L’iridium, élément atomique n°77 de symbole Ir : son histoire, ses isotopes, sa chimie, usage, ses risques et toxicologies.
Découvert en 1803 avec l’osmium, l’iridium correspond à l’élément chimique métallique de symbole Ir et de numéro atomique 77. Il est classé dans la famille des métaux de transition en raison de son corps simple qui est un platinoïde.
La découverte de l’iridium fut réalisée à Londres par Smithson Tennant à Londres. Il a dissous du platine et d’autres minerais de platine dans de l’eau régale. Les résidus de la dissolution contenaient de l’osmiure d’iridium.
Étymologie
Le métal iridium tient son nom du latin « iris » qui signifie « arc-en-ciel ». Il doit cette appellation à ses différents composés très colorés. En réalité, il s’agit d’un terme gréco-latin ou anglais savant qui fait son apparition en français en 1805. Plus précisément, il apparaît pour la première fois à l’intérieur des rapports descriptifs des « Annales de Chimie ».
L’adjectif « iridié » est utilisé pour qualifier une matière quelconque. Généralement, celle-ci est un alliage métallique dont la composition renferme une quantité non négligeable d’iridium. Le platine iridié et l’awaruite iridiée en sont quelques exemples.
Les étalons du kilogramme et du mètre utilisés jadis ont été fabriqués avec un alliage métallique constitué de 90 % de platine et de 10 % d’iridium. Ils sont conservés au Bureau international des poids et mesures qui se trouve à Sèvres, à proximité de Paris.
Généralités et histoire de l’iridium
À l’époque, Smithson Tennant a utilisé l’oxydation au creuset de grand feu pour obtenir le platinoïde osmium. Ce procédé donne une matière poudreuse qui réagit à l’eau régale portée à ébullition. Puis, par évaporation jusqu’à sec, l’ajout d’ammoniaque libère de l’acide osmique ou du tétroxyde d’osmium. Une fois l’essentiel de l’osmium retiré, le résidu épuré renferme des composés d’iridium et, éventuellement, du ruthénium et du rhodium.
Lorsque ce dernier résidu est repris avec de l’eau chaude, une « liqueur jaune » se forme. L’addition de chlorure d’ammonium naturel en excès permet d’obtenir un précipité de « métal platinoïde ». Il se présente sous forme de doubles chlorures, tandis que le rhodium demeure en solution. Puis, un balayage de gaz dihydrogène permet de réduire ce précipité pour donner une éponge de métalloïde qui est fondue avec du plomb.
Grâce au plomb fondu, les traces de rhodium et de platine sont alors solubilisées. Quant à l’iridium et au ruthénium, ils forment des cristaux métalliques visibles à l’œil nu. Leur structure cristalline permet en général de les différencier, même si des alliages restent possibles. Le chauffage au creuset d’argent d’une préparation de cristaux et d’alcalis fondus donne du ruthéniate de potassium de couleur jaune et de l’oxyde d’iridium.
Pour information, le mélange d’alcalis fondus utilisé est à base de nitrate de potassium ou KNO3 et de potasse ou KOH. La purification de l’iridium se déroule en deux étapes. La première consiste à laver à l’eau les résultats de la préparation, ce qui conduit à la dissolution du ruthéniate de potassium. La seconde étape est de réduire l’oxyde d’iridium restant en recourant au procédé de balayage de gaz dihydrogène.
Isotopes
À ce jour, 37 radioisotopes d’iridium sont connus. Leur nombre de masse est compris entre 164 et 202. À l’état naturel, cet élément chimique se compose de deux isotopes : 37,3 % de 191Ir et 62,7 % de 193Ir.
192Ir est l’isotope d’iridium le plus stable. Se désintégrant principalement en 192Pt, il a une demi-vie de 73,827 jours. Son énergie moyenne est de 380 KeV. Le métal possède aussi trois autres isotopes (188Ir, 189Ir et 190Ir) avec une demi-vie supérieure à un jour.
Hormis l’isotope 189Ir, les isotopes d’iridium ayant un nombre de masse inférieur à 191 se désintègrent suivant une combinaison β+, α et p (dans de rares cas). La désintégration de l’iridium 189 se fait par capture électronique.
Quant aux isotopes avec un nombre de masse supérieur à 191, ils se désintègrent par β–. Pour rappel, ce sont tous des isotopes synthétiques. La seule exception est l’iridium 192 avec une désintégration mineure par capture électronique. Ce dernier est utilisé en curiethérapie.
Occurrence naturelle
L’iridium est un élément chimique dit « natif ». Quand il se trouve dans la nature, il est donc à l’état de corps simple et non associé à d’autres éléments. Cependant, il est parfois un composant important du platine natif ou de l’osmium natif. Cela signifie aussi que l’iridium peut former des alliages naturels avec d’autres platinoïdes et éléments métalliques issus de la même famille. Les plus répandus sont ceux qu’il forme avec l’osmium comme l’osmiridium et l’iridosmine. D’ailleurs, la matière première de ces deux éléments est principalement constituée de mélange isomorphe avec divers autres platinoïdes.
Une faible concentration dans la croûte terrestre
L’iridium est un métal de nature sidérophile et très rare. Avec une concentration de seulement 0,001 g/t ou 0,001 ppm à la surface de la Terre, il est même quasi absent de l’écorce terrestre. Si son clarke est presque nul, les gisements secondaires d’or natif et de platine natif en renferment néanmoins une quantité non négligeable.
De même, l’iridium est présent dans les météorites métalliques comme les météorites de fer. D’ailleurs, sa présence entre les couches géologiques du Crétacé et du Tertiaire est un argument souvent utilisé pour appuyer la théorie de l’impact météoritique. Cet événement qui remonte à plus de 65 millions d’années est responsable de l’extinction massive des dinosaures non aviens et d’autres espèces animales.
Une provenance encore discutée
De nombreux scientifiques adhèrent à la théorie de l’extinction d’origine extraterrestre. En entrant en collision avec la Terre, un astéroïde géant ou une comète aurait libéré d’importantes quantités d’iridium dans l’atmosphère. Par ailleurs, la frontière temporelle entre la période du Crétacé et celle du Paléogène, marquée par la limite K-T, est caractérisée par une fine couche de sédiments riche en iridium.
D’autres scientifiques réfutent pourtant cette thèse. Dewey M. McLean, chercheur au Virginia Polytechnic Institute, soutient notamment que l’iridium présent dans des sédiments à travers le monde est d’origine volcanique. Pour preuve, le noyau de la Terre en est riche. Il s’appuie aussi sur un fait significatif. Lorsque le piton de la Fournaise sur l’île de La Réunion entre en éruption, il en relâche encore à ce jour.
Corps simple, chimie de l’iridium et combinaisons
L’iridium est qualifié de platinoïde en raison de son aspect blanc argenté qui ressemble à celui de la platine. À la différence, il comporte une légère touche grisâtre ou jaunâtre. Très dur, il est aussi le métal le plus résistant à la corrosion. Seul l’argent possède une réflectance lumineuse plus élevée que cet élément chimique.
Caractéristiques physiques et chimiques du corps simple
Comme le rhodium blanc et le platine blanc, l’iridium est très brillant, mais non malléable. Avec une densité de 22,56, il s’agit du deuxième corps simple le plus dense derrière l’osmium. Le métal doit sa densité très élevée à sa structure cristalline compacte et de type cubique à faces centrées.
L’iridium étant extrêmement dur et inélastique, son usinage et sa mise en forme sont compliqués à réaliser. Même si certains échantillons natifs sont légèrement mous, ils restent difficiles à travailler. Son point de fusion dépasse les 2 400 °C, plus élevé que celui du platine. Comme il ne bout qu’à une température supérieure à 4 400 °C, sa plage liquide couvre près de 2 000 °C.
Par ailleurs, cet élément est chimiquement peu réactif. L’iridium est un métal connu pour sa forte résistance à la corrosion. À température ambiante, l’ozone ne l’attaque pas. Il se comporte comme un métal réfractaire. Il confère aux alliages une dureté exceptionnelle. Par exemple, son alliage avec le platine est remarquablement dur et peu sensible à la déformation thermique.
Quel que soit son état, compact ou divisé, l’iridium n’est pas attaqué par les acides forts comme les bases fortes. De même, il n’est pas soluble dans l’eau. En revanche, sous forme fissurée ou de poudre finement broyée, il peut être attaqué par l’eau régale à chaud.
Enfin, ce métal est solubilisé par les sels en fusion comme le cyanure de sodium (NaCN) et le chlorure de sodium (NaCl). Il est aussi sensible au mélange de potasse fondue comme le KOH et le K2CO3. Mélangé à du chlorure de sodium, puis placé sous un courant de dichlore et chauffé au rouge vif, il donne du chlorure d’iridium(II) suivant la réaction :
(Ir, NaCl) mélange porté au rouge vif + Cl2 gaz → IrCl2poudre colorée soluble dans l’eau (rouge foncé) + NaCl gaz
Applications de l’iridium et de ses alliages
La principale utilisation de l’iridium est comme agent durcissant en métallurgie. Il entre dans la fabrication d’alliages à haute résistance capables de supporter des températures très élevées. Par exemple, il est couramment utilisé dans les dispositifs soumis à de très hautes températures, les contacts électriques et les alliages de platine très stables. Pour information, le platine iridié constituait la matière du mètre étalon et du kilogramme étalon.
Les alliages de métaux qui contiennent de l’iridium trouvent d’autres applications dans divers secteurs d’activité :
fabrication de contacteurs techniques (bougies de moteurs à allumage commandé, électrodes de bougies de moteurs d’avion, etc.) ;
production de pièces et d’ustensiles scientifiques (creusets, aiguilles hypodermiques, spatules d’analyse chimique, etc.).
Ce métal est aussi utilisé comme alliage complémentaire avec l’osmium. Le mélange est présent dans des appareils et objets variés comme les systèmes d’injection des réacteurs chimiques, les pivots d’instruments de précision ou encore les pointes de stylo-plume.
Chimie de l’iridium et principales combinaisons
L’iridium réagit avec l’oxygène quand il est chauffé au rouge. Sous un flux d’oxygène, à 600 °C, la réaction permet d’obtenir du dioxyde d’iridium. Ce dernier se dissocie lorsque la température est supérieure à 1 140 °C :
Ir solide cristal, en poudre, chauffée au rouge + O2gaz → IrO2poudre ou masse solide noire
IrO2poudre chauffée vers 1 200 °C → Ir solide cristal + O2gaz
Il convient aussi de faire la distinction entre le dioxyde d’iridium anhydre ou IrO2 noir et le dioxyde d’iridium dihydraté ou IrO2. Quand ce dernier (H2O bleu indigo) est chauffé, il redonne de la poudre anhydre noire.
Le métal entre aussi en réaction avec les halogènes à chaud. Contrairement à d’autres platinoïdes, il est moins résistant à l’attaque du fluor, même à des températures inférieures à 300 °C :
Ir solide cristal + 2 F2gaz → IrF4
En revanche, des températures élevées sont nécessaires pour l’attaque du dichlore. La réaction permet d’obtenir du trichlorure d’iridium, du tétrachlorure d’iridium ou encore du monochlorure et du dichlorure d’iridium.
Ir solide cristal, en poudre, chauffée au rouge + 2 Cl2gaz → IrCl4
Les principaux degrés d’oxydation qui caractérisent la chimie de l’iridium sont -II, -I, III et IV. Il est possible de trouver des chlorures d’iridium (II, III et IV), des bromures d’iridium (II, III et IV) ainsi que des fluorures d’iridium (III, IV, V et VI). Il existe aussi du séléniure d’iridium (III), du sulfure d’iridium (II et IV) et du tellurure d’iridium (III). Enfin, avec l’acétylacétone, plusieurs complexes organométalliques existent comme Ir(VI) ou Ir(III).
Analyse
Les méthodes physiques sont généralement privilégiées pour la détection de l’iridium. En effet, les procédés chimiques sont plutôt onéreux. Ils requièrent d’importantes quantités de produits rares. Le spectre d’émission UV, plus précisément avec les raies à 322,08 nm et 351,36 nm, et la fluorescence X sont les méthodes les plus répandues. Grâce à un logiciel performant, la fluorescence X est capable de distinguer un mélange de platinoïdes complexes à près de 10 ppm.
Risques et toxicologie
Le corps simple métal d’iridium est connu pour sa non-réactivité chimique. De ce fait, il n’est pas toxique. En revanche, ses composés sont à manipuler avec une extrême précaution en raison de leur toxicité élevée.