Le francium, élément atomique n°87 de symbole Fr : ses caractéristiques, son histoire, ses isotopes, ses propriétés, ses applications et son abondance.
Connu sous les noms d’actinium K et d’éka-césium, le francium est l’élément chimique de symbole Fr et de numéro atomique 87. Il appartient à la famille des métaux alcalins. Sa découverte par Marguerite Perey date de 1939, quand elle a procédé à la purification du lanthane renfermant de l’actinium. Elle a choisi le nom « francium » en hommage à la France. Tous les isotopes du Fr sont radioactifs et ont une demi-vie très courte. Cet élément se présente comme un radioélément, ne connaissant que quelques applications.
Caractéristiques du francium
Le francium se situe dans la 7e période et appartient au bloc s du tableau périodique des éléments. Sa configuration électronique est [Rn]7s1 et il possède 2 électrons dans le premier niveau d’énergie, suivi de 8, 18, 32, 18, 8, et un électron dans les niveaux d’énergie suivants. Contrairement à certains éléments, notamment le technétium, cet élément est le dernier à avoir été découvert dans la nature, avant d’être synthétisé. Parmi les 92 constituants de la classification périodique, elle fait partie des éléments rares. En effet, seulement une trentaine de grammes existent dans la croûte terrestre. Cette rareté provient de son existence transitoire en tant que produit de désintégration de l’actinium.
Histoire du francium
Depuis les années 1870, la communauté des chimistes prévoyait l’existence d’un métal alcalin de numéro atomique 87, qui devait logiquement se trouver sous le césium, dans la classification périodique. À cette époque, on l’a provisoirement désigné sous le nom d’eka-césium. Les équipes de chercheurs ont tenté de déceler cet élément manquant avant de l’isoler. Au moins quatre déclarations prématurées sur sa découverte furent publiées avant qu’il ne soit réellement identifié.
Découvertes incomplètes ou erronées
En 1925, le chimiste russe D.K. Dobroserdov fut le premier à annoncer la présumée découverte de l’eka-césium, après avoir détecté des traces de radioactivité dans un échantillon de potassium. Il en conclut que l’échantillon avait été contaminé par l’eka-césium. Il publia alors une thèse exposant les possibles propriétés de cet élément, qu’il nomma russium,en référence à son pays d’origine. Cependant, il a abandonné ses recherches pour se concentrer sur sa carrière d’enseignant à l’Institut polytechnique d’Odessa.
L’année suivante, les chimistes anglais Frederick H.Loring et Gérald J.F. Druce étudièrent des clichés de rayons-X du sulfate de manganèse et, ils observèrent des raies spectrales qu’ils ont attribuées à l’eka-césium. Ces chimistes annoncèrent alors leur découverte de l’élément 87. Ils proposèrent le nom alkalinium, considérant qu’il serait le métal alcalin le plus lourd.
En 1930, le professeur Fred Allison, de l’Institut polytechnique de l’Alabama, déclara avoir découvert le francium en étudiant l’effet magnéto-optique sur des échantillons de lépidolite et de pollucite. Il avança le nom de virginium, du nom de son État natal et suggéra les symboles Vi et Vm.
En 1934, MacPherson, professeur à l’université de Californie à Berkeley, réfuta cette découverte en démontrant des erreurs dues à des problèmes d’appareillage.
En 1936, Horia Hulubei, physicien roumain, et sa collègue française Yvette Cauchois firent une étude approfondie de la pollucite, à l’aide d’un appareil de spectroscopie de rayons-X de haute résolution. Leurs observations révélèrent plusieurs rayons d’émission de faible intensité qu’ils identifièrent comme appartenant à l’élément 87. Ils publièrent leurs résultats et proposèrent de nommer cet élément moldavium, avec comme symbole Ml, en référence à la Moldavie, province natale de Hulubei.
En 1937, le physicien américain F.H.Hirsh Jr remit en question les travaux de Hulubei et rejeta ses méthodes. Selon Hirsh, l’eka-césium n’existait pas dans la nature et que les raies spectrales énoncées par Hulubei étaient en réalité celles du mercure ou du bismuth. Cependant, ce dernier contesta ces critiques. Il affirma que ses équipements et ses méthodes étaient précis et qu’une telle confusion était impossible. Malgré cela, Jean Baptiste Perrin, le mentor de Hulubei et lauréat du prix Nobel de physique, soutint que le moldavium est le véritable eka-césium et l’attesta. Il a ignoré la découverte du francium par Marguerite Perey. Jusqu’à ce que la découverte de l’élément 87 lui soit attribuée, Perey n’a cessé de contester les travaux de Hulubei.
Les travaux de Perey
Le véritable eka-cesium francium fut découvert par Marguerite Perey en 1939, à l’Institut Curie de Paris, pendant qu’elle menait des travaux de purification sur un échantillon d’actinium 227. Cet élément possède une énergie de désintégration de 220 keV. Elle observa que des particules étaient émises avec une énergie inférieure à 80 keV et suspecta l’existence d’un produit de désagrégation inconnu. Elle le considéra comme étant la cause de cette décroissance radioactive. Ce produit disparaîtrait durant la purification et réapparaîtrait lors de la désintégration de noyaux d’actinium. Ses tests ont exclu la présence de thorium, de radium, de plomb, de bismuth et de thallium. Les propriétés chimiques du nouveau produit se révélèrent similaires à celles d’un métal alcalin, notamment sa coprécipitation avec des sels de césium. Cette découverte a conduit Perey à conclure qu’il s’agissait de l’élément 87, résultat de la désintégration α de l’actinium 227. Elle entreprit alors des analyses pour déterminer la proportion de désintégration α et β du 227Ac. Ses premiers tests lui permirent d’évaluer le taux de désintégration alpha à 0,6 %, qu’elle révisa à 1 %. Perey nomma le nouvel isotope actinium-K, qui était l’actuel francium 223.
En 1946, elle proposa de nommer le nouvel élément catium, car elle savait que cet élément est le plus électropositif de la classification périodique. Cependant, Irène Joliot-Curie, sa supérieure s’y opposa, en raison de sa similarité avec le mot « cat » en anglais, signifiant chat. Alors, en hommage au pays de sa découverte, Perey proposa l’appellation francium.
En 1949, l’Union internationale des chimistes adopta officiellement le nom de francium et le symbole Fa, changé par la suite en Fr. Après la découverte du rhénium en 1925, le francium fut le dernier élément existant à être révélé. Des recherches sur cette substance furent conduites depuis ce temps, notamment celles de Sylvain Lieberman et de son équipe au CERN dans les années 1970 et 1980.
Isotopes
Le francium 223, ayant une demi-vie inférieure à 22 minutes, est le radioisotope du francium le plus stable. Tous ses isotopes se dissocient en formant de l’astate, du radon ou du radium.
Tableau représentant les isotopes les plus stables
Ce tableau fournit des informations sur les propriétés radioactives de différents isotopes du francium.
Iso
AN
Période
MD
Ed
Pd
221Fr
traces
4,54 min
α
6,457
217At
222Fr
{syn.}
14,24 min
β–
1,78
222Ra
223Fr
100 %
21,48 min
β– α
1,12 5,340
223Ra 219At
Les isotopes sont présentés dans la première colonne, avec leur symbole chimique et leur numéro de masse.
La colonne de l’abondance naturelle renferme les durées de demi-vie et les informations sur la présence de traces d’isotopes.
La période représente le temps qu’il faut à un isotope pour se désintégrer de moitié (demi-vie), en émettant des particules radioactives.
Les modes de désintégration sont présentés dans la troisième colonne. Une désintégration bêta implique l’émission d’un électron ou d’un positron, tandis qu’une désintégration alpha implique la production d’un noyau d’hélium.
Les produits de désintégration sont les isotopes que l’on obtient après la désintégration de l’isotope initial.
Exemple
L’isotope le plus stable 223Fr a une demi-vie de 22 minutes, avant de se transformer en astate par rayonnement alpha, ou en radium par désintégration bêta. Cette double radioactivité rend l’astate encore plus rare que le Fr, bien que le 210At ait une demi-vie supérieure (8,1 heures) à celle du francium 223. Toutefois, le thorium et l’uranium produisent aussi de l’At. Par conséquent, sa rareté n’a que peu de relation avec celle de l’élément 87.
Explications
La désintégration alpha moins décompose le francium en radium 223, dans sa presque totalité (99,994 %). Par le même processus, le reste 0,006 % produit du 219At. Ce dernier, de période 56 secondes, contribue faiblement à l’astate total majoritairement composé de 210At de période 8,1h.
Par désintégration alpha, le 223Ra (période de 11,43 jours) produit du 219Rn (période 3,96 s) qui, dans le même processus, fournit du polonium 215 (période 1,78×10−3 s). Par désintégration alpha, 99,99 % de cet élément se transforme en 211Pb (période 36,1 min) qui, à son tour, se désintègre en bismuth 211 (période 2,15 min). Le thallium 207 (période 4,78 min) provient de la désagrégation du 211Bi, sans passer par l’astate. Seulement 0,01 % des décompositions du 215Po produit du 215At (période 10−4 s). Par conséquent, sa contribution à l’astate total est aussi très faible. Ces éléments confirment que la contribution du 223Fr à la présence d’astate sur Terre est minime.
Propriétés du francium
Parmi les éléments plus légers que le seaborgium, de numéro atomique 106, le francium est le moins stable.
Atomiques
L’élément chimique francium, avec une masse atomique de [223 u] et de rayon de covalence 260 pm, possède un rayon de van der Waals de 348 pm. Son atome présente un état d’oxydation +1. La basicité d’un oxyde dépend de la nature de l’élément métallique et de son degré d’oxydation. Plus l’élément métallique est électronégatif, plus l’oxyde sera basique. Le Fr est à la fois réactif et électronégatif, ce qui suggère que son oxyde serait également basique s’il était synthétisé ou observé. Son énergie d’ionisation s’élève à 4,072 741 eV.
Physiques
Le francium, à l’état ordinaire, se présente sous forme solide et n’est pas magnétique. Sa masse volumique est de 1 870 kg·m-3. On pense que sa structure cristalline est cubique centrée. Il fond à une température de 27 °C et bout à 676,85 °C. Le Fr présente une conductivité électrique supérieure à 3×106 S·m-1 et une conductivité thermique de 15 W·m-1·K-1.
Chimiques
Les caractéristiques chimiques du francium ressemblent à celles du césium. En tant qu’élément lourd avec un unique électron de valence, il possède la plus grande masse atomique équivalente. Également, son électronégativité est la plus faible sur l’échelle de Pauling avec 0,7, suivi de près par le césium avec 0,79. Si on parvenait à obtenir du Fr à l’état liquide, sa tension de surface à la température de fusion serait de 0,050 92 J m−2. Une tension qui est relativement basse.
Le francium coprécipite avec de nombreux sels de césium tels que l’iodate, le picrate, le tartrate (et le tartrate de rubidium), le chloroplatinate et le silicotungstate. Avec le perchlorate de césium, il forme de petites quantités de perchlorate de francium. On peut appliquer la méthode de coprécipitation du césium de Nelson et Glendenin pour isoler le Fr. D’autres techniques de séparation peuvent être utilisées en précipitant le francium avec de l’acide perchlorique et l’acide silicotungstique. Une grande partie des sels de francium est dissoute par l’eau.
Applications
En raison de sa rareté et de son caractère instable, le francium ne trouve aucune application commerciale. Son utilisation se limite à la recherche dans le domaine de la biologie et dans celui de la physique atomique. Bien qu’il ait été envisagé comme une aide potentielle pour diagnostiquer les maladies cancéreuses, son application dans cette voie s’est avérée impossible.
Sa structure atomique simple ajoutée à la possibilité de le synthétiser, confiner et refroidir fait du francium un sujet d’étude pour des expériences de spectroscopie. Des informations sur les niveaux d’énergie et les constantes de couplage entre particules subatomiques ont été ainsi obtenues. Les ions de 210Fr confinés par laser émettent des rayonnements. Leur étude a permis d’avoir des données exactes sur les transitions entre les niveaux d’énergie atomiques. Les résultats des expériences se rapprochent de ceux prédits par la physique quantique.
Abondance
Naturelle
Le francium est généré par la désintégration alpha de 227Ac et se trouve à l’état de traces dans les minerais de thorium et d’uranium. Dans un échantillon d’uranium donné, on estime qu’il y a un atome de Fr pour 10 atomes d’uranium. De plus, selon les calculs, seuls 30 g de francium existeraient en permanence dans la croûte terrestre. Par conséquent, l’élément 86 est le deuxième élément le plus rare, après l’astate.
Synthèse
La réaction nucléaire 197Au + 18O → 210Fr + 5n décrit la production du francium, suivant la méthode de synthèse développée à l’université d’État de New York. Elle permet de générer les isotopes de masses atomiques 209, 210 et 211, puis de les isoler en utilisant un effet magnéto-optique. Plus de mille atomes de Fr ont été ainsi stockés ensemble pendant environ vingt secondes.
De plus, le francium a également été produit dans un piège magnéto-optique à Legnaro, en Italie, au laboratoire LNL de l’INFN. Parmi les autres procédés de synthèse figurent le bombardement d’atomes de radium par des neutrons, ainsi que le bombardement d’atomes de thorium par des protons, du deutérium ou de l’hélium ionisé. Cependant, à ce jour, sa production à grande échelle n’a jamais été réalisée.