
Chez les adultes en bonne santé, 3 à 5 % du manganèse ingéré est absorbé lorsque le bol traverse l’intestin. Il pénètre ensuite dans la circulation sanguine. Les substances non utilisées par le métabolisme normal sont alors rapidement éliminées par le foie. Ce dernier les excrète dans la bile, qui les renvoie dans l’intestin, d’où elles sont excrétées dans les fèces. La partie restante, soluble dans l’eau, est évacuée avec l’urine.
Cependant, selon les modèles animaux et les données de la médecine du travail, le manganèse devient neurotoxique dès qu’il est ingéré à plus de quelques mg/j. Il en résulte des troubles graves et irréversibles au niveau des systèmes nerveux et neuromoteur. Des cas isolés ou des séries d’empoisonnements sont régulièrement signalés depuis 1837. Une étude canadienne a démontré qu’en étant présent dans l’eau potable, cet élément peut nuire au développement cognitif et intellectuel des enfants. La maladie neurodégénérative qu’il induit est irrémédiable et évoque une maladie de Parkinson idiopathique. Selon les recherches effectuées par Takser et al. en 2003, il y a un risque d’accumulation de Mn dans l’organisme du fœtus pendant la grossesse. Toutefois, on observe un manque flagrant d’informations sur les effets d’une faible exposition au manganèse chez l’homme. Ce que l’on sait, en tout cas, c’est qu’une exposition in utero aurait des conséquences sur le développement psychomoteur chez les nouveau-nés.
Une limite de sécurité a été définie en France par l’Anses, anciennement Afssa. Elle est de 4,2 à 10 mg/j. L’inhalation d’aérosols de dioxyde de manganèse est nocive pour les voies pulmonaires, surtout chez les professionnels de la soudure.
Il existe des tests comportementaux neurologiques, neuropsychologiques et neurophysiologiques qui permettent de détecter les premières prémices de la neurotoxicité du manganèse. L’exposition professionnelle ou environnementale au manganèse est un facteur qui doit alerter les personnes concernées, avant même l’apparition des manifestations cliniques d’intoxication aiguë ou chronique. Ces tests recherchent les signes suivants :
- une fonction motrice ralentie ;
- des tremblements accrus ;
- des réponses neuromusculaires ralenties ;
- des déficits possibles de l’odorat et de la mémoire ;
- des déficits intellectuels ;
- des changements d’humeur.
Les chercheurs Mergler et Baldwin n’ont pas trouvé de relations claires entre l’exposition au manganèse (évaluée par estimation) et une éventuelle incorporation (déterminée en fonction du résultat des tests neurologiques). D’autres scientifiques ont avancé la possibilité d’une relation dose-effet. La teneur en Mn est alors mesurée à travers sa concentration dans le sang, les urines ou les cheveux. Les résultats de ces analyses peuvent ainsi traduire une imprégnation plus ancienne, au même titre que le plomb dans un cadre de saturnisme. Elle se remarque fréquemment chez les enfants qui vivent à proximité des zones à risques de contamination par le manganèse (zones industrielles ou minières).
Autrefois, on mélangeait le manganèse tricarbonyle ou méthylcyclopentadiényl au plomb dans le carburant. Il est toujours utilisé comme agent antidétonant dans l’essence à ce jour, mais à très faibles doses en raison de sa toxicité. On s’en sert également en tant que fongicide. Ces deux types d’utilisation du manganèse sont des sources d’expositions à ne pas négliger selon Mergler et Baldwin. Ce composé devient rare aux États-Unis, mais son usage augmente dans les pays pauvres.
De nos jours, on commence à mieux comprendre les mécanismes biochimiques de la toxicité du manganèse. On sait, par exemple, qu’il existe une susceptibilité individuelle en partie d’origine génétique. De même, le processus toxique qui implique l’auto-oxydation de la dopamine et la production de radicaux libres sont à prendre en compte. Ces intoxications induisent des dommages neuronaux. Certaines recherches ont avancé la possibilité que le manganèse figure parmi les perturbateurs endocriniens. En effet, des analyses ont été faites en médecine du travail. Elles ont mis en évidence qu’une exposition, même en faible quantité, aux oxydes de manganèse a entraîné une modification de la teneur en prolactine sérique. Cette dernière se retrouve aussi à des taux particulièrement élevés chez des travailleurs exposés. Cette augmentation anormale de valeur est d’ailleurs persistante chez ces personnes.
D’autres marqueurs biochimiques ont été évalués. En même temps, un modèle dose-réponse a été développé sur la base du manganèse urinaire, un marqueur d’exposition. La dose de référence est donc de 0,4 μg de manganèse par litre d’urine. Cela signifie qu’une exposition environnementale au manganèse peut entraîner une augmentation anormale des taux de prolactine sérique dans la population générale.
On observe actuellement une évolution rapide de la maladie de Parkinson (500 000 à 1,5 million de cas par an aux États-Unis). Les médecins doivent alors mieux prendre en compte l’exposition au manganèse pendant le diagnostic différentiel. Les médecins du travail peuvent donc contribuer à limiter l’exposition à ce métalloïde et ainsi limiter ses effets néfastes sur la santé au travail.
Radiotoxicité du manganèse
Le manganèse a 29 isotopes radioactifs. Ils vont de 44Mn à 67Mn. Ils sont pratiquement rares dans la nature (pas de bruit de fond détectable). Cependant, ils sont bioconcentrés et bioaccumulés par les bryophytes aquatiques comme Cinclidotus, Fontinalis et Platyhypnidium. Dans ce cas, le facteur de concentration est de 15 000 à 25 000 (Karine Beaugelin-Seiller, 1994). Cette valeur est plus élevée dans les zones de rejets de liquides radioactifs des installations nucléaires.
Les radio-isotopes les plus utilisés en laboratoire ou dans les industries industrielles sont :
- le 54Mn : on l’emploie en tant que radiotraceur β+ et gamma dans l’industrie métallurgique et minière. La période radioactive de cet isotope est de 312,5 j, avec une activité massive de 2,87 × 1014 Bq/g. Son dosage est réalisable par spectrométrie gamma à 835 keV.
- Le 56Mn est un émetteur β− et gamma. Son émission principale par désintégration est de 2 848 keV en rayonnement bêta et 847 keV en rayonnement gamma. Cet isotope a une courte période radioactive de 2,5 heures. Il est exploité en tant que radiotraceur biologique.
Ces deux radio-isotopes sont générés par les centrales nucléaires. Ils résultent du processus d’activation de l’isotope stable du fer (56Fe) des structures des réacteurs nucléaires. Ils sont entraînés dans l’environnement après corrosion des métaux. Ils sont présents sous forme de particules dans le flux neutronique du réacteur. Au début des années 2000, on a évalué la quantité de manganèse radioactif rejeté sous forme liquide par la centrale nucléaire d’EDF. Le radio-manganèse constituait 1 à 2 % de l’activité gamma du parc électronucléaire, hors tritium, soit l’équivalent de 1 GBq/an (Florence et Hartman, 2002).
Dans les usines de retraitement, le manganèse est issu d’assemblages combustibles sur lesquels se déposent des produits d’activation sous forme d’oxydes. Il est ensuite remis en solution au cours des opérations de dissolution du combustible. Le 54Mn est rejeté sous forme liquide. En 1999, l’activité rejetée de l’usine de La Hague était de 12 GBq et celle de l’usine de Sellafield en 2002 était de 20 GBq. Selon l’IRSN, les paramètres radioécologiques spécifiques qui conditionnent son transfert sur la chaîne sol→plante→alimentation sont bien connus. En effet, des études ont été réalisées chez la truite, mais pas chez les bivalves filtreurs. Ces derniers sont néanmoins considérés comme des indicateurs biologiques intéressants de la contamination d’un milieu. Les recherches sur le transfert foliaire du radio-manganèse, en revanche, ne sont pas nombreuses. Ces paramètres diffèrent selon les espèces et certains cofacteurs. Les effets radiotoxiques de ceux-ci sont encore mal connus, mais l’IRSN a publié en 2001 un tableau sur le 54Mn (un émetteur bêta). Chez l’animal et l’homme, on peut supposer qu’ils influencent le métabolisme, puisque le manganèse est un élément essentiel à faible dose. Il joue un rôle non négligeable dans la minéralisation osseuse, le métabolisme énergétique, la synthèse et l’activation des enzymes (métalloenzymes). Il est indispensable dans la protection des cellules contre les radicaux libres. Cela implique une teneur élevée en manganèse dans le foie, la mélanine, le pancréas, les reins ainsi que les organes riches en mitochondries. L’ingestion de manganèse paraît s’effectuer par diffusion dans le sang avec une liaison avec les protéines plasmatiques telles que l’albumine et les transferrines. L’assimilation du manganèse se fait par diffusion dans le sang. Il se lie alors aux protéines plasmatiques telles que l’albumine et les transferrines.